Les langues austronésiennes se répartissent en deux grandes catégories, les langues formosanes (ensemble géographique non-génétique), qui consistent en 9 branches, et la branche des langues malayo-polynésiennes (MP). Comme les premières ont été tardivement classées, pendant longtemps les deux termes, AN et MP, ont pu être confondus.
Le foyer d'origine de toutes ces langues semble être l'extrémité sud-est de la Chine du Sud ou Formose (Taïwan) où vivent encore aujourd'hui des populations austronésiennes.
Typologiquement, ces langues se distinguent par deux procédés morphologiques qui permettent la formation de mots dérivés et peuvent être combinés :
ainsi que par des systèmes phonologiques relativement simples (peu de consonnes et de voyelles, peu voire pas du tout de groupes de consonnes difficiles à prononcer, énoncés assonancés, etc.).
Classification
Historique
Le nom « austronésien » provient du greclatiniséaustronesia, signifiant « îles du sud ». Dès 1706, le philologue des Provinces-UniesHadrian Reland avait souligné les ressemblances entre la langue parlée à Futuna, le malais et le malgache (à partir du glossaire recueilli en 1616 par le navigateur Jacob Le Maire à Futuna). L'existence d'une famille linguistique qui sera plus tard dénommée austronésienne est définitivement établie par Lorenzo Hervás y Panduro en 1784 (Catalogo delle Lingue). En 1834, cette famille, étendue à l'île de Pâques, est baptisée malayo-polynésienne par le linguiste Wilhelm von Humboldt dans Über die Kawi-Sprache auf der Insel Java (1836-39). Le statut des langues mélanésiennes (îles noires) a cependant longtemps été traité à part. Préjugé tenace, dû à des raisons couleurs de peaux, malgré le travail du linguiste Otto Dempwolff (1920), d'éminents linguistes continuèrent à leur dénier toute parenté austronésienne, pourtant certaine (et désormais unanimement reconnue).
La théorie dominante actuelle des linguistes voit dans l'île de Taiwan le centre de diversification et d’expansion des langues austronésiennes. Considérant que cette théorie dite Out of Taïwan (« sortie de Taïwan »), ne prend pas en compte l'origine nécessairement continentale des populations de langues austronésiennes, le linguiste français Michel Ferlus émet l'hypothèse d'une dispersion malayo-polynésienne à partir d'un lieu du sud de la Chine qu'il situe dans l'actuelle province du Guangdong[2].
Le linguiste Laurent Sagart propose de réunir dans un ensemble « austronésien » les langues formosiennes, les langues malayo-polynésiennes et les langues taï-kadai, ces deux dernières familles étant considérées comme issues d'un groupe de langues formosiennes de l'est de Taïwan (East coast linkage). À un niveau plus élevé, il lie austronésien et sino-tibétain dans une famille « sinotibétain-austronésien » (STAN).
Plus loin encore dans le temps, Stanley Starosta, qui travaillait en lien étroit avec Laurent Sagart, avançait peu avant sa mort en 2003 l'hypothèse que toutes les familles linguistiques d'Asie de l'Est : austroasiatique, miao-yao, austronésienne, sino-tibétaine et tai-kadai, étaient apparentées. Il a appelé « yangzian » (yangzien) le regroupement de l'austroasiatique et du miao-yao et « east asian » (est-asien) l'ensemble des 5 phyla.
Depuis plus d'un siècle et les premiers travaux d'Otto Dempwolff sur ce que l'on appelait avant lui les langues malayo-polynésiennes[3], les comparatistes n'ont eu de cesse de classer ces langues, de rechercher leur trame généalogique, voire de reconstruire un hypothétique proto-austronésien.
Si sur ces questions la recherche avance et les grandes lignes sont à peu près connues, de nombreux points restent en suspens. La dispersion même de l'aire géographique couverte, le nombre important de ces langues (plus de 1 200 selon Darrell Tryon et dont peu ont été sérieusement étudiées), font que la structure interne des langues austronésiennes demeure difficile à élucider dès que l'on entre dans le détail.
