D'après l'historien sceptique Daniel Loxton, « le scepticisme est une histoire sans début ni fin », affirmant que le fait de douter et d'examiner les revendications sortant de l'ordinaire est aussi vieux que l'humanité elle-même[1]. À travers l'histoire, il y a des exemples de personnes adeptes de l'analyse critique, écrivant des livres ou organisant publiquement des expériences à l'encontre de fraudes particulières ou de superstitions populaires. Parmi ceux-ci, on peut citer Lucien de Samosate (IIe siècle), Michel de Montaigne (XVIe siècle), Thomas Ady(en) et Thomas Browne (XVIIe siècle), Antoine Lavoisier et Benjamin Franklin (XVIIIe siècle), de nombreux philosophes, scientifiques et magiciens à travers le XIXe et au début du XXe, jusqu'à Harry Houdini. Cependant, le regroupement de sceptiques au sein de sociétés qui étudient le paranormal et la pseudoscience est un phénomène moderne[1] .
Le Comité Para a été créé en 1948 en Belgique[2], et peut être considéré comme l'organisation sceptique généraliste la plus vieille. Cela étant, il a été précédé par le Vereniging tegen de Kwakzalverij(nl) néerlandais (1881), qui est de ce fait considéré comme étant l'organisation sceptique la plus vieille par certains[3],[4]. Néanmoins, le VtdK(nl) ne se concentre que sur la lutte contre le charlatanisme, et donc a une vocation plus spécifique. Le Comité para a été formé en partie en réponse à une industrie opportuniste de faux voyants exploitant les proches en deuil de personnes ayant disparu pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle joua un rôle important dans l'affaire Gauquelin et donna à Paul Kurtz l'idée de créer une organisation similaire américaine. Cela amena à la création du Committee for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal.
En 1991, Michael Shermer cofonde la Skeptics Society et le Skeptic magazine. Depuis 1970, de nombreux groupes se désignant comme sceptiques se sont formés, organisant des colloques, conduisant des recherches et médiatisant les explications sceptiques des phénomènes apparemment surnaturels[6].
Dans les années 2000, un renouveau du mouvement sceptique s'est observé dans le monde francophone au travers du mouvement zététique, entendu comme l'étude rationnelle des phénomènes paranormaux.
Actuellement le développement des infox (informations truquées, fake news), lié aux réseaux sociaux, contribue à faciliter la propagation d'informations non scientifiquement démontrées. Ces infox résistent bien aux discours rationnels et modifient les modes de communication que devraient adopter les sceptiques et les scientifiques pour en atténuer les effets[9].
Description
Le scepticisme scientifique s'appuie sur l'esprit critique et la méthode scientifique, privilégiant l'évaluation des théories selon leur réfutabilité, la répétabilité des expériences et le principe de parcimonie (Rasoir d'Ockham) plutôt que d'accepter des déclarations ou des preuves anecdotiques, des théories irréfutables ou fondées sur la foi. Le scepticisme fait partie du cadre de la méthode scientifique, par exemple un résultat expérimental n'est pas considéré comme établi tant qu'il n'a pas été reproduit de façon indépendante. Les sceptiques concentrent souvent leurs critiques sur des affirmations jugées non plausibles, douteuses ou clairement en opposition avec les connaissances scientifiques établies. Les sujets généralement critiqués comprennent par exemple la parapsychologie, la voyance, l'astrologie, l'homéopathie, l'ufologie, la radiesthésie.
Les sceptiques considèrent que les phénomènes dits paranormaux devraient pouvoir être examinés de façon critique et objective et que les déclarations extraordinaires exigent des preuves extraordinaires avant de pouvoir être validées.[réf. souhaitée]
Le scepticisme scientifique se distingue du mouvement Fortéen[10], très populaire dans le monde anglophone, particulièrement en Angleterre, même s'il s'intéresse plus ou moins aux mêmes sujets.
Le scepticisme scientifique est différent du scepticisme philosophique tel qu'on le trouve chez Pyrrhon d'Élis par exemple, qui consiste à dire qu'on ne peut se déterminer sur la possibilité d'une accession à un savoir certain. Il s'agit plutôt d'une forme dérivée du doute méthodique de René Descartes ou encore du « scepticisme modéré » de David Hume.[réf. souhaitée]
des approches visant spécifiquement et proactivement à débusquer et mettre en évidence des erreurs, des omissions volontaires ou des manipulations, des trucs de prestidigitateurs, etc., avec un objectif de démystification (en anglais : debunk, d'où debunker) et ceux qui veulent étudier les thèses paranormales[5] ;
certains sceptiques (américains notamment) s'impliqueraient de manière plus politique ou médiatique (pour promouvoir la science et ses principes), d'autres seraient plus orientés vers un humanisme séculier[11]. Dans son article[12], Daniel Loxton, auteur de la rubrique Junior Skeptic dans le magazine Skeptic, argumente qu'il faut au contraire revenir à ce que certains considèrent comme les bases, le scepticisme à la James Randi, par exemple ;
la zététique est une variante française du scepticisme scientifique, initiée par Henri Broch, fondateur avec Jacques Theodor (biologiste au CNRS[13]) et Gérard Majax (prestidigitateur célèbre en France) du Défi zététique international. L'Observatoire Zététique affirme défendre une approche respectant la liberté de croire des tenants du paranormal, en évitant le dogmatisme et en se prononçant uniquement sur la validité des preuves et des raisonnements[14].
