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Vatican durant la Seconde Guerre mondiale

Soldats canadiens membres du Royal 22e Régiment en audience avec Pie XII, après la libération de Rome en 1944.

L'État de la Cité du Vatican a suivi une politique de neutralité pendant la Seconde Guerre mondiale, sous la conduite de Pie XII. Bien que la ville de Rome soit occupée par l'Allemagne à partir de 1943 et les Alliés à partir de 1944, la Cité du Vatican, elle, reste libre.

Si au début de la guerre, le Vatican renforce de façon importante son dispositif de sécurité, ses forces armées ne sont pas en mesure de rivaliser avec la division SS qui vient occuper Rome en septembre 1943. Le Vatican se prépare alors à une invasion de son espace privé, il cache et détruit les documents sensibles, organise une fuite des personnages-clés et interdit à la garde de lutter par les armes si les Allemands franchissent la « frontière ». Aujourd'hui encore, il n'y a pas de consensus chez les historiens pour savoir si Hitler envisageait sérieusement d'investir le Vatican et de capturer le pape.

La cité du Vatican durant la guerre devient une terre d'espionnage importante où toutes les puissances cherchent à percer l'action du pape. Si le pape s'abstient de toute déclaration contre les dictatures, plusieurs historiens, dont Saul Friedländer, décrivent Pie XII comme quelqu'un de relativement complaisant avec le régime fasciste de Mussolini, Hitler et l'Axe de manière générale. D'autres historiens comme Pierre Milza rapportent quelques tentatives du pape en faveur de la résistance allemande et des Alliés. D'autres encore, comme David Kertzer, s'appuient sur les archives secrètes du Vatican, ouvertes en 2020, pour démontrer que Pie XII s'était dès le début engagé auprès de Hitler à ne jamais s'exprimer publiquement sur les questions politiques ou « raciales ».

Contexte

Historique

Le Vatican naît en 1929, dix ans avant la Seconde Guerre mondiale.

La Cité du Vatican a été créée en 1929, une dizaine d'années seulement avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Les accords du Latran de 1929 signés avec l'Italie reconnaissent la souveraineté de la Cité du Vatican. Ils déclarent la Cité du Vatican, pays neutre, dans les relations internationales et exigent que le pape s'abstienne de toute médiation à moins qu'elle ne soit demandée par les parties. En 1939, la ville-État est reconnue par trente-huit nations, avec un Corps diplomatique de treize ambassadeurs à part entière et vingt-cinq ministres[1].

L'opinion qui prévaut au Vatican, est que la clause du traité qui interdit au pape de se mêler de la vie politique italienne, interdit également la condamnation de l'agression militaire italienne, lors de l'invasion italienne de l'Albanie le Vendredi saint du 7 au [C 1].

Toutefois, à plusieurs occasions, par ses encycliques, au cours des années qui précédent la Seconde Guerre mondiale, Pie XI dénonce la montée de l'autoritarisme en Europe[2] : en 1926, il condamne l’Action française[2], la persécution au Mexique (Iniquis Afflictisque)[3], en 1931, le fascisme (Non abbiamo bisogno), mais aussi Quadragesimo Anno. À la suite de cette dernière encyclique, les chemises noires s'en prennent à l’« Action catholique italienne »[4]. Le , lors d’un entretien avec Mussolini, le pape Pie XI a déclaré : « je ne vois rien, dans l’ensemble de la doctrine fasciste, proclamant les principes d’ordre, d’autorité et de discipline, qui soit contraire aux enseignements de l’église. »[5] En 1937, c'est le communisme (encyclique Divini Redemptoris) et immédiatement après le nazisme (Mit brennender Sorge) qui sont vigoureusement condamnés[M 1],[S 1]. Le pape dit à un groupe de pèlerins belges cette phrase célèbre : « Nous, chrétiens, sommes spirituellement des sémites »[6].

