Félix Éboué
Félix Éboué, né le à Cayenne (Guyane) et mort le au Caire, est un administrateur colonial, résistant de la première heure durant la Seconde Guerre mondiale et homme politique français. Humaniste, franc-maçon[3], il est membre de la SFIO jusqu'en . Il est gouverneur du Tchad, possession coloniale française, lorsque la métropole est occupée par les armées du IIIe Reich. À la suite de l'appel du 18 juin 1940, il entre en contact avec le général de Gaulle le 3 juillet et range le territoire du côté de la France libre le 26 août[4]. Il donne ainsi officiellement à la France libre les attributs légaux d'un État souverain[5] et devient, suivant la volonté du général de Gaulle, le troisième compagnon de la Libération. Depuis le 20 mai 1949, Félix Éboué repose au Panthéon[6]. BiographieEnfanceFélix Éboué est né le [7], rue Christophe-Colomb à Cayenne, d'une famille originaire de Roura, issue de « nouveaux libres » (esclaves émancipés par l'abolition de 1848)[8]. Il est le quatrième d'une famille de cinq enfants, dont quatre frères : Yves, Edgard, Max, Félix le cadet et une sœur, Cornélie, mariée plus tard à Félix Gratien et qui a cinq enfants : Clérence, Yves (neveu et filleul de Félix Éboué qui a deux filles : Florence et Isabelle Gratien), Aurélia, Élie (qui a deux enfants Évelyne et Raymond Gratien), et Solange Gratien. Les trois frères de Félix Éboué ne se marient pas et meurent jeunes par noyade ou ayant contracté des maladies comme chercheurs d'or. Son père, Yves Urbain Éboué, est orpailleur, d'abord sur le placer « Enfin » (Haute Mana), puis directeur-adjoint du placer « Dieu Merci ». Il décède en 1898 alors que Félix n’a que 13 ans[9]. ÉtudesAprès de brillantes études à Cayenne, Félix Éboué obtient en 1898 une bourse d'études en métropole et part pour Bordeaux, inscrit au lycée Montaigne. Dans la capitale girondine, en complément de ses études, Félix Éboué s'adonne au sport et particulièrement au rugby et au football. Il devient notamment capitaine de l'équipe du lycée, les « Muguets ». Avec celle-ci, il se rend à Strasbourg, en Belgique et en Angleterre. Ces déplacements lui permettent d'étudier sur le vif le tempérament des joueurs et des habitants des régions visitées. Les comptes rendus des journaux régionaux (Le Phare de la Loire, Le Populaire) enregistrent les succès de l'équipe bordelaise et rendent avec détails, l'entrain et l'adresse d'un joueur noir de cette équipe auquel est due en grande partie la victoire. Sous les couleurs du Stade bordelais UC (SBUC) et du Sporting Club universitaire de France (SCUF)[10], il connaît les joies du stade. Il obtient à Bordeaux son baccalauréat ès-lettres, puis va s'installer à Paris où il suit des études de droit tout en suivant l'enseignement de l'École coloniale (où sont formés les administrateurs de la France d'outre-mer), où il obtient en 1908 sa licence[11]. Carrière d'administrateur en Afrique-Équatoriale française (AEF)Élève administrateur des colonies, puis administrateur-adjoint, Félix Éboué est affecté en 1909 en Afrique-Équatoriale française, à Madagascar, puis en Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine)[9]. Quand éclate la Première guerre mondiale en 1914, il veut se faire incorporer en métropole, mais l’administration coloniale lui demande de rester en Oubangui-Chari car la colère gronde dans les colonies[9]. Il s'efforce d'apprendre les usages et coutumes de ses administrés, ce qui lui permet de mieux asseoir son administration. Ainsi, il fait publier en 1918 une étude sur les langues sango, banda et mandja. En 1935, il publie une étude sur les langages tambourinés et sifflés[9]. Cette approche respectueuse sera saluée par le général De Gaulle, qui verra en lui le « symbole de la dette contractée envers les peuples dont le destin est associé à celui