Le champenois (Champaignat en langue champenoise) est une langue d'oïl principalement parlée en Champagne[1],[2].
Elle l'est aussi dans le nord de l'Yonne, dans la moitié orientale de la Seine-et-Marne, mais aussi en Belgique, dans plusieurs villages de la Basse-Semois[3],[4].
Pour Prosper Tarbé, un des principaux spécialistes de la langue champenoise, il y a cinq grand dialectes : l'ardennais au nord (Ardennes), le rémois au centre-nord (Marne), le troyen au centre-sud (Aube), le langrois au sud-est (Haute-Marne), et le dialecte de l'Yonne au sud-ouest (région de Sens)[12].
Les parlers champenois présentent des particularités originales, bien qu’à des degrés divers et avec de nombreuses variations.
L’article défini
De nombreux parlers champenois ont conservé l’article masculin singulier le avec un timbre plus postérieur et fermé, comme cela était le cas dans les textes champenois médiévaux.
Concrètement, on trouve à travers toute la Champagne des formes lo ou lou au lieu de le en français pour l’article défini masculin (« lo pus grand village », « lou vieux langaige champaignat »). Il en va de même pour le pronom, comme est mentionné ci-dessous.
La forme el, parfois écrite eul, est également très répandue.
Le pronom lou ou lo
Comme expliqué ci-dessus, le en tant que pronom se rencontre également sous les formes lo et lou dans toute la Champagne : je lo vois, lou faites taire ! (« faites-le taire ! », voir le point suivant sur la place du complément à l'impératif).
L’impératif en champenois
On rencontre deux types de formation de l’impératif avec complément à travers la Champagne. On peut aussi bien dire montrez-lou-moi que lou me montrez, taisez-vous ! que vous taisez !.
Négations en champenois
Le champenois a conservé quelques formes de négations anciennes (rencontrées dans les textes médiévaux) mais on y trouve aussi des originalités :
ne ... mie : « je ne sais mie », forme très courante dans de nombreuses régions de langue d’oïl ;
ne ...-me : « je ne suis-me » pour « je ne suis pas », -me est une forme atone de mie et s’emploie comme négation après les formes verbales terminées par une syllabe ouverte (sans consonne prononcée à la fin).
ne ... mais : « je n’ai mais fait çou » pour « je n’ai jamais fait ça », mais est une ancienne forme alternative de jamais.
Éléments de vocabulaire
mout ou moult : « très », « beaucoup ». Cet adverbe, tombé en désuétude en français standard et dans la plupart des régions de langue d’oïl, est cependant resté très vivace en Champagne. Prosper Tarbé note que les patoisants utilisent systématiquement « moult » (prononcé mou et non moulte comme la mode fautive le répand) pour traduire « très » et, dans certains cas, « beaucoup » : il pleut moult, j’étois moult aise, il n’y a-me moult longtemps que je vous sers, du pain moult dur etc.
tout-là : « maintenant », commun dans toute la Champagne.
Beaucoup de termes champenois sont passés dans le français « standard » local, et même dans la littérature. Des mots ardennais sont ainsi passés dans les textes d'Arthur Rimbaud[17].
↑Michel Francard, « La frontière entre les langues régionales romanes et le français en Wallonie », La lexicographie différentielle du français et le "Dictionnaire des régionalismes de France, , p. 45-61
↑Prosper Tarbé, Recherches sur l'histoire du langage et des patois de Champagne, vol. 2 : Glossaire de Champagne ancien et moderne, Reims, Imprimerie de P. Régnier, , Abréviations - p. 11
↑Yvonne Bellanger, Danielle Quéruelle (dir.), Thibaut de Champagne : Prince et poète au XIIIe siècle, La Manufacture, coll. « Archives de Champagne », (lire en ligne)