L'astronome français Nicolas-Louis de Lacaille est le premier à décrire la Machine pneumatique en 1751-1752[3],[4]. Il la baptise en hommage à la machine pneumatique inventée par le physicien français Denis Papin[5]. Pendant son séjour de deux ans au cap de Bonne-Espérance, Lacaille observe et catalogue près de 10 000 étoiles australes, élaborant quatorze nouvelles constellations dans des pans sans dénomination du ciel invisibles depuis l'Europe. Il les nomme toutes, sauf une, en hommage à des instruments symbolisant le siècle des Lumières[note 1],[6]. Lacaille décrit la Machine comme une pompe à vide à cylindre unique telle qu'utilisée par Papin dans ses premières expérimentations, alors que l'astronome allemand Johann Bode choisit la version plus moderne à deux cylindres[5]. Lacaille latinise son nom en Antlia pneumatica dans sa carte de 1763. L'astronome anglais John Herschel propose de raccourcir le nom à un seul mot en 1844, notant que Lacaille lui-même abrégeait régulièrement le nom de ses constellations[7], ce qui sera finalement adopté pour les dénominations officielles[8]. L'Union astronomique internationale adopte finalement la Machine pneumatique comme l'une des 88 constellations modernes en 1922[9].
Bien que visibles pour les grecs anciens, les étoiles de la Machine pneumatique sont trop peu lumineuses pour avoir été incluses dans l'une des constellations anciennes[5]. Les étoiles qui la composent aujourd'hui se trouvent dans une aire qui couvre l'ancienne constellation du Navire Argo, le bateau des Argonautes, qui à cause de sa taille immense est divisée en plusieurs constellations plus petites par Lacaille en 1763[10],[11]. Pour l'écrivain et communicateur scientifique britannique Ian Ridpath les étoiles de la Machine, car peu lumineuses, ne participent pas à la représentation classique du Navire Argo[12].
Les astronomes chinois étaient en mesure de voir ce qui est de nos jours la Machine pneumatique depuis leurs latitudes, et l'incorporèrent dans deux constellations différentes. Certaines étoiles de la section sud de la Machine pneumatique constituaient une portion de « Dong'ou » qui représente une région du sud de la Chine[5]. D'autres, telles que ε, η, et θ Antliae furent incorporées, avec des étoiles de la Boussole, au Temple céleste[5].
Représentation de la Machine pneumatique par Johann Bode en 1782 comme une pompe à air à simple cylindre.
Représentation de la Machine pneumatique par Johann Bode en 1801 comme une pompe à air à double cylindre.
Représentation de plusieurs constellations australes dans l'ouvrage Urania's Mirror. La Machine pneumatique se trouve en bas au centre.
Caractéristiques
La Machine pneumatique couvre 238,9 deg2, soit 0,579 % du ciel, ce qui en fait la 62e des 88 constellations modernes en surface[13]. Sa position dans le ciel austral rend la constellation entièrement visible aux observateurs au sud du 49e parallèle nord[note 2],[13]. La constellation de l'Hydre court le long de sa frontière nord, alors que la Boussole, les Voiles et le Centaure la délimitent respectivement à l'ouest, au sud et à l'est. Les trois lettres de son abréviation adoptées par l'Union astronomique internationale sont Ant, dérivé de son nom latin Antlia[9]. Les frontières officielles de la constellation, telles que délimitées par l'astronome belge Eugène Delporte en 1930[note 3] dessinent un polygone à douze segments. Dans le système de coordonnées équatoriales, les coordonnées d'ascension droite de ses frontières se trouvent entre 09h 26.5m et 11h 05.6m, et leurs coordonnées de déclinaison entre −24.54° et −40.42°[1].
Lacaille donne à neuf étoiles une désignation de Bayer, les cataloguant de α (Alpha) à θ (Theta) et combinant deux étoiles proches l'une de l'autre comme ζ (Zeta). Benjamin Gould en ajoute une dixième, ι (Iota) Antliae. Une fois les frontières de la constellation délimitées en 1930, β (Beta) et γ (Gamma) Antliae (aujourd'hui HR 4339 et HD 90156) se retrouvent dans la constellation de l'Hydre[15]. Au sein des frontières de la constellation, on dénombre 42 étoiles dont les magnitudes apparentes sont inférieures ou égales à 6,5[note 4],[13].