de la France »[4]. Il entre également en conflit avec plusieurs groupes de la région[12], notamment dans les zones dirigées par Morouba[13]. Il est nommé en 1927 chevalier de la Légion d'honneur sur la proposition du ministre de l'Instruction publique. Il est nommé administrateur chef en 1930[11]. Il passe vingt années de service en Afrique-Équatoriale française. Congés en GuyaneDurant trois congés successifs, Félix Éboué revient en Guyane, retrouvant sa famille et ses amis et partageant avec eux souvenirs et expériences africaines. C'est ainsi qu'il fait découvrir l'écrivain René Maran, Martiniquais né à Fort-de-France, adjoint des Affaires civiles en A.-É.F., qui reçoit le prix Goncourt en 1921 pour son roman Batouala. Ils nouent une précieuse relation d’amitié[9]. Sa mère meurt en 1926. Aux Antilles françaisesFélix Éboué est nommé secrétaire général en Martinique, de à pour remplacer le gouverneur titulaire parti en congé pour deux ans. Après un passage au Soudan français, il est élevé au rang de gouverneur et nommé en Guadeloupe en 1936. C'est le premier noir à accéder à un grade aussi élevé. En Guadeloupe, il met en pratique son esprit de conciliation dans un contexte social trouble. À l'occasion de la remise solennelle des prix le au lycée Carnot de Pointe-à-Pitre, il adresse à la jeunesse d'outre-mer son célèbre discours « Jouer le jeu » dont voici quelques extraits :
Pendant la Seconde Guerre mondialeDevant la menace d'un futur conflit, il est nommé en 1938 gouverneur du Tchad, avec pour mission d'assurer la protection de la voie stratégique vers le Congo français. Il fait construire les routes qui permettront en à la colonne Leclerc de remonter rapidement à travers le Tibesti vers l'Afrique du Nord. Le 3 juillet 1940, deux semaines après l'Appel du 18 Juin, Félix Éboué entre en contact avec le général de Gaulle pour lui faire connaître son soutien[4]. Le 26 août, à la mairie de Fort-Lamy, il proclame, avec le colonel Pierre Marchand, commandant militaire du territoire, le ralliement officiel du Tchad au général de Gaulle, donnant ainsi « le signal de redressement de l'Empire tout entier » et une légitimité politique à la France libre, jusqu'alors dépourvue de tout territoire. René Pleven, envoyé du général de Gaulle assiste à cette proclamation[15], complétée d'un télégramme envoyé aux autorités coloniales[16]. Le 15 octobre, Félix Éboué reçoit le général de Gaulle à Fort-Lamy, qui va le nommer, le 12 novembre, gouverneur général de l'Afrique-Équatoriale française. Le 29 janvier 1941, il figure parmi les cinq premières personnes à recevoir du général de Gaulle la croix de l'ordre de la Libération. Félix Eboué transforme l'A.-É.F. en une véritable plaque tournante géostratégique, d'où partent les premières forces armées de la France libre, conduites par les généraux de Larminat, Kœnig et Leclerc. Résidant à Brazzaville, il organise une armée de 40 000 hommes et accélère la production de guerre, où il peut enfin appliquer la « politique indigène » qu'il a eu le temps de mûrir au cours de sa longue carrière. Politique indigène et coloniale et mortPendant la guerre, Félix Éboué prend plusieurs circulaires qui sont en réalité des textes de politique coloniale. Ces circulaires sont importantes à double titre. Elles montrent tout d'abord le caractère profondément politique, voire programmatif de textes juridiques. D'autre part, alors que l'historiographie fait en général commencer la politique coloniale de la France libre avec le CFLN ou ne se focalise que sur la conférence de Brazzaville, ces circulaires - dont la substance a été reprise dans plusieurs décrets signés par de Gaulle - prouvent que dès 1941, la France libre avait une politique coloniale[5]. À l'exemple de Lyautey, Félix Éboué souhaite que les autochtones puissent conserver