Les dénominations traditionnelles, Gökoğuzlar en turc et Гаговцы, Gagovtsy en russe, jugées l'une obsolète, l'autre péjorative, ont été remplacées depuis 1991 par l'ethnonyme revendiqué par les Gagaouzes eux-mêmes, par la voix de leur premier président Stepan Topal, à savoir Gagauzlar en turc et Гагау́зыGagaouzy en russe, provenant de la forme roumaineGăgăuzi[6].
Histoire
Les Gagaouzes apparaissent dans l'histoire sous le nom de Gök-Oğuz au cours du XIIIe siècle dans les Balkans, autour de Serrès et de Varna. Ils pourraient être issus d'Oğuzes turcophones, mercenaires du Second Empire bulgare, qui n'ont pas été islamisés, mais sont passés du tengrisme au christianisme, peut-être en même temps que la minorité dominante de l'aristocratie proto-bulgare, en 864, ou peut-être plus tard. Les Oğuzlar, de l'ancien turc "Ok" (tribue), descendants des Türgiş[7], et sont divisés en 24 tribus issues des six fils d'Oğuz Khān. Chacun des six fils : Kün (« Soleil »), Ay (« Lune »), Yildiz (« Étoile »), Kök ou Gök (« Ciel »), Dağ (« Montagne ») et Dengiz (« Mer »), dirigeait un groupe de quatre clans qui se référaient chacun à un totem clanique (rapace, animal sacré, nourriture particulière ou signe sacré). Les Gagaouzes se référaient au ciel d'où leur nom originel de Gök Oğuz (Oghouzes bleus ou célestes). Au cours des siècles, les autres tribus oghouzes passent de leur tengrisme ancestral au manichéisme, au nestorianisme, au bouddhisme et enfin, pour la plupart, à l'islam. On a aussi relié les Gagaouzes aux Bardariotes[8].
Des études ont montré que les Gagaouzes sont génétiquement plus proches des populations balkaniques que des populations turcophones du Proche-Orient et d'Asie centrale[9],[10], ce qui est cohérent avec leurs origines géographiques[11].
Aujourd'hui, les Gagaouzes sont présents en Ukraine, et surtout en Moldavie qui regroupe 87 % d'entre eux et où ils bénéficient d'un territoire autonome et d'une représentation permanente au parlement. Dans ces pays, la plupart d'entre eux sont devenus russophones à l'époque soviétique, mais le turcgagaouze, codifié par Mihail Çakir, est toujours pratiqué et enseigné. Les Gagaouzes sont aussi présents, en nombre réduit, en Bulgarie, dans divers pays de l'ex-URSS (où ils ont été dispersés par le marché du travail) et en Turquie (émigration économique).
Le gouvernement turc, afin d'étoffer à Istanbul son « Patriarcat turc orthodoxe » qui n'a qu'une cinquantaine de fidèles, a proposé aux Gagaouzes de s'y rattacher en 1991, pour renforcer cette Église orthodoxe non-canonique, mais turcophone, rivale du Patriarcat œcuménique de Constantinople (environ 3 500 000 fidèles, dont 3 500 en Turquie). Mais Stepan Topal ayant des engagements envers la Russie, et les Gagaouzes de Bulgarie craignant d'être accusés de panturquisme, le clergé gagaouze resta fidèle aux patriarcats orthodoxes russe et bulgare[6].
Les Oğouzes musulmans, ou Turcomans, sont à présent connus sous le nom de Turkmènes ; d'autres, mêlés à des Tatars, se sont fondus dans le peuple Azéri, mais la plupart ont été assimilés par les Turcs de Turquie.
↑Au recensement moldave de 2004 (Recensământul populației 2004), 40.485 gagaouzes de Moldavie, soit un sur deux, ont déclaré avoir le russe comme langue usuelle.
(tr) Harun Güngör et Mustafa Argunşah, Gagauz Türkleri: tarih, dil, folklor ve halk edebiyatı, Kültür Bakanlığı, Ankara, 2002, 377 p. (ISBN975-17-3001-5)
(en) James Alexander Kapaló, Text, context and performance : Gagauz folk religion in discourse and practice, Brill, Leiden, Boston, 2011, 352 p. (ISBN978-90-04-19799-2)
(ro) Metin Omer, “Agenda politică a unui intellectual din Turcia kemalistă: Hamdullah Suphi Tanrıöver, turcismul şi găgăuzii”, Intelectuali Politici şi Politica Intelectualilor, Cetatea de Scaun, 2016, p. 345-362 (ISBN978-606-537-300-6).
(en) Dimitris Michalopoulos, “The Metropolitan of the Gagauz: Ambassador Tanrıöver and the problem of Romania’s Christian Orthodox Turks”, Turkey & Romania. A history of partnership and collaboration in the Balkans, Istanbul: Union of Turkish World Municipalities and Istanbul University, 2016, p. 567-572. (ISBN978-605-65863-3-0). (Voir aussi:http://www.tdbb.org.tr/tdbb/wp-content/uploads/2016/12/ibac_2016_romanya_BASKI.pdf)
Marianne Paul-Boncour et Patrick Sinety, Voyage au pays des Gagaouzes, éditions Cartouche, Paris, 2007, 143 p. (ISBN978-2-9158-4218-0)
Christoph Pan, Beate Sibylle Pfeil, Michael Geistlinger, National Minorities In Europe, Purdue University Press, 2004 (ISBN978-3700314431) : « The Peoples of Europe by Demographic Size », table 1, p. 11f.