Henri DutilleuxHenri Dutilleux
Henri Dutilleux photographié par Guy Vivien
Œuvres principales Symphonie no 2 « Le Double » (1959) Henri Dutilleux est un compositeur français de musique savante des périodes musicales moderne et contemporaine, né le à Angers et mort le dans le 4ème arrondissement de Paris[1]. BiographieEnfance et jeunesseHenri Dutilleux est né Henri Paul Julien Dutilleux à Angers, en Maine-et-Loire, où ses parents se sont réfugiés pour fuir les bombardements de Douai, berceau de sa famille. Arrière-petit-fils de Constant Dutilleux, peintre proche d'Eugène Delacroix, il est aussi un proche du peintre Maurice Boitel. Son grand-père maternel, le compositeur Julien Koszul, était quant à lui un ami de Gabriel Fauré. L'enfance d'Henri Dutilleux se déroule dans le département du Nord. Il entre en 1926 au conservatoire de Douai[2] dirigé par Victor Gallois (Premier prix de Rome 1905) avec lequel il prend des cours d'harmonie et qui décèle ses dons[3]. Il y suit également une formation classique en piano, théorie et contrepoint. ÉtudesIl entame en 1933 des études au conservatoire de Paris auprès d'Henri Büsser (composition), Jean Gallon (harmonie), Noël Gallon (contrepoint et fugue), Philippe Gaubert (direction d'orchestre) et Maurice Emmanuel (histoire de la musique)[4]. Durant ses études musicales, il est dans la même classe que Paul Bonneau, Raymond Gallois-Montbrun et Jacqueline Robin. Il remporte en 1938 le Premier prix de Rome, avec la cantate l'Anneau du Roi. Avant de partir pour la guerre en 1939, il approfondit intensément son étude de la musique de d'Indy, de Stravinsky et de Roussel. CarrièrePendant la guerre, il adhère au Front national des musiciens, organe de la Résistance, et compose clandestinement en 1944 la Geôle sur un sonnet du poète résistant Jean Cassou, alors emprisonné à Toulouse[5]. En 1942, Dutilleux assume pour quelques mois les fonctions de chef de chœur de l'Opéra de Paris et, en 1944, il est au service de la Radiodiffusion française, où il est responsable du Service des illustrations musicales[4]. Il quitte ce travail en 1963 pour pouvoir se consacrer entièrement à la composition. En 1961, il est appelé par Alfred Cortot comme professeur de composition à l'École normale de musique de Paris, dont il assure la présidence après la mort du fondateur[6], et où il eut comme élève le compositeur et organiste André Jorrand, puis, à partir de 1970, il est professeur associé au Conservatoire. Il donne également des cours dans le cadre du Festival de Tanglewood, invité par Seiji Osawa[7]. Il épouse le à Paris la pianiste Geneviève Joy, qui fut longtemps sa principale interprète. Il vécut avec son épouse, entre 1981 et 2010, à Candes-Saint-Martin, en Indre-et-Loire, dans une maison qu'ils léguèrent à la commune qui va lui redonner vie avec le piano à queue de Geneviève Joy, la bibliothèque Dutilleux et la rénovation de leur salon de musique[8]. Fréquemment au répertoire de l'Orchestre national Bordeaux Aquitaine sous la direction de Hans Graf, son nom est donné, en son hommage, à la grande salle de l'auditorium de Bordeaux, inauguré en [9],[10]. Le Conservatoire à rayonnement régional de Douai ainsi qu’Amiens a donné le nom d'Henri Dutilleux à son grand Auditorium. Mort et obsèquesIl meurt le , laissant derrière lui une œuvre majeure, abondamment jouée de son vivant partout dans le monde[11], faisant l'unanimité et considérée comme déjà classique[12],[13],[14],[15],[3]. Il est inhumé le au cimetière du Montparnasse (division 12)[16], auprès de son épouse[17]. Auparavant, une messe est célébrée à 10 h 30 à l'église Saint-Louis-en-l'Île avec la participation du Quatuor Rosamonde et des Petits Chanteurs de Sainte-Croix de Neuilly - The Paris Boys Choir (direction François Polgár). PostéritéÀ partir d' a lieu une polémique au sujet de l'inauguration d'une plaque commémorative sur l'immeuble du 12, rue Saint-Louis-en-l’Île où il habitait, dans le 4e arrondissement de Paris. Le maire PS Christophe Girard déclare relever des « faits de collaboration avec le régime de Vichy », qui rendraient l'installation de la plaque non appropriée pour l'instant, faisant allusion à la composition d'une musique d'un film à la gloire des sportifs, commandité par le régime de Vichy[18] et à la nécessité d'avoir un complément d'informations. Bien que le Comité historique de la Ville de Paris, chargé d'instruire ce type de demande, se soit prononcé pour l'apposition de cette plaque dans