À partir de cette date, il espace ses ascensions et s'adonne pendant vingt ans à la randonnée pédestre de façon intensive (trekking), ce qui l'amène à traverser de grandes zones désertiques aux conditions climatiques parfois extrêmes. Son intérêt pour la nature le conduit également à être élu député européen de 1999 à 2004, sous l'étiquette des Verts.
Il consacre dès lors l'essentiel de son temps à la création de musées relatifs à l'alpinisme et à la haute montagne, à l'écriture[2], avec une soixantaine d'ouvrages à son actif, et à des conférences.
En , il reçoit un Piolet d'Or pour l'ensemble de sa carrière[3].
Biographie
Jeunesse et débuts en amateur
Reinhold Andreas Messner naît le à Bressanone (Brixen en allemand), dans la province autonome de Bolzano dans le Trentin-Haut-Adige en Italie. Il a sept frères et une sœur. Sa langue maternelle est l'allemand et il apprend à parler couramment l'italien[4]. Il grandit à Funes et passe sa jeunesse à arpenter les Alpes, avec une préférence pour les Dolomites. Son père, Josef, enseignant, se montre strict ; c'est lui qui le mène à son premier sommet, le Sass Rigais, lorsqu'il a cinq ans. En 1964, à l’âge de 20 ans, il avait déjà réalisé cinq cents ascensions dans les Alpes orientales[5].
Dès les années 1960, il est considéré, avec ses frères Günther et Hubert, comme l'un des meilleurs grimpeurs d'Europe[6]. Inspiré par Hermann Buhl[7] et par Walter Bonatti[8], il devient l'un des premiers et plus ardents défenseurs du style alpin dans l'Himalaya. Il considère en effet que la pratique habituelle de l'alpinisme, qu'il qualifie de « tactique du siège », avec ses sherpas, ses camps et ses équipements, est irrespectueuse de la nature et de la montagne. En 1966, il réalise l'ascension des Grandes Jorasses par la face nord et en 1968, il gravit l'Eiger par sa face nord-est avec Günther Messner, Toni Hiebeler et Fritz Maschke[9]. Ces itinéraires sont réputés pour être les plus difficiles des Alpes, avec le Cervin. En 1969, il atteint le mont Blanc par le pilier du Frêney et effectue au Pérou sa première expédition extra-européenne.
Le , son frère Günther décède dans la descente du Nanga Parbat, deux jours après qu’il a, avec Reinhold, ouvert une nouvelle voie et atteint le sommet dans des conditions météorologiques difficiles. D'après Reinhold, la première nuit une bourrasque emporte le bivouac dans la brèche Merkl, la deuxième nuit se passe sur le versant du Diamir, que Günther aurait préférée à la route empruntée à la montée, malgré son état de grande fatigue. Le troisième jour, sous un glacier, Reinhold traverse une chute de séracs mais, Günther n'arrivant pas, il remonte et constate que son frère a dû disparaître sous une avalanche. Toujours dans l’espoir de retrouver son frère, Reinhold passe une troisième nuit sans protection, durant laquelle il est atteint d'hallucinations. Il poursuit alors sa descente directement, sans retourner au camp de base et est récupéré par des paysans[10]. Reinhold est amputé de six orteils[6] et se voit fortement critiqué pour n'avoir pas rebroussé chemin alors que Günther l'avait rejoint dans l’ascension, en dépit des consignes[11]. Le film Nanga Parbat, réalisé en 2010 par Joseph Vilsmaier, est basé sur son récit des événements[12]. L'année suivante, Reinhold repart chercher le corps de son frère mais celui-ci ne sera retrouvé qu'en 2005. C'est à cette époque, alors qu'il se considérait comme un spécialiste de l'escalade, qu'il devient alpiniste professionnel.
Vie privée
Reinhold Messner se marie avec Uschi Demeter, journaliste allemande, en , puis le couple divorce en [13]. D'une liaison avec la photographe canadienne Nena Holguin nait sa première fille, Layla[13], qui devient artiste peintre[14]. En , Reinhold Messner se marie en secondes noces avec Sabine Stehle, avec qui il a 3 enfants (dont Simon, lui-même alpiniste[15]). Le couple divorce en . Il se remarie une troisième fois en avec Diane Schumacher[13],[16].
Il est l'un des premiers alpinistes ayant insisté sur l'importance d'une préparation stricte (sports d'endurance, alimentation) avant d'aller affronter les hautes altitudes[17].
Principales ascensions
1969
, 1re ascension en solitaire de la face nord des Droites (voie Davaille) en 8 heures ; cette voie, parcourue seulement 3 fois avant lui, n'avait jamais été faite sans bivouac[18]. C'était à l'époque la face nord la plus raide et la plus difficile du massif du Mont-Blanc.
17 et , variante directe de la voie Vinatzer à la Marmolada en solo[19].