Hubert Wolf écrit que Pie XI a eu, à plusieurs reprises, « le courage de traiter avec des personnalités souvent considérées comme des incarnations du mal : Benito Mussolini, Adolf Hitler et Joseph Staline ». Qu'il se « souciait prioritairement du salut des croyants et du libre exercice de la pastorale catholique ». En échange de sa « liberté spirituelle », l’Église acceptait au besoin « de renoncer à toute activité temporelle et se retirer littéralement de la politique et de la vie publique »[W 1]. Pie XI multiplie les accords avec les États pour préserver l'Église, y compris avec les régimes qu'il désapprouve ; il signe plus de quinze concordats ou modus vivendi, notamment avec le Portugal, avec la Tchécoslovaquie, l'Italie (accords du Latran, 1929)[N 1] et le Reich allemand (1933)[7].

La position du régime nazi vis-à-vis du Vatican

Signature du concordat à Rome. Eugenio Pacelli entouré de Ludwig Kaas, prélat et député allemand, chef du parti catholique (Zentrum), Franz von Papen, vice-chancelier allemand, assis, et, à sa gauche, debout, Alfredo Ottaviani.

Concordat

Avant la signature du concordat, le , les évêques de Bavière donnent une instruction pastorale « interdisant au clergé catholique de prendre part au mouvement national-socialiste sous toutes ses formes », ils soulignent « les hérésies dans le programme de politique culturelle du NSDAP ». Au printemps de l'année suivante, les évêques des autres régions de l'Allemagne suivent le pas et condamnent fermement l'idéologie des nazis[W 2]. Ces « interdictions et avertissements » fais par les évêques au catholiques allemands de ne pas prendre part au mouvement nazi seront levés le , quelques mois avant la signature du concordat[W 3],[W 4].

Dès l'accession d'Hitler au pouvoir, celui-ci « tend une main ouverte et amicale au Vatican ». Dans ses premiers discours, il promet « que son gouvernement respecterait les valeurs chrétiennes et les droits de la famille, réaffirmant les droits de l’Église catholique en matière d'éducation », et promet d'entretenir des relations cordiales avec le Saint-Siège[A 1],[D 1],[M 2],[K 1],[W 5],[N 2],[N 3].

Avant l'arrivée au pouvoir d'Hitler, le cardinal Pacelli avait signé des concordats avec différents États allemands (la Bavière en 1925, l'État libre de Prusse en 1929)[M 3]. C'est le texte utilisé pour le concordat avec la Prusse, légèrement modifié[N 4] qui sera repris avec Hitler[8],[R 1]. Dès son arrivée au pouvoir, Hitler souhaite deux choses : la levée de la condamnation faite par les évêques allemand sur le parti national-socialiste, et la suppression du Zentrum, parti catholique et dernière grande force d'opposition structurée qui lui résiste[W 5],[S 2]. Le gouvernement allemand sollicite le Vatican pour ouvrir les négociations d'un concordat[M 4],[M 1] mais les évêques lèvent leur condamnation sans en informer le Vatican, ni demander de contre-parti, et le Zentrum se dissous, en pleines négociations concordataires, sans informer le Vatican, le privant d'un levier de négociation pour obtenir du gouvernement Hitlérien un accord qui lui soit favorable[W 6].

