Il est, aux États-Unis, le premier médecin à exercer exclusivement la neurologie, l'auteur du premier traité de cette discipline et l'un des fondateurs de l'Association américaine de neurologie[3],[4],[5],[6].
Hammond est un homme de haute stature ; il est corpulent et de physique imposant[7], aura le maintien militaire et de la facilité pour s'exprimer en public[8].
Il fait sa résidence et quelques mois de pratique privée, puis il devient assistant-chirurgien dans l'armée américaine en 1849 ; il y reste jusqu'en 1860. Il est d'abord affecté dans l'ouest, entre autres comme directeur médical de Fort Riley[8]. Il prend part aux guerres contre les Sioux. Ses expériences de plusieurs années sur un régime composé uniquement de blanc d’œuf et de gomme naturelle lui valent un prix de l'Association médicale américaine en 1857[9].
Tombé malade, il fait un voyage en Europe pour se remettre, et pour étudier les hôpitaux militaires[10]. À son retour, un intérêt commun pour les poisons agissant sur le système nerveux (dont le venin de serpent) le lie à Silas Weir Mitchell ; il publie avec lui une étude dans The American Journal of the Medical Sciences en 1859[11].
Mais, l'année suivante, la guerre se déclare. Après quelque temps à l'infirmerie de Baltimore[12], Hammond reprend du service le ; c'est un mois et demi après le début des hostilités. Il doit, selon les règles d'alors, recommencer au bas de l'échelle. Ses réformes sont si opportunes qu'il fait de l'ombre[13] à Clement Finley, le 10e « surgeon general », qui l'envoie inspecter en Virginie-Occidentale les campements et les hôpitaux sous le général William Rosecrans. Il y rencontre Jonathan Letterman, qui créera le « système Letterman », amélioration décisive du sort des blessés sur le champ de bataille.
Hammond arrive dans un climat d'intrigues, d'animosités, de luttes d'influences (dans l'armée et au Congrès), de guerre intestine[14]. Il n'est pas un intrigant (ni un homme très flexible, selon tous les contemporains), mais la situation lui offrira de grandes possibilités d'avancement. Quand le « surgeon general » Clement Finley, après à peine onze mois de service, est limogé au terme d'une discussion orageuse avec le secrétaire à la GuerreEdwin M. Stanton, Lincoln, contre l'avis de Stanton et les règles de promotion[13], nomme Hammond à sa place, le , avec le grade de brigadier-général. Hammond a 34 ans et moins d'un an s'est écoulé depuis son retour dans l'armée.
Le « surgeon general »
Hammond se lance dans les réformes. On relève les critères d'entrée pour les professionnels de la santé[15],[16]. Les hôpitaux doivent tenir des dossiers beaucoup plus complets. Le Musée national de santé et de médecine est fondé[17]. Hammond fonde l'hôpital Satterlee (il aura 4 500 lits dans des centaines de tentes)[18]. Il suggère qu'il y ait à Washington pour les militaires un corps médical permanent, un hôpital général permanent ; on devait centraliser les médicaments à Washington[19]. On ne devait plus devenir soldat avant vingt ans[16]. Il porte toujours une grande attention à la ventilation des hôpitaux[20]. Il transfère avec succès la responsabilité des trains de blessés des sociétés privées au gouvernement fédéral ; il supervise la réalisation des wagons sanitaires. Ses réformes au ministère de la Guerre sont aussi décisives que celles, appuyées par lui[21], de Jonathan Letterman sur le front. Il fait tester à fond les ambulances de ce dernier avant leur adoption pour tout le pays[22]. Dans les nouveaux hôpitaux, construits sur le modèle de l'hôpital pavillonnaire[23], la mortalité baisse de façon importante, et, en général, les initiatives de Hammond s'avèrent opportunes[24]. Mais elles suscitent des protestations, et il a des ennemis[25].
La chute
Hammond se rend encore plus impopulaire quand il interdit, le , l'usage du calomel (du chlorure mercureux[26]), qu'il ne trouve ni sûr ni efficace (on lui donnera plus tard raison) ; de plus, il trouve dangereux de faire vomir par le calomel, pour le « purger de ses humeurs mauvaises », un patient déjà affaibli[27],[28]. S'ensuit une « rébellion du calomel[29] », la plupart de ses collègues pensant ne pouvoir s'en passer et y voyant une restriction à leur liberté de pratique. Le caractère de Hammond à cette époque n'est pas tel qu'il puisse se sortir de cette sorte de difficultés[30] et ses relations avec le Secrétaire à la GuerreStanton, sont tendues. Hammond est écarté le [31], envoyé en longue tournée d'inspection, et Joseph K. Barnes, médecin personnel et ami de Stanton[32], assure l'intérim.