1970 : première ascension du Nanga Parbat (8 126 m) par le versant du Rupal, le plus difficile, avec son frère Günther Messner. Lors de la descente, celui-ci meurt et Reinhold perd plusieurs orteils[20].
première ascension du Manaslu (8 156 m) par la face sud[22] ; deux de ses coéquipiers meurent dans l'expédition. Reinhold et Franz Jäger tentent l'ascension finale. Durant la montée, Jäger décide de retourner dans la tente. Durant la descente de Reinhold, une tempête se lève ; quand il arrive à la tente, Andi Schick et Horst Fankhauser(de) sont sur place, montés depuis le camp inférieur et partis à la recherche de Franz, qui n'est pas revenu, après avoir entendu ses appels. Andi ne revient pas et Horst, après son retour à la tente, aide Reinhold à redescendre[23].
première ascension du Kilimandjaro (5 893 m) par le Breach Wall[30].
première ascension avec Peter Habeler du mont Everest (8 849 m) sans oxygène. Cet exploit était auparavant considéré comme physiologiquement impossible pour un être humain à cause de l'altitude. Ascension par la voie normale et en marge d'une expédition autrichienne qui avait équipé la cascade glaciaire[31],[32].
ascension du Nanga Parbat en solo. Il devient à cette occasion le premier homme à avoir escaladé un « 8 000 » du pied jusqu'au sommet d'une seule traite. Pour réaliser cet exploit, il emprunte le versant du Diamir, en choisissant, tant pour la montée que pour la descente, une voie nouvelle. Au camp de base, il ne bénéficie de l'assistance que d'un médecin et d'un officier de liaison. Reinhold prend une photo, seul au sommet[33],[34],[35].
1979 : première ascension du K2 en style semi-alpin, utilisant les cordes fixes d'une expédition japonaise mais sans oxygène artificiel ni porteurs d'altitude. L'équipe de Messner visait initialement une voie nouvelle sur le pilier sud-ouest, la « Magic Line », mais faute de temps, l'expédition se rabat sur la voie normale. Reinhold Messner et Michael Dacher atteignent le sommet le [36],[37],[38].
1980 : première ascension de l'Everest en solitaire et sans oxygène. Ascension en trois jours depuis le camp de base avancé à 6 500 m gardé par une seule personne (Nena Holguin), sans contact radio, par le col Nord, l'arête Nord et le couloir Norton[39],[40].
1981
ascension du Shishapangma (8 027 m), par la face nord, avec Friedl Mutschlechner[41].
ascension du Kangchenjunga (8 598 m), avec Friedl Mutschlechner et le sherpa Ang Dorje, par une voie partiellement nouvelle, sur la face et l'arête nord[44],[45].
ascension du Gasherbrum II (8 035 m), en style alpin, avec les grimpeurs pakistanais Nazir Sabir et Sher Khan[46],[45].
ascension du Broad Peak (8 047 m), avec les grimpeurs pakistanais Nazir Sabir et Sher Khan[46],[45]. Il est ainsi le premier homme à gravir trois sommets de plus de 8 000 m lors d'une même saison.
1983 : ascension du Cho Oyu (8 201 m), par une voie nouvelle sur la face sud-ouest, avec Michael Dacher et Hans Kammerlander[47], après avoir échoué une première fois l'année précédente, mais en hiver, sur cette même face[48].
1984 : ascension du Gasherbrum II par la voie normale, puis directement (sans retour au camp de base) du Gasherbrum I, par une voie partiellement nouvelle sur la face nord, en style alpin, avec Hans Kammerlander. Un tel enchainement direct de deux « 8 000 » n'avait jamais été réalisé jusqu'alors[49],[50].
1985
première ascension de l'Annapurna (8 091 m) par la face nord-ouest, avec Hans Kammerlander[51],[29].
ascension du Dhaulagiri (8 167 m), par la voie normale, avec Hans Kammerlander[51],[29].
1986
ascension du Makalu (8 481 m), par la voie normale, avec Hans Kammerlander[52],[29].
ascension du mont Vinson (4 897 m), point culminant de l'Antarctique. Messner devient ainsi le deuxième homme à avoir gravi les points culminants des sept continents (Amérique du Nord, du Sud, Afrique, Europe, Asie, Antarctique et Océanie), quelques mois seulement après le Canadien Patrick Morrow, mais le premier à l'avoir réalisé sans apport d'oxygène[53],[21].
Dans les années 1980, une intense compétition s'installe entre Reinhold Messner et Jerzy Kukuczka, pour être le premier à achever l'ascension des 14 « 8 000 »[55],[56], tous situés dans les chaînes de l'Himalaya et du Karakoram. Reinhold Messner est le premier homme à gravir l'ensemble des 14 sommets.
Ce palmarès est remis en question par le chroniqueur Eberhard Jurgalski qui prétend que Reinhold Messner n'aurait pas atteint le vrai sommet de l'Annapurna mais se serait arrêté sur la crête sommitale 65 mètres avant et 5 mètres plus bas que celui-ci[57],[58].