Le rapport à la croyance : Il varie selon les individus, et sans doute selon les époques ;
les personnes qui sont « scientifiquement sceptiques » devraient théoriquement aussi être ou devenir athées, ou agnostiques, et matérialistes, car l'application des principes scientifiques aux thèses religieuses entraîne bien souvent la remise en cause des grandes théories religieuses ;
Paul Kurtz soutient aussi l'humanisme séculier, une forme de laïcité qui examine de manière critique les affirmations des religions, alors qu'un scepticisme plus scientifique se concentrerait sur les pseudo-sciences ;
Martin Gardner, en revanche, revendiquait sa croyance en un Dieu, bien qu'il ne suivît aucune religion organisée.
Organisations
En 1948, une des premières organisations sceptiques à avoir vu le jour est le Comité pour l'investigation scientifique des phénomènes réputés paranormaux, dit Comité Para, en Belgique.
En 2006, le CSICOP change de nom et devient le Committee for Skeptical Inquiry (CSI) afin de souligner que le groupe ne s'intéresse pas uniquement au paranormal, mais aussi aux pseudo-sciences, aux théories de la conspiration ou encore aux religions.
Marcello Truzzi, premier codirigeant avec Paul Kurtz du CSICOP, s'est distancié du CSICOP et de certaines formes de critiques du courant sceptique qui, selon lui, auraient dérivé vers ce qu'il appela le « pseudoscepticisme ». Ce concept caractériserait le fait de formuler des affirmations négatives sans accepter la charge de la preuve[18] et, dans le champ du paranormal, la position selon laquelle toute donnée soutenant l'existence de phénomènes paranormaux est nécessairement frauduleuse ou mensongère[19]. Truzzi décrit des chercheurs et des démystificateurs qui selon lui se prononçaient sur la validité d'affirmations avant de les avoir expérimentées. Il accusa le CSICOP d'avoir adopté un comportement de plus en plus antiscientifique.
« En science, la charge de la preuve revient à celui qui affirme et plus une affirmation est extraordinaire, plus la charge de la preuve exigée est lourde. Le vrai sceptique a une attitude agnostique, c'est-à-dire qu'il considère une affirmation non prouvée plutôt que démontrée fausse. Il prétend que l'affirmation n'a pas été prouvée et que la science doit continuer à construire ses cartes conceptuelles cognitives d'analyse de la réalité sans tenir compte de l'affirmation. Tant que le vrai sceptique ne fait pas d'affirmation, il n'a rien à prouver. Il ne fait que continuer à utiliser les théories scientifiques établies par les sciences conventionnelles. Cependant, si le critique affirme que l'affirmation a été démontrée fausse, qu'il a une hypothèse négative — disons, par exemple, qu'un résultat d'un test psi est dû à un artefact —, il fait une affirmation et doit alors fournir la preuve de son assertion[20],[18]. »
(en) Michael Shermer, Why People Believe Weird Things: Pseudoscience, Superstition, and Other Confusions of Our Time. (2nd Revision edition), 2002 (ISBN0-8050-7089-3).
↑ a et b(en) Marcello Truzzi, « On Pseudo-Skepticism », Zetetic Scholar, nos 12/13, , p. 3–4 (lire en ligne).
↑(en) Hugo Meynell, « On Investigation of the So-Called Paranormal », dans Critical reflections on the paranormal, Michael F. Stoeber, Hugo Anthony Meynell, ed., State University of New York Press, 1996, 224 pages.
↑(en) In science, the burden of proof falls upon the claimant; and the more extraordinary a claim, the heavier is the burden of proof demanded. The true skeptic takes an agnostic position, one that says the claim is not proved rather than disproved. He asserts that the claimant has not borne the burden of proof and that science must continue to build its cognitive map of reality without incorporating the extraordinary claim as a new "fact." Since the true skeptic does not assert a claim, he has no burden to prove anything. He just goes on using the established theories of "conventional science" as usual. But if a critic asserts that there is evidence for disproof, that he has a negative hypothesis --saying, for instance, that a seeming psi result was actually due to an artifact--he is making a claim and therefore also has to bear a burden of proof.