Hans FrankHans Frank
Hans Frank est un homme politique allemand, membre du parti nazi, ministre du Troisième Reich et criminel de guerre, né le à Karlsruhe et mort exécuté le à Nuremberg. Il a été Reichsleiter du parti nazi et, pendant la Seconde Guerre mondiale, gouverneur général de Pologne. Surnommé le « Bourreau de la Pologne », il est l'un des principaux accusés au procès de Nuremberg. Condamné à la peine de mort pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, il est exécuté par pendaison quelques jours plus tard. BiographieJeunesseHans Frank est le fils de Karl Frank (1869-1945), juriste[1], et de Magdalena Buchmaier. Il a un frère aîné, Karl Frank junior, marié à Amanda Berta Böhmer, qui meurt en 1916 pendant la première guerre mondiale, et une sœur plus jeune, Elisabeth Lilly Frank, plus tard mariée avec le Dr Walter Scheltze. En 1919, il est encore étudiant à Munich lorsqu'il adhère à un groupement d'extrême droite antisémite (la société Thulé) et milite dans un groupe paramilitaire, antirépublicain (le Freikorps Epp). Il participe à l'écrasement de la république des conseils (c'est-à-dire soviétique) de Munich au printemps 1919[1]. En 1923, il devient membre du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), présenté par Dietrich Eckart[2], et participe à la tentative de putsch de Hitler à Munich dans les rangs de la Sturmabteilung (SA). Docteur en droit et avocat, il prête son concours à de nombreux « camarades » du parti nazi pendant la république de Weimar dans plus de 2 400 procès contre des militants nazis entre 1924 et 1933[2]. Il représente les intérêts de Hitler dans une quarantaine d'affaires[1], ce qui lui permet d'avoir un lien direct avec celui qui se fait déjà appeler le Führer. Son statut d'avocat lui permet aussi d'organiser, à partir de 1928, l'association des juristes nationaux-socialistes, qui dispose rapidement d'un journal périodique mensuel, le Droit Allemand, qui œuvre à la « propagation d'un renouveau juridique völkisch national-socialiste »[3]. De plus, il accomplit des recherches pour retracer l'arbre généalogique « aryen » de Hitler. Ministre sans portefeuilleEn 1933, il devient ministre de la justice en Bavière et, en 1934, ministre du Reich sans portefeuille – dépourvu d'influence politique notable jusqu'en 1939. En 1934, Il est nommé commissaire du Reich pour l’harmonisation de la justice et le renouvellement du droit, c'est-à-dire qu'il est chargé de la nazification du droit allemand[4]. Il fonde en 1934 l'Académie de droit allemand ; il se propose de transformer le juge en gardien de la Volksgemeinschaft, la communauté du peuple : en effet, le juge est défini comme le garant de l'ordre social et racial du IIIe Reich, de même qu'il arbitre les différends opposant les Volksgenosse, camarades au sein du Volk[5]. Juriste, il défend, sans succès, malgré le soutien de Hitler, la stérilisation des criminels multirécidivistes, contre l'avis du ministre de la justice, Franz Gürtner[6]. Hans Frank est alors connu pour son caractère despotique et lunatique passant de la grande sentimentalité à la brutalité extrême. En sa qualité d'homme du parti, il peut, s'il le faut, parler le langage de la rue au peuple[7]. Dès 1933, il est partisan de l'Anschluss et de la formation d'un « axe » avec l'Italie[4]. Gouverneur général de PologneEn , il est nommé gouverneur général des provinces polonaises occupées, poste dans lequel il dépend directement de Hitler. Corrompu, il s'installe avec une suite nombreuse dans le château du Wawel, à Cracovie, qu'il s'est approprié, et où il vit dans le luxe[8]. Hans Frank poursuit trois objectifs majeurs : l'extermination des Juifs, l'élimination des élites polonaises et le pillage économique du pays au profit de l'industrie allemande[a]. Il pille en particulier du patrimoine polonais pour meubler et décorer ses résidences[4]. Il doit aussi s'opposer à Himmler pour maintenir son niveau de pouvoir. En effet, ce dernier, suivant le plan de Heydrich, décide dès l'automne 1939 de la déportation de Juifs — en provenance des territoires polonais incorporés au Reich — vers le Gouvernement général, soit 600 000 nouveaux Juifs qui viennent s'ajouter aux 1,4 million vivant déjà sous son autorité[9]. Hans Frank voulait, lui, expulser tous les juifs du Gouvernement général. En 1940, il est responsable de l'assassinat de plusieurs milliers de Polonais. Il fait fermer les universités polonaises, interdire la vie culturelle, pourchasser les résistants, déporter des centaines de milliers de Polonais[4]. Dans le même temps, il introduit des mesures anti