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Rafael Merry del Val y Zulueta Wilcox (né le à Londres et mort le à Rome) est un prélat catholique. Il est élevé au cardinalat à l'âge de 38 ans et joue un rôle important au début du XXe siècle dans le gouvernement de l'Église catholique, associé au pontificat de Pie X et à sa lutte contre le courant moderniste.
Biographie
Enfance et premières études
Second fils du marquis Rafael Merry del Val, diplomate espagnol d'origine irlandaise, et de la comtesse Josefina de Zulueta, Anglaise originaire d'Espagne, Rafael Merry del Val naît à Londres, où son père occupe le poste de secrétaire de l'ambassade d'Espagne.
Rafael Merry del Val ressent le désir d'être prêtre vers l'âge de huit ans, au contact des prêtres de la Compagnie de Jésus, dont son oncle maternel fait partie.
Après le Collège préparatoire de Bayliss House, à Slough, il poursuit ses études classiques au collège Notre-Dame de la Paix de 1876 à 1877, à Namur, puis au collège de Saint Michel, aujourd'hui collège de Saint-Jean Berchmans à Bruxelles, de 1878 à 1884. C'est en 1883, alors âgé de dix-huit ans qu'il entre au Collège universitaire d'Ushaw, pour entreprendre les études qui le conduisent au sacerdoce.
Formation et charges sous Léon XIII
Quand il arrive à Rome en 1885 avec son père, le pape Léon XIII demande à les rencontrer tous deux lors d'une audience privée. Après l'avoir longuement interrogé sur ses désirs, Léon XIII lui impose d'entrer non pas au Collège pontifical écossais, mais à l'Académie des nobles ecclésiastiques, établissement qui forme à Rome les futurs dirigeants de la diplomatie vaticane. Il obtient deux doctorats (philosophie et théologie) à l'Université pontificale grégorienne, ainsi qu'une licence de droit canonique.
Léon XIII le nomme camérier secret surnuméraire à l'âge de 22 ans, alors qu'il est encore séminariste non ordonné prêtre, ce qui lui donne droit au prédicat de Monsignor et d'agrémenter sa soutane de violet. Le pape confie au nouveau Mgr Merry del Val, polyglotte européen, diverses missions de représentation, notamment à Londres à l'occasion du jubilé de la reine Victoria, où il accompagne le cardinalSerafino Vannutelli qui ne parle pas anglais.
En mars 1888, Léon XIII le nomme secrétaire de la mission pontificale, présidée par le cardinal Luigi Galimberti qui est chargée de représenter le pape aux obsèques de Guillaume Ier à Berlin, et au couronnement du nouvel empereur Frédéric III.
Le , il est ordonné prêtre par le cardinal Lucido Parocchi, et commence une carrière dans la diplomatie pontificale. Il est d'abord secrétaire de nonciature en Allemagne et en Autriche-Hongrie (1888-1889), mais revient à Rome rejoindre l'administration pontificale en 1891 dans l'entourage du pape.
Faisant partie, en qualité de secrétaire, de la commission chargée d'étudier la validité des ordinationsanglicanes (1896), sa position personnelle est alors, tout comme celle de la hiérarchie catholique anglaise, hostile à leur reconnaissance ; la commission conclut par la négative, à une seule voix de majorité, au motif (encore très discuté) de la rupture de la succession apostolique par modification du rite consécratoire des évêques.
À l'âge de 34 ans, il est nommé archevêque titulaire (in partibus) de Nicée et le sacré par le cardinal Rampolla, secrétaire d'État de Léon XIII. Le pape le choisit de nouveau pour le représenter au couronnement du roi Édouard VII en 1901.
Au début du conclave de 1903, Merry del Val est désigné par le Sacré Collège comme secrétaire du conclave, après la mort inopinée du titulaire, contre Gasparri et Della Chiesa, ce qui montre que les conservateurs ont probablement la majorité contre le cardinal Rampolla ; le conclave est marqué par l'exclusive contre Rampolla par l'Autriche que Merry del Val aurait refusé de prendre. C'est lui qui assiste aux hésitations du patriarche de Venise, le cardinal Sarto, avant d'accepter la tiare sous le nom de Pie X. Celui-ci lui demande immédiatement de l'assister comme secrétaire d'État. Créé cardinal, il devient alors son principal collaborateur.
Diplomate rigide, conservateur intransigeant (comme les cardinaux Louis Billot et Gaetano De Lai et tout l'entourage du pape Pie X), Merry del Val s'oppose aux modernistes avec vigueur[2],[3]. Ernesto Buonaiuti (1881-1946), prêtre italien moderniste excommunié, le décrit comme un « cardinal espagnol énigmatique et sinistre, à la suffisance hautaine et vaniteuse »[4]. D'autres lui font une réputation proche de l'ascétisme et soulignent son esprit charitable ; il s’occupe ainsi toute sa vie d’un foyer de jeunes Romains défavorisés qu'il avait fondé dans le quartier populaire du Trastevere, allant les visiter tous les jours, jouant au billard, à la balle avec eux ou les confessant.