Hammond exige ou bien de reprendre son poste ou d'être jugé par une cour martiale. Une cour martiale le trouve coupable d'« irrégularités » dans l'achat de fournitures médicales (Stanton a contrefait des documents)[33],[34]. Il est renvoyé le [8],[31].
Après l'armée : le premier neurologue américain
Hammond s'établit à New York. Il n'a plus guère que sa renommée, qui est grande[35]. Il devient professeur de maladies nerveuses et mentales à l'hôpital Bellevue en 1867 et, en 1874, à l'université de New York. Il enseigne de même à l'université du Vermont et guide des doctorants à New York. Dans les années 1870, premier médecin américain à le faire, il limite sa pratique aux cas de neurologie ; dès cette époque, il emploie le lithium (mais à des doses beaucoup trop fortes) pour traiter la manie[36].
En 1871 il publie son œuvre maîtresse, Treatise on diseases of the nervous system, traduite en français (par Frédéric Labadie-Lagrave), en espagnol et en italien[37]. Au début de 1872 il traverse les États-Unis jusqu'à San Francisco pour aller voir Letterman, qui allait mourir peu après[13],[38]. En 1874, il fonde avec Silas Weir Mitchell et plusieurs autres l'American Neurological Association (Association américaine de neurologie)[39].
Non seulement il soigne des patients, mais il publie de nombreux livres et articles, faisant preuve d'une impressionnante capacité de travail[41]. Autant il apparaît fougueux au cours de sa carrière dans l'armée, autant on le voit maintenant parmi les (vigoureux) sceptiques[42], les modérés[43] et les partisans de la liberté contre la contrainte[44] ; mais il ne cesse jamais d'être un réformateur. Dans ses temps libres, Hammond est romancier et vulgarisateur scientifique ; on a de lui une courte biographie de l'historien Polydore Virgile.
Il revient à Washington en 1888 et y fonde un hôpital[45] pour patients de maladies nerveuses et mentales[5]. C'est dans cette ville qu'il meurt, le , de défaillance cardiaque. Il est enterré avec tous les honneurs militaires au cimetière national d'Arlington[46].
Publications
Listes de publications
L'ouvrage de Bonnie Ellen Blustein cité dans la bibliographie comprend une copieuse liste des œuvres de Hammond.
« Les effets physiologiques de l'alcool et du tabac sur le système humain ». Le texte présenté par Google Livres est celui qui a été incorporé dans les Physiological memoirs, Lippincott, 1868, p. 43. Hammond a conduit les expériences sur lui-même.
(1857) Experimental research relative to the nutritive value and physiological effects of albumen starch and gum, when singly and exclusively used as a food
(1863) Treatise on hygiene, with special reference to the military service
Hammond ne trouve pas le manuel d'hygiène qu'il souhaiterait ; il en écrit un.
Hammond, on ne sait exactement pour quelle raison, atténua à la dernière minute un passage clairement raciste, disant dans une note qu'il était prématuré de réserver le courage guerrier aux seuls Blancs[47].
(1899) « The American soldier and venereal diseases : A refutation of some of the statements of Mr. Edward Atkinson », dans NY Med. Jour., 70
Le soldat américain et les maladies vénériennes. Atkinson, activiste anti-impérialiste, avait écrit sur la situation des soldats américains aux Philippines[48].
Bonnie Ellen Blustein, Preserve your love for science : Life of William A. Hammond, American neurologist, New York, Cambridge University Press, 1991, 304 p.
