Vahram Gakavian naît à Van le , dans le quartier arménien « Aïkestan » (vignoble)[1]. Son père est membre du parti Arménagan et le domicile familial accueille certaines des réunions du parti, auxquelles Vahram assiste[1].
En 1915, il assiste aux combats de défense des Arméniens contre les Turcs lors de la défense de Van[1]. Avec le retrait de l'armée impériale russe, il se réfugie à Tiflis (Géorgie) : là-bas, il entre au Séminaire Nersessian, où il a comme camarade Anastase Mikoyan[1].
En 1923, il quitte la Turquie pour la France où il s'inscrit à la Sorbonne et, plus tard, fait des études d'ingénieur[1]. Il exerce alors divers métiers, écrivant notamment pour des journaux arméniens et publie la revue littéraireTzolk[2] d'avril à septembre 1928 avec d'autres jeunes écrivains fréquentant les réunions de l'association Hartkogh[3]. La revue mobilise des écrivains arméniens de gauche qui manifestent un évident activisme militant[4].
Il travaille dans une imprimerie arménienne[5] et y met sous presse son seul roman en arménien, Grains d’acier (1929), dont la couverture est l’œuvre de son ami le peintre Jean Carzou[5]. L'ouvrage comprend trois nouvelles écrites en 1927-1929 et qu'il avait déjà faites paraître dans Tzolk[6] :
L'attentat, qui raconte l'exécution d'un traître lors de la révolution nationale de 1894-1908[6] ;
La grand-mère, ses melons et la guerre, qui raconte l'histoire du jeune Mihrtad, révolutionnaire arménien en Arménie orientale en 1916-1918, arrêté par les autorités tsaristes et envoyé en Sibérie, puis libéré grâce à la révolution d'Octobre et qui parvient enfin à rentrer chez lui auprès de sa grand-mère qui peut librement cultiver les melons de son jardin grâce aux bolcheviks libérateurs[6] ;
Possession diabolique, récit poétique et symbolique[7].
Il adhère au parti communiste français et collabore aux publications arméniennes du parti comme Archav (« Course », 1932) et Mer Oughine (« Notre voie », 1931-1932)[2].
Seconde Guerre mondiale
En 1939, Vahram Gakavian est mobilisé sous les drapeaux français lors de la Seconde Guerre mondiale[1] et est envoyé au front début avril 1940[5]. Fait prisonnier, il réussit à s'évader d'Allemagne lors de sa troisième tentative[1].
Il décide à son retour en France en 1942[5] de rejoindre la Résistance dans le réseau de Jean Cavaillès sous le pseudonyme de Victor Gardon et participe à de nombreuses actions[1]. Il organise la désertion massive de la garnison arménienne de la Wehrmacht à Mende et participe à la libération de Mende[5]. Selon l'historienne Anouche Kunth, ce serait environ 400 prisonniers de guerre arméniens devenus soldats au service de l'Allemagne qui, après leur désertion, sont scindés en quatre bataillons et participent à la libération du Gard à l'été 1944[8].
Il devient chef de l’État-major de liaison pour les ressortissants soviétiques[5] et commande le « 1er régiment de partisans soviétiques » né du regroupement des prisonniers arméniens libérés[8].
Il est ensuite nommé commandant de l'armée française et reçoit en 1947 la médaille de chevalier de la Légion d'honneur à titre militaire pour services éminents rendus à la France[1]. Il est naturalisé en 1946[9].
Il fréquente les milieux intellectuels arméniens et français de Paris, étant notamment proche d'Achod Nichanian, de Ghévont Méloyan, de Carzou, de Nigoghos Sarafian, de Noubar Arpiarian ou encore de Raymond Aron[1]. Après avoir disparu de la scène littéraire arménienne depuis la fin des années 1930, Vahram Gakavian participe à la revue littéraire Arevmoudk à partir de fin 1946[10]. Pour la revue[11], il traduit notamment en arménien du H. G. Wells[12] ou présente des œuvres d'André Malraux et de François Mauriac[13].
Il est membre actif de l'Association des Français originaires du Vaspourakan et crée la Fédération des Français d'origine arménienne[1]. Il continue à écrire dans la presse arménienne, entre autres au quotidien parisien Haratch[1]. Mais il prend conscience que c'est en français que les Arméniens doivent se faire connaître, écrivant notamment[1] :
« Il faut que les Français nous connaissent et soient informés de notre passé, de notre histoire et de notre tragédie. »
Vahram Gakavian est l'auteur de publications philosophiques, multiplie les conférences en France et à l'étranger puis se consacre au roman dans la deuxième moitié des années 1950[1]. Il renonce à écrire en arménien au profit du français[14] et, alors qu'il participait à la revue Arevmoudk, s'éloigne progressivement des milieux littéraires arméniens, se tenant en particulier loin du cercle qui publie dans Andastan, qui prend le relai d'Arevmoudk à partir de 1952[15].
En mars 1955, grâce aux services rendus à la France, il obtient la légalisation de son nom de résistant, Victor Gardon[5].
Le 20 octobre 1959, Charles de Gaulle lui envoie une lettre de remerciement pour l'envoi de son livre Le Vert Soleil de la Vie, lui écrivant entre autres : « De souvenirs qui vous ont laissé une enfance éprouvée, dans un monde rude et dur, vous avez tiré un livre profondément émouvant »[16]. Il envoie ensuite une copie de cette lettre à son ami écrivain Levon Tutundjian[16]. Vahram et Levon s'écrivent de nombreuses lettres sur plusieurs années[16].
Atteint d'une crise cardiaque, il est hospitalisé à l'hôpital Lariboisière où il meurt le [17]. Il est enterré à Bonneuil-sur-Marne[1]. Trois jours avant, il avait envoyé un article sur Nigoghos Sarafian au quotidien Haratch publié le 28 janvier 1973[18]. Un an après sa disparition, une soirée à sa mémoire a lieu le 26 janvier 1974 à la Fondation des traditions arméniennes (Alfortville), animée par Raymond Aron, le professeur Arpiarian et le peintre Carzou[19].
Vie privée
Vahram Gakavian se marie avec Hélène, une institutrice française ; ils ont deux enfants[1].
(hy) Պողպատէ սերմեր [« Grains d'acier »], Paris, Impr. J. Nersès, , 64 p. (lire en ligne), unique roman en langue arménienne de son auteur[6]
En français
Le Vert Soleil de la vie, Paris, Éditions Stock, (œuvre dont est tiré un scénario radiophonique intitulé Les Charmes de Sémiramis, en 1961[21] ; un projet de film, pour lequel Françoise Rosay avait accepté d'être la grand-mère, est aussi pendant un temps en chantier, mais n'aboutit pas[1])
Le Chevalier à l'émeraude, Paris, Éditions Stock, , 438 p.
L'Apocalypse écarlate, Paris, Calmann-Lévy, , 380 p.
Ces trois romans se présentent comme une trilogie. En 2008, ils sont rassemblés en un seul livre par les éditions Stock et Christine Gardon, petite-fille de Vahram[22], sous le titre Le Vanetsi, une enfance arménienne[23],[24].
Marie-Christine Rochmann, « Roman du génocide ou récit d’enfance : Le Vanetsi de Victor Gardon », dans Patrick Louvier, Annick Asso et Héléna Demirdjian (dir.) (préf. Vincent Duclert), Exprimer le génocide des Arméniens : Connaissance, arts et engagement, Rennes, PUR, coll. « Histoire », , 266 p. (ISBN9782753551305, lire en ligne), p. 81-89