BathildeBathilde
Titre
Bathilde (dite aussi autrefois Bathieult, Bateuch ou Baudour), née vers 630 et morte le [Note 1] à Chelles[1], est une reine des Francs, épouse de Clovis II. Reconnue sainte par l'Église catholique, elle est commémorée le 30 janvier selon le Martyrologe romain. SourcesLes chroniques mérovingiennes (Chronique de Frédégaire et Liber Historiæ Francorum) disent très peu de choses sur Bathilde. La principale source biographique est une Vita sanctæ Bathildis anonyme, écrite dès la fin du VIIe siècle, peu après sa mort (dite Vita A). Une version remaniée de cette hagiographie a été produite au début du IXe siècle (la Vita B) : le remaniement porte sur le style, mais consiste aussi en l'ajout de détails dans le sens de l'exaltation du personnage. Ces Vies ont eu une postérité littéraire dès le Moyen Âge : on conserve une Vie de sainte Baltelt roine, en ancien français et en prose, datant du XIIIe siècle, et un Miracle de sainte Bauteuch du XIVe siècle. Bathilde apparaît aussi comme personnage dans des romans médiévaux comme Theseus de Cologne ou Ciperis de Vignevaux (XIVe siècle). BiographieDes origines controverséesDes origines modestes ?La Vita A, source primaire, est très succincte sur ses origines : elle vint en Gaule vendue comme esclave (« vili pretio venumdata »), et sa provenance est indiquée par les expressions « de partibus transmarinis » et « ex genere Saxonum » (§ 2). Cette dernière information est confirmée par le Liber Historiæ Francorum (« accepitque uxorem de genere Saxonorum nomine Bathilde »). On en déduit qu'elle était originaire de l'Angleterre anglo-saxonne. L'hagiographe développe le thème religieux des petits et des humbles élevés aux honneurs par la Providence divine (« qui de parvis efficit magnos, immo qui de stercore elevat pauperem », etc.), ce qui fait penser à une origine très modeste du personnage. Des origines aristocratiques ?L'idée d'une origine plus illustre est glissée au passage parmi les ajouts de la Vita B (« Claro namque sanguine, licet alterius gentis serviret obsequiis » : « de sang illustre, bien qu'elle servît une autre famille »), mais rien n'est précisé. Dans la Vie de sainte Baltelt roine du XIIIe siècle, on passe à l'idée d'un lignage royal, dans un scénario romanesque : « Cheste dame fut nee de Sessoigne et estraite de roiale lignie, et fut en sa jonece ravie des mescreans ». Ce qui n'empêche pas l'auteur, peu gêné par la contradiction, de reprendre le même thème religieux que l'hagiographie : « Car il fait des petiz grans [...], si comme nous veons qu'il est aempli en ceste glorieuse roine ». En plus de l'invention d'un lignage royal, on note dans ce texte tardif une confusion entre les Saxons d'Angleterre et la Saxe continentale (Sessoigne, en anglais Saxony), qui au surplus, au VIIe siècle, n'était pas encore évangélisée. Au service du maire du palaisElle fut acquise comme servante, encore adolescente, par Erchinoald (ou Archambaut), maire du palais[2],[1], qui l'employait pour lui servir à boire dans sa chambre (« eam instituit ut sibi in cubiculo pocula porrigeret » : « il la fit servir à boire dans sa chambre »). Selon la Vie, après la mort de sa femme, il voulut l'épouser, mais elle se déroba en se cachant. Épouse du roi Clovis IIQuelque temps plus tard, elle épousa Clovis II, roi de Neustrie et de Bourgogne (peut-être en 649[3])[Note 2]. Quant à la logique de cette série d'événements, l'hagiographe est très vague et se contente d'un commentaire religieux : par sa pudeur et son humilité auprès d'Erchinoald, elle s'est rendue digne d'une élévation encore plus grande. Certains historiens pensent qu'Erchinoald l'a présentée au jeune roi (ou à sa mère Nantilde) pour favoriser son propre rôle politique. La Chronique de Frédégaire qualifie Bathilde de « reginam prudentem et elegantem » (« reine sage et raffinée »). Selon la tradition, elle aurait grandement influencé son époux