Le sud de la rue du Rocher était, au XVIIIe siècle, le centre du quartier maraicher de la Petite-Pologne, qui deviendra un bidonville au XIXe siècle. La rue fut ouverte dans ce quartier en vertu d'une décision ministérielle du qui en fixa la largeur à 10 mètres et réunit la rue du Rocher et la rue des Errancis en une seule voie. Puis, dans le cadre de l'aménagement du quartier de l'Europe, l'ordonnance royale du prescrivit à Jonas-Philip Hagerman et Sylvain Mignon de fournir le terrain nécessaire à l'élargissement à 12 mètres de la rue du Rocher entre la rue de la Bienfaisance et la barrière de Monceau (boulevard de Courcelles)[3].
Le quartier possédait, autrefois, plusieurs moulins[1] :
moulin de la Marmite : à l'emplacement de l'angle de la rue du Rocher et de la rue de Madrid ;
moulin des Prunes : en face, sur la rue du Rocher ;
moulin Boute-à-Feu, ou Boute-à-fin, ou Boute-à-foin : plus bas à gauche, vers le no 37. Il était situé jusqu’en 1667 sur la butte Saint-Roch ;
En 1871, la rue était encore suffisamment populaire pour accueillir au moins une dizaine de communards (source dictionnaire Le Maitron) dont le journaliste Odilon Delimal à l'ex-numéro 59, actuel 53.
emplacement d'une petite maison qui appartenait à Philippe-Égalité avant que celui-ci ne fasse aménager la folie de Chartres (voir « Parc Monceau »). Les maisons comprises entre les nos 16 et 26 ont été démolies en 1909[8].
No 44 : emplacement d'un petit immeuble dans lequel Jules Renard (1864-1910), homme de lettres, habitait et est mort en 1910[8].« De toute sa masse ultra-moderne, l'imposant building de l'Électricité de France écrase une modeste maison qui porte le numéro 44 : une bâtisse sans prétention comme sans sourire[15]. Elle convenait ainsi bien à Jules Renard. […] il occupait au second étage un logis qui n'avait rien d'“artiste”. Pas la moindre vitrine, pas la moindre chasuble, pas un tableau impressionniste, pas une estampe japonaise. Un mobilier banal et beaucoup de livres brochés. M. Renard travaillait enveloppé dans une robe de chambre bien douillette. Il écrivait avec une plume de greffier sur un cahier d'écolier[16]. »
No 47 : Marc Ferro (1924-2021), historien français y est né.
No 47 bis : ici se trouvait dans les années 2000 une plaque commémorative fantaisiste : « Jérôme BOZEL / Plombier / A VECU DANS CET IMMEUBLE / DE 1972 A 1979 »[17],[18].
No 48 : couvent des Sœurs garde-malades. Détruit en pour la construction d'un immeuble d'habitation.
No 49 (ancien no 57) : à ce niveau, la rue du Rocher traverse la rue de Madrid sur un pont construit en 1868 par l'ingénieur Ernest Goüin de sorte que le rez-de-chaussée de cette maison se trouve au second étage sur la rue de Madrid.
No 50 : immeuble imposant, conçu par Lucien Roy, en 1904. La lourdeur initiale a été compensée par une ornementation faite de courbes et de formes végétales, réalisée par le sculpteur Camille Lefèvre. La porte rappelle, en plus simplifiée, celle d’Hector Guimard au Castel Béranger[19].
