Grand Prix automobile d'Espagne 1954Grand Prix d'Espagne 1954
Le Grand Prix d'Espagne 1954 (XII° Gran Premio de España), disputé sur le circuit de Pedralbes le , est la quarante-et-unième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la neuvième manche du championnat 1954. Contexte avant le Grand PrixLe championnat du mondeAvec six victoires à son actif (dont deux acquises sur Maserati en début de saison), l'Argentin Juan Manuel Fangio, premier pilote Mercedes-Benz, s'est déjà assuré le titre mondial 1954. Le Grand Prix d'Espagne, dernière manche de l'année, a toutefois pour enjeu la lutte de prestige opposant les constructeurs italiens Ferrari et Maserati, épaulés par la prometteuse Scuderia Lancia qui fait ses débuts en F1, à la puissante équipe Mercedes qui domine la compétition depuis sa rentrée triomphale à Reims. Le circuitUtilisé pour la première fois en 1946 à l'occasion du huitième Grand Prix de Penya Rhin, le circuit de Pedralbes est tracé dans les faubourgs ouest de Barcelone. Empruntant de larges avenues, composé de longues lignes droites et de courbes ouvertes, il est nettement plus rapide que les traditionnels circuits urbains. D'un développement initial d'environ quatre kilomètres et demi, il fut modifié à l'occasion du Grand Prix de Penya Rhin 1950, sa longueur totale étant augmentée de près de deux kilomètres[1]. Le revêtement est relativement ondulé, et certains secteurs du circuit sont pavés. Inchangé depuis, ce tracé accueille pour la seconde fois une épreuve du championnat du monde, après l'édition de 1951 où Juan Manuel Fangio avait emporté la victoire et son premier titre de champion du monde. À cette occasion, le pilote argentin avait établi le record officiel de la piste au volant de la célèbre Alfetta, à plus de 166 km/h de moyenne. Monoplaces en lice
Après une mise au point difficile, le châssis de la Ferrari 553 a été amélioré et est désormais équipé d'une nouvelle suspension avant à ressorts hélicoïdaux. Pesant 595 kg, la 553 est l'une des plus légères F1 du plateau. Son moteur 4 cylindres super carré développe, dans sa toute dernière évolution, 254 chevaux à 7000 tr/min[2]. Un seul exemplaire a été amené à Barcelone. En l'absence de José Froilán González, blessé lors des essais du Tourist Trophy[3], il est confié au jeune Britannique Mike Hawthorn. Comme au Grand Prix d'Italie, Maurice Trintignant dispose d'une 625 à moteur 553 (250 chevaux à 7500 tr/min, 630 kg[4]). Une voiture identique avait été engagée pour Giuseppe Farina, mais ce dernier n'est pas complètement rétabli de son accident survenu à Monza en juin dernier. Épaulant les deux Ferrari officielles, Robert Manzon pilote la 625 de l'Écurie Rosier et Jacques Swaters dispose de la 500 de l'Écurie Francorchamps.
Nouvelle venue en Grand Prix, la Scuderia Lancia avait engagé pour la saison 1954 le double champion du monde Alberto Ascari ainsi que son compatriote et ami Luigi Villoresi, très confiants dans le potentiel de la très compacte D50 à moteur V8 et réservoirs latéraux placés entre les roues. Mais le développement de la monoplace (dont le premier exemplaire a été achevé en [5]) s'est avéré bien plus long que prévu, obligeant Gianni Lancia à différer à plusieurs reprises ses débuts en compétition, les deux pilotes étant occasionnellement prêtés aux équipes Ferrari ou Maserati afin de ne pas perdre la main. Les tout derniers essais sur la piste de Monza ont toutefois révélé l'énorme potentiel de la D50, Ascari ayant battu de trois secondes le meilleur temps réalisé par Juan Manuel Fangio lors des essais officiels du Grand Prix[6]. Le feu vert a donc été donné pour les débuts officiels. Les voitures confiées à Ascari et Villoresi ont une puissance de l'ordre de 260 chevaux[3] à 8200 tr/min, pour une masse inférieure à 600 kg[2], soit un des meilleurs rapports poids/puissance du plateau.
