Manuscrit de Voynich
Le manuscrit de Voynich est un livre illustré anonyme rédigé dans une écriture à ce jour non déchiffrée et une langue non identifiée. Malgré les nombreuses tentatives des cryptographes, la nature exacte de ce document, sa destination et son auteur restent une énigme : s'agit-il d'un herbier, d'un traité d'alchimie, d'une œuvre ésotérique, voire simplement d'une mystification ? Cette ambiguïté a contribué à en faire l'un des documents les plus célèbres de l'histoire de la cryptographie. Le manuscrit doit son nom à Wilfrid M. Voynich, qui l'a découvert en 1912 à Frascati, près de Rome, dans la bibliothèque d'une communauté de jésuites. La plus ancienne mention connue de ce manuscrit date de 1639 et figure dans une lettre adressée à Athanasius Kircher[a 1]. Depuis 1969, le manuscrit est conservé sous la cote MS 408 à la Bibliothèque Beinecke de livres rares et manuscrits de l’université Yale, aux États-Unis. Selon une étude publiée en 2011 par l'équipe de Greg Hodgins, chercheur de l'université de l'Arizona, la datation par le carbone 14 du parchemin utilisé pour la confection du livre a permis d'établir que le vélin a été fabriqué entre 1404 et 1438[w 1], ce qui exclut avec certitude que le texte qu'il porte ait été copié à l'époque de Roger Bacon († 1294), en qui certains ont vu l'auteur de ce texte. DescriptionTel qu'il se présente de nos jours, le codex est constitué de 234 pages de 15 cm de large et 23 cm de haut. Le manuscrit est en vélin (peau de veau mort-né, particulièrement fine, travaillée en parchemin de qualité supérieure). L'examen des cahiers montre qu'il manque une bonne dizaine de folios[a] ; par ailleurs, la couverture n'a pas été conservée. Lors de son acquisition par Voynich en 1912, le livre était probablement déjà incomplet. Une plume d'oie a été utilisée pour le texte et le contour des figures, dont certaines sont rehaussées d'une manière parfois grossière. Ces enluminures ont été faites après la rédaction du texte, sauf dans le cas des dessins de la section botanique[w 2].
HistoireMalgré sa fabrication au tout début du XVe siècle, le livre n'apparaît dans l'histoire que deux siècles plus tard. Dans sa lettre en latin du [1] à Athanasius Kircher, Jan Marek Marci indique que le livre avait été acheté par l'empereur Rodolphe II († 1612)[a 2], ce qui eut certainement lieu avant son abdication en 1611, soit 55 ans avant la lettre de Marci :
Georg BareschNéanmoins, le propriétaire officiel le plus ancien de ce manuscrit a été trouvé grâce à la correspondance de Kircher. C'était un certain Georg Baresch, un alchimiste qui vivait à Prague au XVIIe siècle. Apparemment Baresch était lui aussi perplexe à propos de ce « sphinx » qui a « pris de la place inutilement dans sa bibliothèque » pendant des années[a 1]. Baresch apprit qu'Athanasius Kircher, un savant jésuite issu du collège romain, avait publié un dictionnaire copte (éthiopien) et déchiffrait les hiéroglyphes égyptiens. Il lui envoya à Rome par deux fois (en 1637[a 3] puis en 1639[a 1]) une copie d'une partie du manuscrit en lui demandant des indices. Sa lettre de 1639, retrouvée récemment par R. Zandbergen et publiée en 2010[2], est la plus ancienne allusion au manuscrit trouvée jusqu'à présent. Extrait de la seconde lettre de Baresch à Kircher (1639)[a 1],[a 4],[a 5] :
— Georgius Baresch, [a 6]. On ne sait pas si Kircher a répondu, mais il semblerait qu'il s'intéressa assez au sujet pour tenter d'acquérir le livre, que Baresch refusa apparemment de montrer. Marci et Athanasius KircherAprès la mort de Baresch, le manuscrit passa à son ami Jan Marek Marci, alors proviseur à l'université Charles de Prague, médecin, mathématicien et orientaliste ; il avait travaillé avec Kircher à Rome. Il était officiellement médecin de l'empereur Ferdinand III[3]. Il envoya le livre à Kircher, son ami de longue date et correspondant. La lettre de Marci à Athanase Kircher (1666) est encore jointe au manuscrit[1]. La lettre indique notamment que le manuscrit fut, à l'origine, acheté pour 600 talers d’or[c] par l'empereur Rodolphe II, qui pensait que l'ouvrage était le fruit du travail de Roger Bacon[w 3]. Collège romainL'hypothèse a été avancée que le manuscrit serait tombé entre les mains de la reine Christine de Suède en 1648 à l'occasion de la bataille de Prague et qu'elle aurait récupéré ensuite le manuscrit pour l'emporter plus tard à Rome, après son abdication. Le cardinal Odescalchi, son légataire, l'aurait par la suite confié à la bibliothèque du Collège romain[4]. On perd ensuite la trace du livre pendant deux siècles, mais selon toute vraisemblance, il était conservé comme le reste de la correspondance de Kircher, dans la bibliothèque du Collège romain, actuelle université pontificale grégorienne. Il y resta probablement jusqu'à l'invasion de la ville par les troupes de Victor-Emmanuel II d'Italie, qui annexa les États pontificaux en 1870. Le nouveau gouvernement italien décida de confisquer beaucoup de biens de l'Église, notamment la bibliothèque du Collège romain. D'après les recherches de Xavier Ceccaldi[n 1] et d'autres[n 2], de nombreux livres avaient été transférés à la hâte, juste avant ces évènements dans les bibliothèques privées de ses facultés – ces dernières avaient été exemptes des confiscations. La correspondance de Kircher se trouvait parmi ces livres et, apparemment, le manuscrit de Voynich aussi, vu qu'il portait encore l'ex-libris de Petrus Beckx († 1887), Supérieur général de la Compagnie de Jésus (de 1853 à 1884) et proviseur de l'université à l'époque. La bibliothèque privée de Petrus Beckx fut déménagée à la Villa Mondragone, Frascati, un grand palais près de Rome, acheté par la Compagnie de Jésus en 1866. René Zandbergen, montre cependant en septembre 2023, en suivant notamment une publication de Francesca Potenza de l'université de Palerme, qui grâce à deux catalogues de livres et de manuscrits de 1912 ou avant (aujourd'hui conservés dans les archives historiques de l'université pontificale grégorienne de Rome — Fondo APUG), les journaux de la maison de Castel Gandolfo et des lettres conservées dans les archives du Vatican (de Augusto Spinetti à Franz Ehrle), que le manuscrit était conservé à la Villa Torlonia à Castel Gandolfo, comme ces catalogues[5]. Wilfrid VoynichVers 1912, le Collège romain décida de vendre, très discrètement, quelques-uns de ses biens. Wilfrid Voynich acheta trente manuscrits, parmi lesquels celui qui porte maintenant son nom. Après sa mort en 1930, sa veuve, la romancière Ethel Lilian Voynich (née Boole, fille du mathématicien)[w 4] hérita du manuscrit. Elle mourut en 1960 et laissa le manuscrit à son amie proche, Anne Nill. En 1961, Anne Nill vendit le livre au marchand de livres anciens Hans P. Kraus[d]. Incapable de trouver un acheteur, Kraus en fit don à l'université Yale en 1969. ChronologieLa chronologie des possesseurs du manuscrit Voynich figure ci-dessous. Les propriétaires communément acceptés du XVIIe siècle sont indiqués en orange ; la longue période où il se trouve au Collège romain est indiquée en jaune ; l'endroit où Wilfrid Voynich aurait acquis le manuscrit (à Frascati) est indiqué en vert ; Voynich est montré en rouge ; enfin les propriétaires modernes sont représentés en bleu. Les périodes inconnues sont indiquées en blanc et le moment où il a probablement été créé en vert, en fonction de la datation du vélin.
