Le terme « étang » utilisé pour désigner cette lagune résulte d'une traduction littérale des termes occitansestanh ou estang.
Durant le XXe siècle, d'importantes infrastructures industrielles ont été installées autour de l'étang de Berre, notamment plusieurs raffineries de pétrole, ainsi que l'aéroport Marseille-Provence à Marignane.
La création d'une centrale hydroélectrique au nord de l'étang, à Saint-Chamas,a eu pour conséquence un apport massif d'eau douce et de sédiments et une modification profonde de l'hydrologie et de l'écologie de la lagune.
Géographie
Topographie
Créée par la remontée des eaux lors des dernières glaciations, cette petite mer intérieure se compose actuellement de deux sous-ensembles : l'étang principal et l'étang de Vaïne à l'est. On peut noter également la présence de l'étang de Bolmon, au sud-est, qui est séparé de l'étang de Berre par le cordon dunaire du Jaï. Il s'agit d'une vaste lagune d'eau saumâtre de 20 kilomètres de long, 16,5 kilomètres de large et 9,5 mètres de profondeur maximale, soit 15 500 hectares et 980 000 000 m3 d'eau[2]. Cette superficie en fait la deuxième lagune d'Europe après le Mar Menor, en Espagne.
Panorama sur l'étang de Vaïne depuis le plateau de Vitrolles.
Depuis 1966, il reçoit les apports très importants du canal EDF de la Durance, désormais principale source d'alimentation en eau douce de l'étang[3], ce qui a entraîné des modifications très importantes de l'écologie de l'étang[4].
La température de l'étang est comprise entre 5 et 32 °C (moins d'inertie que la mer, ce qui explique une température plus froide en hiver et plus chaude en été). Le vent dominant est le Mistral, qui peut y souffler fort.
Le site du Gipreb indique en temps réel la température de l'eau, la force et direction du vent ainsi que la salinité de l'eau[5].
Occupation humaine de l'étang de Berre
De l'Antiquité au début du XIXe siècle
Les Romains colonisent l'étang de Berre à l'Antiquité, profitant d'une terre fertile et de l'eau douce des rivières. Son nom latin était alors Stagnum Mastromela. Les Romains développent alors de petits villages orientés vers le travail de la terre (vigne, olivier, exploitation des salines).
Au XIXe siècle
L'étang de Berre devient un site stratégique pour l'implantation d'activités économiques. À cet effet, de nombreux travaux d'aménagements sont réalisés :
Entre 1847 et 1925 : Approfondissement du chenal d'abord à −3 m puis travaux successifs portant la profondeur du chenal de Caronte de −3 à −6m puis à −9 m de profondeur en 1925.
Installation des raffineriesShell à Berre en 1928, puis des Raffineries de Provence (futur Total) à la Mède (commune de Châteauneuf-les-Martigues). Une loi est votée en 1957 pour interdire la pêche dans l'étang de Berre[8] en raison de l'accumulation de la pollution d'origine chimique dans la chair des poissons. Les pêcheurs sont indemnisés pour le dommage causé puis vendent leurs droits de pêche.
Le site prend encore de l'ampleur avec la création et le développement du complexe sidérurgique de Fos, source de nombreux emplois.
À la fin des années 1960, la salinité de la lagune est de 32 g/l, avec une faible variabilité spatiale et temporelle liée aux apports fluviaux et aux conditions climatiques.
En 1971, on note la mise en place du SPPPRI sur l'étang de Berre puis Fos et l'entrée en application par les industriels locaux de normes de rejets plus strictes que les normes nationales.
Cet apport considérable d'eau douce et de limons a eu d'importantes conséquences hydrologiques pour la lagune[9].
L'eau douce représente en moyenne un apport de 3,3 milliards de mètres cubes par an (mesuré sur la période 1966-93) soit environ 3,7 fois le volume de la lagune. Dans le même temps, les apports moyens en sédiment sont de 520 000 t/an. Les limons s'accumulent dans certaines zones, au nord de la lagune.