Le , le Vatican et le gouvernement signent un concordat qui normalise les relations du Troisième Reich avec le Vatican et définit le statut légal de l’Église catholique en Allemagne[A 1],[D 1],[R 1],[W 6]. Pacelli doit précipiter la signature car la dissolution imprévue du Zentrum le le prive de moyen de pression pour négocier avec le gouvernement allemand et met en danger le Vatican face à un refus de signature allemand, Hitler ayant obtenu sans contre-partie un point important qu'il cherchait à négocier. Wolf écrit que « la clause de dépolitisation [prévue dans le concordat] ne valait même plus le papier sur lequel elle avait été couchée ». De leur côté, les évêques allemands, avaient unanimement déclaré que « le Concordat avec le Reich était le dernier espoir pour éviter un Kulturkampf bien plus grave qu'à l'époque de Bismarck »[W 6]. Pour la Curie, ce concordat devait servir à protéger les « catholiques en prévision des temps difficiles qui [..] guettaient l’Église sous le régime national-socialiste ». Cet accord devait servir de « haut-rempart » pour protéger l’Église et les chrétiens[W 7],[W 6],[N 5]. Mais comme pour le concordat signé avec Mussolini quelques années plus tôt, Hitler ne respecte pas sa parole[M 2],[K 2],[S 3],[N 6],[N 7]. Le cardinal Eugenio Pacelli (futur pape Pie XII) « croyait fermement » que de tels accords « constituaient le meilleur moyen de protéger l’Église et sa mission religieuse »[M 5],[W 6],[N 8],[N 9]. David Alvarez écrit : « pour les nazis comme pour les fasciste italiens, le concordat n'était qu'un instrument de propagande[N 10], destiné à légitimer leur régime et impressionner favorablement les catholiques dans leur pays et dans le reste du monde. Il n'avaient pas l'intention de respecter leur signature, et lorsque le moment viendrait de briser l’Église, ils ne se laisseraient pas arrêter par un document légal »[A 2],[M 2],[M 6],[N 11]. Le pape et les évêques allemands ne sont pas dupes et savent bien qu'Hitler ne respectera pas sa parole ni le texte signé. Mais ils estiment tous qu'il « n'y a pas d'autre moyen de s'opposer au totalitarisme hitlérien que le concordat ». Le pape reconnaît même « qu'il a dû signer le concordat avec "un pistolet braqué sur la tempe" »[M 7],[W 6],[N 12],[N 7]. La signature du concordat n'amène pas une diminutions des persécutions, mais voit plutôt une nette augmentation[K 3]. Face aux protestations des évêques, les dirigeants nazi nient toutes persécutions tout en « réaffirmant le droit du régime à frapper quiconque attentait à l'unité et à la santé morale du peuple ». Malgré cela, la majorité des évêques allemand continuent d'exprimer leur loyalisme envers leur pays, même si « certains prélats, à l'instar de Mgr Gröber, archevêque de Fribourg, étaient devenu de chauds partisans d'une dénonciation publique de la persécution religieuse »[M 8].

Après l'élection de Pacelli comme pape, Hitler envisage d'abroger le concordat avec Rome. Goebbels écrit que « ce sera sûrement le cas dès que Pacelli se sera livré à son premier acte d'hostilité »[R 2],[N 5].

Barbara Koehn écrit : « Hitler n'honorera point ses engagements. Le concordat n'était pour lui qu'un simple stratagème dilatoire en vue de bercer l'épiscopat catholique d'illusions et de le museler politiquement. [...] Ainsi Hitler pouvait-il espérer diminuer, voir étouffer les critiques venant de l’Église tout en continuant à violer ses droits. [..] L’Église catholique, en revanche, observa scrupuleusement les stipulations du concordat et renonça à toute intervention à caractère politique »[K 4]. Grâce au concordat l’Église se retrouvait (théoriquement) protégée de toute pression idéologique voir théologique, en échange elle s'engageait à ne pas intervenir sur la sphère politique et critiquer les décisions politiques du gouvernement. Mais dès la fin 1933, les nazi tentèrent d'imposer en Allemagne une réforme religieuse et une révision des écrits de l'Ancien Testament ce qui violait directement le concordat tout juste signé. Les évêques protestèrent, mais le soutien qu'ils obtinrent à l'étranger furent pour les nazi et le gouvernement « le prétexte d'accuser l’Église de violer le concordat »[K 4].