AnalysesChimiques et nucléairesUne étude du parchemin sur lequel le texte a été écrit a permis d'établir en 2011 qu'il a été fabriqué entre 1404 et 1438[w 1],[n 3]. La datation par le carbone 14 utilisée à cet effet permet seulement d'estimer la date à laquelle sont morts les veaux ayant servi à fabriquer le parchemin. L'analyse de quatre éléments distincts de l'œuvre tend à prouver que l'ensemble du manuscrit a été rédigé à la même époque. Quant aux encres utilisées pour le texte, elles ne contiennent pas assez de carbone pour permettre une datation (les techniques de séparation du parchemin et de l'encre sont encore à ce jour expérimentales)[w 6]. L'hypothèse d'un stock de parchemins vierges du XVe siècle utilisé aux fins de produire un traité apocryphe n'est donc pas à écarter. Cependant, une étude de l'encre effectuée au McCrone Research Institute de Chicago[w 7],[n 4] confirme que les pigments sont compatibles avec l'époque. Greg Hodgins déclare qu'« avec un tel laps de temps étroit, nous avons effectivement éliminé la plupart des théories sur les rédacteurs probables. Le résultat de la datation au carbone permet également de nous concentrer sur ce type de connaissances scientifiques et de cryptage autour de cette période. » TexteLe texte est clairement écrit de gauche à droite, avec une marge à droite quelque peu inégale. Les sections les plus longues sont divisées en paragraphes avec parfois des « puces » dans la marge de gauche. Il n'y a aucun signe évident de ponctuation. Le ductus (l'ordre et la direction selon lesquels on trace les traits qui composent la lettre) est fluide, ce qui laisse penser que le scribe comprenait ce qu'il écrivait au moment de la rédaction. Le manuscrit ne donne pas l'impression que les caractères aient été apposés un par un, caractéristique qui apparaît dans le cas d'un chiffrement compliqué. L'écriture n'est toutefois pas toujours soignée : par endroits, l'auteur doit resserrer les interlignes par manque de place. C'est particulièrement visible dans la partie « recettes » avec un texte ondulé qui suggère que le scribe n'était probablement pas un copiste « professionnel ». Le texte comprend plus de 170 000 glyphes, normalement séparés les uns des autres par de fins interstices. La plupart de ces glyphes sont écrits avec un ou deux traits. Les experts restent divisés concernant l'alphabet utilisé, car certains des glyphes sont similaires. On pense toutefois que l'alphabet du manuscrit de Voynich comprend entre 20 et 30 signes. Certains caractères inhabituels apparaissent ici et là ; on en dénombre une douzaine de ce type. Des espacements plus larges divisent le texte en 37 919 mots, de taille variable. Il semble que le texte suive des règles phonétiques ou orthographiques : certains caractères doivent apparaître dans chaque mot (à l'instar des voyelles en français), certains caractères n'en suivent jamais d'autres, d'autres peuvent apparaître en double. RetouchesL'informaticien Jorge Stolfi, de l'université d'État de Campinas au Brésil, a souligné que certaines parties du texte et des dessins ont été retouchés, en utilisant de l'encre plus foncée sur un trait plus pâle. La preuve de ces modifications se trouve, par exemple, aux fo 1r, fo 3v, fo 26v, fo 57v, fo 67r2, fo 71r, fo 72v1, fo 72v3 et fo 73r[w 8].
