Directeur artistique de La Piccola Familia, compagnie théâtrale qu'il fonde à Rouen en 2006, il dirige le centre dramatique national Le Quai d'Angers à partir du . Il démissionne en novembre 2022 après avoir été désigné, en septembre, comme directeur artistique des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux olympiques d'été et de celles des Jeux paralympiques d'été, de 2024, à Paris.
Biographie
Enfance et formation
Fils d'un imprimeur et d'une infirmière[1],[2], il commence le théâtre dès 1993, à Rouen, et intègre la compagnie Théâtre d'enfants, dirigée par Nathalie Barrabé. Il entre ensuite au lycée Jeanne-d'Arc en classe « Théâtre » et il travaille sous la direction des comédiens du théâtre des Deux Rives[3].
Il est en couple avec un danseur[7]. Il se décrit lui-même comme « efféminé »[8]. Il déclare que son identité lui a valu d'être harcelé dès le collège, mais que cela ne l'a que plus encouragé à s'affirmer comme il était[9].
Carrière
2004-2014
Parallèlement à sa formation, il met en scène deux spectacles : en 2004, Mariana, une adaptation des Lettres de la religieuse portugaise et, en 2005, La Photographie, de Jean-Luc Lagarce, dans le cadre d'un atelier carte blanche de l'école du TNB. En 2005, il joue dans Splendid's, de Jean Genet, mis en scène par Cédric Gourmelon et, en 2006, sous la direction de Stanislas Nordey, il joue dans Peanuts, de Fausto Paravidino.
Fin 2006, de retour en Normandie, il réunit plusieurs jeunes acteurs et fonde La Piccola Familia. Il met en scène Arlequin poli par l'amour, de Marivaux, en janvier 2007, au Trident, scène nationale de Cherbourg-Octeville. Sa deuxième mise en scène, Toâ, de Sacha Guitry, a été créée au Trident, en janvier 2009. Elle reçoit en 2009 le prix du public de l'Odéon, dans le cadre du festival de jeunes compagnies Impatience[10].
En 2011, il cède la distribution de Arlequin poli par l'amour à d'autres comédiens dans une recréation du spectacle.
À partir de 2010, il prépare la mise en scène de l'intégralité de la trilogie Henri VI, de William Shakespeare. Il découpe l'œuvre en deux grands cycles : le cycle 1 (qui regroupe l'intégralité de la première partie de Henry VI et les 3 premiers actes de la deuxième partie de Henry VI) est créé en janvier 2012 au Trident-Scène nationale de Cherbourg-Octeville. Le cycle 2 (qui regroupe les deux derniers actes de la deuxième partie de Henry VI et l'intégralité[12] de la troisième partie de Henry VI) est créé en deux temps : l'épisode 3, en novembre 2013 au Théâtre national de Bretagne, l'épisode 4, au 68eFestival d'Avignon où le spectacle est joué pour la première fois dans son intégralité, le , à La Fabrica[13],[14],[15],[16],[17]. Ce spectacle lui apportera le Molière du metteur en scène d'un spectacle de théâtre public en 2015.
En parallèle, sa troupe fait tourner dans des lieux publics le spectacle H6m2, première approche en 45 minutes de Henry VI[18],[19].
En 2014, il met en scène une version russe d’Arlequin poli par l’amour de Marivaux avec les acteurs du Gogol Centre de Moscou[20]. En octobre de la même année, il devient artiste associé au Théâtre national de Bretagne, à Rennes[21].
2015-2019
En 2015, il met en scène Richard III, la suite de Henry VI, programmé à l'Odéon.
Il ambitionne de jouer un jour l’intégralité de Henry VI et Richard III, dans la continuité, soit 24 heures, entractes compris[22].