Extraits sur Google Livres. Comprend une copieuse liste des œuvres de Hammond. Voir aussi Notes on sources, p. 266
Frank R. Freemon, « William Alexander Hammond : the centenary of his death », dans J Hist Neurosci. 2001 Dec;10(3):293-9. PMID11770195
John T. Greenwood, Hammond and Letterman : A tale of two men who changed army medicine, Institute of Land Warfare, (lire en ligne)
Hammond et Letterman, l'histoire de deux hommes qui ont changé la médecine militaire
James M. Phalen, « William Alexander Hammond », Army Medical Bulletin, chiefs of the Medical Department, U.S. Army 1775-1940, Biographical Sketches no 52, , p. 42-46 (lire en ligne, consulté le )
James Evelyn Pilcher, « Brigadier general William Alexander Hammond, surgeon general of the United States Army, 1862–1864 », dans The surgeon generals of the army of the United States of America ; a series of biographical sketches of the senior officers of the military medical service from the American revolution to the Philippine pacification, Carlisle. Pa., The Association of military surgeons, 1905, vi+114 p.
Basé principalement sur le témoignage du général Smith, assistant et ami de Hammond.
Compléments
Éponymie
« La maladie de Hammond », une forme d'athétose, qu'il a été le premier à décrire dans son Traité des maladies du système nerveux, porte son nom. Il a créé le mot d'« athétose[49],[50] ».
L'hôpital général Hammond, dans le comté de Stanislaus en Californie, a porté son nom. Sa construction a commencé en 1942 et il a été fermé en 1945[52],[53].
La moucherolle de Hammond, une espèce de passereau. En 2023, la Société américaine d'Ornithologie annonce qu'elle va procéder au changement du nom commun de cette espèce afin que celui-ci mentionne les particularités physiques de l'oiseau, et en raison du passé esclavagiste de William Hammond[54],[55].
Notes et références
↑La « neurologie » comprenait alors beaucoup de ce que nous appelons maintenant « psychiatrie ».
↑(en) « About NMHM — Our Story » (consulté le ), site du National Museum of Health and Medicine.
↑Il y soigne des soldats du Massachusetts se portant à la défense de Washington, sur lesquels des émeutiers avaient tiré ; c'est l'événement maintenant appelé émeute de Baltimore ; Phalen.
↑« [Les musées médicaux] étaient au cœur de l'enseignement médical durant le XIXe siècle. » Jonathan Reinarz, « The age of museum medicine: the rise and fall of the medical museum at Birmingham's School of Medicine », dans Soc Hist Med (décembre 2005) 18 (3): 419-437. DOI10.1093/shm/hki050 Consulté le 26 avril 2012.
↑Pilcher résume (p. 55) ainsi la contribution de Hammond : « He recommended the formation of a permanent hospital corps, the establishment of an army medical school, the autonomy of the medical department in construction of buildings and transportation of supplies, and the institution of a military medical laboratory. »
↑Par exemple chez les fournisseurs de l'armée exclus par Hammond parce le prix, la qualité ou la quantité de leurs produits étaient contestables. « Circular in behalf of the surgeon-general, 1863 » sur Google Livres, dans American Medical Times vol. 8, (1864-01-02).
↑Chercher « calomel » dans sa définition du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
↑Le tartre stibié (tartar emetic) sera interdit du même coup : Caring for the Men.
↑Pour une brève histoire de cet épisode, voir : (en) Jose Llinas, « Only victim of the Calomel Rebellion », dans Gainesville Sun, 5 juin 1987, p. 11. Également, l'extrait du livre de Steve Herman, Lieutenant Colonel Samuel Cohen: Call Sign Band-Aid Six, p. 169-172 sur Google Livres.
↑Un assistant-chirurgien, témoin d'une inspection de Hammond, déclara n'avoir jamais vu « un individu plus arrogant ni plus pompeux ». Freemon, qui raconte la chose (Frank R. Freemon,Gangrene and glory, p. 143 sur Google Livres), rappelle aussi que plus tard dans sa vie Hammond se trouva moins imbu de lui-même que quand il était assistant-chirurgien. (Hammond 1880 : p. 542).
↑Les coûts de sa défense en cour martiale l'avaient mis dans une position financière difficile ; Phalen.
↑Hammond, A Treatise on diseases of the nervous system sur Google Livres, p. 381 : « I have used the bromide of lithium in cases of acute mania […] The doses should be large […] » Commentaire dans un bulletin de l'OMS, p. 516 : « it is difficult to determine in retrospect whether it was the lithium or the bromide that was the critical agent ».
↑Hammond et Xantus de Vesey n'ont pas été les seuls « chirurgiens-ornithologistes » : Edgar Erskine Hume, Ornithologists of the United States Army Medical Corps : Thirty-six biographies, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1942, 583 p..