Analyse fréquentielleUne analyse fréquentielle révèle des caractéristiques semblables aux langues naturelles[6]. Par exemple, la fréquence des mots suit la loi de Zipf[e] et l'entropie (quantité d'information) de chaque mot s'élève à 10 bits, ce qui est similaire aux textes en anglais ou en latin. Certains mots n'apparaissent que dans des parties précises ou sur quelques pages, d'autres sont disséminés dans tout le manuscrit. Les répétitions au sein des légendes des figures sont rares. Dans la section Herbier, le premier mot de chaque page n'apparaît nulle part ailleurs ; il pourrait donc s'agir du nom de la plante illustrée. Sur d'autres points, le langage du manuscrit de Voynich diffère sensiblement des langues européennes. Par exemple, il n'y a pratiquement aucun mot avec plus de dix symboles, et presque aucun mot de moins de trois lettres. La distribution des lettres à l'intérieur d'un mot est atypique pour l'Occident : certains caractères n'apparaissent qu'au début d'un mot, d'autres seulement au milieu et d'autres à la fin (sans que l'on puisse établir s'il s'agit de variantes positionnelles d'une même lettre, ou de lettres uniques n'existant qu'en certaines positions). Parmi les deux principales dérivations de l'alphabet phénicien, une disposition similaire se retrouve couramment dans l'alphabet araméen et ses dérivés (langues sémitiques) comme l'hébreu et l'arabe (certaines lettres y changent de dessin selon leur position dans le mot), mais jamais (avec l'exception en grec du bêta et du sigma) dans l'alphabet grec et ses dérivés (langues indo-européennes) comme le latin et le cyrillique. Le texte semble être plus redondant que la plupart des langues européennes, certains mots apparaissent parfois trois fois à la suite. Les mots qui se différencient par une seule lettre sont présents avec une fréquence inhabituelle. Auteurs multiplesPrescott Currier, un cryptographe de l'US Navy qui travaillait sur le manuscrit dans les années 1970, observa que les pages de la partie Herbier pouvaient être séparées en deux groupes, A et B, avec chacun des propriétés statistiques et des écritures différentes. Il en conclut que le document était le fruit du travail de plusieurs auteurs utilisant des dialectes et des conventions orthographiques différentes[n 5]. Cependant, des études récentes ont remis en question ces conclusions[7]. Un expert en écriture[Qui ?] qui a examiné le livre n'a décelé qu'une seule et même écriture du début à la fin. Quand on passe en revue l'ensemble du document, on peut constater une transition graduelle du style entre les différents feuillets du manuscrit, avec les deux groupes A et B repérés par Currier comme extrémités de cette évolution. Donc ses observations sont probablement plutôt le résultat de l'écriture de ces deux sections de l’Herbier à des périodes très différentes, ou bien peut-être faut-il faire une distinction entre celui qui a composé le texte et celui qui l'a écrit. Ainsi la discrimination statistique en deux groupes (A et B) pourrait résulter de la traduction de textes originaux dus à différents auteurs. IllustrationsComme l'alphabet du manuscrit ne ressemble à aucun autre et que le texte est toujours indéchiffrable, les seuls signes reflétant son ancienneté et son origine sont les illustrations, spécialement les robes et les coiffures des personnages, ainsi que deux châteaux apparaissant dans les schémas. Ils sont caractéristiques du style européen et, se basant sur ce fait, les experts datent le livre sur une période comprise entre 1450 et 1520. Cette évaluation est confortée par des indices complémentaires de l'analyse carbone 14 mentionnée ci-dessus. Les illustrations du manuscrit donnent peu d'indications sur le contenu exact mais permettent de distinguer six sections, consacrées à des sujets différents, avec un style qui varie. Mis à part la dernière section, constituée uniquement par du texte, presque toutes les pages contiennent au moins une illustration. C'est d'après ces illustrations que les chercheurs ont déterminé l'articulation. Les sections sont les suivantes :
Hypothèses sur le contenu et la destination du manuscritL'impression générale qui se dégage de l'examen du manuscrit est que celui-ci devait servir de pharmacopée ou de guide à des médecins de l'époque médiévale. La présence d'étranges illustrations a alimenté les théories les plus extravagantes concernant les origines de l'ouvrage, son contenu et le but poursuivi par l'auteur. Il est impossible d'entrer dans le détail de toutes les suppositions formulées à ce sujet, mais certaines méritent d'être mentionnées. HerbierPlantes représentéesLa première section du livre est visiblement consacrée au règne végétal avec des fiches comportant des illustrations de plantes. Seuls quelques spécimens ont été formellement identifiés malgré des recherches opérées dans les autres herbiers de l'époque. Parmi les plantes les plus faciles à reconnaître, on trouve une pensée violette et une fougère. Les schémas de la section Biologie sont des versions plus fines de ceux de la section Pharmacologie. Les zones manquantes ont été comblées par une multitude de détails improbables. En fait la plupart de ces plantes semblent être des hybrides : des racines d'une espèce rattachées à la tige et aux feuilles d'une autre puis aux fleurs d'une troisième espèce. En 1944, le botaniste Hugh O'Neill (1894–1969)[10] pensait qu'une des illustrations (fo 93ro ) représentait un Helianthus annuus, le tournesol que nous connaissons de nos jours et qui, apporté en Espagne en 1493, provenait d'Amérique[10],[11]. Cette indication permettrait de situer avec plus de précision la date du manuscrit (c'est-à-dire après 1493). Mais la ressemblance avec la plante réelle est limitée, surtout si la figure est comparée avec des espèces sauvages. De plus, l'échelle de l'esquisse n'étant pas connue, il est difficile d'affirmer qu'il s'agit bien d'un tournesol et non pas d'une espèce similaire de la vaste famille des Asteraceae (l'artichaut, la marguerite ou encore les pissenlits), présente dans le monde entier. En 2014, le botaniste et chercheur américain Arthur Tucker[w 9] a attribué une provenance mexicaine à 37 des 303 plantes représentées dans le manuscrit, en comparant celui-ci au Codex Cruz-Badianus (1552) et au Codex Osuna (1566). Quant à la langue utilisée, il s'agirait du nahuatl, une langue aztèque