No 53 (ancien no 59 bis) : hôtel particulier construit en 1877, peut-être par l'architecte Hector-Martin Lefuel pour son gendre, M. Hochon[8] et remanié en 1903 par l'architecte Magne. « Quiconque a été une fois au théâtre Charles-de-Rochefort n'a pu manquer de remarquer l'hôtel qui porte le numéro 59 bis. C'est une bien curieuse construction, aujourd'hui noirâtre, une bizarre architecture, avec une manière de golfe étroit, une courette ouverte sur la rue derrière une grille. (Cela conviendrait assez bien à une fauverie !) Le bâtisseur de cette étrange demeure, aux fenêtres d'un style indéterminé, prétendit-il faire table rase du passé, ou bien puisa-t-il son inspiration en diverses époques ? L'une ou l'autre de ces suppositions paraît également absurde. C'est pourtant la fille d'un architecte qui vint habiter ici. La fille de Lefuel, qui réalisa les guichets du Louvre du côté de la Seine, et construisit l'hôtel Fould rue du Faubourg-Saint-Honoré. Je veux croire qu'il n'est pour rien dans l'édification de l'hôtel de sa fille… Cette fille devint Mme Hochon, “la belle madame Hochon”. Elle était en effet très belle et fit par sa rigueur beaucoup de malheureux. […] Élevée dans une famille où fréquentaient normalement des artistes, la belle dame rousse de la rue du Rocher devait naturellement attirer chez elle les artistes et les gens de lettres. Mais elle ne le fit pas par dilection spéciale, elle ne les attirait pas chez elle parce qu'elle aimait les Lettres et les Arts, comme Mme Baignères sa voisine, comme Mme Bulteau ou comme Mme de Caillavet. Peintres et sculpteurs, poètes et romanciers, dramaturges et musiciens venaient chez “Diane” — comme ils disaient familièrement entre eux — parce qu'ils l'avaient connue chez son père et parce qu'elle était belle. Elle les recevait parce qu'ils étaient gais, amusants, spirituels, parce qu'elle se sentait flattée de leurs hommages et parce que les gens du monde qu'elle attirait chez elle aimaient de la rencontrer. Car la société que recherchait Mme Hochon, c'était la société aristocratique, et jamais elle ne fut aussi heureuse que lorsque la duchesse d'Uzès eut appris le chemin de la rue du Rocher. Elle recevait d'ailleurs avec une bonne grâce charmante, savait à merveille choisir des convives divertissants pour ses dîners, organiser des représentations d'amateurs fort brillantes[20]. » Louise Lefuel, épouse Hochon, dont le portrait a été peint vers 1882 par Ernest Hébert[21], tenait tous les mardis un salon littéraire et artistique fréquenté par Alexandre Falguière, Antonin Mercié, Cain, Jean-Léon Gérome, Eugène Labiche, Victorien Sardou, Guy de Maupassant, Charles Gounod, Édouard Detaille, Édouard Pailleron, Alexandre Dumas fils… François Tassart évoque cette maison dans ses Nouveaux souvenirs intimes sur Guy de Maupassant : « En arrivant à l'entrée de la rue du Rocher, nous voyons devant nous une grande femme à la tête ceinte d'un turban comme un Arabe. Elle balayait le trottoir. Quand nous l'eûmes dépassée, M. de Maupassant me dit : “Vous avez vu cette balayeuse ? Elle est faite comme une Vénus. […] Elle doit être heureuse ; plus, sans doute, que ces dames du grand monde qui dorment encore dans leurs palais.” Et de la main, M. de Maupassant désignait l'hôtel de Mme Hochon. Cette demeure originale, couverte en partie de lierre était bien faite pour le repos. On la voyait à travers les futaies du jardin qui faisaient un effort visible pour donner à ce printemps précoce leurs premières feuilles. Après avoir franchi le pont de la rue de Madrid, la descente de la rue du Rocher s'effectua d'un pas alerte[22]. »
↑François Tassart, Nouveaux souvenirs intimes sur Guy de Maupassant, texte établi, annoté et présenté par Pierre Cognet, Paris, Nizet, 1962, chap. V. Texte numérisé (consulté le 5 avril 2009).
Charles Lefeuve, Les Anciennes Maisons de Paris. Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Paris, C. Reinwald, , 5e éd. (présentation en ligne), 5 vol.* Félix de Rochegude, Promenades dans toutes les rues de Paris. VIIIe arrondissement, Paris, Hachette, ..
Testu, Almanach impérial pour l'année 1813. Annuaire, Paris, chez Testu, .