Il apprend le dessin à l'école municipale de dessins et de peintures de Bordeaux. En 1846, il entre à l'École des beaux-arts de Paris dans l'atelier de François Édouard Picot, sur la recommandation de J. P. Allaux. Il remporte le second prix de Rome, ex æquo avec Gustave Boulanger, pour sa peinture Saint Pierre après sa délivrance de prison vient retrouver les fidèles chez Marie (1848).
En 1866, le marchand de tableaux Paul Durand-Ruel s'occupe de sa carrière et permet à l'artiste de vendre plusieurs toiles à des clients privés. Il a ainsi énormément de succès auprès d'acheteurs américains, au point qu'en 1878, lors de la première rétrospective de sa peinture pour l'Exposition universelle à Paris, l'État ne peut rassembler que douze œuvres, le reste de sa production étant localisée aux États-Unis[3]. Il passe aussi un contrat avec la maison d'édition Goupil pour la commercialisation de reproductions en gravure de ses œuvres. En 1876, il devient membre de l'Académie des beaux-arts.
En 1866, il se marie avec son modèle, Marie-Nelly Monchablon, avec qui il vit déjà depuis plusieurs années et que l'on peut retrouver sur nombre de ses tableaux depuis les années 1856[4]. Le couple a déjà trois enfants, nés avant leur mariage : Henriette née en 1857, Georges William né en 1859, et Jeanne née en 1861 et qui meurt à l'âge de cinq ans. Deux autres enfants naissent après leur mariage : Paul en 1868 et William Maurice en 1876. Ce dernier meurt huit mois après sa naissance, suivi de près par sa mère, qui s'éteint en 1877. Ils étaient tous deux atteints par la tuberculose[5] et leur mort éprouve durablement Bouguereau.
En 1885, il est élu président de la Fondation Taylor, fonction qu'il occupera jusqu'à la fin de sa vie. La même année, il obtient la médaille d'honneur au Salon[6].
Professeur en 1888 à l'École des beaux-arts de Paris et à l’Académie Julian, ses peintures de genre, réalistes ou sur des thèmes mythologiques, sont exposées annuellement au Salon pendant toute la durée de sa carrière. Il travaille aussi à de grands travaux de décoration, notamment pour l'hôtel de François Bartholoni, et peint aussi le plafond du Grand Théâtre de Bordeaux.
En 1896, Bouguereau épouse en deuxièmes noces une de ses élèves, la peintre Elizabeth Jane Gardner. Le peintre use de son influence pour permettre l'accès des femmes à beaucoup d'institutions artistiques en France[7].
L'appartement d'Elizabeth Jane Gardner se trouve dans la même rue que la famille de William Bouguereau, au no 75 rue Notre-Dame des Champs[8],[9]. Peu de temps après la mort de Nelly Monchablon, Bouguereau souhaite épouser Elizabeth Gardner, une élève qu'il connaît depuis dix ans, mais sa mère s'y oppose[10] ainsi que sa fille[8]. Elizabeth Gardner fait jurer à Bouguereau qu'il ne se remarierait pas du vivant de celle-ci[10]. Ils se fiancent en 1879[11]. Après la mort de sa mère et après dix-neuf ans de fiançailles, ils se marient à Paris en juin 1896[10]. Ils passent leurs étés à La Rochelle[8] et resteront ensemble jusqu'à la mort de celui-ci[12].
Son fils, Georges William, âgé de 15 ans, en villégiature à Écouen, meurt chez Guillaume Seignac le [13]. Son autre fils Paul meurt en 1900.
William Bouguereau meurt le à La Rochelle en son hôtel particulier, ne laissant comme descendance que sa fille aînée, Henriette, mariée en 1880 à un M. Vincens et morte en 1953[14]. Le peintre est inhumé à Paris au cimetière du Montparnasse (12e division), au côté de sa première épouse.
Bouguereau et son entourage familial
Autoportrait (1850), collection particulière.
Portrait de Nelly Bouguereau (1858), collection particulière.
