Les pensionnats autochtones[1], pensionnats indiens[2],[3], ou écoles résidentielles, étaient une forme d'enseignement public en internat destiné aux Autochtones au Canada. Il s'agissait d'institutions destinées à scolariser, évangéliser et assimiler les enfants autochtones. Au cours du XXe siècle, le Département des Affaires Indiennes encouragea le développement des internats pour autochtones afin de favoriser leur assimilation[4]. Cette pratique, qui séparait les enfants de leur famille, a été décrite comme le fait de « tuer l'indien dans l'enfant »[5]. Bien plus que des écoles, ces pensionnats étaient des « centres d’endoctrinement culturel » selon Murray Sinclair, président de la Commission vérité et réconciliation[6].
Ils se sont répandus avec la création en 1831 du Mohawk Institute, à Brantford (Ontario) et se sont maintenus durant plus d'un siècle et demi, le dernier ayant fermé ses portes en novembre 1996[7]. Au total, 150 000 enfants métis, inuit et membres des Premières Nations ont dû les fréquenter[8]. Une bonne partie de ceux-ci n'ont jamais retrouvé leur famille. Entre 3 000 et 6 000 y sont morts[9].
Cette institution a laissé des séquelles très graves sur les peuples autochtones : « Loin de leur famille et de leur communauté, sept générations d’enfants autochtones ont été privés de leur identité à la suite d’efforts systématiques et concertés visant à anéantir leur culture, leur langue et leur esprit. » Ce système a porté atteinte à leur respect de soi et a « miné leur capacité à s’occuper des tâches quotidiennes de la vie[6]. »
Le même système a existé aux États-Unis, où l'on dénombre 360 pensionnats autochtones, avec des conséquences également traumatisantes, mais les efforts des Autochtones pour obtenir la création d'une commission de Vérité et Réconciliation similaire à celle du Canada n'ont pas abouti[10].
Début de l’assimilation
C’est pour évangéliser et assimiler les populations autochtones que le gouvernement fédéral et les Églises ont instauré les pensionnats autochtones[11]. En créant ces écoles, ils ont voulu imposer de nouvelles valeurs et croyances, donner une éducation « appropriée » ainsi qu'instaurer une discipline orientée vers le travail industriel chez les enfants autochtones[12]. Les conditions de vie des pensionnats étaient très difficiles et plusieurs pensionnaires en ont conservé des séquelles psychologiques importantes[13].
Le terme « pensionnat autochtone » regroupe les écoles industrielles où étaient enseignés divers métiers[14], les pensionnats, les foyers scolaires, les maisons d’hébergement, les logements chez un particulier et les écoles résidentielles. Au Québec, pour qu’un pensionnat autochtone soit reconnu comme tel, l’enfant doit avoir été placé dans un pensionnat hors de son foyer familial[15]. De plus, le Canada doit avoir été conjointement et exclusivement responsable du fonctionnement du pensionnat et de la garde des pensionnaires[15].
En 1857, le gouvernement colonial a mis en place une loi intitulée Act for the Gradual Civilization of the Indian Tribes in the Canadas[12]. Cette loi a comme but d’imposer des restrictions sur les actions des autochtones, comme posséder une terre et de l’alcool[12]. De plus, cette loi permettait à un Indien de sexe masculin, de l’Ontario et du Québec, qui parlait couramment l’anglais ou le français et qui n’avait pas de dettes, d’être reconnu comme un citoyen canadien à part entière. Après quoi, il « s’émancipait » de son statut d’Indien[12]. Il pouvait se voir attribuer une terre de cinquante acres dans une réserve[12]. Cependant, celui qui « s’émancipe » de son titre n’obtient, tout de même, pas un droit de vote[12]. Cette politique avait comme but de réduire la superficie des réserves et, de ce fait même, réduire le nombre d’Indiens dans ces provinces[12].
Les Autochtones étaient considérés comme des personnes que l’on devait civiliser. Le premier pensionnat est créé en Colombie-Britannique en 1863[16], mais le régime des pensionnats est officiellement instauré en 1892, par suite d'ententes avec les clergés catholique, anglican, méthodiste et presbytérien.
