Les Arméniens de France (en arménienՖրանսահայեր) sont les personnes d'origine arménienne vivant en France.
Démographie
Il y avait environ 600 000 Arméniens en France en 2011 (dont 400 000 nés en France) selon des estimations du Comité de défense de la cause arménienne (CDCA) et du Centre de recherches sur la diaspora arménienne (CRDA), mais le président du CRDA déclarait en même temps que « Tout recensement précis est impossible dans ce domaine ». Hratch Varjabedian, directeur du Bureau français de la cause arménienne, parlait à la même époque de 400 000 électeurs français d'origine arménienne[1],[2].
Selon l'INSEE, en 2008, il y avait en France métropolitaine 14 732 personnes nées en Arménie[3] ainsi que 1 704 enfants de moins de dix-huit ans nés en France et d'origine arménienne[4].
Concernant Lyon la communauté arménienne est localisée principalement dans la périphérie (150 000 personnes), notamment à Décines-Charpieu, surnommée « La Petite-Arménie »[8].
Histoire
Marchands de la Renaissance
Il faut remonter au XVe siècle pour voir des marchands arméniens présents dans le port de Marseille. Cette communauté arménienne, par ses liens avec l'Orient, est la première à importer des indiennes et à initier des artisans locaux à leur reproduction, avec des peintures colorées.
Leur présence amène le ministre Jean-Baptiste Colbert à créer en 1669 le port franc de Marseille des Arméniens. Ruinés par la chute de Candie, ils rejoignent la ville[9]. Appelés chofelins[10], ils apprennent aux maîtres cartiers marseillais à peindre les cotonnades de façon différente. Ils maîtrisent en effet la technique des « indiennes de Masulipatnam », appelée aussi Machilipatnam.
Immigration moderne
Ce sont essentiellement les immigrations de la fin du XIXe et du début du XXe siècle qui amènent à Marseille la majorité de sa population arménienne actuelle[11]. Comme c'est aussi souvent le cas pour la diaspora arménienne dans le monde, la plupart des Arméniens de France immigrent après le génocide arménien de 1915. Les arméniens ont fuient l'Empire Ottoman par bateau et traverse la Méditerranée avant de s'installer dans des conditions difficiles, notamment dans les alentours de Marseille. En effet, l'installation à la périphérie permet, via des activités d'agriculture d'améliorer très relativement les conditions de vie comme en témoigne cet extrait sonore pour la région de Berre-l'Étang.
Durant l'entre-deux-guerres, ce sont des dizaines de milliers de réfugiés arméniens qui arrivent à Marseille. Si certains s'y installent, d'autres remontent la vallée du Rhône et essaiment à Valence, Vienne, Lyon. Ils suivent la voie ferrée Marseille-Lyon-Paris, axe majeur à l'époque, à la recherche d'emplois. Des communautés arméniennes s'implantent alors dans les villes industrielles du sud de la capitale : Alfortville, Clamart, Meudon, Chaville, Issy-les-Moulineaux[6].
Dans les années 1970, la communauté arménienne en France se voit renforcée par l'arrivée de réfugiés libanais d'origine arménienne fuyant la guerre civile dans leur pays[6].
Au XXIe siècle
À l'automne 2020, dans le contexte de la guerre au Haut-Karabagh, les tensions entre communautés arménienne et turque s'intensifient. En réaction au blocage d'un péage d'autoroute par des manifestants pro-arméniens, des expéditions punitives sont menées par des activistes turcs armés à Décines-Charpieu, aux cris de « Allahou Akbar ! ». Des graffitis sont tagués sur la façade du Centre national de la mémoire arménienne de la commune (« Loups gris ») et du mémorial du génocide (« Nique l'Arménie »). Par la suite, le gouvernement français dissout sur son territoire le mouvement paramilitaire des Loups gris, l'organisation de jeunesse d'un partenaire de coalition du président Erdogan en Turquie ; cette décision est critiquée par le ministère des Affaires étrangères turc. Elle ne risque cependant pas d'atténuer l'influence de l'AKP, le parti d'Erdogan, sur la diaspora, la Turquie contrôlant (légalement) de nombreuses mosquées sur le territoire français[8].
Organisations
Les organisations communautaires arméniennes en France sont très nombreuses sur le plan religieux, culturel, social, sportif et politique.
La communauté arménienne de France publie un certain nombre de périodiques. Ceux-ci sont principalement écrits en arménien au XXe siècle mais ils sont peu nombreux aujourd'hui, avec la perte du nombre de locuteurs. Ainsi, persiste une publication en langue arménienne, Nor Haratch, publiée à partir de 2009 et dont la volonté est de prendre le relai de Haratch, fondé en 1925 à Paris par Chavarche Missakian et tenu jusqu'en 2009 par sa fille Arpik Missakian.
En 2001, le Parlement français vote une loi reconnaissant le génocide arménien[15]. En 2006, une proposition de loi est adoptée par l'Assemblée nationale, qui vise à rendre sa négation punissable de cinq ans de prison et de 45 000 euros d'amende[16]. Le , une exception d'irrecevabilité à la proposition de loi, est présentée au Sénat par Jean-Jacques Hyest et est adoptée[17],[18] : cela implique que la proposition de loi ne sera pas, elle-même, soumise au vote au Sénat.
