Matta commence des études d'architecture à Santiago du Chili. En 1933, il abandonne sa carrière pour s'installer en France. Il travaille un premier temps dans l'atelier de Le Corbusier[1] puis voyage en Espagne, où il se lie avec les poètes Rafael Alberti et Federico Garcia Lorca. Il voyage également en Scandinavie, où il rencontre Alvar Aalto, et à Londres, où il fait la connaissance de Henry Moore, Roland Penrose et René Magritte.
À la demande de Salvador Dalí, il va voir André Breton qui l'adopte aussitôt. "Ils me dirent : « Tu es surréaliste !» Je ne savais même pas ce que cela voulait dire..." [2].
Dans la revue surréaliste Minotaure, Matta écrit des textes sur l'architecture qui s'opposent au rationalisme du Corbusier[3]. Une étape importante pour Matta intervient cependant durant l’été 1939 lorsque, accompagné d’Esteban Francès et de Gordon Onslow-Ford, il séjourne au château de Chemillieu. Ils sont rejoints par André Breton et sa famille, Yves Tanguy et Kay Sage[4]. Il semble que la présence d’Yves Tanguy soit particulièrement importante dans la formation de Matta à ce moment[5]. À la même époque, il peint une série de tableaux pour laquelle il expérimente une technique nouvelle : avec un chiffon, il étale la couleur sur la toile, qui, ainsi étalée, décide du tracé ultérieur du pinceau. Il se rapproche du procédé d'écriture automatique. Il appelle cette série « Morphologies psychologiques ».
Il part à New York à la demande de Marcel Duchamp pour fuir la guerre. Six mois après son arrivée, il expose pour la première fois aux États-Unis à la galerie Julien Levy, spécialisée dans le surréalisme. Matta commence à travailler avec des pigments phosphorescents pour donner la possibilité à ses toiles de produire des images qui varieront selon la longueur d'onde de l'éclairage. Il s'inspire de la presse scientifique[6] et se passionne pour la physique relativiste et les théories liées à la quatrième dimension[7]. Il illustre également d'une gueule de lamproie la couverture du no 4 de la revue surréaliste VVV en [8]. Il donne des conférences à la New School of Social Research et reçoit beaucoup de jeunes Américains dans son atelier, dont Jackson Pollock.
Il illustre les Lettres sur la bombe atomique de Denis de Rougemont, qui paraissent à New York, chez Brentano, en 1946.
En , sa première exposition monographique parisienne est organisée. Le catalogue de l'exposition reprend un texte de Breton écrit en 1944 : « La perle est gâtée à mes yeux... »
Roberto Matta fonde avec Patricia Kane Matta (1923-1972) (qui deviendra la femme de Pierre Matisse) la revue Instead[9] qui comprend sept numéros dont un double (no 5-6) et consiste en un feuillet de 56 × 71 cm, plié en trois et imprimé recto-verso. Instead paraît de janvier à avec une contribution de Stéphane Hessel.
En , il est exclu du groupe surréaliste. Breton le soupçonne d'une liaison avec la femme du peintre Arshile Gorky, cause de son suicide[10]. Matta retourne alors au Chili. Il publie un texte insistant sur le « rôle de l'artiste révolutionnaire, qui doit redécouvrir de nouvelles relations affectives entre les hommes. » Ensuite, il revient en Europe et s'installe en Italie, d'abord à Ischia (où il se lie d'amitié avec Leonardo Cremonini) puis à Panarea (où la femme de Leonardo Cremonini, Giovanna Madonia fait acheter à Malitte Matta une maison), sa complicité avec Leonardo Cremonini durera jusqu'à son décès.
En 1958, après la lecture du livre d'Henri AllegLa Question, relatant les tortures subies pendant la guerre d'Algérie, il peint La Question, Djamila.
En 1964, pour rendre hommage au dirigeant communiste Julian Grimau, exécuté en Espagne l'année précédente, il peint Les Puissances du désordre, une composition de 9 mètres de longueur.
Burn, baby burn (1965-1967) est une stigmatisation de la guerre du Viêt-Nam.
Matta est tout à fait à l'aise dans les très grands formats ; ses toiles font souvent plusieurs mètres de long, voire 10 mètres et parfois davantage. En 1968, il réalise des environnements en couvrant les murs et les plafonds du musée d'Art moderne de la Ville de Paris avec ses toiles. La même année, en janvier, Matta participe au premier congrès culturel de La Havane, à Cuba. En France, il prend une part active aux événements de mai.
Après le coup d'État du général Pinochet au Chili du , il coupe tout lien avec son pays natal :
« C'est cet exil qui a déterminé toute ma vie, entre deux cultures. Mon travail est un travail de séparation. [...] De l'exil, je suis passé à l'"Ex-il", quelque part entre le connu et l'inconnu, entre la réalité et l'imaginaire. Là où commence la poésie[11]. »
En 1979, Roberto Matta obtient la nationalité française. Il se marie avec Germana Ferrari en 1980. En 1984, la Galerie Samy Kinge organise l'exposition Matta. Point d’appui. Roberto Matta a produit avec son fils Ramuntcho une dizaine de courts métrages pour la télévision française. Un an plus tard, un importante partie de son œuvre est exposée au Musée national d'art moderne (France).[réf. souhaitée]
↑Matta relate cette période dans Gespräch mit Matta, entretien avec K. V. Waberer et C.A. Haenlein, in Matta, Kestner-Gesellschaft Hannover, p. 22-37. (Le texte est en anglais.)