un document rendu en , à la mairie de Paris, Karen Taieb, conseillère municipale du 4e arrondissement s'oppose lors d'un conseil municipal, en , à l'apposition de cette plaque, d'où l'attitude du maire du 4e et de la mairie de Paris. Ces propos déchaînent une réaction considérable dans les réseaux sociaux et le milieu musical, où Dutilleux est au contraire connu pour son humanisme et son engagement dans la Résistance[19]. La plaque a finalement été apposée le au cours d'une cérémonie qui, à son tour, a provoqué une polémique en raison des deux discours prononcés par les édiles municipaux[20]. Distinctions et récompensesBien qu'il ait obtenu en janvier 2004 la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur (la plus haute distinction que décerne l’État), ses obsèques se sont déroulées en l’absence de tout représentant de l’État[21]. Henri Dutilleux a reçu le prix Ernst von Siemens le (à l'âge de 89 ans). Ce prix, considéré comme le « Nobel de la musique », a récompensé, selon le jury, « un des grands artistes de la musique française contemporaine » dont la production « organique » se distingue par sa « clarté poétique ». Henri Dutilleux est le troisième compositeur français (après Olivier Messiaen et Pierre Boulez) honoré par ce prix, qui a été attribué la première fois, en 1974, à Benjamin Britten. Depuis 1973, il est membre associé de l’Académie royale de Belgique, et, depuis 1981, membre honoraire de l’American Academy and Institute of Arts and Letters de New York. Il est aussi membre honoraire de l’Accademia Nazionale Santa Cecilia (1993) ainsi que de la Royal Academy of Music de Londres (1996) et de la Bayerische Akademie der Schönen Künste de Munich (1998). Le Grand Prix Antoine Livio de la Presse musicale internationale lui a été décerné en 1999. En 2010, il devient parrain d'honneur d'Ecuasol, programme d'aide à l'enfance défavorisée en Équateur, de l'ONG International Impact, fondé par son petit neveu Jean-Christophe Crespel. Grand prix national de la musique en 1967 pour l'ensemble de son œuvre. Il est lui-même membre du jury du « prix de composition Tōru Takemitsu » en 1997. En 2008, il a reçu la Médaille d'or de la Royal Philharmonic Society. Principales caractéristiques du style et langage musicalDutilleux couvre presque un siècle de par sa longévité et puise des influences déterminantes chez deux artistes majeurs du XIXe siècle, à savoir Vincent van Gogh et Charles Baudelaire. Il disait lui-même « Le poète de second ordre est la séduction même, il vit la poésie qu’il ne peut écrire. L’autre écrit la poésie qu’il n’ose vivre »[22]. Dutilleux doute beaucoup, et ne se résout jamais à écrire quelque chose qu’il n’entende auparavant dans la tête, on ne peut lui donner de directive ni lui offrir de l’argent[23]. Il ne revendique aucun système. On pourrait peut-être dire de lui ce que Baudelaire disait de Wagner (à l’écoute de Tannhäuser) qu’ «aucun musicien n’excelle comme lui à peindre l’espace et la profondeur matériels et spirituels »[24]. Et pour citer encore Baudelaire (Poison, no 45 des Fleurs du mal), la musique de Dutilleux « allonge l’illimité, approfondit le temps, creuse la volupté ». Ses influences les plus notables en peinture sont Vincent van Gogh, notamment la Nuit étoilée (dont il s'inspire pour Timbres, espace, mouvement), mais aussi Paul Gauguin, Nicolas de Staël, Kandinsky[25]. La nature est aussi une source d'inspiration[26], notamment Le Valais, en Suisse, où il va souvent composer à La Sage. Ses cinéastes favoris sont Luis Buñuel, et Federico Fellini. En poésie et littérature, Dutilleux s'est souvent inspiré dans ses compositions de Charles Baudelaire (notamment en créant les titres des sections de Tout un monde lointain), mais il est aussi un fervent lecteur de Shakespeare, Proust, André Gide (pour son journal), Julien Gracq et d'Yves Bonnefoy, surtout vers la fin de sa vie[27]. En musique, ses maîtres sont les Polyphonistes de la Renaissance, Beethoven (pour le renouvellement de la forme), Berlioz l’inventeur, Debussy, Henri Duparc, Ravel, Albert Roussel, Bartok, Stravinsky, et Schoenberg[28]. Choix du matériau des hauteursDutilleux affirme n’avoir jamais abandonné l’écriture modale. Il tient à préserver dans un langage atonal des principes de structuration hiérarchiques du matériau. «Dans ma musique, on trouvera de nombreuses références à cette notion de hiérarchie, par l’emploi de notes-pivots, de pédales, de sons obsessionnels, de thèmes