Le , l'Assemblée nationale vote une nouvelle proposition de loi[19] condamnant la négation d'un génocide, y compris celui des Arméniens, et prévoyant une peine d'emprisonnement d'un an et 45 000 euros d'amende[20]. Cette proposition de loi est adoptée à son tour par le Sénat le [21]. Elle est néanmoins jugée contraire à la constitution par le Conseil constitutionnel le [22].
Depuis 2019, le décret n° 2019-291 rend officielle la commémoration du génocide arménien de 1915 en France[23].
↑Musée de Marseille, Les belles de mai : Deux siècles de mode à Marseille : Collections textiles du Musée du Vieux-Marseille (XVIIIe – XIXe siècles), Marseille, Alors Hors Du Temps, , 187 p. (ISBN978-2-9517932-1-7, lire en ligne), p. 35
↑« Loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 » [lire en ligne (page consultée le 8 novembre 2011)]
↑« Proposition de loi complétant la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 », Assemblée nationale, 12 avril 2006 [lire en ligne (page consultée le 8 novembre 2011)].
↑« Proposition de loi portant transposition du droit communautaire sur la lutte contre le racisme et réprimant la contestation de l’existence du génocide arménien », Assemblée nationale, 18 octobre 2011 [lire en ligne (page consultée le 26 décembre 2011)].
↑« Alice Sapritch », sur fiches.lexpress.fr (consulté le ) : « Alice Sapritch, de son vrai nom Alice Sapric, née le à Ortaköy à Turquie et morte le à Paris, est une actrice et chanteuse d'origine arménienne naturalisée française. »
↑« Henri Verneuil », sur ofpra.gouv.fr : « Réfugié arménien de Turquie de 1923 à 1949. Il est né Achod Malakian le à Rodosto (actuellement Tekirdag, Turquie) dans la région de Marmara. »
↑François-Guillaume Lorrain, « Francis Veber règle ses comptes », sur lepoint.fr, : « ...né d'un père juif directeur littéraire du Matin - son grand-oncle était Tristan Bernard - et d'une mère arménienne... »
↑« Francis Veber : " Je ne me prends pas au sérieux " », presse.fr, (lire en ligne, consulté le ) :
« De père juif et de mère arménienne, Francis Veber ... »
↑« Danyel Gerard », Olympia (consulté le ) : « Gérard Daniel Kherlakian, dit Danyel Gérard, est né à Paris le 7 mars 1939, d'un père arménien et d'une mère corse d'origine antillaise. »
↑(en) « Sylvie Vartan Speaks of Her Armenian Origin », Azg Daily, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) « French Star Patrick Fiori Sings with Armenia's 'Belle' Nune », Asbarez, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) « Hélène Ségara to spend two days in Armenia », Armenpress, (lire en ligne, consulté le )
↑Setian, Madlen E. et Capan, Levon M., « French-Armenian conductor Alain Altinoglu to debut at the Met next winter », The Armenian Reporter, (lire en ligne [archive du ], consulté le ) :
« An Armenian whose parents are originally from Istanbul, Mr. Altinoglu was born in Paris ... »
↑(en) « Zorayan museum, Stephanie's art gallery to host Jean Carzou exhibit », panarmenian.net, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) Huberta von Voss, Portraits of Hope : Armenians in the Contemporary World, New York, Berghahn Books, , 400 p. (ISBN978-1-84545-257-5, lire en ligne), p. 101
« Chirac's appointee as finance minister - effectively No. 2 to the prime minister - was the prime, precisely-worded Edouard Balladur, born in Turkey of an Armenian family who emigrated to Marseille in the 1930s. »
« Edouard Balladur, former prime minister, is the grandson of an Armenian immigrant »
↑Marc Epstein et Alain Louyot, « Arméniens de France: la mémoire intacte », L'Express, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) Huberta von Voss, Portraits of Hope : Armenians in the Contemporary World, New York, Berghahn Books, , 400 p. (ISBN978-1-84545-257-5, lire en ligne), p. 205
↑Lionel Froissart, « Alain Prost, 42 ans, dirige son écurie de F1. Ressemble-t-il encore à l'ancien pilote perfectionniste et plaintif, séducteur et économe? Il roule pour lui », Libération, (lire en ligne, consulté le )
↑Paul Miquel, « «Aujourd'hui, la F 1 ne contente personne» », L'Express, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) « Soccer: Former French-Armenian player wants to coach Armenia », ArmeniaNow, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et b« Legal Newsletter from France », Kevorkian & Partners, vol. 1, , p. 43 :
« I am pleased to note that the team also boasted two Armenians, or rather half- Armenians, Youri Djorkaeff, whose mother is Armenian, and Alain Boghossian, whose mother isn't. »
Martine Hovanessian, « Diaspora arménienne et patrimonialisation d’une mémoire collective : l’impossible lieu du témoignage ? », Les Cahiers de Framespa, no 3 « Patrimoine et immigration », (DOI10.4000/framespa.314, lire en ligne)