pour qu'il mène le royaume d'une main ferme. D'après une légende apparue vers le XIIe siècle, dite des « énervés de Jumièges », elle le poussa à sanctionner durement ses deux plus jeunes fils qui s'étaient rebellés contre lui : les nerfs des jambes brûlés, ils furent abandonnés dans une barque sur la Seine, et recueillis à l'abbaye de Jumièges. Clovis et Bathilde auraient été présents lors de leur entrée à l'abbaye. Cette histoire est invraisemblable de bout en bout (leur fils aîné Clotaire III avait cinq ans à la mort de son père), mais elle fut insérée à la fin du Moyen Âge dans les Vies latines et françaises de Bathilde. Elle eut cinq enfants, dont Clotaire III, roi de Neustrie et de Bourgogne, Childéric II, roi d'Austrasie, et Thierry III qui succède à Clotaire III[1]. RégenteÀ la mort de son mari elle exerce la régence de 657 à 664, au profit du seul Clotaire et soutenue par Erchinoald, pour éviter le démembrement du royaume[2]. Mais il semble qu'elle doive affronter la fronde des grands d'Austrasie, aspirant à la renaissance du royaume d'Austrasie. Afin de conserver la paix et l'unité du Regnum, elle accepte de laisser Childéric, son second fils, monter sur le trône d'Austrasie, sous la tutelle de Wulfoald[4]. La reine s'entoure de conseillers ecclésiastiques, l'évêque de Rouen, Ouen, l'évêque de Noyon, Éloi, l'évêque de Paris Chrodobert et l'abbé Genès. Veillant donc au respect des règles dans le clergé, elle comble l’Église de bienfaits, relevant des monastères et en fondant de nouveaux. Elle évite les conflits, veille à l’application de la justice, et envoie des missionnaires en Allemagne[5]. Bathilde rend la vente et l'achat d'esclaves définitivement illégaux, sans toutefois obliger les propriétaires des grandes exploitations (souvent d'ancienne origine gallo-romaine), à affranchir les leurs immédiatement. Le système finira par s'éteindre. Quant aux captifs venus de l'étranger et proposées à la vente, elle décrète qu'ils deviennent obligatoirement libres sur le sol des Francs. Elle s'efforce d'interdire la vente des enfants, et essaie aussi de faire interdire la vente d’esclaves chrétiens sur les marchés extérieurs[6]. La reine rachète alors de nombreux captifs. De plus, elle libère de nombreux chefs de famille emprisonnés pour dettes fiscales, dénonçant le principe de l'impôt payé en fonction du nombre de personnes au foyer, ce qui a parfois pour conséquence qu'on laissait mourir les nouveau-nés[4]. Enfin, elle combat la simonie dans le clergé[3],[4]. Elle fonde deux monastères royaux :
De nombreux établissements religieux sont également soutenus par la reine[4] :
Curieusement, la Vie de saint Wilfrid, du moine anglo-saxon Étienne de Ripon, donne de Bathilde une tout autre image : au § 6, le jeune Wilfrid est dit être resté pendant trois ans se former auprès de « Dalfinus », évêque de Lyon, qui voulait faire de lui son héritier, mais la reine Balthide, nouvelle Jézabel, fit à cette époque exécuter neuf évêques, dont Dalfinus, et Wilfrid dut s'enfuir (« Nam illo tempore malivola regina nomine Baldhild Ecclesiam Domini persecuta est : sicut impiissima regina Gezabel prophetas Dei occidit, ita ista [...] novem episcopos occidere jussit, ex quibus unus est iste Dalfinus » : « en ce temps, la reine malveillante du nom de Bathilde persécuta l'Eglise du Seigneur : de la même manière que la reine impie Jézabel a tué les prophètes de Dieu, celle-là ordonna de tuer neuf évêques, parmi lesquels se trouvait Dalfinus. »). Ce « Dalfinus » n'est sûrement autre que saint Ennemond, qui fut exécuté vers 658, donc sous la régence de Bathilde. Cette histoire est reprise par Bède le Vénérable (Histoire ecclésiastique du peuple anglais, V, 19), qui précise d'ailleurs que l'évêque Dalfinus fut décapité, et qui incrimine aussi nommément Bathilde (« Namque Baldhild regina missis militibus episcopum jussit interfici » : « Et en effet, la reine Bathilde