En 2016, il présente deux nouvelles créations au Festival d'Avignon : Le Radeau de la méduse, avec les élèves de l’école supérieure d'art dramatique de Strasbourg et Le Ciel, la Nuit et la Pierre glorieuse, spectacle sous forme de feuilleton quotidien et véritable chronique du Festival d'Avignon de 1947 à… 2086[23]. Parallèlement, il conçoit avec l'auteur Damien Gabriac Les Chroniques du Festival d'Avignon, programme court diffusé sur France Télévisions en juillet 2016.
Partisan d'un théâtre populaire, intelligent, exigeant et total[27],[28], il donne cette définition de son métier : « Le plaisir de l’acteur n’est-il pas de vivre plus grand, plus gros ? Si je fais du théâtre, c’est parce que je souhaite une réalité augmentée. Le théâtre est une loupe. Il décuple la réalité. Les personnages y sont toujours « plus ». Plus amoureux, plus lâches, plus… monstrueux. Le verbe latin "monstrare" signifie "faire que quelqu’un voie quelque chose". Tout acteur est donc un monstre »[29],[30].
La pièce est nommée deux fois aux Molières. Selon le quotidien anglais The Guardian, elle « remplit la redoutable scène de la cour d’honneur du palais des papes […] de plusieurs instants de grâce délicate ("fills the Papal Palace’s daunting Cour d’Honneur stage […] with several moments of delicate grace") »[41].
En août 2019, il joue le rôle de Fortunio dans Le Chandelier, d'Alfred de Musset, mis en scène au jardin des plantes de Rouen, par Bruno Bayeux, l'un des membres de la Piccola Familia.
Il était prévu qu'il mette en scène la comédie musicale Starmania, à Paris, en novembre 2021[45],[46]. En raison des conditions sanitaires, la programmation parisienne de sa nouvelle version de la comédie est reportée à novembre 2022[47]. La tournée, encore en rodage[48], débute le 7octobre 2022 à Nice[49].
En juin 2022, il présente l'intégrale d'Henry VI et Richard III au Quai, à Angers, sur 4 week-ends : le premier sans pause nocturne, les 3 suivants avec une pause dans la nuit de samedi à dimanche. La tétralogie dure 15 heures 30 de théâtre effectif, soit près de 24 heures avec les entractes[50],[51].
En novembre 2022, il démissionne de la direction du Quai d'Angers[52],[53],[54].
Le choix logistique de la cérémonie d'ouverture est marqué par un concept innovant du fait que le spectacle se déroule hors d’une enceinte, sur 6 km de la Seine et, ce qui n'était pas prévisible, sous la pluie du début à la fin. Thomas Jolly présente une mise en scène artistique, structurée autour de 12 tableaux, visant à être inclusive et représentative de la France. Il déclare : « Je veux surtout que cette cérémonie intègre tout le monde. Nous devons tous célébrer cette diversité. »[59]. La presse internationale est divisée, certains saluent un spectacle « inoubliable » et « audacieux »[60], tandis que d'autres le considèrent « kitsch » et « presque sans intérêt », voire « irrespectueux pour les Chrétiens » ou « catastrophique »[61].
En réponse aux critiques, Thomas Jolly affirme : « Vous ne trouverez jamais chez moi une quelconque volonté de moquerie, de dénigrer quoi que ce soit. J'ai voulu faire une cérémonie qui répare, qui réconcilie. Aussi qui réaffirme les valeurs de notre République ». Il dément s'être "inspiré" de la Cène dans l'un de ses tableaux et précise que « l'idée était plutôt de faire une grande fête païenne reliée aux dieux de l'Olympe ». A propos de l'image de la reine Marie-Antoinette décapitée, tenant sa tête dans ses bras, il assure qu'il n'y avait pas de « glorification de cet instrument de mort qu'était la guillotine »[62].
À la différence de l'atypique cérémonie d'ouverture qui a eu lieu sur la Seine, la cérémonie de clôture est en grande partie contenue dans le Stade de France, de manière plus classique.
