C'est en 1975 qu'il commence à travailler avec le Maly Drama Théâtre. En 1983, il devient Chef metteur en scène, et en 2002 Directeur artistique et Directeur général de ce théâtre. Et depuis, il dirige cette institution.
Fin 2009, la MC93 Bobigny présente une rétrospective retraçant vingt-cinq ans de mise en scène de Lev Dodine au Maly Drama Théâtre.
Il revient à La Cerisaie en 2014. Le spectacle est présenté au théâtre Silvia-Monfort, à Paris, au printemps 2015. Si certains critiques y notent un manque de subtilité dû à un parti-pris du metteur en scène[4], d'autres le qualifient de chef-d’œuvre, de « manifeste à la fois testamentaire et magnifique »[5].
« J’ai 77 ans, j’ai perdu au cours de ma vie beaucoup de gens que j’aimais. Aujourd’hui que sur nos têtes, à la place des colombes de la paix, volent les missiles de la haine et de la mort, je ne peux dire qu’une chose : «Arrêtez !». L’organisme de l’humanité ne se soigne pas avec des opérations chirurgicales. N’importe quelle opération d’ingérence fait couler le sang de celui qu’on opère et contamine d’une inguérissable infection celui qui opère. Arrêtez cette ingérence chirurgicale, mettez des garrots sur les blessures. Réalisons l’impossible : faire le XXIe siècle dont on pouvait rêver et pas celui que nous sommes en train de faire. Je fais l’unique chose que je peux : je vous en supplie, arrêtez ! Arrêtez.
JE VOUS EN SUPPLIE. »
Prix Europe pour le théâtre - Premio Europa per il Teatro
Élève de l’un des plus fidèles disciples de Stanislavski, Lev Dodine est arrivé très jeune de sa Sibérie natale dans les capitales de l’ancienne Russie. Il a consacré sa vie à l’enseignement, sans jamais dissocier la théorie de la pratique, et c’est ainsi qu’il a formé une compagnie, une grande famille avec le culte du groupe et du travail artisanal, bien avant qu’on lui demande, en 1983, de diriger le Théâtre Maly qui allait devenir le théâtre-phare de cette fin de siècle. La maison a été créée par son groupe de diplômés de l’Institut de Léningrad après un séjour de plusieurs mois dans les régions du nord où Fédor Abramov avait écrit son roman sur la vie paysanne. À la moitié des années 1980, la compagnie parvient à recréer à coups d’improvisations la réalité concrète de Frères et sœurs : cette tragique épopée du kolkhoze écrite par le même auteur. Huit heures de spectacle durant lesquelles les pleurs succèdent aux rires, une recherche sur la “grande âme russe” qui constitue une constante dans le travail du metteur en scène, attiré par l’analyse polémique de l’histoire de son pays réélaborée à travers la littérature. En ce sens, le sommet de son travail est représenté par la mise en scène d’un classique longtemps interdit tel que Les démons de Dostoïevski, un spectacle qui donna lieu à trois ans de répétitions et que le théâtre Maly reprend régulièrement depuis neuf ans : dix heures de dialogues et de visions qui donnent des frissons et qui constituent une première approche à un discours sur l’esprit révolutionnaire d’un peuple. Ce spectacle devient en quelque sorte le préambule de la métaphore de l’utopie suicidaire exprimée par Andreï Platonov dans Tchevengour, récent chef-d’œuvre mis en scène sur un plan d’eau, et de Ce fou de Platonov de Tchécov, transformé par Dodine en une danse à travers le XXe siècle. Gaudeamus se déroule quant à lui sur une surface enneigée. Ce premier spectacle monté avec les jeunes de l’École est une satire – hélas encore tout à fait d’actualité – de l’entraînement au service militaire soviétique, et s’insère à la perfection dans le répertoire centré sur l’homme de notre temps proposé par la compagnie à son public naturel et, partant de là, au public du monde entier auquel Dodine a su redonner le sens d’un théâtre nécessaire[8].
Alessandro Martinez, « Lev Dodin. Le creuset d'un théatre nécessaire-The melting pot of an essential theatre », (traduction : Herbert I., Nantoi S., Zonina M.), Premio Europa per il Teatro, 2005 (ISBN978-8-8901-0142-7)