Le recueil Crozat ou Recueil d'estampes d'après les plus beaux tableaux et d'après les plus beaux desseins qui sont en France dans le Cabinet du Roy, dans celui de Monseigneur le Dux d'Orleans, et dans d'autres Cabinets. Divisé suivant les différentes écoles ; avec un abbrégé de la Vie des peintres et une Description Historique de chaque Tableau est un catalogue d'œuvres d'art traduites sous la forme d'estampes accompagnées de notices, publié à Paris en deux parties, en 1729 et 1742, sous la direction de Pierre Crozat, Pierre-Jean Mariette et Anne Claude de Caylus.
Histoire de l'ouvrage
L'idée d'un recueil d'estampes composé d'après les plus beaux tableaux et dessins italiens issus de collections prestigieuses françaises, en a été lancée en 1721 par le régent Philippe II d'Orléans. Elle est en grande partie financée par son ami Pierre Crozat, mécène passionné et richissime, propriétaire d'une exceptionnelle collection de peintures italiennes. Le Régent ouvrit les portes du Cabinet du roi, de même que celles de sa propre collection ; d'autres collections privées sont également représentées[1],[2].
Crozat constitua une entreprise d'édition, sans doute en son hôtel particulier de la rue de Richelieu, avec, d'une part, Anne Claude de Caylus, antiquaire, graveur et homme de lettres, qui prit en main la direction d'une quarantaine de graveurs auxquels il confia l'interprétation des tableaux, participant lui-même à l'exécution des plus beaux dessins issus de la Renaissance italienne, et d'autre part, Pierre-Jean Mariette, marchand d'estampes installé rue Saint-Jacques, qui se chargea des biographies des peintres, et des analyses stylistiques des tableaux reproduits[3].
Mariette rappelle dans sa préface[2] les objectifs d'une telle entreprise :
« [les amateurs] auront la satisfaction de pouvoir sans sortir de leurs Cabinets comparer les differentes manieres de composer & de dessiner, ils y reconnoistront les divers estats de la Peinture & les progrès que les differentes Ecoles ont faits dans chaque temps. »
Le coût peu ordinaire du premier tome qui paraît en 1729 au format grand in-folio sur les presses de l'Imprimerie royale, et couvre la première partie des peintures de l'École romaine, est une des raisons de l'échec commercial de l'entreprise. Dans un second temps, les associés parviennent à tirer 42 estampes en 1737 (au lieu des 110 initialement prévues). La mort de Crozat en 1740 semble compromettre l'opération, quand Mariette parvient à vendre les cuivres à une société de marchands d'estampes afin de rentabiliser l'affaire. Il faut attendre 1742 pour que sortent des presses de l'Imprimerie royale, le second tome, en deux volumes, comprenant la suite de l'École romaine, ainsi que l'École vénitienne. D'autres volumes étaient prévus, qui ne virent jamais le jour : ils devaient comprendre aussi l'école bolonaise, l'école florentine, l'école lombarde, l'école génoise, l'école siennoise et l'école napolitaine[4].
Le premier tome contient une préface, puis un abrégé biographique des artistes illustré de vignettes et d'en-têtes gravés, suivis de 140 planches en deux volumes[5]. Le second tome contient un abrégé biographique et 42 planches ; soit pour l'ensemble, un total 182 planches (dont 20 à double page)[6],[7].
On note une réédition datant de 1763-1764, parue chez Basan, qui publie dans la foulée un Recueil d'après la gallerie du palais royal, comprenant 45 estampes tirées d'après la collection de peintures italiennes du duc d'Orléans[8],[9].
Le recueil Crozat est redécouvert au XXe siècle par des historiens de l'art aussi importants que Francis Haskell qui y voit un ouvrage d'un genre nouveau, un « musée de papier », et comme le véritable ancêtre des grands catalogues illustrés modernes[3].
Techniques de reproduction et graveurs
L'eau-forte est la principale technique de gravure employée ici. En ce qui concerne les dessins, Caylus fait appel à l'aquatinte et à des blocs de bois, une technique de xylographie en clair-obscur qu'il perfectionne, permettant de rehausser l'épreuve obtenue avec des aplats de couleur bleu, bistre ou sépia, donnant l'impression du lavis et de la grisaille[2].
↑(en) Benedict Leca, « An Art Book and Its Viewers: The "Recueil Crozat" and the Uses of Reproductive Engraving », in: Eighteenth-Century Studies, The Johns Hopkins University Press, vol. 38, no 4, été 2005, p. 623-649 – sur Jstor.
↑ ab et cAlexandra Blanc, « L’Hôtel Crozat : un lieu d’effervescence », in: Collections et pratiques d’un amateur au XVIIIe siècle : Les recueils de dessins gravés du comte de Caylus, 13-14, décembre 2009 — sur Libreo Swiss Humanity.
↑ a et bChiara Gauna, « Recueil Crozat », in: Encyclopædia Universalis — extrait en ligne.
↑Auteur de l'estampe no I du tome I (1729), la Vénus couchée, d'après une fresque antique trouvée dans les fondations du Palais Barberini — cf. notice sur Gallica.
Francis Haskell (1987), La Difficile Naissance du livre d'art, trad. de l'anglais par Marie Lionnard et Marie-France de Paloméra, Paris, Réunion des Musées Nationaux, 1992.
Krzysztof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris, Venise : XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1987.