Vingt correspond au nombre de doigts et d'orteils que possède l'être humain[1]. On peut distinguer le système vicésimal pur, ayant exclusivement pour principe la base vingt, et le système vicésimal partiel, résultant de la combinaison d'une base dix avec une base vingt.
Histoire
Pour Georges Ifrah, la plus grande partie de l'Europe, une bonne fraction de l'Asie occidentale et presque partout en Amérique, les numérations orales vicésimales auraient une origine commune, celles de leur fond commun de peuplades préhistoriques[2].
En Europe, certains pensent que ce système a une origine pré-indo-européenne, caucasienne, basque ; il existait peut-être en étrusque[3]. En effet, le basque, ainsi que l'albanais gardent des traces évidentes du système vigésimal qui est la règle dans les langues paléocaucasiennes, en sumérien et en élamite[4].
Les peuples Indo-Européens venus s'installer en Europe, bien que disposant d'une numération originellement fondés sur la base dix, rencontrèrent sur place des populations indigènes usant de comptes fondés sur la base 20. Ils en subirent une telle influence qu'ils adoptèrent le compte vicésimal, au moins pour les nombres les plus courants[2]. Ce qui explique que le système vicésimal ait persisté partiellement, dans certaines langues européennes, à côté du système décimal.
En anglais, aussi influencé par les Celtes, on trouve le système vicésimal employé avec le mot ancien score « vingt » depuis longtemps : chez Shakespeare (« a cannon will shoot point-blank twelve score » « un canon tirera douze vingt (240) à bout portant », dans Les Joyeuses Commères de Windsor) de même qu'au début du discours de Gettysburg d'Abraham Lincoln : « Fourscore and seven years ago… » « Il y a quatre-vingt-sept années… ».
En Amérique, plusieurs numérations écrites vicésimales sont attestées en Mésoamérique : celle des Aztèques, additive, et celle des scribes mayas de l'époque classique, positionnelle, particulièrement utilisée pour noter les dates (dites du compte long) comptées en tun (année de compte valant 360 jours). Cette dernière se présente sous deux jeux de caractères : les chiffres de style « point et barre » ou les chiffres de style « céphalomorphe », chacun de ces deux jeux de caractères comporte un chiffre zéro (zéro de position).
En français
Sous l'influence des langues pré-indo-européennes, le français conserve des vestiges jusqu'à nos jours, dans les numéraux[4]. Au Moyen Âge, on trouve ainsi les formes vingt et dix (30), deux vingt (40), deux vingt et dix (50), trois vingt (60), etc.[5] Une ancienne attestation, « VII vinz liverez et IIII », dans les Lois de Guillaume le Conquérant, au XIe siècle, peut laisser penser à une origine normande, le système vicésimal se retrouvant aussi en danois. Les linguistes penchent cependant traditionnellement pour un héritage du gaulois, les langues celtiques modernes possédant ou ayant possédé une numération par vingt. Mais les dizaines supérieures à vingt sont en réalité inconnues en gaulois, à l'exception d'une forme, peut-être latinisée, pour « trente », or cette forme n'est pas vicésimale. L'hôpital des Quinze-Vingts, fondé à Paris en 1260, qui accueillait à l'origine trois cents lits pour loger trois cents vétérans aveugles, témoigne également de cet usage[6].
Dès la fin du Moyen Âge, il est progressivement supplanté par le système décimal - trente, quarante, cinquante, soixante. Mais pour les trois dernières dizaines précédant cent, cette évolution ne s'est pas partout diffusée de la même façon dans la francophonie au cours de l'époque moderne.
Ces formes décimales sont également employées en République démocratique du Congo, au Rwanda et au Burundi, qui étaient colonisés et administrés par la Belgique jusqu'à leur indépendance.
En France, on retrouve encore au XVIe siècle dans la langue des campagnes, les expressions numériques six vingts[7], sept vingts, et on compte encore les arpents sous la forme sept à huit vingt ou sept vingt dix[8]. Au XVIIe siècle, l'Académie française et les auteurs de dictionnaires, sous l'influence de Vaugelas et de Ménage, préfèrent adopter les formes vicésimales soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Les trois formes décimales septante, octante et nonante sont cependant conservées dans toutes les éditions du Dictionnaire de l'Académie française ; et elles restent connues dans l'usage parlé de nombreuses régions de l'Est et du Midi de la France. En 1945, les Instructions officielles en conseillaient l'emploi pour faciliter l'apprentissage du calcul.
Les pays francophones issus de l'empire colonial français ont adopté les formes vicésimales de l'ancienne métropole ; à l'exception de l'Acadie, à l'extrême Sud de la Nouvelle-Écosse au Canada, où les formes décimales sont en usage.