En 1876, le gouvernement fédéral du Canada adopte une loi initialement désignée « Acte des Sauvages », définissant sa responsabilité fiduciale envers les « Indiens » résidant dans une réserve. Cet acte visait également à libérer les territoires pour faire place aux nouveaux colons[17]. Cependant, cette loi n’aurait pas été signée au Québec[17]. En 1883, le premier ministre John A. Macdonald autorise la mise en œuvre de pensionnats, un système conçu pour couper tout lien entre les jeunes autochtones et leur culture, et pour les isoler de leur milieu familial. Le gouvernement canadien et le Département des Affaires Indiennes sont ceux qui ont démarré le projet des pensionnats[18]. En fait, ils se sont assignés responsables des communautés autochtones depuis l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique[18]. En 1884, un amendement de la Loi sur les Indiens permet au Canada de créer et financer des pensionnats, gérés par le gouvernement et les églises catholique, anglicane, méthodiste, presbytérienne et unie[19],[20].
En vertu de la loi sur les Indiens modifiée en 1920 sous la direction de Duncan Campbell Scott(en), tous les enfants des Premières Nations âgés de 7 à 15 ans devaient fréquenter une école ou un pensionnat autochtone au moins 10 mois par année[21]. Cette loi fédérale a été ignorée pendant longtemps au Québec pour plusieurs facteurs, soit le refus de la province d’assumer la charge mise en place de cette scolarisation, le manque d’intérêt envers les peuples autochtones et la crise économique de 1929[17]. De plus, le coût de construction des pensionnats était élevé[15]. Au Québec, les pensionnats autochtones ont commencé leurs opérations une quinzaine d’années à la suite de la Loi sur les Indiens[22]. Lorsque ceux-ci furent achevés, plusieurs parents autochtones ne voyaient pas l’intérêt d’une éducation plus poussée pour leurs enfants au-delà du grade primaire, car la demande pour l’enseignement secondaire existait seulement depuis quelques années, donc plusieurs enfants passaient inaperçus dans le système[22],[17] .Ce sont les Oblats de Marie Immaculée, qui, au début des années 1950, ont reçu l’autorisation du gouvernement fédéral de prendre la responsabilité de ces pensionnats[17].
Si de nombreux établissements étaient francophones au tournant du XXe siècle, le gouvernement fédéral décida d'imposer l'anglais en 1910 comme unique langue d'enseignement[23].
En 1945, le gouvernement fédéral cessa de verser une allocation familiale aux familles dont les enfants ne fréquentaient pas l’école, ce qui était un autre moyen de rendre obligatoires la fréquentation scolaire et l’assimilation[24].
En 1951, la réforme sur la Loi sur les Indiens prônait l’abolition des pensionnats et l’intégration des enfants autochtones dans les écoles provinciales[25]. Cependant, les Oblats de Marie Immaculée auraient milité pour garder ce système au Québec. Selon eux, les écoles traditionnelles n’auraient pas été « outillées » adéquatement pour recevoir des élèves autochtones[25].
Les ententes avec les clergés sont abolies en 1969 par le Livre blanc de 1969 sur la politique indienne du gouvernement du Canada, déposé par Jean Chrétien, alors ministre des Affaires indiennes[26]. Cette mesure entraine la fermeture de nombreux pensionnats. Toutefois, la mise en adoption forcée de nombreux enfants, débutée dans les années 1950, se poursuit jusque dans les années 1980.
Conditions de vie
Les conditions de vie dans les pensionnats étaient souvent difficiles. L’une des causes directes des maladies et des décès était le financement largement inadéquat de la part du gouvernement, ce qui entraînait un manque de qualité, de quantité et de variété de la nourriture. La solitude, l’absence de contact avec les parents et la famille, la frustration liée à l'interdiction de parler sa langue maternelle, la piètre qualité de l’enseignement, la faim, l’institutionnalisation, le travail excessif, les règles strictes, les châtiments corporels, les agressions sexuelles et l’absence de personnes de confiance sont des aspects que l’on a pu retrouver dans la majorité des pensionnats[27].