indigène, éteinte dans sa forme originelle. Tucker a créé un groupe interdisciplinaire à l'université du Delaware pour la rédaction d'un livre sur le sujet[12]. Cette théorie est toutefois largement remise en cause par d'autres spécialistes du manuscrit[13]. Herbier astrologiqueLes considérations astrologiques ont souvent joué un grand rôle dans la cueillette des herbes, la saignée et d'autres procédures médicales répandues à l'époque supposée de la rédaction du texte (voir, par exemple, les livres de Nicholas Culpeper). Cependant, à part les signes zodiacaux évidents et un schéma semblant représenter les planètes, personne n'a encore été capable d'interpréter les illustrations au moyen des traditions astrologiques connues (européennes ou autres). Pseudo-herbier alchimiqueSergio Toresella, expert en herbiers anciens, montre que le manuscrit de Voynich pouvait être un « herbier alchimique » qui n'aurait rien à voir avec l'alchimie, mais serait un pseudo-herbier pourvu par un charlatan d'illustrations destinées à impressionner ses clients. Il s'agirait de l'imitation d'un livre médical, avec différentes sections (astrologie, botanique, balnéothérapie, etc.) et un texte volontairement mystérieux[14]. Apparemment, il existait à l'époque dans le nord de l'Italie, peut-être dans la région de Venise, une petite industrie familiale qui produisait ce genre de littérature[w 10],[w 11]. Néanmoins, ces livres sont assez différents du manuscrit de Voynich dans le style et le format et, par ailleurs, sont rédigés dans la langue courante. Microscopes et télescopesUn dessin circulaire dans la section Astronomie montre un objet de forme irrégulière avec des extensions courbées, dont certaines ont été interprétées comme des images de galaxie, visibles seulement à l'aide d'un télescope (en fait cette image est inspirée d'une enluminure qui figure dans le Traité de la sphère de Nicole Oresme, datant de 1400-1420, fo 23r)[w 12]. D'autres dessins ont été interprétés comme représentant des cellules vues à travers un microscope. Cela suggérerait une rédaction beaucoup plus récente que les origines supposées du manuscrit. Par ailleurs, cette ressemblance doit être considérée avec circonspection, un examen attentif montrant en effet que la partie centrale de cette « galaxie » ressemble plutôt à une flaque d'eau. AlchimieComparaison avec les livres d'alchimieLes bassins et les tuyaux de la section Biologie semblent indiquer une relation avec l'alchimie, qui serait utile si le livre contenait des instructions concernant la préparation de composants médicaux. Cependant, les livres d'alchimie de cette période partagent le même langage pictural où les processus et matériaux sont représentés par des images spécifiques (aigle, crapaud, homme dans une tombe, couple au lit, etc.) ou des symboles textuels standards (cercle avec une croix, etc.). Aucun de ceux-ci n’apparaît de façon convaincante dans le manuscrit de Voynich. Livre de recettes à usage médicalUne hypothèse de Nicholas Gibbs identifie le manuscrit à un livre de recettes médicales[w 13]. Selon un article paru dans The Atlantic le , une partie du travail de Gibbs n'est pas nouvelle et le reste n'a pas convaincu les experts[w 14]. Hypothèses sur le langagePlusieurs hypothèses ont été avancées concernant le « langage » utilisé par le manuscrit de Voynich. Études cryptologiquesAntoine Casanova (1999) explique que l'existence même d'une solution est incertaine, dans la mesure où l'on ignore le langage utilisé, le système de codage, l'époque et la personne qui a procédé à l'opération : « ce manuscrit décrit l’ensemble des problématiques qu’un cryptanalyste rencontre dans un cas extrême d’analyse[15] ». Codage lettre-à-lettreSelon cette hypothèse, le manuscrit de Voynich serait un texte écrit dans une langue européenne, mais dont le sens aurait été intentionnellement caché au moyen d'un chiffrement. Cet algorithme opère lettre par lettre et produit un texte utilisant « l'alphabet » du manuscrit de Voynich. C'est cette hypothèse de travail qui a été utilisée dans la plupart des tentatives de déchiffrement effectuées au XXe siècle, dont l'une a été conduite par le cryptologue William F. Friedman, célèbre pour avoir percé le code des messages japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Friedman était à la tête d'une équipe informelle de la NSA au début des années 1950, lorsqu'il a travaillé sur le manuscrit. Les chiffrements simples par substitutions peuvent être exclus car ils sont trop faciles à casser. Les efforts se sont donc portés sur des chiffrements polyalphabétiques, inventés par Alberti dans les années 1460. Le chiffre de Vigenère, qui fait partie de cette famille, aurait pu être utilisé et renforcé par l'utilisation de symboles nuls ou équivalents, le réarrangement de lettres, des fausses coupures de mot, etc. Certains ont supposé que les voyelles avaient été supprimées avant le chiffrement. Plusieurs solutions de déchiffrement fondés sur cette théorie ont été proposées, mais aucune n'a été largement acceptée, les textes ainsi déchiffrés dépendant de tant de conjectures qu'avec ces techniques, on pourrait reconstituer n'importe quel message à partir d'une chaîne de symboles pris de manière aléatoire. Le principal argument en faveur de l'hypothèse d'un codage lettre-à-lettre est que l'utilisation d'un alphabet étrange par un auteur européen s'explique difficilement, sauf dans la volonté de masquer l'information. La date estimée du manuscrit coïncide approximativement avec la naissance de la cryptologie en tant que discipline systématique, mais la datation par carbone 14 date le support du manuscrit entre 1404 et 1438[w 1], ce qui retire toute valeur à l'argument attribuant le texte à Roger Bacon (1214–1294), qui connaissait les techniques de chiffrement. Cependant, un chiffrement polyalphabétique devrait normalement éliminer les caractéristiques statistiques « naturelles » observées dans le manuscrit de Voynich, telles que la loi de Zipf. De plus, bien que le chiffrement polyalphabétique ait été inventé vers 1467, les variantes n'en devinrent populaires qu'au XVIe siècle, c'est-à-dire après la date estimée du manuscrit de Voynich. Chiffrement par dictionnaireSelon cette théorie, les « mots » du manuscrit de Voynich seraient codés de telle sorte qu'il faille les retrouver grâce à un dictionnaire ou un tableau de chiffrement. Le