Portrait de Mademoiselle Elizabeth Gardner (1879), collection particulière.
Un peintre de la femme et de l'enfant
Son thème de prédilection est la représentation du corps féminin. Avec Alexandre Cabanel, Jules Lefebvre et Jean-Léon Gérôme, il est associé au genre du nu académique. Sa Naissance de Vénus (1879, Paris, musée d'Orsay) est emblématique d'une peinture sensuelle profondément influencée par les Vénus d'Ingres. C'est avec ce genre qu'il connaît le plus de succès mais rencontre aussi le plus de critiques. À cause de la texture lisse et minutieuse de sa peinture, Joris-Karl Huysmans dit à son encontre : « Ce n'est même plus de la porcelaine, c'est du léché flasque ; c’est je ne sais quoi, quelque chose comme de la chair molle de poulpe[15] ». Le peintre impressionniste Edgar Degas invente le verbe « bouguereauter » pour désigner ironiquement l'action de fondre et de lisser le rendu pictural de cette manière.
Après le deuil qu'il subit en 1877, il se tourne davantage vers la peinture religieuse et délaisse peu à peu les thèmes en rapport avec l'Antiquité de ses débuts.
Il représente également de nombreuses fois des portraits d'enfants à partir de 1870. Il peint sa fille Henriette et son fils Paul dans le tableau La Sœur aînée en 1869. Lorsqu'il se trouve à La Rochelle à partir de 1893, il prend pour modèles récurrents trois fillettes habitant près de La Rochelle : Yvonne et ses sœurs Jeanne et Marguerite. On retrouve Yvonne dans un grand nombre de mises en scènes intimistes ou champêtres, la plupart vendus aux amateurs américains dont Le Livre de prix, devenu invisible depuis 1916, qui réapparaît dans une vente chez Sotheby's à New York en 2019, où il atteint le prix de 1 275 000 dollars[16], confirmant le regain d'intérêt pour les œuvres de Bouguereau.
Postérité
Déconsidéré en Europe peu après sa mort et jusque vers la fin du XXe siècle, son œuvre y est redécouverte tardivement. De son vivant, les toiles de Bouguereau sont très recherchées par les collectionneurs américains qui les achètent à des prix élevés, de sorte qu'une grande partie de son œuvre a quitté la France.
Dans le contexte du XXe siècle, où l'influence du modernisme grandit en histoire de l'art pour en devenir finalement le courant officiel[17], l'art académique se trouve discrédité et dévalué[18], sévèrement critiqué par une pensée moderniste favorable à l'art d'avant-garde[19] et mis à l'index[20]. Les artistes académiques comme Bouguereau connaissent alors une dévaluation très significative. Pendant des décennies, le nom du peintre a même fréquemment disparu des encyclopédies généralistes et des enseignements artistiques ou est simplement mentionné comme celui d'un exemple à ne pas suivre[21], objet de moqueries[22] — souvent appuyées sur des citations de Zola ou de Huysmans — et entaché par des rumeurs diffamantes[23]. On reproche au peintre sa participation aux jurys des salons officiels de peinture du XIXe siècle, qui se sont majoritairement opposés à l'admission des œuvres relevant des mouvements modernes de la peinture (Cézanne surnommait le Salon : « le Salon de Bouguereau[24] »). Il a néanmoins influencé des peintres comme Fritz Zuber-Bühler[25].
À partir des années 1950, le surréalisteSalvador Dalí manifeste son admiration pour l'art de Bouguereau, qu'il oppose à Pablo Picasso, et contribue à sa redécouverte. Dans Les Cocus du vieil art moderne[26], volontiers adepte d'une rhétorique paradoxale, Dali écrit : « Picasso, qui a peur de tout, fabriquait du laid par peur de Bouguereau. Mais, lui, à la différence des autres, en fabriquait exprès, cocufiant ainsi ces critiques dithyrambiques qui prétendaient retrouver la beauté[27] ».