leurs traditions, pense que la revalorisation du rôle des chefs coutumiers et des notables est indispensable et souhaite que le régime de l'indigénat, dont il ne conteste pas le bien-fondé, ne soit appliqué aux chefs de village « qu'avec la plus extrême prudence ». S'il est favorable à l'insertion de la bourgeoisie indigène dans la gestion locale, il voit dans le colon européen le collaborateur clé de l'Administration. Il préconise un rôle accru pour le colon, « qui ne se bornera pas à être l'excitateur, le tuteur et le revendeur de la production agricole indigène. D'autres activités, dans le domaine économique, lui sont réservées en propre : exploitations minières et forestières, industries de toutes sortes, entreprises de travaux publics et, d'une façon générale, tout ce qui comporte l'exécution du travail sous le commandement direct de l'Européen ». Ces circulaires sont compilées et republiées dans son étude intitulée La Nouvelle Politique indigène pour l'Afrique équatoriale française[17]. Son conservatisme, sa méfiance envers les innovations, l'industrialisation, l'urbanisation, son appui au régime du travail forcé et au colonat feront qu'il sera cité avec profusion par les colons lors des États généraux de la colonisation française tenus à Douala en septembre 1945[18]. La conférence des hauts dirigeants administratifs des territoires africains tenue à Brazzaville le retient la thèse d'Éboué sur l'assimilation. Il ne voit pas les réalisations issues de cette conférence. Fatigué, il part se reposer en Égypte, après avoir séjourné en Syrie. Il meurt d'une congestion cérébrale à l'hôpital français du Caire[19] le entouré de sa femme, de sa fille et de son fils cadet. FamilleLe , au cours d'un de ses congés en Guyane, Félix Éboué s'est marié à Saint-Laurent-du-Maroni avec Eugénie Tell (1889-1972), fille de Hyppolite Herménégilde Tell, notamment conseillère de la République — sénatrice — sous la Quatrième République, institutrice de cinq ans sa cadette et amie de sa sœur[20] Cornélie (devenue Madame Félix Albert Gratien et qui repose au cimetière de Thiais près de Paris avec ses enfants Aurélia et Yves Gratien). Eugénie Tell l'aidera dans une partie de ses recherches ethnographiques, notamment sur la compréhension du langage sifflé, posant plus généralement le rôle des femmes d'administrateurs dans les études que certains d'entre-eux mènent à cette époque[5]. Le couple a deux enfants :
Félix Éboué a deux autres fils de précédentes unions :
Tous ses enfants ont combattu dans les Forces françaises libres, Henry et Robert dans la 1re DFL à partir de 1942, Charles dans les Forces aériennes françaises libres, Ginette dans les volontaires féminines. Henry Éboué s'est évadé d'un camp de prisonniers allemand, probablement en 1942. Hommages rendus à Félix ÉbouéÀ ParisLéopold Sédar Senghor, qui épouse sa fille, lui dédie un poème de son recueil Hosties noires, qu'il écrit à Paris en 1942. En 1946, Jacques Soustelle, ministre de la France d'outre-mer, en présence de Madame Éboué, de Gaston Monnerville, de Gaston Palewski représentant le général de Gaulle, inaugure, dans la cour d'honneur du ministère de la France d'outre-mer, une plaque commémorative en l'honneur de Félix Éboué. Sur l'initiative du gouvernement, la promotion 1947 de l'École nationale de la France d'outre-mer est solennellement baptisée : « Promotion du gouverneur Félix Éboué ». En 1947, le conseil municipal de la mairie de Paris décide de donner le nom de place Félix-Éboué à l'ancienne place Daumesnil. Et en 1977 le conseil de Paris donne aussi le nom de rue Eugénie-Éboué à une voie nouvelle, pour honorer son épouse. La France, par la loi du ordonne que soient inhumés au Panthéon les restes du premier résistant de la France d'Outre-Mer. La dépouille mortelle de Félix Éboué est