Arnold SchönbergArnold Schönberg
Los Angeles, 1948
Œuvres principales Arnold Schönberg, ou Arnold Schoenberg[1] (/ˈaʁ.nɔlt ˈʃøːn.bɛɐ̯k/[2] Écouter) est un compositeur, peintre et théoricien autrichien né le [3] à Vienne, et mort le à Los Angeles. Deux siècles après Jean-Sébastien Bach et Jean-Philippe Rameau, qui avaient posé les fondements de la musique tonale, il chercha à émanciper la musique de la tonalité et inventa le dodécaphonisme, qui aura une influence marquante sur une part de la musique du XXe siècle. BiographieArnold Schönberg est né au sein d’une famille juive ashkénaze de la classe moyenne à Leopoldstadt à Vienne (anciennement un ghetto juif). Son père Samuel, né à Szécsény en Hongrie, qui déménagea à Pozsony (en français Presbourg, faisant alors partie du royaume de Hongrie, aujourd'hui Bratislava en Slovaquie) puis à Vienne, était propriétaire d'un magasin de chaussures et sa mère, Pauline Schönberg (née Nachod), native de Prague, enseignait le piano. Il fut avant tout autodidacte. Il reçut uniquement des leçons de contrepoint de celui qui devint son premier beau-frère, le compositeur Alexander von Zemlinsky. Il fonda avec ses élèves Alban Berg et Anton Webern la Seconde école de Vienne, avant de s'installer à Berlin pour y enseigner la musique. Pédagogue et théoricien de réputation mondiale, Schönberg eut pour autres élèves notamment Hanns Eisler, Egon Wellesz, Otto Klemperer, Theodor Adorno, Viktor Ullmann, Winfried Zillig, Nikos Skalkottas, Josef Rufer, Roberto Gerhard et John Cage avec lequel il entretenait une relation très amicale. Ses premières œuvres témoignent de son admiration pour Richard Wagner et Richard Strauss, et s'inscrivent dans la continuité de leur langage romantique et post-romantique. Il écrit pour des ensembles variés, allant de petits ensembles de musique de chambre (La Nuit transfigurée, pour sextuor à cordes (1899) ou le Quatuor à cordes n° 1 (1905)) à des ensembles symphoniques très larges (Gurrelieder, cantate profane en deux parties pour chœurs, solistes et grand orchestre (1900-1911) ; Pelléas et Mélisande pour grand orchestre (1905)). Par la suite, au terme d'une profonde évolution — dont les étapes principales sont le Quatuor à cordes no 2, 1908, avec sa partie pour soprano dans le dernier mouvement, sur un poème approprié de Stefan George affirmant « je respire l'air d'autres planètes » ; les Cinq Pièces pour orchestre, 1909 ; les Six petites pièces pour piano, 1911 — il élimine les relations tonales et élabore le mode de déclamation du « Sprechgesang » (« chant parlé ») avec Pierrot lunaire pour soprano et cinq instruments solistes en 1912. Cette composition l'établit définitivement en tête des compositeurs les plus influents de son temps. Igor Stravinsky (Trois poésies de la lyrique japonaise) et Maurice Ravel (Trois poèmes de Mallarmé) l'imitent, Darius Milhaud le fait jouer à Paris[4] et Ernest Ansermet à Zurich, tandis que l'Europe musicale se divise en atonalistes et anti-atonalistes. Ces derniers perturbèrent le concert du (qui fut appelé par la suite « Skandalkonzert ») qui ne put aller à son terme. La première audition du Sacre du Printemps de Stravinsky, à Paris, en mai de la même année, donna lieu à une « bataille » tout aussi célèbre (comme l'avait été celle d'Hernani, drame de Victor Hugo, en 1830). Certains opposants demandèrent également le renvoi de Schönberg de sa chaire de professeur. Patriote autrichien dans l'âme (et plus tard nostalgique de l'empire des Habsbourg), il se porte, malgré son âge relativement avancé, volontaire durant la Première Guerre mondiale et sert à l'arrière. Cet engagement lui vaudra l'animosité de Claude Debussy, tout aussi patriote que lui, mais du bord opposé. Recherchant de plus en plus le systématisme de la construction musicale dans l'esprit du classicisme du XVIIIe siècle, tel que synthétisé par Johannes Brahms, mais dans une expression moderne, il inaugure en 1923 une technique de composition fondée sur la notion de série qui le place à l’avant-garde du mouvement musical : Suite pour piano (1923), Quatuor à cordes nº 3 (1927), Variations pour orchestre (1928), Moses und Aron (Moïse et Aaron, opéra inachevé, 1930-1932). Durant un séjour à Barcelone en 1929 où il vit dans le quartier de Vallcarca près du parc Güell, il compose le premier des deux Morceaux pour piano, op. 33a. Après l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir en Allemagne et avec la promulgation de la « Loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933 », Schönberg doit démissionner de ses activités, notamment des classes de composition qu'il donne à l'Académie prussienne des arts. Considéré par le régime nazi comme « dégénéré », il est contraint de quitter l'Allemagne. En 1938, il fait l'objet d'une section entière (intitulée « Schönberg et les théoriciens de l'atonalité ») au sein de l'exposition Musique dégénérée, organisée à Düsseldorf par les partisans d'Alfred Rosenberg[5]. Dans le catalogue de l'exposition qui paraît la même année, le commissaire de l'exposition Hans Severus Ziegler écrit : « L’atonalité, en tant que résultat de la destruction de la tonalité, représente un exemple de dégénérescence et de bolchevisme artistique. Étant donné, de plus, que l’atonalité trouve ses fondements dans les cours d’harmonie du Juif Arnold Schönberg, je la considère comme le produit de l’esprit juif »[6]. En 1933, après un court séjour en France, Schönberg est à New York, ainsi qu'à Boston où il enseigne au Malkin Conservatory. Une année plus tard, il déménage et s'établit définitivement à Los Angeles où il développe un dodécaphonisme « classique » : Concerto pour violon (1936), Ode to Napoleon Bonaparte pour baryton, Quatuor à cordes et piano (1942), Concerto pour piano (idem), Trio pour cordes (1946), Un survivant de Varsovie (oratorio dramatique, 1947). En 1944, il est mis à la retraite par l'Université de Californie où il enseignait depuis 1936, ce qui le pousse à donner des cours particuliers. En parallèle, il écrit des œuvres qui démontrent son intérêt pour un retour à une forme de tonalité : achèvement de la Seconde « Symphonie de chambre » (Kammersinfonie, commencée en 1906, terminée en 1939), composition d'œuvres vocales d'inspiration religieuse juive (Kol Nidre 1938, Psaume 130 et Psaume moderne — moderner Psalm — 1950). Le , le compositeur faillit mourir d'un arrêt cardiaque à la suite d'une violente crise d'asthme et s'en sort grâce à une injection médicamenteuse. Vivant dans un certain dénuement, Schönberg continue d'enseigner jusqu'à sa mort. C'est à des mécènes comme Elizabeth Sprague Coolidge et à des musiciens comme Leopold Stokowski, le pianiste Eduard Steuermann ou encore le violoniste et beau-frère du compositeur Rudolf Kolisch que nous devons les commandes de la plupart de ses œuvres de la période américaine. Bien qu'installé à seulement quelques pâtés de maisons de Stravinsky, Schönberg, qui le détestait, car il le jugeait futile, refusait obstinément de le voir ou même d'entendre parler de lui. Stravinsky le lui rendait bien, mais ne s'opposa plus à ses théories après sa mort, et sut lui rendre hommage. FamilleArnold Schönberg se maria deux fois. En , il épousa Mathilde Zemlinsky, sœur d'Alexander von Zemlinsky, avec qui il eut deux enfants, Gertrud (1902–1947) et Georg (1906–1974). Le peintre et ami de Schönberg Richard Gerstl entretint une relation amoureuse avec Mathilde Schönberg. Après la découverte par Arnold Schönberg de la relation adultérine, Richard menace de se donner la mort. Le couple Schönberg décide de rester ensemble pour les enfants ; le , Richard Gerstl se pend devant un miroir. Mathilde Schönberg mourut en . En , Schönberg épousa Gertrud Kolisch (1898–1967), sœur de son élève, le violoniste Rudolf Kolisch. Ils eurent trois enfants :
De la rupture avec le système tonal au dodécaphonismeC'est le musicologue et chef d'orchestre René Leibowitz qui a le plus fait pour introduire dans une France ravélienne et debussyste le système dit « de composition avec douze sons » (Schönberg refusait le terme « atonal »). Au début de sa carrière, Schönberg est un compositeur très romantique, dépositaire d'une tradition musicale essentiellement germanique. C'est un admirateur inconditionnel de Wagner et de Brahms, de Mozart, de Beethoven et de Bach. Personne n'a peut-être mieux compris Brahms et Wagner que lui, deux prédécesseurs desquels il arrive à concilier les influences, ce qui semble à l'époque contradictoire. Schönberg en est arrivé à créer son système au terme d'une analyse très personnelle de l'évolution de l'harmonie à la fin du romantisme où il voyait à l'œuvre des forces irrépressibles de désagrégation de la tonalité. Selon Schönberg, l'accumulation des modulations se succédant de plus en plus vite, l'usage croissant des appoggiatures, des notes de passage, des échappées, des broderies et autres notes étrangères à l'accord habituent l'auditeur à « supporter » des dissonances de plus en plus audacieuses. Et de fait les premières œuvres