d’accords qui indiquent que je ne puis me priver de l’apport d’une certaine polarisation (...) je ne pense pas devenir jamais dodécaphonique»[29]. Par l’usage de notes-pivots, ou pôles sonores (devenant parfois des axes), il articule différentes échelles de sons, allant de simples tétracordes ou pentacordes (Ainsi la nuit), d’héxacordes (Métaboles, Concerto pour violon) à des modes diatoniques et octotoniques (Sonate pour piano), décatoniques (2x5, Concerto pour violon) voire des séries de douze sons (Métaboles, Tout un monde lointain) séries utilisées de manière non-dodécaphonique, mais plus pour les possibilités de variations harmoniques et de couleurs qu’ils peuvent offrir. Dutilleux a eu recours à la citation (Clément Janequin, Jehan Alain, Benjamin Britten dans Les Citations) et à l'auto-citation (Mémoires des ombres de Shadows of Time cite Figures de résonances, "De Vincent à Théo" de Correspondances cite Timbres, espace, mouvement (en référence à Van Gogh), Le Masque dans Le Temps, l'horloge cite La Geôle, enfin, Les Citations citent un extrait du ballet Le Loup rajouté tardivement[30]. La mélodieElle revêt différents aspects : parfois statique en notes répétées comme une cantilène (note-pivot, Métaboles), soit très ornementée, orientalisante. Les phrases ornées peuvent être très virtuoses, surtout chez les bois, très souvent en mouvement ascendant et descendant. On observe aussi régulièrement l’écriture en miroirs. Dutilleux emploie aussi des accords en homorythmie, comme dans un choral. On trouve aussi des effets en escaliers, avec accumulation d’instruments en unisson et octaves de l’aigu au grave et inversement (Métaboles, IIe Symphonie) ainsi que des mouvements contraires entre les registres aigu et le grave. Dutilleux était très scrupuleux et soigneux avec la notation de sa musique. Son père était typographe, il adorait l’odeur de l’encre depuis l’enfance[31]. On voit aussi souvent des effets d’arborescences avec une multiplication de voix dans la mélodie (Métaboles) souvent en accélérant et crescendo. Aussi fréquents, on trouve des clusters se réduisant progressivement à un unisson et l’inverse. Le rythmeLe rythme est insaisissable. Dutilleux change très souvent de signatures rythmiques et de tempo. Pour les mouvements lents, il brouille le sentiment de pulsation par des rythmes complexes donnant un caractère improvisé à la musique. Inspiré des «Grands piliers droits et majestueux» baudelairiens, il affectionne l' homorythmie dans les chorals . Dans les mouvements lents, il ajoute parfois des « chocs électriques » brefs et incisifs, rompant avec la linéarité de certaines phrases (Métaboles, IIe Symphonie). Pour les mouvements rapides, on trouve très souvent une écriture en mouvement perpétuel de doubles croches, avec une prédilection pour le ternaire. L'écriture de Dutilleux peut rappeller parfois Bartok ou Stravinsky dans l’usage de contretemps et accents décalés (comme dans Le Sacre du printemps ou Musique pour cordes, percussions célesta ). L'orchestrationUtilisation des bois, avec la clarinette pour sa virtuosité et le hautbois (et même le hautbois d’amour dans Timbres, espace, mouvement) pour leurs qualités expressives, allant jusqu’à l’usage risqué (car pas vraiment standardisé) de multiphoniques. Aux cordes, souvent divisées, sont confiées de très belles pages (Mystère de l'instant ). Les effets de trilles, harmoniques, glissandi et col legno sont souvent prisés, avec une prédilection pour les contrebasses à qui il confie très souvent des accords d’harmoniques en grappes (Métaboles), voire des solos importants, comme dans Timbres, espace, mouvement, dans Les Citations et dans Shadows of Time. Les percussions sont centrales dans son oeuvre et souvent thématiques, traitées comme de véritables personnages musicaux, que cela soit avec des percussions à sons indéterminés (Bongos, toms, maracas, cymbales) et les claviers comme le xylophone et le vibraphone. Pour les cuivres, Dutilleux privilégie la combinaison des trombones et trompettes[32]. Œuvres principalesEssentiellement orchestrale, son œuvre contient un nombre relativement restreint de pièces. Une partie des partitions[33] des œuvres d'Henri Dutilleux est éditée par les Éditions Billaudot. Œuvres orchestrales
Œuvres concertantes
Musique de chambre
Œuvres pour solistePiano
Violoncelle
Œuvres vocales
Musique de film
Liens externes
Notes et références
Bibliographie
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