Pro Armenia est un journal français fondé en 1900 par Pierre Quillard (1864-1912), publié jusqu'en 1914[1] et fer de lance du mouvement arménophile. Entre et , le journal est remplacé par Pour les Peuples d'Orient, Organe des Revendications Arméniennes[2].
Historique
Genèse : massacres hamidiens et naissance du mouvement arménophile
Archag Tchobanian, installé en France après son départ de Constantinople en [5], est l'artisan principal de la constitution et de l'organisation du mouvement arménophile français. Ainsi, il fonde en 1897 avec Alphonse Daudet, Émile Zola et Pierre Quillard le Comité pro-arménien[14].
Création
Le journal Pro Armenia est fondé et publie son premier numéro le . Dans ce numéro, les arménophiles exposent leurs revendications :
« Les grands massacres de 1894, 1895, 1896, exécutés par les ordres du sultan Abdul-Hamid et qui firent plus de trois cent mille victimes, commencent à peine à être connus en Europe dans tous leurs détails ; et si récents, ils seraient déjà oubliés et relégués au rang des catastrophes historiques, si l'on voulait suivre les conseils des diplomates à courte mémoire. Cependant, depuis lors, l'extermination méthodique de la race arménienne se poursuit par des moyens plus lents, mais aussi sûrs ; et en présence de l'universelle lâcheté, l'auteur des premiers crimes médite de parfaire son œuvre et de déchaîner à nouveau en Anatolie l'assassinat, le pillage, le viol et l'incendie. Avec le concours d'illustres collaborateurs français et étrangers, nous dénoncerons les atrocités commises et nous rappellerons à l'Europe, sans nous lasser, qu'elle a de par les traités des droits à exercer contre le Grand Assassin, des devoirs à remplir envers les victimes de sa folie. Il ne s'agit point ici de réveiller l'esprit de croisade ni d'exciter à la haine de l'une des races ou des religions qui vivent ou sont professées sur le territoire ottoman. Mais si nous sommes prêts à divulguer tous les attentats du sultan contre chacun des peuples que la mauvaise fortune fit ses sujets, nous nous attacherons plus spécialement aux souffrances arméniennes parce qu'elles excèdent infiniment toutes les autres ; parce que c'est, pour une race entre toutes intelligente et apte à recevoir la civilisation occidentale, une question de vie ou de mort immédiate ; parce que, pratiquement, l'Europe est armée, par le traité de Berlin, pour mettre fin à ces horreurs et préparer ainsi la régénération de la Turquie toute entière[15]. »
Le journal est un bimensuel d'une dizaine de pages, sobres dans leur présentation, avec des clichés et des rubriques régulières[16].
Ambitions et modes d'action
Un des défis du journal est de vaincre l'arménophobie reposant sur les stéréotypes de l'antisémitisme que l'on peut alors trouver en Europe[10]. Comme le note Agnès Varhamian, « Outre une meilleure connaissance des Arméniens, le journal vise à créer une tribune de l'arménophilie » et à « résoudre la Question arménienne par l'intervention de l'Europe »[16].
Pro Armenia cherche à brasser large, n'imposant pas à ses collaborateurs un programme précis, et rassemblant donc des socialistes, des radicaux, des conservateurs ou encore des religieux[16].
Succession : La voix de l’Arménie
Après la disparition de Pro Armenia et après la guerre, le mouvement arménophile français se dote d'un nouveau périodique, La voix de l’Arménie, revue bimensuelle éditée à Paris à partir du et ce jusqu’en 1919[17]. Cette revue continue de porter les revendications des Arméniens, posant en France la question de la survie du peuple arménien et la dénonciation de son extermination programmée lors du génocide[17].
↑Jean Jaurès, « Chambre des députés, 6e législation - Session extraordinaire de 1896 : Compte-rendu in extenso - 4e séance. Séance du mardi 3 novembre », Journal officiel de la République française. Débats parlementaires, , p. 1359-1362 (lire en ligne sur Gallica)
↑Vincent Duclert, « Jean Jaurès et la défense des Arméniens : Le tournant du discours du 3 novembre 1896 », Cahiers Jaurès, Société d'études jaurésiennes, vol. 217, no 3 « De Péguy à l'Arménie, autour du centenaire Jaurès », , p. 63-88 (lire en ligne)
Edmond Khayadjian, Archag Tchobanian et le mouvement arménophile en France, Alfortville/impr. en Pologne, Sigest, (1re éd. 1986), 360 p. (ISBN978-2376040491)
Agnès Vahramian, « De l'Affaire Dreyfus au mouvement arménophile : Pierre Quillard et Pro Armenia », Revue d'histoire de la Shoah, Centre de documentation juive contemporaine, nos 177-178 « Ailleurs, hier, autrement : connaissance et reconnaissance du génocide arménien », , p. 335-355 (ISBN978-2850566400, lire en ligne)