Messner propose alors une seconde liste : il remplace le mont Kosciuszko, à 2 228 m d'altitude et assez facilement accessible, par le Puncak Jaya, situé en Nouvelle-Guinée, culminant à 4 884 m et difficile d'accès. Son défi est remporté le par le Canadien Patrick Morrow, suivi par Messner lui-même, en décembre de la même année.
Quadragénaire au milieu des années 1980 et détenteur de nombreux records en montagne, Messner limite le nombre de ses ascensions et entreprend pendant vingt ans une série d'expéditions pédestres.
En 1986, ayant traversé le Tibet oriental du Kham à Lhassa, il prétend avoir vu une créature anthropomorphe qu'il associe au yéti[59]. En 1987, il traverse à pied les grandes étendues du Bhoutan et du Pamir. En 1988, malgré les moqueries, il entreprend une expédition au Tibet sur les traces du yéti, qu'il affirme avoir aperçu deux ans plus tôt. Au terme de l'expédition, il conclut que la légende de « l'abominable homme des neiges » provient d'un véritable animal qui terrifierait les populations locales depuis des générations et qui, selon lui, serait apparenté à l'Ours bleu du Tibet[60]. Cette théorie n'est pas du goût de la communauté cryptozoologique, qui associe plutôt cette créature à un singe. En 2000, il publie le récit de son enquête dans le livre Yéti, du mythe à la réalité.
En 1989-1990, il réalise la traversée de l'Antarctique (départ de Patriot Hills, arrivée à Mac Murdo en passant par le pôle) avec Arved Fuchs en 92 jours (2 400 km), tous deux tirant eux-mêmes des traîneaux[61].
En 1991, il traverse le Bhoutan d'est en ouest. En 1992 il traverse le désert du Taklamakan dans la région du Xinjiang, dans le Nord-Ouest de la Chine.
En 2003, il réalise un trekking dans la région du mont Everest. En 2004, il effectue la traversée du désert de Gobi (2 000 km). En 2005, il réalise de nouvelles excursions en Mongolie et au Pakistan.
Autres activités
De 1999 à 2004, Reinhold Messner a été élu au Parlement européen sur la liste Verts/alliance libre européenne, groupe présidé par Daniel Cohn-Bendit. Il relate cette expérience dans son livre, Le Sur-Vivant[63].
Depuis 2003, il se consacre au projet de réalisation d'un ensemble de musées relatifs à la montagne, les Messner Mountain Museums (MMM). Plusieurs sont aujourd'hui ouverts, notamment à Bolzane et Sulden.
Jean-Georges Inca, La cordée émotionnelle (ISBN9782951742802) : nées de la rencontre du peintre Jean-George Inca et de l'alpiniste-himalayiste Reinhold Messner, les toiles de la collection himalayenne présentées dans cet ouvrage montrent comment le peintre s'est identifié toile après toile au parcours de Messner dans ses écrits.
Nanga Parbat, fiction de Joseph Vilsmaier, Allemagne, 2010. Le film relate l'ascension du Nanga Parbat par Reinhold Messner et son frère Günther, en 1970, et la descente au cours de laquelle celui-ci meurt accidentellement. Les rôles de Reinhold jeune et Reinhold adulte sont interprétés par Markus Krojer(de) et Florian Stetter(de).
Messner, profession alpiniste, documentaire d'Andreas Nickel, Allemagne, 2012 (110 minutes). Le film relate son enfance et ses nombreuses ascensions, avec des images d'archives[65].
En 1975, Messner a été conseiller technique du film La Sanction[66].
Cerro Torre : Enquête sur une ascension en Patagonie, Albolina & Riva Films productions, 2020, 1 h 21. Diffusé le 16 mai 2020 sur Arte.
↑« Climbs and regional notes », Alpine Journal « Europe: the Alps », , p. 137 (lire en ligne [PDF])
↑Charlie Buffet, « Reinhold Messner réaffirme avoir trouvé le corps de son frère disparu », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑ ab et cOswald Oelz, « The Seven Summits : On the highest mountains of all continents », Alpine Journal, , p. 173 (lire en ligne [PDF], consulté le )
↑Wolfgang Nairz, « Manaslu 1972 », Alpine Journal, , p. 18 (lire en ligne [PDF], consulté le )
↑Reinhold Messner, Le Sur-vivant, éditions Points, 2015, p. 178.
↑ a et bLuis Vonmetz, « 75 Jahre Reinhold Messner : Luis Vonmetz am Seil mit Reinhold Messner – Erlebnisse und Gedanken », Bergeerleben, (lire en ligne)
↑ abcd et eOswald Oelz, « Reinhold Messner: The Phenomenon : The Ascent of all Eight-thousanders by the Most Successful Mountain Climber of Our Day », Alpine Journal, (lire en ligne [PDF])
↑Arthur Malé, « The perception of Jerzy Kukuczka among the French alpine community through the press media (1979-1989) », Studies in Sport Humanities, vol. 29, , p. 27–42 (ISSN2300-6412, DOI10.5604/01.3001.0015.4462, lire en ligne, consulté le )