juives, aboutissant, dans une première étape, à la création de ghettos, notamment celui de Varsovie. Le , Stepan Bandera et les nationalistes ukrainiens de l'OUN(B) déclarent, devant lui, leur loyauté au IIIe Reich et en gage de leur bonne foi, offrent 38 cloches d'église aux fonderies allemandes[10]. Si Frank suit initialement le mouvement imposé par Himmler et Heydrich, il proteste rapidement, dès , contre l'« invasion » forcée dont il se dit la victime. En effet, il ne sait que faire des Juifs qui arrivent sur son territoire. Hitler lui donne raison. Il parvient ainsi à faire cesser cette première déportation en attendant une meilleure « prise en charge » de la question juive. Au printemps 1941, Hitler lui promet que le Gouvernement général sera le premier à être vidé de Juifs (judenfrei), après la victoire sur l'URSS[4]. En , Frank préside toute une série de réunions avec les responsables locaux pour étudier les différents moyens de se débarrasser des Juifs du Gouvernement général. Une solution envisagée est leur déportation en URSS. Mais Alfred Rosenberg, responsable des territoires occupés en URSS, refuse énergiquement. Certains collaborateurs de Frank proposent de laisser mourir de faim les habitants dans les ghettos. Le , de retour de Berlin, Frank convoque les gouverneurs de district et les chefs de division et déclare : « Nous devons en finir avec les Juifs [...] nous devons détruire les Juifs, partout où nous les rencontrons et partout où c'est possible, pour préserver la structure entière du Reich »[11],[12]. Finalement, en , les SS expérimentent près de Lublin le gazage des individus[13]. Le Gouvernement général de Pologne, destiné à devenir après la guerre une terre de colonisation germanique, est transformé durant le conflit en un vaste réservoir de main-d'œuvre pour l'industrie de guerre du Reich. C'est par ailleurs là que quatre des six camps d'extermination du système concentrationnaire nazi sont mis en place : Majdanek, Treblinka, Sobibor et Belzec. Auschwitz-Birkenau et Chełmno sont quant à eux construits un peu plus à l'ouest, dans les Gaue de Haute-Silésie et du Wartheland, c'est-à-dire en Pologne annexée par le Troisième Reich[14]. Antisémite et partisan de la solution finale, Hans Frank déclare sans ambiguïté « Si les Juifs devaient survivre à cette guerre en Europe, celle-ci se solderait par un succès incomplet »[15]. Cependant il se trouve isolé à partir de 1942, toujours en raison de sa rivalité avec Himmler. Frank tombe en disgrâce auprès de Hitler qui le démet de toutes ses fonctions au sein du parti, tout en le maintenant à la tête du Gouvernement général en dépit de la volonté exprimée par Frank de démissionner. Au fil du conflit, se réfugiant de plus en plus dans la religion, il tente de se rapprocher des églises polonaises ; les discours qu'il prononce alors témoignent de son changement d'attitude : ainsi, le , il reçoit l'archevêque de l'église orthodoxe autocéphale d'Ukraine et du Gouvernement général et place cette église sous la protection du Reich, ce dans un discours où, par ailleurs, il assimile Staline à une incarnation du diable. Puis, le , il invoque Dieu comme acteur de l'échec de l'attentat contre Hitler ; enfin, en , recevant des paysans polonais, il dénonce le bolchevisme « placé sous le commandement de Juda »[16]. Après le 20 juillet 1944, ayant à nouveau fait allégeance à Hitler[16] et étant maintenu dans ses fonctions, il devient responsable de l'application du décret du relatif à l'érection de fortifications à l'Est du Reich. Comme les gauleiters des Gaue orientaux, il en est informé le lendemain par Guderian[17]. Pour appliquer ce décret dans les territoires placés sous son ressort, il fait largement appel à des Polonais, astreints au travail forcé, nourris par la prédation des stocks de nourriture des régions du Gouvernement général encore contrôlées par le Reich[18]. Au cours de l'été 1944, alors que la ligne de front se rapproche, Frank invite dans son château du Wawel un groupe d'intellectuels de Cracovie pour tenter de les convaincre que la résistance polonaise ne doit plus combattre les troupes allemandes : selon lui, les Polonais doivent au contraire s’allier aux Allemands dans la « lutte contre le bolchevisme ». Le Krakauer Zeitung, publié à l’usage des occupants, fait un gros titre sur cette proposition de Frank[19] qui, cependant, ne reçoit aucun soutien des chefs de la SS ; elle est en outre ignorée par l'AK, l’armée clandestine polonaise. Le , il abandonne Cracovie où il était installé depuis le début du conflit, pour s'installer dans le château de Seichau, en