Annie Pétain[note 1], née Alphonsine Berthe Eugénie Hardon le à Courquetaine (Seine-et-Marne), morte le à Paris (7e arrondissement), est l'épouse de Philippe Pétain de 1920 à 1951, date du décès de ce dernier. De toutes les femmes que Pétain a connues dans sa vie sentimentale, Annie Pétain est la seule qu'il a épousée.
Surnoms
Détestant son prénom d'usage, Eugénie, elle se fait surnommer « Ninie »[2] par ses amis et « Annie » par ses interlocuteurs[3].
En 1901, à 24 ans, elle retrouve Philippe Pétain, alors commandant, qui la demande en mariage[7],[8]. Mais sa famille refuse de donner la main de leur fille à ce prétendant agnostique[7],[8].
Elle devient ensuite la maîtresse de Philippe Pétain[13], avant que celui-ci ne parte pour la guerre. C'est avec elle que Pétain se trouvait lorsque son aide-de-camp Serrigny le cherchait pour lui annoncer sa nouvelle nomination sur le front de Verdun[9] le [14]. Cependant, son autre grand amour qui dure plus de vingt ans est Jacqueline de Coniac (1878-1952), dite Mella, veuve du commandant Hubert de Castex, tué à la tête d'un bataillon de chasseurs alpins de la division bleue le 23octobre 1917 lors de la victoire de la Malmaison. Jacqueline de Coniac est présentée peu après la guerre au maréchal, qui demande sa main durant l'été 1920[15]. Mais Annie refuse de céder sa place : au cours d'une scène que raconte Pétain à Serrigny, elle braque un revolver sur le général et le menace : « Ce sera moi ou une balle dans la peau. »[16]
Il accepte finalement d'épouser civilement Annie à la mairie du 7e arrondissement de Paris, le [1],[9],[7], lors d'une cérémonie très discrète[17]. Le général Fayolle est le témoin du marié[1]. Ce mariage est diversement apprécié par la famille et certains amis de Pétain[1]. La nullité du mariage religieux de 1903 d'Annie Hardon est ensuite reconnue[9], par décision du tribunal de l’officialité de Paris le , puis de l'officialité de Versailles le suivant[18],[19],[20]. Une vingtaine d'années après, le couple se marie religieusement, le , pendant l'Occupation[9], la situation matrimoniale du maréchal entraînant des dissensions au sein de l'Église française[21] pour laquelle Pétain fait figure d'homme providentiel[22] et qui ne cesse de faire des déclarations en faveur du régime[22], déclarations dont la propagande officielle ne manque pas de se servir[22]. Pétain étant désireux d'échapper au devoir de la confession, ce mariage est fait par procuration[6],[21]. Cette dernière cérémonie est également tenue secrète — elle a lieu dans la chapelle privée de l’archevêque de Paris, Mgr Suhard[21] — mais le pape Pie XII en est informé car il s'est inquiété de la situation matrimoniale du chef de l'État français[23]. Selon l'historien W. D. Halls, les péripéties conjugales du maréchal montrent que celui-ci n'était pas très croyant[23].
La femme fidèle
Elle accompagne son mari à Sigmaringen lorsqu'il est emmené en Allemagne, le [24]. Celui-ci ayant décidé, dès son départ de Vichy, de cesser ses fonctions, et donc de ne plus prendre de décision pour protester contre cette mesure d'exil, elle assure un rôle d'intermédiaire, à l'occasion d'un différend entre le maréchal et la Commission gouvernementale de Sigmaringen, concernant l'utilisation du drapeau français en territoire allemand, sans son consentement[25].
Lors du retour en France de Pétain, le , le commissaire de la République de Dijon, venu en Suisse notifier le mandat d'amener dressé contre le maréchal, l'interroge sur l'endroit où elle désire se rendre. Elle indique : « Je ne souhaite pas me séparer du Maréchal ». « Telle est aussi l'intention du gouvernement […] », répond le représentant de l'État[26]. Lors du voyage en train vers Paris, à l'occasion d'un arrêt à Pontarlier, des manifestations d'hostilité ont lieu, elle demande l'intervention du service d'ordre : « Est-ce ici […] qu'on doit nous assassiner ? ». Arrivés au fort de Montrouge[27], ils sont installés dans la même pièce[26].
Annie Pétain assiste au procès de son mari (23juillet-15août 1945). Jacques Isorni, un des avocats du maréchal, fait un discours qui émeut l'assistance[28] (le procureur général Mornet va même jusqu'à l'étreindre[28] et le maréchal l’embrasser[29],[28]). Annie Pétain confie alors à l'avocat : « Je ne l'ai jamais vu aussi bouleversé. Il vous considère comme un fils »[28],[29].