principal indice concordant est que la structuration et la distribution statistique de ces mots sont similaires aux nombres romains. Ceux-ci seraient un choix naturel pour le code utilisé. Les livres codés ne sont cependant viables que pour de courts messages à cause de leur encombrement et leur utilisation peu commode : chaque écriture ou lecture d'un mot demande un parcours du répertoire. D'autres théories remettent en cause « l'évidence » du choix des nombres romains. StéganographieCette théorie repose sur l'hypothèse qu'une bonne partie du texte n'a aucun sens mais dissimule des informations cachées dans des détails passant inaperçus. Par exemple, la deuxième lettre de chaque mot ou le nombre de lettres de chaque ligne peuvent avoir une signification, le reste étant inutile. Cette technique nommée stéganographie est très ancienne et a été décrite, entre autres, par Johannes Trithemius en 1499. Il a été aussi suggéré de déchiffrer le texte avec une grille de Cardan quelconque. Cette théorie est complexe à prouver (on peut obtenir un résultat probant sans avoir trouvé la bonne méthode) mais aussi à réfuter, puisqu'un code de ce type peut être difficile à « casser ». Un argument contre une telle hypothèse est que l'aspect « texte chiffré » de l'ensemble du manuscrit va à l'encontre de l'objectif premier de la stéganographie, à savoir cacher l'existence même du message secret. D'autres ont imaginé que la signification du texte était codée dans la longueur ou la forme du trait d'écriture. Des exemples d'une telle méthode sont attestés à l’époque, utilisant la forme des caractères (italique contre droit) pour cacher des informations. Cependant, après examen, le manuscrit de Voynich semble bien avoir été rédigé d'une écriture naturelle, influencée par les reliefs de la surface de vélin. Langage codéChiffrement visuelJames Finn a proposé dans son livre Pandora's hope (2004) que le manuscrit de Voynich serait en fait de l'hébreu visuellement codé. Une fois les lettres de Voynich transcrites correctement, avec l'EVA comme guide, beaucoup de mots peuvent être lus comme des mots hébreux qui se répètent avec des distorsions pour troubler le lecteur. Par exemple, le mot AIN du manuscrit est un mot hébreu pour « œil » et il apparaît aussi sous d'autres formes comme « aiin » ou « aiiin », pour donner l'impression qu'il s'agit de mots différents alors qu'en fait ils sont identiques. Un argument en faveur de cette méthode est qu'elle expliquerait le manque de succès des autres chercheurs basant leurs méthodes sur des approches plus mathématiques. L'argument principal contre l'hypothèse du chiffrement visuel est que cela induit une accablante charge de travail pour le déchiffrement du texte qui induit de multiples interprétations visuelles. Il serait difficile de séparer le sens du texte d'origine de son interprétation et de l'influence du « décrypteur ». Langage et linguistiqueLangage construitLa structure singulière des « mots » du manuscrit de Voynich a mené William F. Friedman et John Tiltman (1968)[16], indépendamment l'un de l'autre, à la conjecture que le texte serait le résultat de l'utilisation d'un langage inventé de toutes pièces, spécifiquement philosophique. Dans les langages de ce style, le vocabulaire est organisé selon un système de catégories, si bien qu'on peut déduire le sens général d'un mot à partir de sa séquence de lettres. Par exemple, dans la langue moderne Ro, bofo- est la catégorie des couleurs et tous les mots commençant par ce préfixe désignent en fait une couleur : ainsi rouge est bofoc et jaune est bofof. Il s'agit ici d'une version poussée à l'extrême de certaines méthodes de classification des livres utilisées par les bibliothèques et qui disent, P pour langage et littérature, PA pour langue grecque et latin, PC pour les langues romanes… Ce concept est assez ancien, comme l'atteste Philosophical Language (en) de John Wilkins (1668). Dans la plupart des exemples connus, les catégories sont subdivisées par ajout de suffixes. En conséquence, un texte lié à un thème particulier contiendrait beaucoup de mots comportant des préfixes similaires ou communs. Par exemple, les noms de toutes les plantes commenceraient par le même préfixe et il en irait de même pour les maladies, etc. Cette caractéristique pourrait expliquer la nature répétitive du texte du manuscrit. Cependant, personne n'a été en mesure d'établir des correspondances entre des significations évidentes ou plausibles et certains préfixes ou suffixes du manuscrit de Voynich. De plus, les exemples de langages philosophiques connus apparaissent postérieurement au manuscrit, c'est-à-dire seulement vers le XVIIe siècle. Langage naturel exotiqueLe linguiste français Jacques Guy (1991)[17] a suggéré que le manuscrit de Voynich pouvait être un langage naturel exotique, écrit ordinairement avec un alphabet inventé. La structure des mots est en fait assez similaire aux langues de l'Orient et d'Asie centrale, principalement le sino-tibétain (chinois, tibétain et birman), l'austroasiatique (vietnamien, khmer…) et peut-être aussi le taï (thaï, lao, etc.). Dans beaucoup de ces langages, les « mots » n'ont qu'une syllabe ; et les syllabes ont une structure plus riche, incluant des tons. Cette théorie est historiquement vraisemblable. Bien que ces langues possédassent des manuscrits, ceux-ci étaient notoirement difficiles à comprendre par les Occidentaux ; ce qui motivait l'invention de plusieurs alphabets phonétiques. La plupart utilisaient les lettres latines mais quelquefois des alphabets inventés. Bien que ces exemples connus soient bien postérieurs à la période supposée de l'origine du manuscrit de Voynich, l'histoire enregistre des centaines d'explorateurs et de missionnaires qui ont pu l'avoir écrit, même avant le voyage de Marco Polo au XIIIe siècle, mais plus particulièrement après que Vasco de Gama ait découvert la route de l'Orient par la mer en 1498. L'auteur du manuscrit aurait pu être un natif d'Asie de l'Est vivant en Europe, ou éduqué dans une mission européenne. L'argument principal de cette théorie est qu'elle serait cohérente avec toutes les propriétés statistiques du texte du manuscrit de Voynich testées jusqu'à maintenant, incluant les mots doubles et triples (trouvés aussi fréquemment dans des textes chinois ou vietnamiens). Cela explique aussi le manque apparent de nombres et de traits