Silésie, château qu'il est également contraint d'abandonner une semaine plus tard, le , après une dispendieuse soirée d'adieux. Emportant le fruit de ses rapines, il va ensuite se réfugier dans les Alpes bavaroises[8]. L'arrestation, la détention et l'exécutionEn , Frank est arrêté par les Alliés et tente vainement de se suicider. Dans sa cellule, en attente du jugement, il rédige ses mémoires qu'il intitule Im Angesicht des Galgens (« Face à la potence » en traduction littérale), où il déclare notamment avoir découvert que Hitler avait des origines juives[20],[c]. En 1930, Hitler serait venu voir Frank en lui présentant une lettre de son neveu, William Patrick Hitler, fils né britannique de son demi-frère Alois, issu du deuxième mariage du père de Hitler, Alois Hitler. Son neveu le menaçait de révéler que du sang juif coulait dans ses veines. Après enquête, Frank aurait découvert que Maria Anna Schicklgruber, future grand-mère paternelle d'Adolf Hitler, aurait conçu son seul enfant en 1836 (Alois Hitler, né Schicklgruber en 1837, devenu Hitler en 1877) alors qu'elle était cuisinière dans une famille juive de Graz, les Frankenberger, lesquels lui auraient versé une pension jusqu'aux 14 ans d'Aloïs, Graz où elle se serait mariée avec Johann Georg Hiedler[21] en 1842. L'enfant aurait été le fruit d'une relation avec le fils de la famille, alors âgé de 19 ans, dénommé Léopold Frankenberger[22]. Ce récit de Frank a été remis en cause par la suite, notamment pour la raison simple qu'il n'existait aucune preuve qu'une famille juive nommée « Frankenberger » ait vécu à Graz dans les années 1830, ni que la grand-mère de Hitler ait été employée dans cette même ville de Graz en 1836, à plus de 300 km de sa région natale située à la campagne[23],[24],[25], de tels déplacements ne se concevant pas à une époque où le travail manuel ne manquait pas dans le Waldviertel au milieu du XIXe siècle[d] ; de plus, les Juifs, expulsés de Graz au XVe siècle, ne furent autorisés à s'y réinstaller qu'à partir de 1860[26]. Frank est finalement condamné à mort pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Il est le seul condamné à mort à faire acte public de repentance. Il est néanmoins pendu le . Son corps est ensuite incinéré pour éviter la création ultérieure d'un lieu de commémoration improvisé. Son journal de service en 42 volumes, dont l'original se trouve à Varsovie, constitue une source historique importante. Vie privéeHans Frank se marie le avec Maria Brigitte Herbst, de cinq ans son aînée ( - ), originaire de Forst (Lusace), après l'avoir rencontrée fin 1924 à Munich. De leur mariage naissent cinq enfants, tous nés à Munich[27] :
Brigitte Frank avait la réputation d'avoir une personnalité plus dominatrice que celle de son mari : après 1939, elle se faisait appeler la « reine de Pologne » (Königin von Polen). Le mariage ne semblait pas très heureux et devenait plus froid d'année en année. Quand Hans Frank chercha à obtenir le divorce en 1942, Brigitte fit tout son possible pour rester la « Première dame dans le Gouvernement général ». L'un de ces commentaires les plus connus fut alors[28] : « Je préfèrerais être veuve plutôt que divorcée d'un ministre du Reich ! » ; Frank aurait alors répondu : « Ainsi, vous êtes mon ennemi mortel ! » Son dernier fils, Niklas Frank (en), qui avait 7 ans au moment de l'exécution de son père, a ensuite condamné fermement ses agissements[29]. Journaliste, il a publié en 1987 un livre intitulé Der Vater. Eine Abrechnung (« Le Père. Un règlement de comptes »), aboutissement de plusieurs décennies de recherche sur la vie et la personnalité de son père. Le livre a également été publié en anglais sous le titre In the Shadow of the Reich (en français : Dans l'ombre du Reich). Il a ensuite été publié en épisodes dans les colonnes du magazine allemand Stern en créant des controverses parce que Niklas Frank parlait de son père en des termes méprisants : celui-ci était décrit comme un « fanatique de Hitler bavant » et la sincérité de ses remords peu avant son exécution était remise en cause[30],[31].
— Niklas Frank, "Le Monde" du 27 avril 1995, à propos de son livre "Der Vater. Eine Abrechnung" DécorationsFrank a reçu les décorations suivantes au cours de sa carrière politique[32] :
Études sur Hans Frank
Notes et référencesNotes
Références(en)/(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Hans Frank » (voir la liste des auteurs) et en allemand « Hans Frank » (voir la liste des auteurs).
AnnexesBibliographie
Articles connexesLiens externes
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