Avec cinq voitures officielles et cinq privées, les Maserati 250F représentent près de la moitié du plateau. Après un beau début de saison (victoires de Juan Manuel Fangio aux Grands Prix d'Argentine et de Belgique), Maserati a ensuite connu une période plus difficile, Fangio ayant rejoint les rangs de Mercedes-Benz et le prometteur pilote argentin Onofre Marimon s'étant tué au cours des essais officiels du Grand Prix d'Allemagne sur le Nürburgring. C'est désormais le Britannique Stirling Moss, remarqué pour ses prestations sur une voiture privée, qui a le statut de premier pilote. Il est épaulé par les Italiens Luigi Musso et Sergio Mantovani, l'Argentin Roberto Mieres et le pilote local Francisco Godia. La 250F est équipée d'un moteur six cylindres en ligne développant environ 250 chevaux à 7200 tr/min, la voiture pesant 630 kg[2]. Harry Schell, le prince Bira, Ken Wharton et Louis Rosier disposent de 250F privées. Le Suisse Emmanuel de Graffenried dispose quant à lui de la 250F qu'il vient de vendre à son compatriote Ottorino Volonterio, les deux pilotes devant se partager la voiture en course[7].
La puissante équipe Mercedes dispose de deux versions de sa monoplace W196 : le modèle caréné (720 kg), spécialement adapté aux circuits rapides, et le modèle à carrosserie ouverte, un peu moins lourd (690 kg) et offrant une meilleure visibilité, pour les tracés sinueux. La piste de Barcelone, qui combine une longue ligne droite (plus de 2 km !) et des parties très lentes, ne permet pas de déterminer a priori le plus adapté. Aussi l'usine a-t-elle amené six voitures (trois ouvertes et trois carénées) pour Juan Manuel Fangio, Karl Kling et Hans Herrmann, qui pourront choisir en fonction des essais le modèle convenant le mieux. Très sophistiquée, la W196 dispose d'un moteur à huit cylindres en ligne, alimenté par injection directe, développant environ 280 chevaux à 8300 tr/min. La boîte de vitesses ZF est à cinq rapports et le freinage est assuré par d'imposants tambours de freins "inboard"[2].
Faute de moyens, la petite structure Gordini vit une fin de saison difficile, les voitures payant leur manque de préparation par une fiabilité désastreuse. Sur les trois voitures inscrites, seules deux ont été amenées : il s'agit de monoplaces du type T16 (560 kg, moteur six cylindres, environ 230 chevaux à 6500 tr/min), qui seront pilotées par Jean Behra et Jacques Pollet. Pilier de l'équipe, Behra, dont la voiture est équipée pour la première fois de gros freins à disques Messier[8], dispute une de ses dernières courses pour la marque, ayant signé avec Maserati pour la saison 1955.
Tony Vandervell a engagé la Vanwall Special désormais équipée du moteur 2,5 litres pour Peter Collins. Cette monoplace de 570 kg dispose d'une puissance de 250 chevaux[9]. Coureurs inscritsQualificationsLes séances qualificatives se déroulent les jeudi et vendredi précédant le grand prix, le samedi étant réservé à une course de voitures de sport. Dès la journée du jeudi, les toutes nouvelles Lancia, très compactes, se montrent très à l'aise, Alberto Ascari et Luigi Villoresi réalisant les deux meilleurs temps, devant la Maserati de Stirling Moss. L'équipe Mercedes teste les deux types de carrosseries de la W196, c'est finalement la version ouverte qui va être retenue, le modèle caréné étant fortement handicapé par son poids élevé sur ce circuit urbain[7]. Dans le même virage, les Britanniques Mike Hawthorn et Peter Collins ont dérapé et sont sortis de la route. Si la Ferrari du premier est réparable, Collins va lui devoir renoncer à la course, sa Vanwall ayant heurté les arbres et s'étant retournée[10]. Le vendredi, Ascari se montre à nouveau le plus rapide et obtient avec aisance la pole position, à près de 165 km/h de moyenne. Même en version non carénée, la Mercedes n'est pas particulièrement à l'aise sur ce circuit, et Fangio doit user de tout son talent pour réaliser le deuxième meilleur temps, à une seconde du pilote Lancia. Hawthorn, sur sa voiture réparée, et Harry Schell (Maserati) améliorent également, complétant la première ligne et reléguant Villoresi et Moss à la seconde.