B. Koehn écrit que de 1933 à 1939, l’Église et le pape on envoyé 55 notes de protestations au gouvernement allemand concernant des violations du concordat. 45 de ces notes sont restées sans réponses[K 4]. Pour H. Wolf, ce concordat a tout de même permis à l’Église catholique de « préserver l'autonomie de sa liturgie et de sa prédication », beaucoup mieux que pour l’Église évangélique allemande qui s'est trouvée infiltrée par les Chrétiens allemands (eux-mêmes noyautés par les chemises brunes), et qu'ainsi, les catholiques ont évités un « désastre pastoral »[W 7],[W 6],[W 8],[N 13].

Immédiatement après la signature du concordat, la presse nationale-socialiste va « célébrer » l'événement en déclarant que cette signature est « un acte de reconnaissance par le pape et par la Curie du nouveau régime et de la conception du monde qu'il incarnait ». Le cardinal Pacelli va immédiatement réagir et s'opposer à « cette interprétation unilatérale » en niant que ce concordat puisse « être considéré comme une approbation des théories de l'hitlérisme ». Mais la presse nazi n'en tiendra pas compte[W 9],[M 6],[N 11].

Violences et intimidation

Avant même la signature du concordat, les nazis se lancent dans un programme d'intimidation physique et idéologique. Après la signature, les attaques se multiplient[M 5],[N 6]. Pour s'assurer le contrôle de l'administration de l’Église catholique allemande, les agents nazis intimident ou soudoient les évêques pour obtenir leur soumission[A 2]. Pour détruire l'autorité morale de l'institution et miner sa popularité, l'administration se lance dans une série d'attaques en justice contre des représentants de l’Église et des institutions (ordres religieux, prêtres, moines, religieuses), les accusant de « prétendus délits sexuels ou financiers ». Des accusations montées de toutes pièces contre des infractions à la législation sur les devises sont lancées contre des ordres bénédictins, franciscains ou jésuites qui font régulièrement des transferts de fonds entre monastères[N 14], entre couvents de différents pays ou avec le Vatican[A 3],[D 1],[M 9],[N 15].

En mars 1933, après le coup de force de la SS pour prendre le gouvernement de Bavière, tous les responsables politiques catholiques sont déportés dans le camp de Dachau[R 3],[M 9],[N 16]. Lors de la nuit des Longs Couteaux, en juin 1934, des dirigeants catholiques sont assassinés. En 1937, 1 100 prêtres sont arrêtés en Allemagne dont 304 qui sont déportés à Dachau[D 1],[N 17]. Lors de l'entrée des troupes à Prague « tous ceux qui ont pris la parole et publié des écrits contre le Troisième Reich et son Führer sont arrêtés ». 487 jésuites sont déportés dans des camps de prisonniers[R 4]. Pierre Milza, citant Giovanni Miccoli (it) indique que, de la prise de pouvoir d'Hitler à la fin de la guerre, « 1 996 pretres, 4 évêques, 113 clercs, 238 religieux qui furent mis à mort, tandis que 3 642 prêtres, 389 clercs, 341 frères convers et 1 117 religieuses étaient envoyées en camp de concentration »[M 8],[K 3],[S 4],[S 5],[N 18]. « En 1996, Ulrich von Hehl est ses collaborateurs arrivaient au chiffre de 12 105 prêtres (10 315 séculiers et 1 790 réguliers) sur environ 27 000 prêtres catholiques allemands, touchés par des mesures punitives du régime »[K 5].