Les conditions sanitaires étaient propices à l'expansion de la tuberculose, ainsi que l'a vivement dénoncé Peter Bryce, alors médecin engagé par le gouvernement fédéral pour superviser 35 pensionnats. Il rapporte notamment que, en 1907, le quart des élèves mourait et que dans une école le taux de mortalité avait atteint 75%. Il intervient à plusieurs reprises auprès du ministère pour obtenir des changements radicaux, mais il se heurte à une fin de non-recevoir de la part de Duncan Campbell Scott. En désespoir de cause, il publie une brochure dénonçant cette situation en 1922[28].
Lors de leur arrivée au pensionnat, les jeunes étaient dépouillés de leurs effets personnels et de leurs vêtements traditionnels. On coupait leurs cheveux, changeait leur nom et on leur donnait un numéro. Ils recevaient un uniforme correspondant à leur tranche d'âge[29].
À l'instar des méthodes alors utilisées en France pour faire disparaître les langues régionales[30], les enfants étaient punis s'ils utilisaient leur langue.
Les responsabilités de cette situation ne relèvent pas uniquement des autorités religieuses qui dirigeaient ces pensionnats, comme le souligne Ovide Bastien :
« Qui allait enlever les enfants de force pour les transporter aux pensionnats soumis aux normes et règlements génocidaires du gouvernement, n’est-ce pas la GRC ? Qui assumait les coûts, en nourriture et infrastructure, des pensionnats et faisait en sorte qu’il soit impossible d’isoler les enfants souffrant de tuberculose ou que parfois leur régime alimentaire était insuffisant ? Qui payait les salaires des professeurs ? Qui décidait que les parents autochtones perdaient la responsabilité légale de leurs enfants, celle-ci allant à la direction du pensionnat ? N’est-ce pas le gouvernement fédéral [31]. »
De 1867 à la fin du XXe siècle, ce sont près de 150 000 Autochtones qui ont fréquenté les pensionnats. Selon le rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, environ 3200 y ont perdu la vie entre 1921 et 1965. Selon l'historien Jacques Rouillard, si le taux de mortalité au sein des pensionnats pour Autochtones était deux fois plus élevé que la moyenne canadienne pour la période s'étendant de 1921 à la Seconde Guerre mondiale - décès dus principalement à la tuberculose - il n'y avait toutefois plus d'écart du taux de mortalité entre les pensionnaires autochtones et la moyenne des autres enfants âgés de 5 à 14 ans pour la période suivante s'étendant jusqu'en 1965. Cela s'expliquerait notamment par les campagnes de vaccination, qui furent mises en œuvre autant dans les écoles pour Autochtones que les écoles pour non-Autochtones[32].
Entre 3 000 et 6 000 enfants sont morts dans ces pensionnats, de causes diverses : environ la moitié sont morts de la tuberculose et d’autres maladies infectieuses, d’autres dans les incendies qui ont ravagé ces établissements souvent vétustes, certains par suicide ou en tentant de fuir[9]. Il est estimé que le nombre d'enfants est beaucoup plus élevé[33].
Quelques établissements ont planifié la malnutrition de certains enfants à des fins d'expérimentations médicales. Entre 1942 et 1952, des enfants autochtones ont été délibérément affamés afin élargir les connaissances médicales sur l’apport d’éléments nutritionnels[9].
Le National Post estime le nombre de personnes ayant commis des agressions sexuelles sur mineurs à 5 000 pendant le siècle que durèrent les pensionnats pour les Autochtones, mais moins de 1 % ont été condamnées[34].
Des conséquences largement traumatiques
Les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes :
« Les enfants qui terminent leurs études s’aperçoivent souvent que les liens avec leur communauté d’origine et leur culture ont été coupés et, de surcroît, ils n’acquièrent pas les compétences nécessaires pour connaître du succès dans la société en général. Des communautés des Premières Nations qui, au départ, acceptent de financer les écoles en viennent à retirer leur soutien, compte tenu de leur expérience avec un système qui ne répond pas à leurs désirs, qui dénigre leur culture et qui ne leur procure pas les bienfaits économiques promis[35]. »
Ces établissements ont laissé chez leurs pensionnaires des cicatrices et des traumatismes importants. Même si quelques-uns d’entre eux gardent un souvenir favorable à la suite de l’apprentissage d'habiletés utiles et des attitudes positives qu’ils ont acquises, la majorité des pensionnaires raconte des histoires de solitude, de discipline rigoureuse et de sévices physiques, sexuels (pédocriminels) et psychologiques. Selon le livre Peuples autochtones, résilience et séquelles du régime des pensionnats : « la séparation de leurs parents et de leur famille a été leur premier traumatisme ». Les jeunes étaient confrontés à une nouvelle culture, à une nouvelle langue et à un nouveau régime disciplinaire que leur imposaient les Blancs[36].