Pendant la peine à perpétuité et l'incarcération de son mari au fort du Portalet puis à L'Île-d'Yeu (en Vendée), elle reste proche de lui[9], bénéficie d’un droit de visite quotidien[12] et lui envoie, lorsqu'elle est en déplacement, un courrier régulier, lui témoignant de son soutien fidèle : « Tant d'amis se précipitent pour avoir de tes nouvelles — on s'occupe tant de toi de tous côtés en France et à l'étranger. Ta lettre si belle a produit une impression extraordinaire. Tes anciens soldats disent « Ah ! c'est bien lui — il est toujours le même » » (lettre de Paris, le )[30]. Le directeur de la prison la surnomme « la garce » ou « la reine mère »[31].
Pour l'historien Jean-Yves Le Naour, Mme Pétain est « une vieille femme acariâtre et prétentieuse qui a pris des habitudes de grandeur au bon temps de Vichy »[32]. Après avoir rappelé que les nostalgiques du pétainisme ont voulu faire d'elle « une icône de douceur et de dévouement », il confirme en citant deux témoignages. Pour Joseph Simon, qui dirige l'équipe des gardiens du maréchal, elle a « la méchanceté dans la peau ». Il écrit même dans son journal intime en : « Quelle garce ! Avec quel plaisir je lui botterais les fesses ». Même le curé de Port-Joinville juge que « Mme Pétain n'est pas sociable. Grossière et mal embouchée, elle scandalise tout le monde »[33] .
Pétain meurt en 1951 et elle revient à Paris. En 1957, elle demande en vain au président de la République René Coty de transférer les cendres du défunt à l'ossuaire de Douaumont. Jacques Isorni fait par la suite en son nom la même requête à Charles de Gaulle, avec le même résultat[12].
↑ a et bJacques Isorni, Philippe Pétain, La Table ronde, , 560 p., p.215.
↑ abc et dRobert Aron, Pétain : sa carrière, son procè, Paris, Librairie Académique Perrin, coll. « Grands dossiers de l'histoire contemporaine », 1962-1964, p.27.
↑Who's who in France : Qui était qui : dictionnaire biographique des Français disparus ayant marqué le XXe siècle, 2e édition 2005 (ISBN2-85784-044-6) : sub verbo HERAIN Jean.
↑Henri Amouroux, Pétain avant Vichy – La Guerre et l'amour, éd. Fayard, Paris, 1967, 312 p..
↑Dominique Rossignol, Histoire de la propagande en France de 1940 à 1944 : l'utopie Pétain, Presses universitaires de France, 1991, 351 p. (ISBN2130434746).
↑Arnaud Chaffanjon, Les Grands maîtres et les grands chanceliers de la Légion d'honneur : de Napoléon Ier à François Mitterrand, Éditions Christian, 1983, 271 p. (ISBN2864960125), p. 63.
↑Pierre Bourget, Un certain Philippe Pétain, éd. Casterman, 1966, 317 p., p. 111.
↑ ab et cJean-Louis Clément, Les évêques au temps de Vichy – Loyalisme sans inféodation – Les relations entre l'Église et l'État de 1940 à 1944, éd. Beauchesne, Paris, 1999, 279 p. (ISBN2701013550 et 9782701013558) [lire en ligne], p. 155-156.
↑ ab et cJacques Duquesne, Les Catholiques français sous l'Occupation, Éditions du Seuil, coll. « Points histoire », Paris, 1996 (ISBN2-246116023), p. 48-51.
↑ a et b(en) W. D. Halls, Politics, Society and Christianity in Vichy France, éd. Berg, Oxford/ Providence (USA), 1995, 419 p., p. 53-54 [lire en ligne].
« Lorsque le 1er octobre 1944, le drapeau français, à son insu, est hissé sur le château à côté des armes des Hohenzollern, sa réaction sera double. D’une part, il adresse à l'ambassadeur Otto Abetz une lettre de protestation : « J'apprends que le pavillon français vient d’être hissé sur le château qui m’a été désigné comme résidence forcée, lequel jouirait au surplus, du privilège de l’extraterritorialité. Ces mesures donnent à ma présence ici une apparence de consentement qui est absolument contraire à mon sentiment et contre lequel je m’élève avec énergie […] » D’autre part, il laisse la Maréchale prévenir l’amiral Bléhaut : celui-ci, avec des officiers, monte sur le toit, décroche le drapeau tricolore, qui sera dorénavant caché au fond d’un poêle. »
Jacques Isorni, Correspondance de l'île d'Yeu (lettres de Jacques Isorni et de la Maréchale Pétain présentées et annotées par Jacques Isorni), Paris, Flammarion, 1966.