De ce fait, la salinité chute rapidement et se produit la stratification des eaux liée à la différence de densité entre l'eau douce déversée et l'eau de mer entrant en profondeur. Avec les apports accrus en nutriments, il s'ensuit une eutrophisation du milieu.
On a constaté une dégradation des peuplements à affinité marine, l'apparition d'une macrofaune euryhaline et la quasi-disparition des herbiers. Enfin, en raison de la stratification haline et de l'eutrophisation, des conditions d'anoxie prévalent dans les eaux profondes. La vie benthique y a disparu.
Plan barnier : limitation des rejets de limons à 200 000 tonnes par an (réels 310 000 tonnes par an).
Limitation des apports d'eau douce à 2,7 puis 2,1 milliards de mètres cubes sur douze mois et à 0,4 milliard de mètres cubes entre le 1er mai et le 30 septembre.
Début du suivi écologique de l'étang (qualité de l'eau et des sédiments, biocénoses).
La salinité moyenne augmente progressivement mais, malgré la baisse des apports d'eau douce à l'échelle annuelle, les variations saisonnières restent importantes.
Les peuplements sédentaires de la faune et de la flore demeurent dégradés.
Présence de contaminants chimiques dans des sédiments bien localisés. La baisse des teneurs est attribuable à l'abattement des rejets industriels, de l'ordre de 98 %, depuis 1971.
1999
Limitation des rejets solides d'EDF imposée à 100 000 tonnes de limon par an (réels 200 000 tonnes par an[réf. souhaitée]) en moyenne.
Une faible hydraulicité conduit EDF à limiter ses rejets. La salinité moyenne de la lagune augmente. Début de recolonisation des sédiments par une macrofaune à affinité marine. Poussées spectaculaires de macro-algues opportunistes (ulves), en particulier vers la plage du Jaï de Marignane (rive sud-est de la lagune) : le ramassage des ulves et leur dépôt à proximité du chemin de liaison avec Châteauneuf-les-Martigues est la source d'une pollution olfactive très gênante pour les habitants voisins, sans parler du risque de toxicité dû à l'hydrogène sulfuré.
2003
5 ans après la date limite de mise aux normes des stations d'épurations principales (> 10 000 EH), seulement la moitié d'entre elles sont aux normes sur le bassin versant. Pour les plus petites stations, l'échéance de 2015 est relativement bien respectée.
Lancement du projet expérimental de captage du naissain de moules (Gipreb, Prud'homie de pêche de Martigues et DDAM).
2004
Juillet : la Cour de justice des Communautés européennes indique par son arrêté du 16 juillet que les traités européens doivent être appliqués par la France et que ceux-ci interdisent, en l'absence d'autorisation délivrée par l'autorité nationale, le déversement dans une lagune salé communiquant avec la mer Méditerranée des substances qui tout en étant non toxiques ont un effet défavorable sur la teneur en oxygène du milieu marin.
Octobre : la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêté du 7 octobre retient deux griefs constitutifs d'un manquement aux obligations du protocole d'Athènes : l'absence d'autorisation de rejet conforme et l'insuffisance des mesures prises pour combattre et réduire la pollution de l'étang de Berre. La plainte avait été déposée par la coordination des pêcheurs de l'étang de Berre de manière totalement indépendante du Gipreb et même contre lui, par opposition aux solutions préconisées par cet organisme.
Réouverture de sept plages sur l'étang de Berre durant la période estivale.
2005
Le 11 février, la France répond aux injonctions de l'Europe, en proposant de nouvelles modalités de rejets.
Septembre : EDF met en place les nouvelles modalités de rejets dans la lagune et lance une enquête publique sur le nouvel avenant de la concession des centrales de Salon - Saint-Chamas.
Le 19 décembre, la Commission européenne adresse à l'État français une mise en demeure, jugeant insuffisantes les nouvelles modalités de rejets d'EDF.