Le cardinal Merry del Val se distingue pour ce qui touche, en France, à la séparation de l'Église et de l'État (1904-1906). Il rejette toute négociation et refuse aux évêques français le droit de fonder des associations cultuelles à l'instar de ce qui se fait déjà en Allemagne : l'Église de France y perd l’intégralité de son patrimoine.
À la suite des projets scolaires de « défense laïque » déposés par Gaston Doumergue en , il s'implique dans la guerre scolaire et parvient à faire accepter par l'épiscopat français la neutralité scolaire comme contraire aux doctrines catholiques. Du fait de son action, l'école libre va occuper à partir de ce moment une place centrale dans les préoccupations de la hiérarchie catholique française[5].
Rapports avec le judaïsme
Il est l'interprète de la doctrine du non possumus avancée par le pape Pie X en réponse à Théodore Herzl, venu chercher au Vatican un appui catholique pour légitimer le sionisme naissant. Selon ce non possumus, l'Église catholique se doit d'être bienveillante à l'égard des Juifs, témoins historiques de la vie de Jésus, mais ne peut en aucun cas légitimer le sionisme en raison de la non-reconnaissance de la divinité du Christ par les juifs[6].
À une époque où l'antisémitisme s'exprime publiquement (affaire Dreyfus en France), ses rapports avec le judaïsme restent ambigus : estimant que les Juifs doivent légitimement être exécrés pour avoir « versé le sang du saint des saints » et dénonçant leur projet de « reconstruire le Royaume d'Israël en s'opposant au Christ et à son Église », il refuse catégoriquement la suppression de la mention des « perfidis judaeis (juifs infidèles) » dans la liturgie du Vendredi Saint — au prétexte de la conservation de la liturgie — et il combat la société des Amis d’Israël jusqu'à sa dissolution, lui reprochant — bien qu'il en ait été membre — d'être « sous la main et l'influence des Juifs »[7].
Prélat intransigeant
Ses positions intransigeantes[8], oscillant entre « catholicisme intégral »[9] et intégrisme, lui valent le jugement de l'historien Henri-Irénée Marrou, pour lequel une éventuelle canonisation de Merry del Val correspondrait à une apologie de l'intégrisme, « la lutte (…) contre le modernisme [ayant été] le prétexte à des manœuvres de basse police, conduites dans une atmosphère de mensonge et, avec un manque de charité, déshonorants pour le nom de chrétien »[10].
Émile Poulat avance, au début du XXIe siècle, que la recherche récente permet de nuancer ce jugement et estime que la tendance dure du Vatican est en définitive plutôt à chercher à cette époque dans le chef du cardinal De Lai voire de Pie X lui-même[8], ainsi que chez le collaborateur immédiat de Merry del Val, Umberto Benigni, créateur de La Sapinière, qui jugeait le prélat, qui modérait son zèle antimoderniste, « pleutre » (vigliacco) — il l'avait surnommé « la Peur » — et fut poussé par lui à la démission[8].
Fin de carrière honorifique
En 1914, à la mort de Pie X, il est partisan du clan conservateur ; son candidat est battu par le nouveau pape Benoît XV (on dit qu'il fit vérifier l'ultime tour de scrutin[11]) et il est immédiatement écarté : le cardinal Domenico Ferrata, homme ouvert et habile négociateur, le remplace au secrétariat d'État. Le , Merry del Val est nommé conjointement archiprêtre de la basilique vaticane — succédant à son rival, le cardinal Rampolla mort au même moment —, secrétaire de la fabrique de Saint-Pierre et secrétaire de la Congrégation du Saint-Office, dicastère de surveillance doctrinale qu’il dirige jusqu'à sa mort. Le cardinal Merry del Val se voit ainsi relégué dans des postes honorifiques ou administratifs et doctrinaux, sans possibilité d'influence concrète sur les grandes orientations du Saint-Siège. Il continue d’effectuer des missions de représentation, comme celle de légat pontifical pour le septième centenaire de saint François d'Assise (1920).
À la mort du pape Benoît XV en 1922, il recueille les voix des conservateurs au conclave qui élit Pie XI, pape qui le confirma dans ses fonctions mais ne lui en confie pas d’autres. Merry del Val termine ses jours dans une retraite effacée et meurt à Rome, le , des suites d'une opération liée à une crise d'appendicite. Selon ses vœux, il est enterré dans les grottes vaticanes « le plus près possible de saint Pie X ». Son procès de béatification a été ouvert le par Pie XII, à l’instigation du cardinal Nicola Canali, son ancien secrétaire particulier et ami intime, mais la procédure a été interrompue.