Avant la guerre, les chemises Brunes viennent décapiter les statues des cathédrales, tirer au fusil sur les croix et même maculer d'excréments les autels des églises[R 5]. Jusqu'à la fin de la guerre, le Vatican émet 53 notes de protestations contre les violations du concordat par les nazis, au point qu'un officier SS va jusqu'à dire « il serait absurde d'accuser Pacelli d'être pronazi ». Une foule de manifestants vient même encercler le domicile de l'évêque de Munich, fracasser toutes les fenêtres et tenter de mettre le feu au bâtiment[R 6]. Dès 1933, des « brutes » viennent rouer de coups en pleine rue les fidèles qui effectuent la quête pour les œuvres caritatives. D'autres viennent avec des cravaches frapper les fidèles à la sortie de la messe. Les imprimeries catholiques sont l'objet de descentes où des nazis saccagent les locaux[R 7]. Après la publication et diffusion de l'encyclique « Mit brennender Sorge » en 1937, les dirigeants hitlériens « exigent des représailles immédiates. Les imprimeries qui avaient apporté leur concours à la publication du texte sont fermées, leurs employés licenciés ou emprisonnés »[M 10].

Pour éliminer la présence et l'influence de l’Église dans la population, les nazis tentent d'éliminer toutes les organisations catholiques « susceptibles de fournir une base institutionnelle à des activités antinazies » (fermeture des journaux, maisons d'éditions, associations catholiques, fermeture des séminaires). L’État ne s'arrête pas là : il saisit les biens de l’Église, ferme les écoles catholiques[N 19] et révoque ses enseignants[A 3],[R 5],[M 11],[M 12],[K 6]. Mais si le concordat qui prévoyait une « dépolitisation de l’Église » en l'échange de la protection par l’État « des attaques dont les associations et les organes de presse [catholiques] étaient victimes de la part des milices nationales-socialistes », ces violences reprennent de plus belles après la signature « pour donner lieu à une véritable persécution dirigée contre tous ceux qui, au sein du catholicisme allemand, se rebellaient »[M 11]. En janvier 1941, Hitler lance le Klostersturm (de) : il fait saisir tous les couvents, expulser les religieux. Tous les biens des religieux deviennent propriété d’État. Même les cloches sont fondues pour que le métal serve à fabriquer des balles[R 8],[K 7]. B. Koehn écrit que la Gestapo va jusqu'à déposer de « fausses preuves » dans les couvents pour justifier leur fermeture, en violation complète du concordat signé avec le Vatican[K 6]. Lorsque évêque de Münster, von Galen dans un de ses sermons critique du régime nazi et de ses exactions (y compris contre les juifs), il provoque des réactions violente chez les dignitaires nazi, comme Walter Tiessler (de), qui « parlait de pendre le coupable », idéalement au clocher de son église pour « intimider les autres évêques ». Hitler veut le faire comparaître « devant le tribunal du peuple », mais c'est Goebbels qui impose la décision de « régler les compte après la victoire finale »[M 8],[W 10]. Les diplomates allemands rediront plusieurs fois, au Vatican que « le règlement général des questions en suspens ne pourrait réussir qu'après la fin de la guerre »[S 6].

L'ambassadeur allemand auprès du Vatican, von Bergen, conscient des nombreuses persécutions de l’Église catholique en Allemagne, et comprenant l'exaspération du pape face à la mauvaise volonté du gouvernement allemand, écrit un long rapport le à ses autorités pour expliquer la situation du Vatican et les raisons de son « absence de protestation officielle » (à ce jour) tout en soulignant la menace grave (voir imminente) de prise de parole publique du pape si le régime nazi ne mettait pas fin « à la politique anticatholique du Reich »[S 7]. En juin 1942, le régime nazi bloque l'accès à tous les territoires conquis (en particulier la Pologne) pour le Vatican, l'empêchant d'avoir des nouvelles et même de faire des protestations officielles contre les persécutions des religieux et de l’Église sur ce territoire[S 8]. Von Bergen fera même une note à son administration pour se plaindre du traitement infligé à l’Église catholique par son gouvernement, et des risques de réaction de Pie XII[S 9],[N 20].