caractéristiques de syntaxe occidentale (comme les articles et les copules), et les illustrations au graphisme général impénétrable. Un autre point concordant est la présence des deux grands symboles rouges de la première page, qui ont été comparés à un titre de livre à la chinoise, écrit de haut en bas et mal recopié. De même, l'apparente division de l'année en 360 degrés (plutôt que 365 jours), en groupes de 15 et partant des Poissons, est un trait relatif au calendrier agricole chinois (jie q`i). L'argument principal des détracteurs de cette théorie est que personne (y compris des savants de l'Académie des sciences chinoise de Pékin) n'aurait trouvé d'exemple probant de symbolisme ou de science asiatique dans les illustrations du manuscrit. Fin 2003, le Polonais Zbigniew Banasik (pl) a proposé une traduction incomplète de la première page du manuscrit en postulant qu'il était écrit en langue mandchoue[w 15]. En , le linguiste britannique Stephen Bax[w 16],[18],[19] a présenté et édité ses premiers travaux de recherche sur le manuscrit Voynich[w 17]. Il a pour cela utilisé la méthode de linguistique comparée de l'égyptologue Jean-François Champollion[w 18]. Cette méthode lui a permis de décrypter déjà 14 lettres et une dizaine de mots. Il a ainsi comparé certaines plantes de l’Herbier avec des plantes identiques connues en Europe et en Orient. Il a ainsi découvert que le genévrier est calligraphié « oror » en langage Voynich et que cette plante se dit « a'ra'r » en langue arabe, langue que Stephen Bax a apprise et pratiquée en Syrie et en Irak[w 19],[w 18]. Il a ainsi obtenu à la fois la traduction du mot en Voynich, mais également sa prononciation. Il poursuivit ses recherches sur une autre plante, la centaurée, qu'il réussit à décrypter grâce à cette méthode avec le mot voynich « kantairon ». Stephen Bax, au vu de l'avancée de ses travaux, souhaite qu'un groupe de linguistes internationaux se constitue afin que chacun apporte sa compétence et ses connaissances[20]. « Mes recherches montrent de façon concluante que le manuscrit n'est pas un canular, comme certains l'ont prétendu et est probablement un traité sur la nature, peut-être dans une langue du Proche-Orient ou d'Asie »[w 18]. Langue polyglotteNéerlandais, ancien français et vieux haut-allemandDans son livre Solution of the Voynich Manuscript: a liturgical manual for the Endura rite of the cathari heresy, the cult of Isis (1987)[21], Leo Levitov déclarait que le manuscrit était une transcription d'une « langue orale polyglotte »[w 20]. Il la définit comme « un langage littéraire compréhensible pour les personnes qui ne comprenaient pas le latin, mais qui pourraient lire ce langage ». Sa méthode de déchiffrement rassemble des séries de trois lettres pour former chaque syllabe et produire une série de syllabes formant un mélange de néerlandais médiéval, d'ancien français et de vieux haut allemand. Selon Levitov, le rite d'Endura n'était rien d'autre que l'assistance au suicide rituel pour les personnes considérées comme proches de leur fin, associé à la foi cathare (bien que la réalité de ce rite soit aussi remise en question). Il explique que les plantes chimériques ne sont pas là pour représenter une quelconque espèce florale, mais sont des symboles secrets de la foi. Les femmes dans les bassins à la tuyauterie complexe représentent le rituel lui-même, qui impliquait de se couper les veines pour laisser couler le sang dans un bain chaud. Les constellations, sans analogue céleste, représentent les étoiles du manteau d'Isis. Cette théorie est mise en doute sur plusieurs points. Premièrement, la foi cathare est largement connue pour avoir été un gnosticisme chrétien, mais jamais associé d'une quelconque façon à Isis, puisqu'il n'existe aucun lien connu entre le catharisme et Isis. Deuxièmement, cette théorie place l'origine du livre au XIIe siècle ou au XIIIe siècle, donc très antérieure à ce que croient les adhérents de la théorie de Roger Bacon eux-mêmes (et la datation radiologique). Troisièmement, le rite d'Endura implique un jeûne et non pas un acte d'automutilation comme se couper les veines. Levitov n'a proposé aucune preuve de sa théorie au-delà de sa traduction. Cette thèse proche dans son principe de la précédente est soutenue fin par Gerard Cheshire, qui affirme avoir déchiffré le manuscrit, et l'attribue de façon précise à l'entourage de Marie de Castille : il aurait été compilé par une religieuse dominicaine à l'intention des dames de la cour à laquelle son monastère était affilié, et contiendrait en particulier la description d'une éruption volcanique sur l'île de Vulcanello (avant qu'elle ne devienne une presqu'île en 1550)[22],[23]. Cependant, des doutes s'élèvent très rapidement[24], l'université de Bristol en particulier se désolidarisant de ce travail[25]. Théorie de l'informationPlusieurs études récentes effectuées dans le champ de la théorie de l'information, réduisent la possibilité que d'un point de vue linguistique, le Voynich soit sans aucun sens. En 2009, une nouvelle approche de l'entropie a été menée par Marcelo Montemurro de l'université de Manchester[w 21] en utilisant une technique qui extrait les termes les plus significatifs. Les scores de parenté ont montré la forte connexion linguistique en rapport avec les représentations picturales dans la section plantes. « Notre analyse est la première qui relie réellement ces sections seulement par leur structure linguistique » dit Marcelo Montemurro. D'autres tests ont mesuré les regroupements des mots : « Nous voulions voir si la structure issue de l'analyse serait cohérente ou non avec un langage réel […]. Étant donné la valeur que nous avons obtenue, nous disons que nous ne pouvons pas ignorer que c'est un langage » (Montemurro). En 2013, des chercheurs de l’université de Manchester et du Conseil national d’investigations scientifiques et techniques d’Argentine (CONICET) ont publié un article dans la revue PLOS One[26], où ils expliquent avoir étudié le document avec des méthodes venant de la théorie de l'information et qui révèlent que le manuscrit a une organisation complexe et que la distribution des mots est compatible avec une langue réelle et incompatible avec un texte aléatoire ; constat qui permet de réduire la possibilité que le Voynich soit un faux traité[w 22]. Hypothèse de mystificationLes caractéristiques étranges du