Grille de départ du Grand Prix
Déroulement de la courseLe jour de la course, il fait beau et chaud à Barcelone et trois cent mille spectateurs sont présents[2]. Alberto Ascari (Lancia) et Juan Manuel Fangio (Mercedes-Benz) s'élancent en tête mais à la fin du premier tour c'est Harry Schell (Maserati), parti avec des réservoirs à moitié vides[7], qui repasse le premier, devant Ascari, au coude à coude avec Mike Hawthorn (Ferrari). Maurice Trintignant (Ferrari) et Stirling Moss (Maserati) ont également dépassé Fangio, qui semble avoir des difficultés à suivre le train des leaders. L'Argentin devance son coéquipier Hans Herrmann. Sur la seconde Lancia, Luigi Villoresi est huitième mais s'arrête à son stand et abandonne aussitôt, apparemment pour un problème de freins. Ascari semble très à l'aise sur ce circuit. Au second tour, il dépasse Hawthorn, au suivant il déborde Schell et prend le commandement de la course. Le champion italien s'envole alors de manière impressionnante, prenant plus de deux secondes au tour à ses adversaires, démontrant les qualités de la nouvelle Lancia. Après neuf tours, il s'est construit une avance d'une vingtaine de secondes sur le trio Schell, Hawthorn et Trintignant. Mais alors qu'il survole littéralement la course, un problème de commande d'embrayage l'oblige à s'arrêter au stand. Il reprend la course après un arrêt assez long, mais abandonne au tour suivant. Grâce à l'abandon de la Lancia, Schell a récupéré la première place, mais il est talonné par les Ferrari d'Hawthorn et Trintignant. À la suite d'un dérapage, Hawthorn perd un peu de temps, laissant Schell et Trintignant au coude à coude. Ces deux pilotes vont se livrer à un véritable chassé-croisé au cours des dix boucles suivantes, observés de près par Hawthorn bientôt revenu dans leurs roues. Ce dernier parvient à dépasser Trintignant au vingt-et-unième tour, puis à prendre la tête au suivant, juste devant Schell. Celui-ci reprend aussitôt l'avantage, mais Hawthorn ne le lâche pas. Il revient à la hauteur de Schell à l'abord d'une courbe et retarde son freinage à l'extrême limite ; son adversaire, refusant de céder, freine encore plus tard mais part en tête-à-queue, endommageant sa Maserati[6]. Grâce à cette manœuvre audacieuse, Hawthorn mène à nouveau la course, devant son coéquipier Trintignant. Troisième, Fangio compte alors une trentaine de secondes de retard et ne semble pas en mesure de revenir sur les deux Ferrari. Moss a abandonné (pompe à huile hors d'usage) et Schell est tombé à la quatrième place, ayant perdu toute chance de victoire. Il va d'ailleurs abandonner peu après, transmission hors d'usage. Alors qu'il était toujours en lice pour la victoire, Trintignant doit s'arrêter à son stand à cause d'une fuite d'huile. Dès lors, Hawthorn n'a plus d'adversaire menaçant, son avance sur Fangio étant confortable, d'autant que le système d'injection de la Mercedes du champion argentin s'est déréglé[3]. Luigi Musso (Maserati) vient de prendre le meilleur sur Herrmann et occupe désormais la troisième place, à environ vingt secondes de Fangio. À la mi-course, la situation des trois premiers n'a pas évolué, Hawthorn ayant toutefois levé le pied, laissant revenir Fangio à une vingtaine de secondes. En quatrième position, loin des leaders, Sergio Mantovani (Maserati) a dépassé Herrmann dont la Mercedes a des problèmes d'injection et qui va devoir s'arrêter longuement au stand. La deuxième partie de la course se déroule sans incident notable, Hawthorn contrôlant aisément la course. Malgré ses ennuis d'injection et une légère fuite d'huile, Fangio semble alors assuré de la deuxième place, Musso n'étant pas en mesure de combler son retard à la régulière. Mais aux alentours du soixantième tour, alors que Mantovani vient d'abandonner sur problème de freins, le vent se lève soudain, soulevant les nombreux papiers et journaux qui jonchaient la piste, l'un d'eux venant obstruer le radiateur de la Mercedes de Fangio dont le moteur se met bientôt à chauffer. Fangio ménage au mieux la mécanique, mais ne peut toutefois empêcher Musso de revenir sur lui, puis de le dépasser au cours du soixante-quatorzième tour pour s'emparer de la seconde place. Le champion du monde, le visage et les bras maculés d'huile, va néanmoins réussir à rallier courageusement l'arrivée en troisième position, à un tour d'Hawthorn qui donne à la Ferrari Squalo sa première victoire. Classements intermédiairesClassements intermédiaires des monoplaces aux premier, deuxième, cinquième, dixième, quinzième, vingtième, vingt-cinquième, trentième, quarantième, soixantième et soixante-dixième tours[12],[13].
Classement de la course
Pole position et record du tour
Évolution du record du tour en courseLe record de la piste fut établi en tout début d'épreuve[13]. Progression du record du tour
Tours en tête
Classement final du championnat
À noter
Notes et références
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