Il fut créé pour incarcérer les prisonniers républicains au cours de la guerre d'Espagne en 1937 et fut maintenu en service jusqu'en 1947, devenant ainsi le dernier des camps de concentration espagnols à fermer ses portes.
Histoire
Antécédents
Alors que dans la majeure partie de la province de Burgos, les résultats des élections du furent favorables aux insurgés, la ville de Miranda était restée fidèle à la Seconde République espagnole. Cette position provoqua une entrée des forces franquistes plus violente qu'ailleurs. En outre, les troupes franquistes y installèrent de nombreuses implantations : camp de concentration, hôpital militaire, garnison pour les troupes italiennes, etc.
Création du camp
La capture rapide de nombreux prisonniers républicains dans le Nord du pays, contraint à une incarcération massive dans des conditions parfois inhumaines. Afin de pallier ce problème, il fut décidé de créer quatre camps de concentration[1] dans la province de Burgos. L'un de ceux-ci fut créé à Miranda de Ebro qui, compte tenu de sa position géographique à proximité du front et de ses moyens de communication (tant ferroviaires que routiers) adaptés, représentait un choix idéal.
L'endroit choisi avait une superficie de 42 000 m2. Il était situé entre les installations ferroviaires et le rio Bayas et appartenait à la société Sulfatos Españoles SA. Ce sont les habitants de la ville qui se virent imposer la charge de la construction du camp. En moins de deux mois, celui-ci fut achevé et mis en fonction, mais dans des conditions déplorables.
Prisonniers républicains (1937-1941)
La capacité du camp était de 1500 prisonniers, mais ce nombre fut rapidement dépassé en raison de l'arrivée de nombreux prisonniers en provenance d'autres camps situés plus au nord. Les conditions étaient tellement déplorables qu'au cours de l'hiver 1937, l'un des dortoirs s'effondra, blessant plus de 150 personnes. L'année suivante, des fonds furent débloqués afin de permettre la construction d'autres dortoirs.
Les prisonniers républicains se voyaient affecté un travail en fonction de la catégorie dans laquelle ils étaient classés :
criminels : criminels de droit commun
non hostiles au « mouvement national » : engagés de forces dans les troupes républicaines
volontaires sans responsabilités : volontaires républicains sans responsabilités
volontaires avec responsabilités : volontaires républicains avec responsabilités (politiques, militaires, etc.)
Les criminels de droit commun étaient envoyés en prison et, en cas de surpopulation, étaient relâchés. Les volontaires sans et avec responsabilités étaient condamnés aux travaux forcés, tandis que les non hostiles étaient engagés dans l'armée franquiste. Les prisonniers étaient obligés de chanter des louanges à Franco alors que leurs opinions politiques étaient sans cesse moquées et ridiculisées.
Le camp de Miranda de Ebro accueillit, en tout, près de 65 000 prisonniers républicains.
En 1941, il ne restait que peu de prisonniers républicains dans le camp. La majorité avait été transférés dans d'autres camps de concentration ou libérés. Le camp de Miranda fut converti en camp de rétention pour combattants étrangers.
Influence allemande (1941-1944)
L'influence de la Gestapo au camp de Miranda fut très importante, surtout après la visite d'Himmler en 1940. Cette visite avait deux objectifs principaux : rapatrier les prisonniers allemands et déceler d'éventuels espions alliés. Le camp fut même dirigé pendant un certain temps par un dignitaire nazi, Paul Winzer. Entre 1941 et 1944 (période à partir de laquelle Franco, au vu de la tournure des événements de la Seconde Guerre mondiale, commença à prendre ses distances par rapport à l'Allemagne et à l'Italie), la Gestapo procéda à des interrogatoires de prisonniers, participa à l'organisation du centre et décida parfois de l'avenir de certains prisonniers.
Le , les brigadistes commencèrent une grève de la faim et, grâce à la pression ainsi exercée, obtinrent leur libération. En 1943, il ne restait que 3 500 prisonniers étrangers.
