Media vita in morte sumusLe chant Media vita in morte sumus est à l'origine une antienne grégorienne[jc 1]. Celle-ci était traditionnellement attribuée à Notker le Bègue, moine de l'abbaye de Saint-Gall[1]. Toutefois, il s'agissait d'une fusion entre un texte du XIe siècle et le rite gallican ancien duquel l'origine peut être attribuée à la liturgie byzantine[N 1],[jc 2]. Texte
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Voir aussi une antienne et une séquence qui sont le fruit de la sémiologie grégorienne[jc 3] : Commentaire de texteCamille Bellaigue (1898)[jc 4] : D'ailleurs, il est à remarquer que le texte n'est pas issu de la Bible ni des écritures des Pères de l'Église (à savoir, pas de la tradition patristique)[jc 5]. En effet, le chant possède un caractère pénitentiel[jc 6]. HistoriqueStricto sensu, ne fut pas identifiée l'origine de la première partie de l'antienne Media vita in morte sumus, un texte ecclésiastique[jc 2]. Le manuscrit le plus ancien, celui-du XIe siècle, indique toutefois que cette pièce fut composée en dehors du rite romain et en tant que liturgie locale. Attribution légendaireLa rédaction du texte latin et la composition de l'hymne sont souvent attribués à Notker le Bègue († 912) qui l'aurait fait figurer dans son œuvre Liber Ymnorum, écrite à l'abbaye de Saint-Gall en 884. Cette hypothèse est notamment soutenue par la bibliothèque nationale de France[1]. Pourtant, au XXe siècle, Dom Jean Claire de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes conteste cette attribution traditionnelle, faute de manuscrits. En fait, la première attribution n'apparaît qu'au XVIIe siècle tandis que les documents provenant des archives européennes indiquent une origine du manuscrit autre que Saint-Gall[jc 8]. Manuscrits à partir du XIe sièclePour les études scientifiques, ce chant possède une difficulté considérable. Les manuscrits les plus anciens ne remontent qu'au XIe siècle. De surcroît, ces quatre documents conservés dans les archives sont issus d'Autun en France, de Vérone ainsi que de Novalaise en Italie et d'Exeter en Angleterre[jc 10]. Avec cette vaste diffusion, il est difficile à établir l'origine exacte. Or, un moine lombard déclarait que l'on chantait dans cette région la Media vita depuis ce XIe siècle et qu'auparavant le verset n'était pas ajouté[jc 11]. Les manuscrits les plus anciens indiquent qu'au XIe siècle, on chantait la Media vita sans verset[jc 7], à savoir, cela signifie qu'elle n'était pas nécessairement une antienne réservée au Nunc dimittis[jc 1]. La comparaison parmi les manuscrits restants permettent cependant d'établir que deux caractéristiques contraires dans ce chant. D'une part, la deuxième strophe Sancte Deus possède une forte uniformité, c'est-à-dire, il existe peu de variantes locales. D'autre part, au contraire, hormis ce Trisagion, il y a assez beaucoup de variantes qui étaient très différentes[jc 1]. Et souvent, on la chantait avec d'autres versets selon le contexte liturgique[jc 7]. L'hypothèse de Dom Claire était donc que le texte et la mélodie auraient été composés en Italie du nord, mais à l'origine sans verset. Il est probable que la composition fut effectuée au XIe siècle ou peu auparavant[jc 1]. Tradition des DominicainsL'antienne Media vita était citée dans la première bibliographie de saint Thomas d'Aquin, écrite par Guillaume de Tocco vers 1320. Les contemporains étaient témoins pour Thomas d'Aquin qui pleura, un soir, lors de l'office des complies de Carême, en entendait cette antienne avant le cantique Nunc dimittis[jc 12]. Il s'agit d'ailleurs d'un témoignage que les Dominicains pratiquaient cette antienne en faveur de l'office, au XIIIe siècle. En cherchant son explication, Dom Claire retrouva finalement un texte dans la même Vita S. Thomæ Aquinatis chapitre 34 de