Le turkmène (autonyme : Türkmençe, /tʏɾkmøntʃø/) est une langue appartenant au groupe des langues turques parlée par plus de six millions de personnes en Asie centrale, principalement au Turkménistan, où il est la langue nationale, et dans les pays voisins (Iran, Afghanistan…).
Le turkmène a été écrit avec un alphabet arabe adapté, puis avec un alphabet latin jusqu’en 1940. L’État soviétique force alors l’adoption d’une variante de l’alphabet cyrillique pour l’écriture du turkmène. Depuis le , l’alphabet officiel est une variante de l’alphabet latin avec quelques diacritiques[1], proche de celui du turc.
L’alphabet cyrillique turkmène utilisait également les lettres Ё, Э, Ю, Я (correspondant à ýo, e, ýu, ýa), ainsi que Ц, Щ, Ъ et Ь dans des mots empruntés au russe.
Harmonie vocalique
L’harmonie vocalique, commune à la plupart des langues turques, est présente en turkmène[2]. Selon ce principe, les voyelles sont séparées en deux classes : les voyelles claires (ä, e, i, ö, ü) et les voyelles sombres (a, y, o, u). En principe, il ne peut y avoir que des voyelles d’une seule classe au sein d’un même mot ; pour cette raison, les suffixes ont généralement au moins deux formes. Ainsi, le suffixe du pluriel peut être -lar ou -ler : guş (« oiseau ») donne guşlar et gün (« jour ») donne günler.
Certains suffixes peuvent avoir quatre voyelles différentes : c’est par exemple le cas du suffixe possessif de la première personne du singulier qui a les formes suivantes (s’il est ajouté à un mot qui se termine par une consonne)[3] :
-ym après a ou y,
-im après ä, e ou i,
-üm après ö ou ü,
-um après o ou u.
L’harmonie vocalique souffre de nombreuses exceptions, en raison des nombreux mots empruntés au persan, à l’arabe et au russe (par exemple kitap, « livre », issu de l’arabe, comporte une voyelle claire et une sombre). Dans ce cas, c’est la dernière voyelle qui est prise en compte pour le choix des suffixes (kitaplar).
Assimilation
Les consonnes voisées s’assourdissent en fin de mot ou de syllabe : -b devient -p, -d devient -t, etc. En revanche, les consonnes -p, -t, -k et -ç se voisent devant un suffixe commençant par une voyelle longue (dans les mots mono- et dissyllabique) : at (« nom ») donne adym (« mon nom »)[4].
Les suites de lettres zd et nd (qui peuvent apparaître lors de l’ajout d’un suffixe) se prononcent respectivement zz et nn[5].
Comme dit précédemment, les suffixes du pluriel sont -lar ou bien -ler. Dans les mots se terminant par -i ou -y, la dernière voyelle devient -ü ou -u : süri (« troupeau ») devient sürüler[6].
Suffixes possessifs
En turkmène, la possession est indiquée par un suffixe qui s’ajoute à l’objet possédé[3],[7]. Ces suffixes ont plusieurs formes : quand le mot se termine par une consonne, le suffixe commence par une voyelle et inversement.
Suffixes possessifs en turkmène
Personne
Singulier
Pluriel
1re
-m -im/-ym/-um/-üm
-miz/-myz -imiz/-ymyz/-umyz/-ümiz
2e
-ň -iň/-yň/-uň/-üň
-ňiz/-ňyz -iňiz/-yňyz/-uňyz/-üňiz
3e
-si/-sy -i/-y
Le suffixe possessif se place après le suffixe du pluriel, le cas échéant. Dans un mot qui se termine par -e, cette voyelle est remplacée par -ä- aux première et deuxième personnes. Quelques exemples :
öý : « maison » → öýüň : « ta maison » ;
gül : « fleur » → gülleri : « ses fleurs » ou « leurs fleurs » ;
köçe : « rue » → köçämiz : « notre rue » ;
dost : « ami » → dostum : « mon ami ».
Suffixes de cas
Les cas sont indiqués par des suffixes attachés aux noms. Ces suffixes ont eux aussi plusieurs formes, selon l’harmonie vocalique et la dernière lettre du mot[8].
Certains cas provoquent des changements dans le radical :
un -e en fin de mot devient -ä- devant les terminaisons de l’accusatif et du génitif ;
dans les mots dissyllabiques, -i et -y deviennent -ü- et -u- devant le suffixe de l’ablatif ;
au datif, si le mot se termine par -e, -ä ou -i, la terminaison est -ä ; -y devient -a et les autres voyelles sont inchangées.
Exemples de mots déclinés
Sens
« main »
« veau »
« montagne »
Nombre
Singulier
Pluriel
Singulier
Pluriel
Singulier
Pluriel
Nominatif
el
eller
göle
göleler
dag
daglar
Accusatif
eli
elleri
göläni
göleleri
dagy
daglary
Datif
ele
ellere
gölä
gölelere
daga
daglara
Génitif
eliň
elleriň
göläniň
göleleriň
dagyň
daglaryň
Locatif
elde
ellerde
gölede
gölelerde
dagda
daglarda
Ablatif
elden
ellerden
göleden
gölelerden
dagdan
daglardan
Vocabulaire
Pronoms personnels
Le turkmène a six pronoms personnels. Le pronom siz est équivalent au « vous » français : il permet de s’adresser à plusieurs personnes et de vouvoyer[9].
Pronoms personnels turkmènes
Nombre
Singulier
Pluriel
Personne
1re
2e
3e
1re
2e
3e
Nominatif
men
sen
ol
biz
siz
olar
Accusatif
meni
seni
ony
bizi
sizi
olary
Datif
maňa
saňa
oňa
bize
size
olara
Génitif
meniň
seniň
onuň
biziň
siziň
olaryň
Locatif
mende
sende
onda
bizde
sizde
olarda
Ablatif
menden
senden
ondan
bizden
sizden
olardan
Numéraux
Numéraux cardinaux en turkmène
1
bir
10
on
100
bir ýüz
2
iki
20
ýigrimi
200
iki ýüz
3
üç
30
otuz
1 000
bir müň
4
dört
40
kyrk
1 000 000
million
5
bäş
50
elli
1 000 000 000
milliard
6
alty
60
altmyş
0
nol
7
ýedi
70
ýetmiş
8
sekiz
80
segsen
9
dokuz
90
togsan
Les nombres se forment en juxtaposant ces numéraux : on bir (11), otuz üç (33), ýetmiş dört (74), etc[10].
(ru) Б. Чарыяpoв et Назаров О., « Туркменcкий язык », dans Э. Р. Тенишев, Е.А. Поцелуевский, И. В. Кормушин, Языки мира: Тюркские языки, Moscou, (ISBN5-85759-061-2), pp. 412–426
(ru) Э. А. Грунина, Туркменcкий язык, Moscou, Восточная литература, , 288 p. (ISBN5-02-018455-1)