Prisonniers étrangers de Miranda ()
Polonais
362
Belges
150
Néerlandais
6
Tchécoslovaques
19
Yougoslaves
12
Grecs
1
Canadiens
40
Autrichiens
2
Total
642
Il est à noter la présence de Français qui, tentant de fuir la menace nazie, avaient franchi les Pyrénées avec l'aide de l'armée républicaine et s'étaient fait arrêter et incarcérer. Ils se faisaient alors passer pour des ressortissants d'autres nationalités (Canadiens notamment en raison de la communauté de langue) par souci de précaution. Il faut donc envisager le décompte des nationalités signalées dans le tableau ci-dessus en tenant compte de ce fait, lequel explique que les Français n'y figurent pas.
Il y avait aussi de nombreux juifs qui tentaient de fuir l'holocauste[2].
Camp de déserteurs (1944-1947)
La fin de la Seconde Guerre mondiale approchant, de nombreux soldats allemands avaient déserté devant l'avancée des troupes alliées en Europe. Comme les Français avant eux, ils essayaient de fuir et cherchaient à embarquer vers l'Amérique latine. Arrêtés, ils étaient emprisonnés par l'armée espagnole, le même sort étant réservé aux déserteurs italiens.
De nombreux nazis préféraient être incarcérés au camp de Miranda plutôt qu'être rapatriés chez eux. Les conditions de vie y étaient de meilleure qualité que dans les camps allemands.
Fermeture du camp
Le camp de concentration de Miranda de Ebro fut fermé en janvier 1947. Il était alors le dernier camp en fonction sur le territoire national. Les prisonniers furent transférés à la prison de Nanclares de la Oca (actuellement Iruña de Oca dans la province d'Alava). De 1949 à 1953, les installations accueillirent un centre de recrutement avant d'être détruites en 1954.
Sur l'emplacement du camp, où se sont installées aujourd'hui des entreprises de produits chimiques, ne subsiste aujourd'hui qu'un vieux dépôt d'eau, quelques murs, les restes d'une laverie, un bâtiment de corps de garde et une plaque en souvenir des prisonniers. Entre 2005 et 2006, les ruines du lavoir et du corps de garde furent restaurées afin de prévenir un risque d'effondrement.
Lucien Bodard, journaliste, grand reporter, écrivain, fait longuement le récit détaillé de son « séjour » au camp de Miranda dans son premier livre la mésaventure espagnole (Nouvelles Editions Oswald, 1946) ;
Max Hymans, homme politique français, ancien sous-secrétaire d'État aux Finances, organisateur de la livraison d'armes, par les douanes françaises, au gouvernement républicain espagnol. Avait reçu le 1er agent SOE en France occupée (), libéré après une intervention britannique en ;
Gérard Pollet, commandant de la Royal Air Force belge, à partir de 1941 ;
Jean-Claude Servan-Schreiber, dans le livre d'Andreï Makine Le pays du lieutenant Schreiber, Grasset,2014 et auteur du livre Tête haute - Souvenirs aux Éditions Pygmalion ;
Le poète péruvienCésar Vallejo dédia le troisième poème de son livre España, aparta de mí este cáliz à un succès au camp de concentration de Miranda de Ebro[6],[7],[8]
(fr) Barrère, Sébastien. Pyrénées, l'échappée vers la liberté. Les évadés de France. Éditions Cairn (2005), p. 115-122.
(fr) Charles-Albert de Behault, Que Dieu te protège! Bruxelles-Londres en deux cent cinquante jours, Bulletin trimestriel de l'ANRB, n° 294, avril 2018, p. 33-52
(es) Espinosa de los Monteros, José María. Pallarés, Concha. Miranda, mosaico de nacionalidades: franceses, británicos y alemanes. Ed. Ayer, 57 (2005), p. 153-187
(es) Fernández López, José Ángel. Historia del Campo de Concentración de Miranda de Ebro: 1937-1947. Miranda de Ebro, 2003
(es) Guijarro Rodriguez, Diego. Trabajo sobre el Campo de Concentración de Miranda de Ebro. Université de Burgos (2005)
(es) Labrador Juarros, Román-Fernando, Campos de concentración en la provincia de Burgos 1936-1939
(es) Ojeda San Miguel, Ramón. Nuevas precisiones sobre los primeros cambios industriales de Miranda de Ebro en el primer tercio del siglo XIX. Miranda de Ebro. Campo de concentración. Ayer y hoy. 60 años de su creación -50 años de su clausura in López de Gamiz: Boletín del Instituto Municipal de Historia de Miranda de Ebro, 33 (1999), p. 111-116.