En nombre d'équivalent habitants, 98 % des rejets urbains dans la lagune sont conformes, 63 % sur le bassin versant.
Faisant suite à une année de sécheresse, les très faibles apports d'eau douce par la centrale EDF ont pour conséquence une salinité exceptionnellement haute de 30 g/l.
Un projet de dérivation des eaux du canal de la Durance pour restaurer l'étang de Berre
A partir du milieu des années 2000, le GIPREB met en avant la nécessité de cesser totalement le déversement des eaux douces de la Durance dans l'étang, pour éviter les conséquences négatives sur la biodiversité[11]. La solution d'une dérivation de ces eaux vers le Rhône, via un ouvrage en partie souterrain, est étudiée et son coût est évaluée en 2016 à 2 milliards d'euros[12]. Cet investissement pourrait être rentabilisée grâce à une multiplication par 4 du turbinage et donc de la production d'électricité[13]. En 2022, le ministre de la Transition écologique relance les études.
Écologie de la lagune
Les rives de l'étang de Berre ont subi l'aménagement de ses rives depuis le début du XXe siècle : raffineries de pétrole, aéroport, etc.[14]
Malgré cela, l'étang recèle encore des richesses naturelles. La diversité des espaces naturels offre aux oiseaux une multitude de milieux. L'étang de Berre et ses alentours accueillent plus de 250 espèces d'oiseaux sédentaires ou migrateurs.
Des observatoires ornithologiques situés sur les propriétés du Conservatoire du littoral à la Poudrerie de Saint-Chamas et au bord de l'étang de Bolmon permettent leur observation.
L'état écologique de l'étang de Berre est suivi par le GIPREB Syndicat Mixte depuis 1994[19]. Après de nettes améliorations entre 2014 et 2017, l'année 2018 est marquée par une crise anoxique sans précédent entre début août et fin octobre : près de 93 % de la surface de l'étang est affectée par une disparition de l'oxygène, entraînant de fortes mortalités de la macrofaune benthique, en particulier les palourdes. La note présentée par la GIPREB [20] sur le sujet décrit un "effet cocktail" : c'est la conjonction de plusieurs phénomènes qui ont conduit à cette crise écologique majeure (fortes pluies et turbinages EDF importants entre février et juin, fortes chaleurs et absence de vent durant l'été, forte stratification en salinité durant l'été, demande en oxygène forte par la macrofaune benthique récemment réapparue)
En juin 2019, un chien est mort à l'étang de Berre, probablement car il aurait reniflé des algues vertes toxiques. Quelques jours plus tard à Marignane, des milliers de poissons sont morts, flottant au bord et à la surface de l'eau, la canicule et la pollution de l'eau seraient à l'origine de la mort des espèces. Le maire de Marignane parle alors de "petite catastrophe écologique".
Au cours du mois de mai 2024, une équipe de chercheurs internationaux et d'experts de la GIPREB, ont réalisé une transplantation d'herbiers de zostères dans l'étang[21] afin de participer à la régénération de la population de zostères, quasiment décimée en 1990 avec une surface estimée à 1.2 hectares, et qui couvre en 2023 une surface d'environ 42.6 hectares[22]. Un des objectifs de cette campagne de réintroduction est d'atteindre une population de zostères couvrant 1500 hectares, ce qui permettrait d'être en accord avec la Directive Cadre sur l'Eau (DCE)[22].
Le climat méridional, venté et ensoleillé de l'étang de Berre associé à la sécurité d'un plan d'eau fermé, offre une étendue propice aux sports nautiques.
Les ports de Saint-Chamas, Berre, Martigues et Istres sont très dynamiques, et proposent notamment des activités nautiques et de la voile dans leurs clubs respectifs.
↑GIPREB, « Dossier d'information sur les résultats d'études des études en cours », Recherche et mise au point technique de la dérivation des rejets EDF dans l'étang de Berre., , p. 1-8 (lire en ligne [PDF])