La confiscation des enfants à leurs communautés, leur déracinement, la déstabilisation des communautés cantonnée dans des réserves et la perte de leurs repères culturels ont engendré de profonds traumatismes et bouleversements sociaux.
Les recherches sur le sujet suggèrent également que les pensionnats ont déclenché des effets intergénérationnels transmis de génération en génération, dommageables pour le bien-être des Autochtones dans leur ensemble[37]. La perte de certaines langues et des traditions autochtones représente une perte d’espoir évidente du peuple en perdant ce qu’ils considèrent le symbole fondamental. Étant donné que plusieurs générations d’enfants ont été élevées dans ces institutions où toute manifestation de l’aboriginalité était décriée et dépréciée, alors il ne faut pas se surprendre si la culture et la langue sont menacées[38].
De nombreuses conséquences peuvent survenir pour une personne qui a fréquenté les pensionnats autochtones. Non seulement une victime d’agression sexuelle peut devenir à son tour agresseur, mais qu’elle est également plus à risque de vivre à nouveau de mauvais traitements une fois adulte et aussi les enfants de la victime sont aussi plus à risque d’être victimes d’agression sexuelle[39]. Par ailleurs, les événements vécus des Autochtones dans les pensionnats ont pu engendrer plusieurs problèmes et effets à long terme, dont la dépression, le suicide, la violence, l’abus d’alcool et de drogues dans la communauté. Puis, l’éducation des enfants est aussi difficile puisqu’ils absorbent le sentiment de perte et de frustration que ressentent leurs parents et leurs grands-parents. Bien que ces enfants n’aient pas vécu directement le traumatisme des pensionnats, ils l’éprouvent indirectement au travers des effets sur leurs familles et leurs communautés[37].
Enfants disparus et sépultures anonymes
Le , les restes des corps de 215 enfants sont retrouvés, à l'aide d'un radar à pénétration de sol, sur le site d'un ancien pensionnat pour Autochtones de Kamloops, en Colombie-Britannique[40]. Plusieurs rassemblements ont alors lieu au Canada pour honorer la mémoire de ces enfants[41]. À la suite de cette découverte, la Première Nation de Sipekne'katik commence des recherches sur le site de l’ancien pensionnat autochtone de Shubenacadie, en Nouvelle-Écosse, qui a cessé ses activités en 1967, après 40 ans d'existence[42]. Marc Miller, ministre des Services aux Autochtones au Canada, explique que l'instauration des pensionnats autochtones « demeure une honte nationale. Ce qui est encore plus honteux, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui ne connaissent pas cette réalité. »[40] Selon, le Centre national pour la vérité et réconciliation (CNVR), le Centre enquête sur le destin des 150 000 enfants placés dans ces écoles, et parmi ces Autochtones, il y a plus de 4 000 décès confirmés ; 400 sites d’enterrement non marqués et 32 % des décès dont les noms ne sont pas enregistrés. De plus, le Centre national a poursuivi les recherches sur à peu près 4 000 noms d’enfants disparus. Et, finalement, la Commission de vérité et réconciliation du Canada mentionne qu’il y a plusieurs cimetières abandonnés[43].
Le 23 , la Première Nation Cowessess annonce la découverte de 751 sépultures anonymes d'enfants et d'adultes sur le site de l'ancien pensionnat indien de Marieval, en Saskatchewan[44]. Cette école, fondée en 1899 par des Oblats de Marie-Immaculée, a été tenue par les Sœurs de Saint Joseph, provenant de Saint-Hyacinthe, jusqu'en 1979[45], avant d'être prise en charge par le gouvernement fédéral et cédée à la nation Cowessess en 1987, puis fermée en 1997[46].
Selon Jim Miller et Brian Gettler, deux historiens spécialisés dans l'histoire des Premières Nations, le lieu de sépulture de chaque enfant pensionnaire décédé aurait été marqué par une croix en bois ; l'inhumation se déroulant selon le rite catholique. Avec le passage du temps, ces croix seraient disparues, laissant les sépultures anonymes[32].