α et ε Antliae
Les deux étoiles les plus brillantes de la constellation, α et ε (Epsilon) Antliae, brillent d'une teinte rougeâtre[17]. α Antliae est une géante de type spectral K4 III, suspectée d'être une étoile variable dont la magnitude varie entre 4,22 et 4,29[18]. Elle se trouve à 320 ± 10 a.l. (∼ 98,1 pc) de la Terre[19]. Avec une luminosité entre 480 et 555 fois celle du Soleil, il s'agit probablement d'une étoile âgée dont la luminosité augmente, en voie de devenir une étoile variable de type Mira après avoir transformé l'ensemble du carburant de son cœur en carbone[20].
Située à 590 ± 30 a.l. (∼ 181 pc) de la Terre[21], ε Antliae est une géante rouge évoluée de type spectrale K3 IIIa, ayant enflé jusqu'au diamètre d'environ 69 fois celui du Soleil[22], dont la luminosité est environ 1 270 celle du Soleil[23]. Elle est légèrement variable[24]. À l'opposée de la constellation, ι Antliae est également une géante orange de type spectral K1 III[25] située à 202 ± 2 a.l. (∼ 61,9 pc) de la Terre[26].
S Antliae est une étoile binaire à éclipses, dont la magnitude apparente varie entre 6,27 et 6,83 sur une période de 15,6 heures[34]. Le système est classé comme une étoile variable de type W Ursae Majoris : l'étoile primaire est plus chaude que la secondaire et la chute de magnitude est due au passage de cette dernière devant la première. Le calcul des propriétés du couple stellaire d'après leur période de révolution indique que la primaire a une masse de 1,94 et un diamètre 2,026 fois celui du Soleil, et la secondaire une masse de 0,76 et un diamètre 1,322 fois celui du Soleil[35]. Parce qu'elles partagent une enveloppe commune, les deux étoiles une luminosité et type spectral similaire[36]. L'âge du système est estimé entre 5 et 6 milliards d'années. Les deux étoiles finiront par ne former qu'un seul astre à rotation rapide[35].
HR 4049(en), aussi connue sous le nom AG Antliae, est une étoile vieillissante anormalement chaude de type spectral B9.5Ib-II. Elle subit une importante perte de masse[41] et est une variable atypique qui n'appartient à aucune classe d'étoile variable connue, sa magnitude fluctuant entre 5,29 et 5,83 sur une période de 429 jours[42]. Elle est située à 6 000 a.l. de la Terre[43].
HD 93083 est une étoile naine orange de type spectral K3V, plus petite et froide que le Soleil. Elle possède une planète découverte par méthode des vitesses radiales à l'aide du spectrographe HARPS en 2005. À peu près aussi massive que Saturne, la planète orbite autour de son étoile avec une période de 143 jours à une distance moyenne de 0,477 UA[46]. WASP-66 est une étoile de type solaire, de type spectral F4V, possédant une planète de 2,3 fois la taille de Jupiter orbitant autour d'elle en 4 jours, découverte par la méthode de transit en 2012[47]. DENIS J1048-3956 est une naine brune de type spectral M8 située à 13 a.l. de la Terre. Avec une magnitude de 17, elle est bien trop pâle pour être vue à l'œil nu. Elle a une température de surface de 2 500 K. Deux puissantes éruptions de 4-5 minutes chacune ont été détectées en 2002[48]. 2MASS 0939-2448(en) est un système composé de deux naines brunes froides et pâles, dont les températures effectives se situent autour de 500 et 700 K et de masses comprises entre 25 et 40 fois celle de Jupiter[49].
Objets du ciel profond
La Machine pneumatique contient de nombreuses galaxies pâles, dont la plus lumineuse est NGC 2997 avec une magnitude de 10,6[51]. C'est une galaxie spirale aux bras lâches se présentant de face, de type Sc. Bien qu'invisible dans la plupart des télescopes amateurs, elle présente sur les photographies de lumineux amas d'étoiles jeunes et de nombreuses traînées de poussière obscures[32].
↑Bien que certaines parties de la constellation se trouvent techniquement au-dessus de l'horizon pour des observateurs entre le 49e et le 65e parallèle nord, les étoiles situées seulement quelques degrés au-dessus de l'horizon sont en pratique inobservables[13].
↑Eugène Delporte propose à l'Union astronomique internationale de standardiser les frontières des constellations. Celle-ci accepte et lui confie la tâche[14].
↑Les objets de magnitude 6,5 compte parmi les plus faiblement lumineux visibles à l'œil nu dans le ciel nocturne de la transition rural/périurbain[16].
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