texte du manuscrit de Voynich (comme le doublement ou le triplement de mots) et le contenu suspect de ses illustrations (comme les plantes chimériques) ont fait penser que ce manuscrit était peut-être une mystification, voire une escroquerie. En 2003, le psychologue et linguiste britannique Gordon Rugg, professeur au Département de mathématiques et d’informatique de l’université de Keele, montre qu'un texte comparable au manuscrit de Voynich peut être produit en utilisant un tableau de préfixes, radicaux et suffixes de mots[27], qui seraient sélectionnés et combinés au moyen d'un cache de papier perforé[28]. Connu sous le nom de grille de Cardan, ce système fut inventé vers 1550 pour servir d'outil de chiffrement dans la correspondance diplomatique. Malgré tout, les textes générés par la méthode de Gordon Rugg n'ont ni les mêmes mots, ni les fréquences (loi de Zipf) du manuscrit de Voynich ; la ressemblance est visuelle, non quantitative. Cependant, en 2008, les experts ont été en mesure de produire un galimatias ressemblant à de l'anglais (ou n'importe quelle autre langue) dans des proportions analogues au manuscrit de Voynich[28]. Même si Gordon Rugg n'a pas prouvé que le texte était un faux, il a démontré que les techniques de l'époque permettaient à des personnes ayant une culture mathématique de forger un texte ayant certaines des propriétés statistiques du manuscrit[w 23] en un temps raisonnable (deux à quatre mois). Notons que les faussaires Edward Kelley et John Dee avaient au XVIe siècle inventé l'énochien, la langue des anges, et son propre alphabet. Kelley prétendait pouvoir parler aux anges au travers d'un miroir en obsidienne polie. Leur « grimoire » fut vendu pour 600 ducats d'or à l'empereur Rodolphe II, qui raffolait de ce genre d'artefacts. Le fait qu'aucun linguiste ni aucun cryptographe n'ait pu déchiffrer le code du Voynich incite à privilégier l'hypothèse de l'imposture. Selon Gordon Rugg, il s'agit de l'hypothèse la plus difficile à admettre pour les amateurs d'énigmes et celle qui a été la plus rapidement écartée dans toutes les études traitant de ce manuscrit. Hypothèses sur l'auteurLa paternité du manuscrit de Voynich a fait l'objet de débats opposant les aspects historiques et les expertises scientifiques. Plusieurs noms ont été proposés. On retiendra ici les thèses les plus fréquemment mentionnées, souvent faites préalablement à la datation carbone 14, et souvent en contradiction avec celle-ci. XIIIe siècleRoger BaconLa lettre de 1666 expédiée par Marci à l'attention de Kircher, indique que le livre avait été acheté par Rodolphe II du Saint-Empire. La missive suggère que Rodolphe (ou peut-être Mnishovsky) pensait que l'auteur était le philosophe et alchimiste anglais Roger Bacon (1214–1294)[11]. Depuis la datation au carbone 14[w 1], cette attribution ne tient plus. Même si Marci dit « émettre des doutes » au sujet de cette affirmation[a 7], cette thèse fut prise au sérieux par Voynich qui tenta de la valider de son mieux. La conviction de Voynich influença énormément les tentatives d'analyse et de déchiffrement qui suivirent. L'Américain William Newbold travailla durant deux ans sur le manuscrit et arriva à la « conclusion » que l'auteur était Bacon, mais il mourut en 1926 sans pouvoir défendre sa théorie. Elle fut passablement critiquée par la suite[w 24]. Des experts, familiers des œuvres de Bacon, eurent l'occasion d'examiner le manuscrit et rejetèrent catégoriquement cette hypothèse[29]. XVIe siècleJohn DeeLa supposition que Roger Bacon était l'auteur conduisit Voynich à conclure que la personne qui vendit le manuscrit de Voynich à Rodolphe II ne pouvait être que John Dee. Dee était un mathématicien et un astrologue de la cour de la reine Élisabeth Ire, connue pour détenir une grande collection de manuscrits de Bacon (37 exactement) et clamait que le vrai nom de Bacon était David Dee, un de ses ancêtres[30]. Dee et son médium Edward Kelley vivaient en Bohème entre 1584 et 1588, quand tous deux espérèrent vendre leurs services à l'empereur. Cependant, les agendas méticuleusement tenus par Dee ne mentionnent pas cela et rendent cette hypothèse assez invraisemblable. En tout cas, si l'auteur du manuscrit de Voynich n'est pas Bacon, la relation avec Dee disparaît[w 25], si ce n'était les souvenirs de son fils, Arthur, âgé de huit ans[a 8],[n 6],[31] : « Voynich raconte que Arthur Dee, alors fils de John Dee, avait eu pour souvenir un père intensément pris par l’étude d’un livre entièrement écrit en hiéroglyphes. Il date cet épisode aux alentours de 1586[30]. » Après l'acquisition du manuscrit par Rodolph II entre 1584 et 1588[32], il fut confié à ses savants et à des experts pour étude[32]. C'est peut-être dans ce cadre que le nom de Dee apparaît, s'il l'a examiné comme le rapporte son fils. Par ailleurs, Dee lui-même peut l'avoir rédigé et avoir lancé la rumeur selon laquelle il s'agissait originellement d'un travail de Bacon. Dee aurait agi de la sorte dans l'espoir de vendre ultérieurement le manuscrit [réf. souhaitée]. Edward KelleyLe compagnon de Dee à Prague, Edward Kelley, était un alchimiste qui sortait de l'ordinaire. Il avait annoncé sa capacité à transformer du cuivre en or par le biais d'une poudre secrète qu'il avait découverte dans la tombe d'un évêque au Pays de Galles. Il affirma également être capable d'invoquer des anges en touchant une boule de cristal et d'avoir de longues conversations avec eux. Dee rapporta ces faits dans des documents manuscrits. Le langage des anges était l'énochien, d'après Énoch, le père biblique de Mathusalem. D'après la légende, Kelley aurait fait un voyage avec les anges et aurait expliqué son périple dans le Livre d'Énoch. Plusieurs personnes ont suggéré que comme Kelley avait inventé le livre d'Enoch pour tromper Dee, il aurait également pu fabriquer le manuscrit de Voynich dans le but de le vendre à l'empereur (qui rémunérait déjà Kelley pour ses supposés talents d'alchimiste). L'hypothèse privilégiée par Gordon Rugg (2004) est que le manuscrit aurait été forgé par Edward Kelley et John Dee ensemble. Le manuscrit semble avoir été écrit avec deux écritures avec des mots ayant des fréquences différentes selon l'écriture[n 7]. Edward Kelley et John Dee avaient déjà inventé ensemble l'énochien, la « langue des anges », ce qui en fait des spécialistes de l'arnaque et des langues forgées. Selon