envoya des soldats et leur ordonna de tuer l'évêque. »). Cependant, il est peu probable qu'une reine qui aurait fait exécuter plusieurs évêques ait été canonisée ; les historiens modernes incriminent plutôt le maire du palais Ébroïn, connu pour ses violences. MonialeLa dernière intervention politique de la reine est mentionnée dans une charte de l'évêque d'Amiens Berthefrid datée de 664, au sujet de l'abbaye de Corbie. La Vita Bathildis ne précise pas la raison pour laquelle la reine quitta le pouvoir, après un complot fomenté par Ébroïn, maire du palais de Neustrie. La situation autour d'elle devenait de plus en plus violente. Vers 665, l'évêque de Paris Sigebrand (Sigobrandus), l'un de ses conseillers, fut assassiné[8]. Bathilde se retira alors à Chelles dans le monastère qu'elle avait fondé, avant 646. L'abbaye de Chelles avait reçu un soutien constant de cette reine. Elle agrandit l'oratoire de Clotilde et fit bâtir une nouvelle église consacrée à la Sainte-Croix. Bathilde n'a semble-t-il jamais prononcé de vœux monastiques. Elle entra à Chelles sous l'abbatiat de Bertille, nommée par Bathilde elle-même. Mort de BathildeAyant contracté une grave maladie, elle mourut, à l'abbaye de Chelles, le 30 janvier 680 ou 681, vers l'âge de cinquante ans. Ses obsèques se résumèrent à un simple office chanté par les moniales[9]. Elle fut inhumée dans un tombeau placé au fond de l'abside orientale de l'église de la Sainte-Croix près de l'abbaye de Chelles et canonisée peu après par le pape Nicolas Ier[9].
— antienne du Benedictus de l'office auprès de l'ancienne abbaye de Chelles. Quand l'heure de sa mort arriva, Jacques de Voragine, dans La Légende dorée, raconte qu'elle eut la vision d'une échelle dressée devant l'autel de la Vierge Marie, touchant ainsi le ciel et pénétrant ses secrets en compagnie des anges[10]. Même si ce récit n'est qu'une légende, l'échelle figure aujourd'hui sur le blason de la ville de Chelles[11]. PostéritéOutre sa politique destinée à maintenir la concorde entre les trois royaumes (Austrasie, Neustrie, Bourgogne), Marc Lefrançois, dans son ouvrage Histoires insolites des Rois et Reines de France, retient de son règne sa lutte avant-gardiste contre l'esclavage :
L'historien Laurent Feller, dans son ouvrage, Église et société en Occident : VIIe – XIe siècle, précise :
Cette sainte reine mérovingienne fut entourée d'un culte par les premiers membres de la maison carolingienne. D'abord, certaines princesses devinrent abbesses de l'abbaye de Chelles fondée par elle. Surtout, le monastère accueillit Gisèle, la sœur de Charlemagne. Ensuite, la translation de ses ossements vers une nouvelle chapelle, en tant que reliques, fut effectuée le 17 mars 833 en présence de l'évêque de Paris. Enfin, la célébration définitive du 30 janvier, déjà mentionnée en 822 par l'abbé de Corbie, ainsi que celle du 17 mars, la fête de la translation, furent établies sous le règne de Louis le Pieux. Une particularité de l'office à Chelles était ses répons avec lesquels était célébrée la vie de cette sainte selon la Vita Bathildis, par exemple « elle qui avait fui le mariage avec un prince, épousa, par la volonté de Dieu, un roi pour le salut du peuple ». Bathilde fut canonisée définitivement au XIe siècle par le pape Nicolas II. Au regard des antiennes de la fête de sainte Bathilde, le 30 janvier[14], l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes adopta deux antiennes dans le tome V de l'Antiphonale monasticum sorti en 2008, la première édition critique du chant grégorien[15]. D'une part, il s'agit d'un autre texte pour le Benedictus. D'autre part, une antienne pour le cantique Magnificat des vêpres[16] :
— die 30 ianuarii Reliques
Bathilde dans l'artArts graphiques
Vitrail
Sculpture
Peinture
Odonymie
Notes et référencesNotes
Références
AnnexesBibliographie
Articles connexesLiens externes
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