Il est à peu près certain désormais que c'est dans les langues aborigènes de Taïwan (langues formosanes) que se trouvent les plus grandes différences généalogiques, alors que celles-ci sont moindres plus on s'en éloigne (il y a une substantielle homogénéité des langues polynésiennes). Ceci laisse supposer que Taïwan, ou ses environs immédiats, fut sans doute le foyer à partir duquel les Austronésiens se répandirent sur une grande partie de l'hémisphère sud, ce que confirme du reste aujourd'hui la recherche génétique.
Ci-après est reportée à titre d'exemple une classification présentée comme un consensus et inspirée entre autres des travaux de Blust, Biggs, Pawley, Tryon, Ross, etc. et publiée en 2002 sous le titre, The history and typology of western Austronesian voice systems, Université nationale australienne, 2002.
(les noms de certaines langues sont écrits selon leur forme anglaise quand la forme francisée n'est pas très utilisée — entre parenthèses les abréviations usuelles)
↑Les premières expansions austronésiennes, Onzième Conférence Internationale de Linguistique Austronésienne, 22-26 juin 2009, Aussois, France
↑Considérées aujourd'hui comme une branche de la famille des langues austronésiennes.
↑À partir de la Polynésie, des migrations se sont produites vers l'Ouest, et quelques îles de Micronésie et de Mélanésie, les Exclaves polynésiennes, parlent des langues polynésiennes. Une étude de 1983 analysant l'ADN de 2 400 personnes dans les Îles Salomon a montré des marqueurs différenciant clairement les exclaves polynésiennes des autres îles. Sur les quatre îles étudiées, Anuta avait la population la plus distincte génétiquement, suivie de Rennell, de Bellona puis de Tikopia, l'influence mélanésienne étant plus marquée dans cette dernière - (en) Hawkins, B.R.; Kirk, R.L.; Bhatia, K.; Brown, P.; Garruto, R.M.; Gajdusek, D.C., « A population genetic study of the Banks and Torres Islands (Vanuatu) and of the Santa Cruz Islands and Polynesian Outliers (Solomon Islands) », American Journal of Physical Anthropology, vol. 62, , p. 343-61 (lire en ligne)
↑Atlas de la Polynésie Française, Paris, ORSTOM, Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération, , 6 pages (lire en ligne), Page 1
Voir aussi
Bibliographie
(de) Otto Dempwolff, Vergleichende Lautlehre des Austronesischen Wortschatzes (3: Austronesisches Wörterverzeichnis), KRAUS reprint: 1969, Nendeln, Liechtenstein
(en) Peter Bellwood, Prehistory of the Indo-Malaysian Archipelago, 1985, Academic Press Australia, Sydney
(en) Stephen A. Wurm & Shirō Hattori (dir. de pub.), Language Atlas of the Pacific Area (Part I: New Guinea area, Oceania, Australia), The Australian Academy of Humanities in collaboration with the Japan academy, ANU, Pacific Linguistics, series C-66, Canberra
(en) J. Lynch, Pacific Languages: An Introduction, University of Hawaii Press, (ISBN0-8248-1898-9)
(en) The Lexicon of Proto-Oceanic, 1998 et 2003, éd. ANU, Canberra
(en) Malcolm Ross, Andrew Pawley et Meredith Osmond, The Lexicon of Proto Oceanic, 1. Material Culture (1998) — 2. The Physical Environment (2003), Pacific Linguistics, éd. ANU, Canberra. (ISBN085883507 X) (v. 1)
(en) John Lynch, Malcolm Ross et Terry Crowley, The Oceanic languages, Richmond (au Royaume-Uni : Curzon Press).
Henri Wittmann, « Le caractère génétiquement composite des changements phonétiques du malgache. » Actes du Congrès international des sciences phonétiques 7.807-10, 1972. La Haye: Mouton.[1]
Françoise Ozanne-Rivierre, « Langues d'Océanie et Histoire » in Le Pacifique : un monde épars, sous la direction d'Alain Bensa et Jean-Claude Rivierre, L'Harmattan, 1998. (ISBN2-7384-7251-6)
Perspectives chinoises, numéro 49, septembre-, Les langues austronésiennes de Taïwan Un bilan linguistique, d'Elizabeth Zeitoun
Pascal Marion, Liste Swadesh élargie de onze langues austronésiennes, éd. Carré de sucre, 2009