Tocco, Domine, non nisi te. Un jour, le théologien répondit à une question, qui lui demandait quelle récompense obtiendront ses travaux : il n'y a pas d'autre récompense que toi, Seigneur, ce que signifie non, ni si te, Domine[jc 13]. Sans doute saint Thomas avait-il découvert définitivement sa propre pensée dans cette antienne. Il semble qu'avec cette attitude de saint Thomas d'Aquin, la pratique de la Media vita soit devenue concrète auprès des Dominicains. Études des chants de CarêmeCette histoire de Thomas d'Aquin suffisait d'intéresser Dom Claire sur les chants de Carême qui étaient pratiqués auprès des Dominicains. Dans les années 1990, après avoir examiné de nombreux documents qui étaient assemblés à l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes, il trouva la trace du texte dans un trope introduisant au Trisagion (Sancte Deus, Sancte fortis, Sancte immortalis, miserere nobis[2],[pm 1]) dans la liturgie gallicane ancienne[N 1]. En 2004, avant son décès, Dom Claire conclut : « Bref, il devient à mesure que l'on réfléchit à tout cela que le texte ecclésiastique de Media vita a été composé pour faire chanter le Trisagion, le présenter, le colorer[jc 14]. » Ce dernier était un texte du rite gallican, rite qui avait été supprimé au VIIIe siècle par Pépin Le Bref et son fils Charlemagne en faveur du rite romain. Il est à noter que ce n'est pas par hasard que Dom Claire a choisi ce texte à la fin de sa vie. Fonctions liturgiquesEn admettant qu'il s'agisse, dans l'usage le plus connu, d'un chant réservé au cantique Nunc dimittis, on s'aperçoit, dans l'usage historique, une utilisation très variée, ce qui demeure une caractéristique particulière de ce chant[jc 13]. Ainsi, au Moyen-Âge en Allemagne, ce chant était celui de la procession, notamment à l'occasion des jours des Rogations[pm 1]. Cela suggère que son origine peut être un chant d'antienne. Or, pour les offices, il s'agissait souvent d'un répons au Nunc dimittis de complies pendant le Carême. Cette pratique était remarquée dans la liturgie dominicaine[3],[pm 2]. (D'ailleurs, les Dominicains gardent toujours cette tradition, par exemple, dans le recueil Cantus Selecti sorti en 2017 [16]. Voir aussi Tradition des Dominicains.) Dans l'antiphonaire de Hartker, le folio inséré au XIIIe siècle indique que celui-ci était attachée à l'antienne Salve Regina qui était un usage encore particulier[jc 15]. En outre, dans un contexte moins liturgique, le chant était parfois exécuté par des religieux afin de lutter contre les infidèles ou ennemis de l'Église (contra malefactores ecclesiæ) ou lors de la condamnation[4]. Cette pratique fut finalement finie par une décision du concile de Cologne tenue en 1316, qui interdisait de chanter le Media vita contre quelqu'un, à moins d'une permission de l'archevêque[jc 8],[5]. Dom Jean Claire comptait donc assez nombreux usages de Media vita[jc 16] :
Reprises musicalesPlusieurs chefs-d'œuvre importants de la musique sacrée en polyphonie sont basées sur cette antienne. Notamment Nicolas Gombert la mit en musique. La pièce de John Sheppard sur ce texte en est une élaboration complexe d'une durée de vingt minutes. Sorti en 1989, l'enregistrement de cette dernière par The Tallis Scholars avait connu un immense succès, grâce auquel plusieurs disques suivirent. Le musicologue de l'université d'Oxford Robert Quinney considère que ce chef-d'œuvre de Sheppard avait été composé en faveur des obsèques de Nicholas Ludford († 1557), victime de la pandémie de grippe qui dévastait Londres. Cela peut expliquer une profonde émotion que l'œuvre y manifeste[6]. Motet
Messe parodie
Œuvre instrumentale
Discographie de Media vita de John Sheppard
Voir aussiLiens externesNotices
Articles
Références bibliographiques
Notes
Références
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