cette hypothèse, le manuscrit ne renfermerait aucune information. Leur présence à Prague au moment de la vente du manuscrit à l’empereur de Bohème ajoute du crédit à cette hypothèse[w 23]. Anthony AschamDans les années 1940, le docteur Leonell Strong, chercheur en cancérologie à l'université de Yale et cryptologue à ses heures, tenta de déchiffrer le manuscrit de Voynich[33]. Strong « présuma que le système de chiffrement utilisé était un double système particulier de progression arithmétique d’un alphabet multiple très voisin de ceux de Trithème, Porta et Seleni[34]. » Il assura que le texte en clair correspondait à un manuscrit anglais du XVIe siècle d'Anthony Ascham (en). Ascham avait publié A little herbal en 1550 à Londres. Si le manuscrit de Voynich contient bel et bien une section ressemblant très fortement à un herbier, la théorie de Strong n'explique pas comment Ascham aurait pu acquérir les connaissances cryptographiques et littéraires nécessaires pour rédiger le manuscrit. XVIIe siècleJacobus SinapiusUne reproduction photostatique de la première page du manuscrit, réalisée par Voynich vers 1921, montre certaines annotations quasiment imperceptibles qui avaient été effacées. Le texte a pu être rehaussé à l'aide de produits chimiques, et a laissé apparaître le nom de Jacobj à Tepenec. Il s'agirait de Jakub Horcicky de Tepenec, Jacobus Sinapius en latin. Ce spécialiste en herboristerie était le docteur personnel de l'empereur Rodolphe II, titré en 1608 « de Tepenec », et s'occupait également de ses jardins. Voynich et d'autres personnes après lui, conclurent d'après cette « signature » que Jacobus Sinapius possédait l'ouvrage avant Baresch. Cette découverte renforçait l'histoire de Raphael Mnishovsky. D'autres affirmèrent que Jacobus Sinapius lui-même pouvait être l'auteur du manuscrit. Un doute repose sur cette piste : la signature effacée du manuscrit ne correspond pas aux autres signatures connues de Jacobus Sinapius comme celle découverte par Jan Hurich dans un document[w 26]. Il est tout à fait plausible que cette annotation sur la page droite f1 fut l'œuvre d'un libraire ou d'une quelconque personne qui eut l'occasion d'étudier ou de posséder le livre. À l'époque de Kircher, Jacobus Sinapius est le seul alchimiste ou docteur de la cour de Rodolphe II auquel on a consacré une page entière dans les livres d'histoire jésuites. Tycho Brahe, par exemple, est à peine mentionné. L'application des produits chimiques a tellement dégradé le vélin, que la signature est à peine visible. Il est possible que Voynich ait volontairement façonné et endommagé cette signature dans le but de renforcer la théorie attribuant la paternité à Roger Bacon, tout en empêchant d'éventuelles contre-expertises. Jan MarciJan Marci rencontra Kircher alors qu'il était à la tête d'une délégation envoyée par l'université Charles à Rome en 1638. Au cours des vingt-sept années qui suivirent, les deux érudits échangèrent un volumineux courrier scientifique. Le voyage de Marci avait pour but d'assurer l'indépendance de l'université Charles vis-à-vis des jésuites. Ceux-ci géraient le collège Clementinum, qui était un rival pour l'université. Malgré ces efforts, les deux établissements furent fusionnés sous le contrôle des jésuites. C'est dans ce contexte religieux et politique tendu que Marci aurait pu fabriquer les lettres de Georg Baresch et plus tard le manuscrit de Voynich dans le but de se venger de Kircher, favorable aux jésuites. La personnalité de Marci et ses connaissances semblent être compatibles avec la réalisation de l'ouvrage. Kircher était convaincu de détenir le savoir, il était plus connu pour ses erreurs et sa candeur que pour son prétendu génie. Kircher était donc une cible facile et il s'était déjà fait ridiculiser à une autre occasion : l'orientaliste Andreas Müller lui avait concocté un manuscrit, prétendument originaire d'Égypte ; le contenu était en fait incohérent et volontairement sans aucune signification. Mueller demanda à Kircher d'en faire une traduction. Kircher renvoya alors une traduction complète, ce qui ne manqua pas de le discréditer. Les seules preuves de l'existence de Georg Baresch sont trois lettres envoyées à Kircher : une par Baresch (1639) et deux par Marci (environ une année plus tard). La correspondance entre Marci et Kircher s'achève en 1665, au même moment que la lettre concernant le manuscrit de Voynich. Cependant, toute cette thèse repose sur la haine de Marci à l'égard des jésuites. Ce sentiment n'est que pure conjecture : Marci était un fervent catholique, il avait lui-même étudié pour devenir jésuite et peu avant sa mort en 1667, il fut nommé membre honorifique de l'ordre. Raphael MnishovskyVers 1618 un ami de Marci, Raphael Mnishovsky, qui s'intéressait à la cryptographie, avait, semble-t-il, mis au point une méthode de chiffrement prétendument inviolable. Ses connaissances dans ce domaine ont donc alimenté les soupçons à son sujet. Le manuscrit de Voynich aurait pu constituer une application du système de Mnishovsky. Dans ce cas, Baresch aurait été son « cobaye » pour cette expérience de cryptanalyse. Mais après la publication du livre de Kircher sur le copte, Mischowsky aurait pensé qu'il était plus gratifiant de tromper un jésuite que Baresch. C'est pourquoi il aurait demandé à ce dernier de le mettre en contact avec Kircher en le motivant grâce à une histoire sur Roger Bacon inventée de toutes pièces. Aucune preuve concrète n'est toutefois venue étayer cette hypothèse. XXe siècleWilfrid VoynichVoynich a été suspecté d'avoir lui-même fabriqué l'ouvrage qui porte son nom. En tant que marchand de livres anciens, il disposait des moyens et des connaissances nécessaires pour inventer un manuscrit faussement attribué à Roger Bacon. Un tel livre aurait représenté une fortune et un mobile financier pourrait avoir motivé la création de ce faux. Cette possibilité semble pouvoir être écartée[n 4]. La lettre de Baresch destinée à Kircher datant de 1639, qui a été retrouvée récemment par René Zandbergen[2], est la première allusion au manuscrit trouvée jusqu'alors et il est fort improbable que W. Voynich en ait eu connaissance. Dans la culture populaireUn certain nombre d'éléments de la culture populaire semblent avoir été influencés, en partie au moins, par le manuscrit de Voynich. Littérature
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