Bibliographie
Œuvres et travaux
The truth of Papal claims. A reply to The validity of papal claims by F. Nutcombe Oxenham, Londres, 1902.
Memories of Pope Pius X, Westminster, 1931.
Pio X. Impressioni e ricordi, Padoue 1949.
Pensieri ascetici, Rome, 1953.
Musique
Musicien et pianiste, élève du compositeur et pianiste Isaac Albéniz lorsque son père était ambassadeur à Bruxelles[12], Raffaele Merry Del Val composa notamment des motets.
Raffaele Merry Del Val et Lorenzo Perosi, Inni, mottetti e canzon, éd. Audiovisivi San Paolo S.r.l., 1994.
Biographies
Encyclopédies et dictionnaires
Émile Poulat, « Rafael Merry del Val », Encyclopædia Universalis.
(de) Johannes Grohe, « Rafael Merry del Val », Biographisch-Bibliographisches Kirchenlexikon, vol. 5, Herzberg, 1993, col. 1331-1333 [lire en ligne].
Biographies
Les biographies consacrées au cardinal Merry del Val sont, selon l'historien Jan de Volder(nl), essentiellement d'ordre hagiographiques, à l'instar de celles consacrées à Pie XI ; les plus acceptables sont celles de P. Censi et de J. M. Javierre[13].
(it) Pio Censi, Il Cardinale Raffaele Merry del Val, éd. Roberto Berrutti, 1933 (900 pages, nombreuses photos).
(it) Vigilio Dalpiaz, Attraverso una porpora. Il cardinale Merry del Val, éd. R. Berruti, 1935.
(it) Girolamo Dal Gal, Il cardinale Merry del Val, segretario di Stato del Beato Pio X, éd. Paoline, 1953.
Hary Mitchel, Le Cardinal Merry del Val, éd. Paris-Livres, 1956.
Roberto De Mattei, Merry del Val, il cardinale che servì quattro papi,éditions SugarCo, 2024.
(en) Marie-Cecilia Buehrle, Rafael Cardinal Merry del Val, éd. Sands and Co., 1957.
(en) Sr. Mary Bernetta Quinn, Give me souls; a life of Raphael Cardinal Merry del Val, éd. Newman Press, 1958.
(es) José M. Javierre, M. Merry del Val, éd. Juan Flors, 1963.
Ouvrages historiques
Jean Sévillia, Quand les catholiques étaient hors-la-loi, Paris, Perrin, 2012.
Émile Poulat, Intégrisme et catholicisme intégral. Un réseau secret international antimoderniste : « La Sapinière » (1909-1921), Paris, Casterman, 1969.
Articles
Philippe Roy-Lysencourt, Le Cardinal Rafael Merry del Val (1865-1930). Aperçu biographique, Strasbourg, Institut d’étude du christianisme, coll. « Études », 2016, 94 p., recension par François Bœspflug, Archives de sciences sociales des religions 2018/4 (n° 184), pages 358 à 359, lire en ligne
(en) Gary Lease, « Merry del Val and Tyrrell: a Modernist struggle », Downside Review, no 102, 1984, p. 133-156.
(en) J. A. Dick, « Cardinal Merry del Val and the Malines Conversations », Ephemerides theologicae Lovanienses 62:44, Louvain, Peeters, 1986, p. 333-355.
cette « fiction » est basée sur des faits concrets et connus à Rome comme l'indique Jules Romains dans une lettre écrite à un correspondant non identifié (voir Cahiers de Jules Romains, Flammarion, 1985, page 345).
Gérard Bavoux, Le porteur de lumière : les arcanes noirs du Vatican, Paris, Pygmalion, 1996.
↑Cf. Les Fiches pontificales de Mgr Montagnini publiées après leur saisie dans la nonciature de Paris par la Librairie Émile Nourry, Paris, 1909, 236 pages.
↑(it) Ernesto Buonaiuti, Pellegrino di Roma : a generazione dell'esodo, A. Gaffi, , p. 55.
↑André Lanfrey, « L'épiscopat français et l'école de 1902 à 1914 », Revue d'histoire de l'Église de France, vol. 77, no 199, , p. 371–384 (DOI10.3406/rhef.1991.3536, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Walter Aaron Clark, Isaac Albeniz: Portrait of a Romantic, éd. oxford University Press, 2002, p. 37 [lire en ligne].
↑Jan de Volder, « Secrétairerie d'État et secrétaires d'État (1814-1978). Acquis historiographiques sur l'institution et les hommes », Mélanges de l'École française de Rome. Italie et Méditerranée, 1998, vol. 110, no 2, p. 454-455 [lire en ligne].