Son œuvre, exigeante et austère, décrit par petites touches impressionnistes la difficulté de vivre pleinement sa vie dans les sociétés modernes à travers la peinture des relations intimes et sociales, contaminées par le rapport de classes : la famille, l'amitié et bien sûr le couple, ce qui vaut au cinéaste des comparaisons avec Michelangelo Antonioni, voire Ingmar Bergman dans un registre toutefois beaucoup plus méditerranéen[6],[7],[8]. Il est par ailleurs rapproché de Theo Angelopoulos[9],[10]. Ceylan affirme également puiser son inspiration dans l'œuvre littéraire d'Anton Tchekhov et Henrik Ibsen[7]. Winter Sleep (Kış Uykusu) transpose justement le canevas de trois nouvelles de Tchekhov dans la Turquie contemporaine[7]. Le critique Jean-Michel Frodon souligne également sa capacité « à se déplacer à travers [son] pays pour en restituer, sans aucun folklore, les multiples facettes »[5]. Producteur, scénariste, réalisateur, mais également monteur et chef opérateur de la plupart de ses films, Ceylan cultive une forme très personnelle d'auto-fiction cinématographique qui le rapproche d'auteurs tels que Woody Allen et Nanni Moretti[6].
Si une partie de la critique internationale admire son œuvre, l'autre reproche souvent au metteur en scène son extrême lenteur, son esthétisme, voire son académisme auteuriste[10],[9],[11],[12]. C'est souvent la notion de durée qui rebute le spectateur dans les films de Ceylan qui privilégient les temps de latence, les moments de vide et d'attente, ainsi que la réduction de l'intrigue et des dialogues au strict minimum[13]. Winter Sleep (Kış Uykusu) constitue toutefois une exception, car les dialogues se veulent plus longs, denses et littéraires qu'à l'accoutumée[7],[6]. Le cinéaste filme au plus près la souffrance muette et indicible de ses personnages dans une esthétique contemplative et mélancolique[5],[14].
Notes
Le cinéaste a écrit les scénarios de ses trois derniers films en compagnie de son épouse, Ebru Ceylan, avec laquelle il joue dans Les Climats. Lors de la réception du Prix de la mise en scène cannois en 2008, il dédie sa récompense « à son beau et incompris pays qu'il aime avec passion. »[15]. Quand il remporte la Palme d'or en 2014, il se dit heureux d'être récompensé au moment du centenaire du cinéma turc[16] et dédie le prix à « la jeunesse de Turquie, et à ceux d'entre eux qui sont morts au cours de l'année passée », en référence aux manifestations de 2013 contre le gouvernement de l'AKP[6],[17].
Nuri Bilge Ceylan est scénariste de toutes ses réalisations. Cependant, Les Trois Singes, Il était une fois en Anatolie et Winter Sleep (Kış Uykusu) ont été coécrits avec sa femme, Ebru Ceylan. Nuri Bilge Ceylan participe par ailleurs à la production de tous ses films.
↑Le nom de Nuri Bilge Ceylan ne se prononce pas comme celui de l'île de Ceylan, mais « Nouri Bilguè Djèïlân ». Lisez l'article sur la prononciation du turc pour en savoir plus.
↑ ab et c"De la marge au sommet", Jean-Michel Frodon, juillet-août 2009, supplément p.XVI
↑ abc et dGérard Lefort, Olivier Séguret, Didier Péron, Sabrina Champenois, Bruno Icher et Julien Gester, « Palme d'or pour Sommeil d'hiver de Nuri Bilge Ceylan », Libération, (lire en ligne, consulté le )
↑ abc et d« Nuri Bilge Ceylan, le Bergman du Bosphore », La Libre Belgique, (lire en ligne, consulté le )
↑Serge Kaganski, « Il était une fois en Anatolie », Les Inrocks, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et bNorbert Creutz, « La mauvaise conscience avec brio », Le Temps, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et bJérôme Vermelin, « Cannes 2014 – Winter Sleep : mais qui ira voir cette Palme d'or ? », Metronews, (lire en ligne, consulté le )
↑Violaine Morin, « La Palme d'or vue de l'étranger : attendue et élitiste », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le )
↑Jean-Marc Lalanne, « Cannes : un palmarès décevant pour un Festival riche et beau », Les Inrocks, (lire en ligne, consulté le )
↑Florence Leroy et Cécile Mimaut, « Festival de Cannes : Winter Sleep remporte la Palme d'or », France Info, (lire en ligne, consulté le )