Usages
Aujourd'hui, on en trouve une utilisation plus ou moins prononcée dans plusieurs langues, en particulier en Europe. Mais le système décimal prédomine généralement, car peu de langues possèdent des termes pour 400, 8 000, etc.
en français de manière résiduelle, en Belgique, au Canada, en France et dans certains cantons romands de Suisse dans la lecture de 80, quatre-vingts, ou en France dans la dénomination de l'hôpital des Quinze-Vingts, qui abritait 300 lits ;
en géorgien, où la base vingt est utilisée en dessous de cent, avec les formes ოცდაათიoc'daat'ivingt et dix (30), ორმოციormoc'ideux vingt (40), ორმოცდაათიormoc'daat'ideux vingt et dix (50), etc., comme dans le français du Moyen Âge ; l'un des dialectes de la montagne géorgienne, le khevsour, parlé en Khevsourétie, utilise quant à lui la base vicésimale au-delà de cent, 120 s'y dit six vingt, 140 sept vingt, etc., le système devenant décimal seulement à partir de mille ;
en Grande-Bretagne, Yan Tan Tethera est une comptine traditionnelle des bergers utilisant un système de numérotation dérivé du celtique, sur la base du nombre vingt ;
en danois, à partir du nombre 50, où il est fait référence à la base 20. 50 (halvtreds) est exprimé comme 3 (moins une moitié) × 20, 60 (tres) est exprimé comme 3 × 20, ainsi de suite jusqu'à 90 ;
en italien, dans les dialectes de l'Italie du Sud, surtout sicilien (20 = ventine)[10] ;
en yoruba, qui recourt très largement au système vicésimal et utilise également 200 (igba ou igbéo) et 2 000 (ẹgbẹ̀wá ou ẹgbàá) comme références ; vingt se dit ogún ou okòó, 50 est exprimé sous la forme 3 × 20 – 10 (àádọ́ta), 150 sous la forme 8 × 20 – 10 (àádọ́jọ), 3 000 sous la forme 15 × 200 (ẹgbẹ́ẹdógún) ;
En base 20, vingt chiffres (ou signes graphiques) sont utilisés, soit dix de plus que dans le système décimal usuel. Comme pour toute base de numération supérieure à 10, les symboles permettant de représenter les chiffres au-delà de neuf sont obtenus en utilisant les lettres de l'alphabet, en partant de A pour dix, et jusqu'à J pour dix-neuf. Une autre méthode de notation saute la lettre I (i majuscule correspondant à dix-huit) pour éviter toute confusion avec le chiffre 1. Ainsi le chiffre dix-huit s'écrit J et 19 s'écrit K. Il faut convenir à l'avance de la notation utilisée.
Le nombre est suivi de l'indice 20 pour indiquer la base utilisée. En résumé :
La fraction vicésimal est le même que décimal, leurs facteurs premiers sont 2 et 5. La plus grande différence entre le système décimal et le système vicésimal est la divisibilité par 4. Décimal 10 est indivisible par 4 et son quotient est de 2,5. Mais, vicésimal 10 est divisible par 4, son quotient est 5.
En plus, la divisibilité par 4 et un nombre impair est la propriété commune des duodécimal et vicésimal : duodecimal 10÷3 = 4, vicésimal 10÷5 = 4.
Le diviseur est 1020 ou moins
1 / 2 = 0,A
1 / 3 = 0,6D6D6D6D répétition
1 / 4 = 0,5
1 / 5 = 0,4
1 / 6 = 0,36D6D6D6D répétition
1 / 7 = 0.2H2H2H2H répétition
1 / 8 = 0,2A
1 / 9 = 0,248HFB248HFB répétition
(1/1010) 1 / A = 0,2
(1/1210) 1 / C = 0,1D6D6D6D6 répétition
(1/1510) 1 / F = 0,16D6D6D6D répétition
(1/1610) 1 / G = 0,15
(1/1810) 1 / I = 0,1248HFB248HFB répétition
(1/2010) 1 / 10 = 0,1
Diviseur est 1120 ou plus
(1/2510) 1 / 15 = 0,0G
(1/4010) 1 / 20 = 0,0A
(1/5010) 1 / 2A = 0,08
Fraction principale
1 / 2 = 0,A
1 / 3 = 0,6D6D…
2 / 3 = 0,D6D6…
1 / 4 = 0,5
3 / 4 = 0,F
1 / 5 = 0,4
2 / 5 = 0,8
3 / 5 = 0,C
4 / 5 = 0,G
Monétaire
Le sou était le résultat de la division par 20 du franc (5 centimes) de la même façon que le shilling valait un vingtième de livre. Cela explique l'expression autrefois courante : « Il te manque toujours dix-neuf sous pour faire un franc. » (Tu demandes toujours aux autres l'essentiel pour faire quelque chose).
↑Auguste Brachet, Morceaux choisis des grands écrivains français du XIVe siècle, 1879, p. xxv.
↑Pierre Gastal, Nos racines celtiques, du gaulois au français, Mondovi, Italie, éditions DésIris, , 320 p. (ISBN978-2-36403-061-9), p. 98
↑Maximilien de Béthune (duc de Sully), Mémoires sur les sages et royales Œconomies d'Estat domestiques, 1638 : « car le Roi n'avait que cent ou six vingts gentilshommes ou fort bons capitaines bien armés ».
↑« Règlement de la forêt de Maulne », Les Cahiers de Maulnes, no 6, (ISSN1629-1697).