débarquée du paquebot La Providence le à Marseille qui lui fait un émouvant accueil. Le vendredi , il entre au Panthéon en compagnie de Victor Schœlcher[22]. Le président du conseil de la République Gaston Monnerville, également originaire de Guyane, rappelle alors que « c'est [un] message d'humanité qui a guidé Félix Éboué, et nous tous, Résistants d'outre-mer, à l'heure où le fanatisme bestial menaçait d'éteindre les lumières de l'esprit et où, avec la France, risquait de sombrer la liberté »[23]. Cela a fait de lui la première personne noire à y reposer. Il est décoré du titre de compagnon de la Libération. Charles de Gaulle lui rend hommage dans ses mémoires : « Cet homme d'intelligence et de cœur, ce Noir ardemment français, ce philosophe humaniste, répugnait de tout son être à la soumission de la France et au triomphe du racisme nazi »[24]. Pour perpétuer, à l'intérieur de l'École nationale de la France d'outre-mer le souvenir de l'élève-administrateur de 1908, le samedi en présence notamment de Gaston Monnerville, de Madame Éboué et de Madame Pavie (veuve du fondateur de l'École Coloniale en 1889), un marbre est dévoilé où l'on lit cette inscription :
Le , un hommage est rendu lors de l'inauguration à Cayenne de l'aéroport international Félix-Éboué par le chanteur Tedjee à travers la chanson Félix Éboué coécrite par l'ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira et Tedjee. En Guyane (outre-mer)Le a lieu l'attribution du nom Félix-Éboué à la rue Richelieu qui passe devant sa maison natale. La Guyane lui dédie un lycée à Cayenne inauguré le dans le bâtiment même ou Éboué a commencé ses études au collège, une salle de la préfecture. Vers la fin des années 1990, on lui dédie un musée situé dans la maison où il a grandi, la Maison-Musée de Félix Éboué. En est inaugurée sur la place des Palmistes à Cayenne une statue à son effigie réalisée par le sculpteur Maurice Gardon. Les inscriptions qui figurent sous la statue de Félix Éboué sont d'André Malraux (d'après l'épitaphe de Simonide à la bataille des Thermopyles) :
Le , l'assemblée générale de la Chambre de commerce et d'industrie de la Guyane vote le changement de nom de l'aérodrome de Cayenne-Rochambeau. Ce dernier nom, hommage à Jean-Baptiste-Donatien de Vimeur de Rochambeau, créait la polémique en raison de l'homonymie avec son fils Donatien de Rochambeau, tristement réputé pour la dureté avec laquelle il avait réprimé l'insurrection haïtienne lors de l'expédition de Saint-Domingue[25]. L'aéroport est renommé aéroport international de Cayenne-Félix-Éboué le 21 janvier 2012[26] en présence du président de la République Nicolas Sarkozy. Un voie urbaine du centre de Saint-Laurent-du-Maroni est nommée rue Félix-Éboué. À la Guadeloupe (outre-mer)
En Île-de-France (métropole)
En Alsace (métropole)
En Bourgogne-Franche-Comté (métropole)
Dans la ville de Brazzaville (République du Congo)La capitale du Congo, ancienne capitale de l'A.-É.F. et de l'Afrique française libre conserve le souvenir de l'ancien gouverneur général :
Dans la ville de N'Djamena – l'ancienne Fort-Lamy (République du Tchad)
NavireUn des six nouveaux patrouilleurs Outre-mer de la Marine nationale française, livrable en 2025, portera son nom. Les six navires qui seront basés à Nouméa, à Papeete et à la Réunion portent ou porteront le nom de Compagnons de la libération originaires d'outre-mer. NumismatiqueFélix Éboué figure sur une pièce de 10 € en argent éditée en 2012 par la Monnaie de Paris pour représenter son département natal, la Guyane. PhilatélieEn 2004, un timbre est émis en héliogravure d'une valeur faciale de 0,50 €. Dessiné par Marc Taraskoff, il porte le n° YT 3714. Décorations
Notes et références
Voir aussiBibliographie
Filmographie
Articles connexesLiens externes
Information related to Félix Éboué |