Thomas Jolly reconnaît des longueurs dans cette cérémonie mais, selon lui, c’est la nature de l’événement qui explique ces longueurs : « C’est comme une cérémonie des César, des Oscars ou des Molières, c’est trop long mais oui, c’est le principe »[63].
2024 : directeur artistique des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux paralympiques d'été de 2024 à Paris
La cérémonie d'ouverture se passe pour la première fois hors stade, sur la place de la Concorde, à Paris, les athlètes paralympiques ayant manifesté le souhait d'une « même ambition que pour la cérémonie d'ouverture des J.O., donc au coeur de Paris ». Contrairement à la cérémonie sur la Seine, ce spectacle a pu être répété sur place. Il a été baptisé « Paradoxe », Thomas Jolly précisant : « Les athlètes en situation de handicap sont célébrés dans une ville qui au quotidien n'est pas adaptée à eux. Mettre cette ville en décor des Paralympiques est un premier paradoxe. Le second est lié à la place de la Concorde qui a également été un haut lieu de discorde. »[64].
Victor Le Masne, directeur musical des quatre cérémonies des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, souligne qu'une version de La Marseillaise réarrangée par lui est jouée lors des Jeux, depuis la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Tokyo en 2020 : « Dans l'idée de sérénité, les aspérités martiales des harmonies ont été enlevées, mais la mélodie reste la même. »[65].
Beaucoup d'internautes jugent "trop bavards" les commentateurs de France Télévisions, en particulier Daphné Bürki, à la fois commentatrice et conceptrice de la partie "costumes" de la cérémonie, et les accusent de gâcher la perception sonore et visuelle du "direct" par les téléspectateurs[66], Pascal Praud leur reprochant d'autre part de délivrer une "moraline" insupportable[67].
Comme c'est la tradition, la cérémonie de clôture a lieu dans le stade qui a accueilli les épreuves d'athlétisme, c'est-à-dire au Stade de France, à Saint-Denis. Comme la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques, elle se déroule sous la pluie.
Bilan des quatre cérémonies
En septembre 2024, Thomas Jolly dresse dans les médias un premier bilan de son travail, dans lequel il admet que ses choix de mise en scène ont une « dimension politique », que les questions de genre « étaient partout » dans ses cérémonies, de même que le théâtre, et estime que Jeanne d'Arc était « une des plus grandes travesties de notre Histoire »[68], ce qui fait réagir[69]. Il évoque la « vague d'amour » qu'il a reçue après la cérémonie d'ouverture des jeux, mais aussi le cyberharcèlement haineux qu'il a subi, et dit vouloir continuer à « raconter des histoires, de plein de façons différentes », sans connaître de « JO-stalgie »[70].
↑Ibrahim Molough, « Qui est Thomas Jolly, metteur en scène et cerveau derrière la cérémonie d’ouverture des JO ? », RTBF, (lire en ligne)
↑Yves Jaeglé, « D’une enfance rurale au génial spectacle sur la Seine, Thomas Jolly, itinéraire d’un grand maître de cérémonie », Le Parisien, (lire en ligne, consulté le ).
↑Propos recueillis par Eric Nunès, « Thomas Jolly, metteur en scène : « Le harcèlement au collège n’a fait que renforcer celui que j’avais envie d’être » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑Apolline Merle, « Paris 2024 : le metteur en scène Thomas Jolly désigné directeur artistique des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux olympiques et paralympiques », France Info, (lire en ligne).
↑« La cérémonie d’ouverture des JO encensée par (presque toute) la presse internationale », Le HuffPost, (lire en ligne, consulté le ).
↑Eugénie Boilait, « «Époustouflant», «apothéose» ou «kitsch» voire «catastrophique» : la revue de presse en demi-teinte après la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024 », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
↑« « JO 2024 : Thomas Jolly déclare n'avoir pas cherché à se moquer avec sa cérémonie d’ouverture, mais vouloir réconcilier » », Upday, (lire en ligne)