de Schönberg, à savoir ses premiers lieder (évoquant Hugo Wolf), « La Nuit transfigurée », poignante, inquiétante et « tristanienne », ainsi que les gigantesques « Gurrelieder » et le déjà ambigu « Pelleas und Melisande »), comportent des passages très chromatiques où la tonalité semble déjà plus ou moins suspendue. Le processus se poursuit avec le premier quatuor (1905), déjà « atonal » à l'oreille non exercée. La suspension des fonctions tonales est complète dans le second quatuor, op. 10 (1908). Il semble que Schönberg se soit alors trouvé à cette époque face à un redoutable problème artistique. La suspension de la tonalité avait déjà été tentée (même si Schönberg l'ignorait) par d'autres compositeurs (« Bagatelle sans tonalité » de Franz Liszt (1885) n'est que semi-atonale), mais Schönberg était arrivé à ce stade non par tâtonnements mais par un processus compositionnel très progressif et très contrôlé. Il ne pouvait plus reculer mais, en même temps, abolissant toutes les règles de l'écriture, il venait d'anéantir à la fois le contrepoint, l'harmonie et la mélodie, sans système « organiseur » alternatif. Que faire ? Sans tonalité, les douze sons qui constituent notre système musical occidental n'ont plus de fonction définie : plus de degrés, donc plus de dominante, de sous-dominante, etc. Schönberg mit donc au point un système qu'il baptisa « Reihenkomposition », ou « composition sérielle », destiné, en fait, à organiser le chaos sonore qu'il redoutait de voir se substituer à la tonalité. Il décréta ainsi que tout morceau devrait être basé sur une « série » de douze sons, les douze sons de l'échelle chromatique : do, do dièse, ré, ré dièse, etc., jusqu'à si. L'on peut donc faire se succéder ces douze sons dans l'ordre que l'on veut (au gré de l'inspiration « sérielle »), et l'on ne doit pas répéter deux fois le même son. La série peut ensuite être utilisée par mouvement inverse, puis par miroir, être transposée, puis par fragment, et enfin sous forme d'agrégation. Tout le morceau découle donc d'une série préalablement établie, ce qui donne donc un cadre formel substitutif de la tonalité. La première œuvre de Schönberg rigoureusement écrite selon ce principe est le « prélude de la Suite pour piano opus 25 » écrit en et non comme il est coutume de l'annoncer la valse (dernière des « Cinq pièces pour piano op. 23 » écrite elle en ). La série du prélude est : mi, fa, sol, ré bémol, sol bémol, mi bémol, la bémol, ré, si, do, la et si bémol. Schönberg et HauerLa question de la paternité de la dodécaphonie en tant que composition avec douze sons a longtemps été le sujet d'âpres disputes. Un contemporain et compatriote viennois de Schönberg, le compositeur Josef Matthias Hauer (1883-1959), avait en effet développé, à la même époque que lui, un système dont le rigorisme et le concept de base semblait en tous points similaire. Schönberg et Hauer se connaissaient, se fréquentaient et, au début, s'estimaient assez pour tenter de concilier leurs deux méthodes qui se distinguaient tout de même par certains aspects (le système de Schönberg est plus flexible que celui de Hauer, qui, lui, ne permet la répétition de la série de base que dans le sens où celle-ci est écrite, et non pas également à l'envers — en crabe (Krebs) —, transposée d'un ton, etc.). Mais peu à peu, l'intransigeance méthodologique de Hauer, combinée au manque de reconnaissance qu'il expérimentait par rapport à son rival et aux élèves de celui-ci, le rendit assez amer pour que les deux hommes se séparassent. Hauer a longtemps revendiqué pour lui-même le rôle du garant d'un dodécaphonisme (Hauer n'utilisant pas de séries au sens strict) réellement orthodoxe. Alors que Schönberg n'avait jamais cessé de se tourner, dans l'image qu'il se faisait du rôle du compositeur, vers un passé qu'il idéalisait, Hauer annonce dans son radicalisme novateur certaines écoles « anti-schönbergiennes » des années 1970, notamment le minimalisme. Quant au terme « dodécaphonisme », il a été utilisé pour la première fois par René Leibowitz. Schönberg et le judaïsmeConverti au protestantisme en 1898, comme de nombreux juifs « arrivés » ayant choisi à l'époque l'assimilation, gage d'une certaine respectabilité, Schönberg dut néanmoins se préoccuper de l'antisémitisme, ce qui l'amena à repenser sa propre religion. A priori, l'origine de Schönberg, compositeur on ne peut plus germanique de tradition, n'a pas d'intérêt musical. Or il est clair que des œuvres comme l'oratorio inachevé Die Jakobsleiter (l'échelle de Jacob), l'opéra inachevé Moses und Aron (Moïse et Aaron) – également superstitieux, Schönberg élimina le second a d'A(a)ron afin de ne pas se retrouver avec un titre de treize lettres – et la pièce de théâtre Der biblische Weg (le chemin biblique) marquent l'évolution et l'approfondissement de son interrogation. Face à la montée de l'antisémitisme, qu'il subit lui-même, bien que converti, lors d'un séjour en vacances à Mattsee en 1921, il devient, surtout à partir de 1923, de plus en plus amer et virulent. En 1933, il se reconvertit au judaïsme à la synagogue de la rue Copernic, à Paris, avec comme témoin Marc Chagall. Aux États-Unis il esquissera même un projet de sauvetage des juifs d'Europe et, pour le réaliser, évoquera même la possibilité d'abandonner la musique ; mais ce projet ne se réalisera pas. Au cours de la dernière décennie de sa vie, il tentera de proposer un nouveau type de liturgie juive, et même une reformulation complète de certaines prières (le Kol Nidré, prière qui ouvre le Yom Kippour). Il sera très enthousiaste lors de la création de l'État d'Israël en 1948, composant pour la circonstance : Dreimal tausend Jahre opus 50a (Trois fois mille ans) et une cantate qui restera inachevée Israel exists again (Israël existe à nouveau)[8],[9]. Autres centres d'intérêtOutre ses œuvres et essais portant sur la situation sociale et historique du peuple juif, Schönberg écrivit de nombreux ouvrages : des pièces de théâtre, de la poésie, des ouvrages théoriques sur la musique (le célèbre Traité d'harmonie). Il entretenait également une abondante correspondance, dont le ton désarçonne quelquefois par sa méfiance ou sa virulence[10]. Schoenberg conçut dans les années 1920, un (al) jeu d'échecs de la coalition appelée « variante d'échecs pour quatre joueurs »[11] ; aussi un ensemble de cartes à jouer ou une machine à écrire tactile en 1909, une méthode documentaire pour le jeu de tennis pour lequel il se passionnait, des modèles de meubles… PeintureSchönberg fut aussi un peintre suffisamment accompli pour que ses œuvres soient présentées aux côtés de peintures de Franz Marc et de Vassily Kandinsky. Il peignit en particulier de nombreux autoportraits, dont un, assez étonnant, de dos[12]. Enfin, Schönberg fut un joueur de tennis amateur passionné. Voisin de George Gershwin, il aimait à aller le défier sur son court.
Docteur FaustusLa méthode de composition développée par Schönberg servit d'ailleurs, par le truchement d'Adorno, d'inspiration à celle inventée par Adrian Leverkühn, le héros du roman Le Docteur Faustus de Thomas Mann, écrit à l'époque où tous les trois vivaient en relatif voisinage dans l'exil californien. Le compositeur poursuivra le romancier et le philosophe de sa vindicte, accusant l'un et l'autre de l'avoir « pillé », de s'être « appropriés indûment » son invention. Les tentatives de conciliation de Mann, notamment une dédicace explicite dès le second tirage, s'avérèrent infructueuses. À la question de savoir pourquoi il n'avait pas crédité également Hauer de l'invention de la méthode de composition à douze tons, Mann répondra en substance : « Il ne fallait pas faire mourir le vieux colérique. » HonneursPlusieurs lieux rendent hommage à Arnold Schönberg : en 1952, son nom est donné à une place à Vienne à Penzing, orthographié Schönberg ; un jardin à Berlin-Weißensee (1998), une rue à Düsseldorf ou Munich (Allemagne) ; des rues dans plusieurs villes d'Autriche, en Suisse ou en Israël ; un square à Barcelone (Espagne) ; une rue à Amsterdam, Almere ou Utrecht (Pays-Bas) ; une rue à Guyancourt ou Bures-sur-Yvette, une place à Lyon (France). En astronomie, sont nommés en son honneur Schoenberg, un cratère de la planète Mercure[13], et (4527) Schoenberg, un astéroïde de la ceinture principale d'astéroïdes[14]. Des instituts portent son nom notamment Arnold Schönberg Center (de)[15] à Vienne, qui est un référentiel culturel de l'œuvre et de l'héritage de Schönberg, ou à Berlin[16]. Sa maison natale de Mödling est devenue un musée ouvert au public depuis 1999. Schönberg est également mécène du Prix Arnold-Schoenberg (de) décerné depuis 2001 pour récompenser l'œuvre d'une vie artistique. ŒuvresListe complète par numéro d'opus
Sans numéro d'opus
Écrits
Discographie
FilmographieLes cinéastes Jean-Marie Straub et Danièle Huillet ont porté à l'écran trois pièces de Schönberg :
Expositions (peinture)
Notes et références
Voir aussiBibliographie
Liens externes
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