Après avoir fréquenté une école primaire bilingue arabo-francophone[1], il étudie au lycée Regnault (lycée français de Tanger) jusqu'à l'âge de dix-huit ans, puis fait des études de philosophie à l'université Mohammed V de Rabat, où il écrit ses premiers poèmes — recueillis dans Hommes sous linceul de silence (1971). Il enseigne ensuite la philosophie au Maroc. Mais, en 1971, à la suite de l'arabisation de l'enseignement de la philosophie, il doit partir pour la France, n'étant pas formé pour la pédagogie en arabe. Il s'installe à Paris pour poursuivre ses études de psychologie.
À partir de 1972, il écrit de nombreux articles pour le quotidien Le Monde. En 1975, il obtient un doctorat de psychopathologie sociale[4]. Son écriture profitera d'ailleurs de son expérience de psychothérapeute (La Réclusion solitaire, 1976). En 1977, il tire de cette thèse un essai La plus haute des solitudes où il transcrit la misère psychologique, sexuelle et la solitude de travailleurs immigrés. En 1985, il publie le roman L'Enfant de sable qui le rend célèbre.
Tahar Ben Jelloun est connu non seulement pour ses œuvres littéraires, mais aussi ses apparitions dans les organes de presse, où il parle de l'expérience vécue, des injustices et des défis des Maghrébins qui habitent en France[9].
Le , Tahar Ben Jelloun est accusé par l'écrivain algérien Yasmina Khadra d'être à l'origine de son ostracisation par les institutions littéraires et les médias en France[10]. Invité dans l’émission Maghreb Orient Express sur TV5 Monde pour la promotion de son livre Le baiser et la morsure, il a déclaré : « Quand vous avez un écrivain de renom, connu dans le monde entier, prix Goncourt, membre influent de l’Académie Goncourt, qui s’appelle Tahar Ben Jelloun, qui raconte partout depuis vingt ans, de jusqu’à ce matin, que je suis un imposteur, que ce n’est pas moi qui écris mes livres, qu’il connaît mon nègre. Et à travers ça, trouver toutes sortes de diffamations, d’affabulations, d’élucubrations les plus chimériques, alors j’ai écrit ce livre pour rassurer les miens et ceux qui apprécient mon travail pour leur dire que vous êtes en train de lire quelqu’un de brave, d’honnête et qui n’est jamais dans la polémique[11]. »
Le Racisme expliqué à ma fille (un succès de librairie vendu à plus de 400 000 exemplaires[14],[15]), est traduit en trente-trois langues, dont trois des onze langues principales d'Afrique du Sud (l'afrikaans, le swati et l'ixixhosa), le bosniaque et l'espéranto.
La plupart de ses livres ont été traduits en arabe, dont certains par l'auteur lui-même.
Arts graphiques
Peinture
Vitrerie
En , Jérôme Clément, élu local de la commune du Thoureil, demande à Tahar Ben Jelloun de dessiner une série de vitraux pour orner l'église du village. Intéressé par le projet et s'inspirant du parallèle avec les créations d'Henri Matisse, l'écrivain accepte la proposition[16].
Dans son approche artistique de cette commande, Tahar Ben Jelloun insiste sur la dimension spirituelle et le dialogue interreligieux sous-tendus par le projet. Permettre à un artiste de culture musulmane de travailler sur un édifice chrétien et d'y apporter une esthétique nouvelle lui paraît mettre en avant l'importance de porter un message pacifique et d'exprimer les convergences entre les religions monothéistes[17].
La fabrication des vitraux est confiée au maître verrier de Saumur Philippe Brissy[17].
Positionnement politique et sociétale
Relation avec le régime royal marocain
Cité par le journaliste marocain Omar Brouksy[18], auteur du livre enquête "la République de Sa Majesté" sur l'ingérence marocaine en France[19], Tahar Ben Jelloun est considéré par ce dernier comme faisant partie du lobby de la monarchie marocaine en France.
Dès 2016, Tahar Ben Jelloun collabore avec le média Le360.ma[20], organe médiatique du secrétaire particulier du roi du Maroc Mounir Majidi[21] et considéré par le journal Le Monde[22] tout comme par Human Right Watch[23] comme porte-voix des services sécuritaires du régime et faisant partie du phénomène de la presse de diffamation au Maroc[23].
En 2022, Tahar Ben Jelloun publie une tribune dans l'hebdomadaire français Le Point intitulée « Le Maroc expliqué à Emmanuel Macron »[24] où il défend la thèse que le Maroc serait une démocratie tout en affirmant, concernant le roi du Maroc, qu'"au Maroc, le roi règne et gouverne"[24], que "rien ne se fait sans son accord"[24] et qu'"il se trouve que c'est un grand roi, un des rares dirigeants du monde arabe à respecter les principes de la démocratie"[24]. Dans la même tribune, il critique le rapprochement entre le président français Emmanuel Macron et l'Algérie[24]. La tribune a été critiquée par des médias algériens[25],[26].