Depuis l'exposition rétrospective de ses œuvres organisée au Petit Palais à Paris en 1984, la réputation de Bouguereau s'est progressivement améliorée, sur fond de controverse entre partisans et opposants au retour en grâce de la peinture académique. Ainsi, à l'ouverture du musée d'Orsay à Paris en 1986, l'exposition d'œuvres académiques est sévèrement critiquée par une majorité de critiques d'art[20],[28]. En 2001, Fred Ross, président du Art Renewal Center qui promeut la réhabilitation de Bouguereau, fustige ce qu'il estime être une « propagande » du modernisme ayant conduit, selon lui, au « système de pensée le plus oppressif et restrictif de toute l'histoire de l'art[29] ». Il édite un catalogue raisonné de l'œuvre peint de Bouguereau rédigé par Damien Bartoli.
En 2006-2007 a lieu au Philbrook Museum of Art de Tulsa une exposition[30] consacrée au peintre et à ses élèves américains. La cote élevée de ses peintures témoigne du regain d'intérêt des collectionneurs d'art pour son œuvre[31] et du goût du public pour ses peintures dans les musées[32].
Le musicien norvégien Varg Vikernes, au sein du projet de black metalBurzum, prend le tableau Douleur d'amour (1899) comme illustration de son album Fallen en 2010.
Dans le film, tiré du roman de Marcel Aymé : Le Bœuf clandestin (2013) réalisé par Gérard Jourd'hui, le tableau Biblis est présent comme unique tableau des Berthaud et permet une longue discussion des personnages sur ce qu'a voulu faire le peintre.
Le designer italien Riccardo Tisci utilise[Quand ?] les œuvres du peintre dans une de ses collections pour la maison de haute-couture française Givenchy.
↑Son acte de naissance no 412 du , consultable aux archives départementales de Charente-Maritime (Collection du greffe), mentionne son nom de famille sous la forme « Adolphe Williams Bouguereau », mais la dénomination d'usage est celle de la signature de ses tableaux, « William Bouguereau ».
↑Marie Lemaréchal, André Crochepierre (1860-1937) : Eloge de l’instantané, Ville de Villeneuve s/Lot, , 80 p. (ISBN2-9523881-7-2), p. 28.
↑(en-US) « L'Aurore (Dawn) », sur artsbma.org, Birmingham Museum of Art (consulté le ).
↑Moniteur, « Nominations », Moniteur belge, no 135, , p. 1 (lire en ligne, consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
Monographies
(en) Fronia E. Wissman, Bouguereau, Éditions Pomegranate Communications, 1996.
(en) James F. Peck, In the Studios of Paris: William Bouguereau & His American Students, Éditions Philbrook Museum of Art, 2006.
(en) Damien Bartoli et Frederick C. Ross, William Bouguereau, his life and works, ACC Art Books, New York, 2014. - Catalogue raisonnée de l’œuvre (ISBN9781851497331) - Édition luxe en 2 volumes (ISBN9781851497362).
Didier Jung William Bouguereau, le peintre roi de la Belle Époque, éditions du Croît vif, 2014.
Frederick C. Ross et Kara Lysandra Ross, William Bougereau, éd. Bibliothèque des Arts, Paris, 2018. (ISBN9782884532204).
Ouvrages généraux
(en) Albert Boime, The Academy and French Painting in the Nineteenth Century Londres, 1971.
Aleska Celebonovic, Peinture kitsch ou réalisme bourgeois, l'art pompier dans le monde, Paris, Seghers, 1974.
(en) Art Pompier: Anti-Impressionism, New York, The Emily Lowe Gallery, Hofstra University, 1974.
(en) Louise d'Argencourt et Douglas Druick, The Other Nineteenth Century, Ottawa, The National Gallery of Canada, 1978.
James Harding, Les peintres pompiers, Paris, Flammarion, 1980.
(en) Robert et H.W. Jason Rosenblums, 19th Century Art, New York, Harry N. Abrams, 1984.
Cécile Ritzenthaler, L'école des beaux-arts du XIXe siècle, édition Mayer, 1987.