Dénonciations
Bill Phipps, modérateur de l'Église unie du Canada, demanda durant son ministère pardon aux Autochtones du Canada pour les abus commis par les ministres de l'Église au sein des écoles résidentielles au XXe siècle.
Un pasteur de l'Église unie du Canada, Kevin D. Annett, a enquêté et dénoncé les pratiques de cette église au sein des pensionnats autochtones dans un livre et un film documentaire[49],[50].
Le , les oblats de Marie-Immaculée présentent des excuses pour leur rôle dans le système des pensionnats autochtones[52]. En 2021, les congrégations des oblats d'OMI Lacombe Canada et Notre-Dame-du-Cap dévoilent tous leurs documents liés à leur participation et à la gestion des pensionnats pour Autochtones au Canada.
Le l'évêque Michael Peers, primat de l'église anglicane du Canada présente les excuses de son église aux Autochtones en déclarant notamment « Je suis désolé, plus encore que je ne peux le formuler, que nous ayons essayé de vous refaire à notre image, en vous prenant votre langue, et les signes de votre identité[53],[54] ». Le Premier ministre Stephen Harper présente des excuses au nom des Canadiens relativement aux pensionnats, le en Ontario[55], pour les 139 pensionnats recensés au Canada, dont 12 au Québec[56]. Le mardi , le premier ministre Justin Trudeau demande solennellement pardon aux autochtones du pays au nom de l'État fédéral[57].
La conférence des évêques catholiques du Canada a publié une position par rapport aux pensionnats expliquant qu'évêques et responsables de communautés religieuses « regrettaient profondément toutes les souffrances, les peines et les humiliations endurées par de nombreux aborigènes » sans pour autant s'excuser[58].
Le , le premier ministre Trudeau demande au pape François de présenter les excuses officielles de l'Église aux victimes des pensionnats autochtones canadiens[59]. L'année suivante, le pape annonce qu'il n'offrira pas d'excuses au motif qu'il ne pouvait « y répondre personnellement »[60], mais il finit par s'excuser le 1er avril 2022[61].
Le , Christian Lépine, archevêque de l'archidiocèse de Montréal, présente ses excuses aux familles des victimes des pensionnats autochtones[62].
Le 30 avril 2022, Justin Welby, chef spirituel de l'église anglicane et archevêque de l'archidiocèse de Canterbury, s'excuse au nom de l'Église pour avoir permis « un crime terrible » dans les pensionnats pour Autochtones[63].
Règlement des séquelles
En 2006, Nora Bernard, militante pour les droits des Autochtones, qui a intenté un recours collectif auprès du gouvernement du Canada, obtient près de 5 milliards $ en dédommagement pour les autochtones victimes des pensionnats[64]. Il s'agit du plus grand règlement d'un recours collectif au Canada[65].
L'application de la convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI) débute le [66]. L'objectif de la convention est de régler de façon durable et équitable les séquelles laissées par les pensionnats autochtones. En plus de dédommager financièrement les survivants des pensionnats, l'entente offre aussi un soutien à la guérison[66]. Elle comprend cinq sections :
« un paiement d'expérience commune à tous les anciens élèves admissibles;
* un processus d'évaluation indépendant des réclamations liées à des sévices physiques graves ou à des sévices sexuels;
* des mesures de soutien à la guérison telles que le Programme de soutien en santé de résolution des pensionnats indiens et la dotation de fonds à la Fondation autochtone de guérison;
* des activités de commémoration;
* la mise sur pied de la Commission de vérité et de réconciliation[66]. »
Commission de vérité et réconciliation du Canada
La commission de vérité et réconciliation du Canada a été créée en 2008 dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens[66] dans le but de contribuer à la vérité, à la guérison et à la réconciliation. Les travaux de la CVR ont débuté en 2009 et les audiences publiques en 2010. De 2010 à 2014, sept « Évènements nationaux » ont eu lieu dans des grandes villes du Canada ainsi que des audiences régionales. Au nombre des activités incluses, les audiences comportaient des témoignages publics, des dépositions privées, des cercles de parole où des Autochtones prenaient la parole[67]. En , lors de l’événement de clôture, la commission publie un sommaire exécutif qui comprend une liste de « 94 appels à l'action » (et recommandations) pour favoriser la réconciliation[68]. Le rapport final est publié le . La conclusion du rapport désigne les pensionnats comme agents de génocide culturel des Premières Nations et précise qu'un engagement considérable de l'État est nécessaire pour favoriser l'égalité des chances et entrevoir une véritable réconciliation[69].