Lettre au président de la République : prise de position sur la société française
Dans Le Monde du lundi , Tahar Ben Jelloun écrit une « Lettre au président de la République », l'invitant à plus de discernement dans ses propos (Nicolas Sarkozy s'était exprimé à Grenoble sur la possibilité de déchoir de la nationalité française une personne qui aurait commis un grave délit). Il veut lui rappeler sa position de chef de l'État et l'usage qu'il se devrait d'en faire vis-à-vis des valeurs de la République et de sa constitution[27].
: prix littéraire international IMPAC, reçu à Dublin. Ce prix, décerné par un jury international après une sélection faite par 162 bibliothèques et librairies anglo-saxonnes, couronne le roman This Blinding Absence of Light (traduction anglaise de Cette aveuglante absence de lumière), écrit à la demande d'un ancien prisonnier du bagne de Tazmamart au Maroc, et après un entretien avec celui-ci.
Affaire de la « bonne marocaine » exploitée à Paris
Le , le journal Libération publie un article[32] dans son édition du week-end à propos d'une employée d'origine marocaine, Fatna S., ramenée du Maroc en France par Tahar Ben Jelloun en afin de s'occuper de ses quatre enfants et de l'entretien de la maison familiale. Selon le quotidien, elle était employée dans « l'illégalité », et avait comme profession indiquée sur son passeport celle de « bonne ». Le Comité contre l'esclavage moderne avait été saisi[33].
Notes et références
↑ a et bTahar Ben Jelloun sur France Inter le 17 février 2016, dans l'émission La Bande originale : « J'ai un problème avec ma date de naissance : je ne suis pas né en 44, comme c'est écrit partout, je suis né en 47. » L'auteur explique qu'afin de pouvoir être inscrit à l'école bilingue maternelle franco-marocaine de Fès, son père l'a volontairement vieilli et que l'erreur sur son année de naissance provient de là.
↑Valérie Trierweiler, « Tahar Ben Jelloun : sacré romancier ! », sur Paris-Match, (consulté le ) : « Mais comment débuter une autobiographie quand on ne connaît pas sa date de naissance ? C'est en effet le cas du romancier qui ignore s'il est né en 1944 ou en 1947. Son père avait trafiqué l'état civil afin de faire entrer son fils à l'école coranique plus tôt. »
↑Hervé Meillon, « Tahar Ben Jelloun : “Ne rien dire ou ne rien faire est dramatique” », sur Clin d'œil (magazine), (consulté le ) : « C’est vrai qu’il y a confusion ! » concède-t-il. « J’ai un frère qui a deux ans de plus que moi et mon père tenait à ce que l’on fasse notre scolarité ensemble. Mon père a dû me vieillir pour me faire rentrer à l’école en même temps que lui. Jusqu’au bac, j’ai été dans la même classe que mon frère. Je suis né à Fès le et pas en 1944. Mon père qui notait tout ne me l’a dit que très tard. »
↑SCHYNS, Désirée, « Harraga dans la littérature francophone : Boualem Sansal, Tahar Ben Jelloun, Mathias Enard et Marie Ndiaye », in: Romanische Studien 3 (2016), online.
↑Yamna Chadli Abdelkader, « Postures et discours d’écrivains maghrébins francophones face aux bouleversements des « printemps arabes » », dans Margareta Kastberg Sjöblom, Alpha Barry et Andrée Chauvin-Vileno (dir.), Nouvelles voix/voies des discours politiques en Afrique francophone, vol. 1, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, (ISBN978-2-84867-989-1, DOI10.4000/books.pufc.53031, lire en ligne), p. 71-84
Christian Bouillon, « Ben Jelloun Tahar », dans Christiane Chaulet Achour, avec la collaboration de Corinne Blanchaud (dir.), Dictionnaire des écrivains francophones classiques : Afrique subsaharienne, Caraïbe, Maghreb, Machrek, Océan Indien, H. Champion, Paris, 2010, p. 58-61 (ISBN978-2-7453-2126-8)
Huda El Kadiki, Tahar Ben Jelloun au carrefour de l'Orient et de l'Occident, Université François-Rabelais, Tours, 2014
Salim Jay, Dictionnaire des écrivains marocains, Paris Méditerranée - Eddif, 2005
Tahar Ben Jelloun, histoire, mythes, racines : une exploration de l'humain, ARDUA, Éditions Passiflore, 2022