↑Matta, Mathématique sensible, architecture du temps, adaptation de Georges Hugnet, in Minotaure, no 11, série III, Genève, Albert Skira, printemps 1938, p. 43.
↑Sur cette période, voir Gordon Onslow-Ford, Towards a New Subject in Paintings, avec une préface de Richard B. Freeman, exposition du 9 novembre au 12 décembre 1948, San Francisco, San Francisco Museum of Art, 1948, p. 10-16. Événement rapporté aussi par Paul Haim, Matta, agiter l’œil avant de voir, errances, souvenirs et autres divagations, Éditions Séguier, Paris, 2001, p. 33.
↑Fabrice Flahutez, Nouveau Monde et Nouveau Mythe. Mutations du surréalisme de l'exil américain à l'écart absolu 1941-1965, Dijon, Les presses du réel, 2007
↑Fabrice Flahutez, « Biologie cellulaire et fonctions mathématiques dans l’œuvre de Roberto Matta », Art Présence, no 51, septembre 2004, p. 32-37.
↑Fabrice Flahutez, La Peinture de Roberto Matta entre cellule eucaryote et singularité de Schwarzschild, op. cit., p. 145-153.
↑Fabrice Flahutez, Nouveau Monde et Nouveau Mythe, op. cit., p. 96-115.
↑Fabrice Flahutez, Lecture labyrinthe et espaces spiralés : la revue Instead, op. cit., p. 155-165.
↑(es) Juan Carlos Ier et Javier Solana Madariaga, « REAL DECRETO 1062/1985 de 19 de junio, por el que se concede la Medalla al mérito en las Bellas Artes, en su categoria de Oro, a las personas y Entidades que se citan », Boletin de Estado, Madrid, no 158, , p. 20959 (lire en ligne).
↑Du 21 avril au 21 juin, commissaire d'exposition Ana Beristain.
↑« Matta Sébastian Roberto », in: Janine Bailly-Herzberg, Dictionnaire de l'estampe en France (1830-1950), AMG-Flammarion, 1985, pp. 220-221.
Bibliographie
Fabrice Flahutez, Matta-Log, Morphology of desire, Exhibition cat. Bank Austria Kunstforum Wien, 24 February – 2 June 2024, translation Susan L Power, Ingried Brugger (foreword), Wien : Bank Austria Kunstforum, 2024, 180p. (ISBN978-3-200-09642-4)
Gravures de Roberto Matta, édition de luxe. Édition ordinaire, Le Point d’Être, 1971 ; rééd. Le Capucin, 2001.
Fabrice Flahutez, « Biologie cellulaire et fonctions mathématiques dans l’œuvre de Roberto Matta », in Art Présence, no 51, , p. 32-37.
Fabrice Flahutez, Nouveau Monde et Nouveau Mythe. Mutations du surréalisme de l'exil américain à l'écart absolu 1941-1965, Dijon, Les Presses du réel, 2007 (ISBN978-2-84066-194-8).
Fabrice Flahutez, « La peinture de Roberto Matta entre cellule eucaryote et singularité de Schwarzschild », in Mélusine no XXVII, Cahiers du Centre de Recherche sur le Surréalisme, sous la direction d’Henri Béhar, Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, (ISBN978-2-8251-3727-7).
Fabrice Flahutez, « Lecture labyrinthe et espaces spiralés : la revue Instead », in Les Revues d'art, direction R. Froissart Pezone et Y. Chevrefils-Desbioles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011 (ISBN2-753514801), p. 155-165.
(de) Matta Fiktionen, catalogue de l'exposition Bucerius Kunst forum, Hambourg (du au ), textes de Julia Drost, Fabrice Flahutez, Werner Hofmann, Alyce Mahon, Gavin Parkinson, Marga Paz, Evelyn Pechinger-Theuerkauf, Hrsg. Ortrud Westheider und Michael Philipp Sofort lieferbar, München, Hirmer Verlag GmbH, 2012 (ISBN978-3-7774-5431-3).
Matta, du surréalisme à l'histoire (exposition, Marseille, Musée Cantini, 15 février-20 mai 2013), Snoeck/Musée Cantini, (ISBN978-94-6161-072-0)
(fr + en) Roberto Matta – Alain Jouffroy, Correspondance 1952-1960, présenté par Bernard Blistène, Marine Nédélec, Ramuntcho Matta, ouvrage réalisé sous la direction de Christian Demare, correspondance classée, retranscrite et annotée par Marine Nedelec, Éditions Arteos, coll. « Correspondances », 2018, 256 p., 100 illustrations (ISBN9791096854035).
(en) Matta, from 1942 to 1957, New York, Bodley Gallery, 1960 (OCLC78760494).
(en) René Passeron, The Concise Encyclopedia of Surrealism, trans. J. Griffiths, Ware, UK : Omega Books, 1984 (ISBN0-907853-28-5).
(es + en) Valérie Fletcher, Crosscurrents of modernism: four Latin American pioneers : Diego Rivera, Joaquín Torres-García, Wifredo Lam, Matta. / Intercambios del modernismo: cuatro precursores latinoamericanos : Diego Rivera, Joaquín Torres-García, Wifredo Lam, Matta, Washington, D.C. : Hirshhorn Museum and Sculpture Garden in association with the Smithsonian Institution Press, 1992 (ISBN1-56098-205-5) (ISBN1-56098-206-3).