En 2019, la commission de vérité et réconciliation du Canada met en ligne, par le biais de son Centre national pour la vérité et la réconciliation, un registre public des noms des enfants décédés dans les pensionnats[70].
Mât totémique des pensionnats
Un totem a été créé par l’artiste Charles Joseph de la nation kwakiutl de la Colombie-Britannique. Devant le pavillon Michal et Renata Hornstein du Musée des beaux-arts de Montréal, sa stature de plus de 21 mètres est imposante. Le dévoilement eut lieu le , dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal. Nommé Mât totémique des pensionnats, l'œuvre fait partie d'un parcours de l’exposition La Balade de la Paix – un musée à ciel ouvert. Il rappelle les enfants autochtones qui ont été retirés de leurs familles et placés dans des pensionnats durant la période de 1820 jusqu’en 1997[7], une situation que l'auteur a lui-même vécue.
« La présentation de ce mât est destinée à tous les Canadiens, pas seulement aux survivants des pensionnats. C’est mon geste de réconciliation, et toute mon histoire est sur ce mât. Cette histoire parle de Charles Joseph, mais aussi de tous ceux qui ont enduré cette épreuve. J’ai besoin de raconter cette histoire sous cette forme, mais elle touche tous les survivants d’un bout à l’autre du Canada[71]. »
— Charles Joseph
Journée nationale de la vérité et de la réconciliation
Faisant suite aux recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, le gouvernement proclame par le projet de loi C-5 la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation au Canada, qui se célèbrera pour la première fois le [72]. Cette journée fériée pour les employés du Gouvernement vise à honorer les survivants, leurs familles et leurs communautés, afin de « faire avancer la réconciliation, réparer les torts historiques et réfléchir à la manière dont nous pouvons construire un Canada plus inclusif[73]. »
Cette journée est aussi connue comme la Journée du chandail orange, créée spontanément en 2013 à la suite du témoignage de Phyllis Webstad sur l'expérience dévastatrice qu'elle avait connue au pensionnat Saint-Joseph de Williams Lake en Colombie-Britannique, où, lors de son arrivée, à l'âge de six ans, elle avait été dépouillée de ses vêtements, y compris le tout nouveau chandail orange que venait de lui acheter sa grand-mère et qui ne lui a jamais été rendu[74]. Depuis, le port d'un chandail orange est devenu le symbole commémoratif d'un sombre épisode de l'histoire canadienne[75].
Mois national de l'histoire autochtone du Canada
En France, l'association Survival International organise en « une série de rencontres réunissant artistes, activistes, professeur·e·s, chercheur·e·s et anthropologues autochtones et allochtones »[76] pour mettre en lumière l'histoire des Premières Nations du Canada ainsi qu'un concours d'écriture sur le thème « de l’identité, du territoire et/ou déracinement »[76] dont les gagnants sont dévoilés le [77].
Listes des pensionnats au Canada et nombre d'enfants morts
En 1909, une étude sur les conditions de santé dans les pensionnats de l'Ouest révèle que 65 des élèves qui fréquentaient l'école depuis 1892 étaient décédés.
En 1930, un inspecteur du gouvernement déclare que les garçons des pensionnats de la réserve de Cardston travaillaient comme des « esclaves » du matin au soir pour soutenir les écoles. L'école connait une grave épidémie de rougeole en 1935 et une épidémie de méningite vertébrale en 1956.
En 1930, un inspecteur du gouvernement déclare que les garçons des pensionnats de la réserve de Cardston travaillaient comme des « esclaves » du matin au soir pour soutenir les écoles.
En 1936, un rapport d'inspecteur indique que tous les membres du personnel portent une sangle et que les enfants « n'apprenaient jamais à travailler sans punition ».
L'école est détruite par un incendie en 1917, 1937 et 1941 et reconstruite après chaque incendie.
En 1995, un ancien superviseur de l'école de 1948 à 1968 est reconnu coupable de 18 chefs d'accusation d'attentat à la pudeur contre des étudiantes autochtones et condamné à 11 ans de prison.
En 1902, neuf garçons s'enfuient de l'école, l'un d'eux meurt mort de froid.
En 1920, neuf garçons mangent de la ciguë aquatique, ce que les parents estiment alors être une réponse à la discipline à l'école. Un de ces garçons est mort.
Dans les années 1980 et 1990, deux anciens membres du personnel plaident coupables à des accusations d'abus sexuels sur des élèves dans les années 1950 et 1960.
En 1998, un ancien directeur présente ses excuses à un ancien élève et employé de l'école qui l'avait accusé d'une série de délits sexuels.
En mai 2021, des fouilles menées au moyen d'un radar à pénétration de sol mettent au jour les restes de 215 enfants inhumés. Aucune exhumation n'a été faite et le doute persiste sur la réalité de cette découverte.
En janvier 1937, quatre garçons qui s'étaient enfuis de l'école meurent de froid sur le lac Fraser. Le coroner critique alors les « châtiments corporels excessifs » infligés à l'école et l'incapacité de l'école à mener une fouille efficace.
Au milieu des années 1990, deux anciens membres du personnel du Lower Post sont reconnus coupables d'avoir agressé sexuellement des élèves alors qu'ils travaillaient à l'école.
En 2004, un ancien employé de l'école est reconnu coupable de 12 chefs d'attentat à la pudeur pendant son séjour à l'école et a été condamné à trois ans de prison.
En 1995, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest publie un rapport concluant que de nombreux élèves avaient été agressés physiquement et sexuellement.
Tout au long de son histoire, l'école connait des incendies réguliers, des épidémies, l'explosion d'une usine d'acétylène et des pénuries alimentaires.
En 1934, une enquête fédérale est ouverte à la suite de la flagellation de 19 garçons, leur laissant des cicatrices permanentes. Le juge chargé de l'enquête déclare alors que les garçons avaient eu ce qu'ils méritaient.
En 1902, un inspecteur conclut que « les garçons de cette école ne font pas que travailler, ils sont travaillés ».
En 1908, les élèves incendient l'école à trois reprises.
En 1942, un haut responsable des Affaires indiennes décrit Mount Elgin comme la « structure la plus délabrée » qu’il ait jamais vue.
En 1941, trois garçons s'enfuis de l'école. On pense qu'ils se sont tous trois noyés ou sont morts de faim.
Quatre anciens membres du personnel ont été reconnus coupables d'attentats à la pudeur, d'agressions causant des lésions corporelles, de voies de fait et d'administration de substances nocives.
Une étude de 1883 a montré que quatre-vingt-trois pour cent des filles qui avaient fréquenté l'école étaient décédées ou avaient quitté l'école de Wawanosh en moins de cinq ans.
?
Pensionnats du Québec (11 pensionnats et foyers fédéraux)
L'école est détruite par un incendie en 1943. Bien qu'elle ait été reconstruite, au milieu des années 1950, elle est restée dans un état déplorable et surpeuplée.
En 1941, un garçon, craignant la discipline à l'école, est mort de froid après s'être enfui.
En 1993, un ancien employé plaide coupable à la suite d'accusations d'agressions sexuelles contre des élèves de l'école et de la résidence Gordon de 1968 à 1984.
Dans les années 1960, époque où les abus sexuels et physiques constituent un problème général à l'école, un surveillant d'école est licencié pour de mauvais traitements infligés aux élèves.
L'école était surpeuplé et les enfants souffraient et mouraient souvent de diverses maladies, notamment la typhoïde, la péritonite, la scarlatine, la tuberculose, la jaunisse et la pneumonie.
En 1971, un éducateur de Coudert Hall est licencié à la suite de plaintes selon lesquelles il aurait agressé sexuellement des étudiants. Ce n'est qu'en 1990 qu'il est poursuivi et condamné pour ces agressions.
↑ a et bMarie-Pierre Bousquet, « Êtres libres ou sauvages à civiliser ? », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière ». Le Temps de l'histoire, no 14, , p. 162–192 (ISSN1287-2431, DOI10.4000/rhei.3415, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Crystal Fraser, Tricia Logan et Neil Orford, « A doctor’s century-old warning on residential schools can help find justice for Canada’s crimes », The Globe and mail, (lire en ligne)
↑ a et bCOLOMBIE-BRITANNIQUE. CENTRE NATIONAL DE COLLABORATION DE LA SANTÉ. L’effet du racisme sur les autochtones et ses conséquences, Colombie-Britannique, 2014, 12p, http://www.nccah-ccnsa.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/131/2014_07_09_FS_2426_RacismPart2_ExperiencesImpacts_FR_Web.pdf, page consultée le 20 avril 2023.
↑DION STOUT, Madeleine et Gregory Kipling. Peuples autochtones, résilience et séquelles du régime des pensionnats. Ottawa, Fondation autochtone de guérison, 2003, 59p.
↑Hélène Jouan, « Après la découverte des ossements de 215 enfants autochtones, le Canada confronté à son histoire coloniale », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑Raymond Frogner et Dominique Foisy-Geoffroy, « Qui sont ces enfants perdus ? Origine et conception du registre des noms des enfants autochtones décédés dans le système des pensionnats du Canada, selon le Centre national pour la vérité et réconciliation », Archives, vol. 48, no 2, , p. 149–159 (ISSN0044-9423 et 2369-9256, DOI10.7202/1067528ar, lire en ligne, consulté le )
↑Jean-François Roussel, « La Commission de vérité et réconciliation du Canada sur les pensionnats autochtones : bilan et prospective », Théologiques, vol. 23, no 2, , p. 31–58 (ISSN1188-7109 et 1492-1413, DOI10.7202/1042742ar, lire en ligne, consulté le )
↑Raymond Frogner et Dominique Foisy-Geoffroy, « Qui sont ces enfants perdus ?
Origine et conception du
registre des noms des enfants
autochtones décédés dans
le système des pensionnats
du Canada, selon le Centre
national pour la vérité et
réconciliation », Archives, , p. 155-157 (lire en ligne)
Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, Pensionnats du Canada : L’histoire, partie 1 des origines à 1939 (Volume 1), , 1056 p. (lire en ligne)
(en) Kevin D. Annett, Hidden no longer : genocide in Canada, past and present, Nanaimo, International Tribunal into Crimes of Church and State and The Friends and Relatives of the Disappeared, , 333 p. (OCLC683258268).
Deborah Chansonneuve, Retisser nos liens : comprendre les traumatismes vécus dans les pensionnats indiens par les Autochtones, Ottawa, Fondation autochtone de guérison, , 56 p. (ISBN978-0-9736647-5-1, OCLC81020137).
Larry N. Chartrand, Tricia E. Logan et Judy D. Daniels, Histoire et expériences des Métis et les pensionnats au Canada, Ottawa, Fondation autochtone de guérison, , 200 p. (ISBN978-1-897285-36-7, OCLC144149649, lire en ligne).
Madeleine Dion Stout et Gregory D. Kipling, Peuples autochtones : résilience et séquelles du régime des pensionnats, Ottawa, Fondation autochtone de guérison, , 64 p. (ISBN978-0-9733976-7-3, OCLC144149084).
Fondation autochtone de guérison, Répertoire des pensionnats au Canada, 2007 [lire en ligne].
Dominique Glasman, « Les pensionnats indiens au Québec. Un double regard », Revue française de pédagogie, no 189, , p. 152-153 (lire en ligne).
Henri Goulet, Histoire des pensionnats indiens catHoliques au Québec : le rôle déterminant des pères oblats, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, , 215 p.
Pierre Lepage, Mythes et réalités sur les peuples autochtones, Québec, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, , 88 p. (OCLC734109637).
Pierre Lepage, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Mythes et réalités sur les peuples autochtones, Montréal, , 88 p. (ISBN2-550-38119-X), p. 21-32.
Réjean Morissette, Les Autochtones ne sont pas des pandas : histoire, autochtonie et citoyenneté québécoise, Montréal, Hurtubise, , 402 p. (ISBN978-2-89647-886-6, OCLC794573036).
(en) Antonio Voce, Leyland Cecco et Chris Michael, « ‘Cultural genocide’: the shameful history of Canada’s residential schools – mapped », The Guardian, (lire en ligne)