Pour maintenir la pression sur ses opposants, Hitler et les principaux dirigeants de son régime vont régulièrement, après le début du conflit déclarer qu'ils envisageaient de « renvoyer le tout après la victoire ». Milza écrit « que les hommes et les femmes qui se seraient élevés contre son projet totalitaire [d'Hitler] avaient toutes les chances de devoir en acquitter le prix ». Cette menace qui ne précisait pas la nature exacte de la forme qu'elle pourrait revêtir, maintenait dans l'incertitude et la crainte les potentiels dénonciateurs de crimes hitlériens[M 13],[S 10],[N 21],[K 6],[N 22].

Espionnage

Photographie en noir et blanc de Heydrich en uniforme noir de SS-Brigadeführer
À son bureau de chef de la police bavaroise à Munich (en 1934), Reinhard Heydrich en uniforme de SS-Brigadeführer.

Dès 1933, le Sicherheitsdienst, le service de renseignement de la SS monte une cellule spéciale destinée à espionner l’Église allemande et le Vatican. Reinhard Heydrich son directeur, a une « haine pathologique » de l’Église catholique, il a la conviction que « la destruction de l’Église était plus urgente que les opérations menées contre le communisme, les juifs, les francs-maçons et les autres puissances internationales ennemies jurés de l’État national-socialiste »[A 4]. Albert Harlt, ancien prêtre ayant quitté l’Église catholique, prend la direction du département « affaires religieuses » du service de renseignement à partir de 1934, et il est le pire adversaire de l’Église allemande et du Vatican[A 5]. De son côté, la Gestapo monte son propre service de renseignement pour espionner l’Église, l'infiltrer, soudoyer des informateurs et obtenir des informations pour poursuivre et inculper des religieux et des personnalités en justice[A 5]. De 1935 à 1939, le bureau de la SD (dépendant de la SS) « mène une guerre impitoyable contre l’Église catholique ». Il dispose de budgets confortables pour ses informateurs et indicateurs. En 1939, le bureau des affaires religieuses à « totalement infiltré[N 23] l’Église catholique allemande »[A 6]. Conscient que leurs courriers et communications sont espionnés par le pouvoir, les évêques allemands mettent en place un système d'échange des informations les plus critiques par coursier : une personne de confiance est chargée de porter personnellement le courrier manuscrit jusqu'au destinataire, en toute discrétion. Josef Müller est l'un de leur principaux coursiers. C'est pour cela qu'il accepte très rapidement d'aider la résistance au nazisme[A 7],[R 7].

Tout au long de la guerre, le Vatican est « un front important » pour les services secrets allemands, et ceux-ci mettent des moyens croissants pour pénétrer ses secrets, car pour ces dirigeants nazis l’Église catholique, et le Vatican en particulier sont considérés comme « une menace politique majeure », une force intérieure subversive. Ils mènent donc un programme agressif d’espionnage à Rome[A 8],[D 1].

À partir de l'été 1942, les nazis s'inquiètent de plus en plus de savoir si le pape va « condamner publiquement le massacre des juifs ». Ils lancent plusieurs missions d'espionnage pour essayer de percer les intentions du pape. Sans succès[D 2].

Volonté de destruction

Albert Hartl (recruté par Reinhard Heydrich dans les services secrets de la SS) recrute un groupe d'anciens prêtres catholiques pour « harceler, acculer et finalement anéantir » l’Église. Un de ses collègues dit que Harlt avait servi la SS « avec toute la haine d'un renégat ». Lui-même dit « la lutte contre ce monde que j'ai si bien connu est devenu l’œuvre de ma vie »[R 6].

En 1937, la publication et la diffusion en Allemagne de l'encyclique Mit brennender Sorge qui critique fermement le nazisme provoque une réaction violente de Hitler qui déclare : « Le Reich ne souhaite pas de modus vivendi avec l’Église, mais plutôt sa destruction »[R 1]. Hitler exprime plusieurs fois cette même idée devant différentes instances du pouvoir : devant le Ordensburg Sonthofen, il dit « J'écraserai l’Église catholique comme un crapaud »[R 7], devant le Reichstag, Hitler déclare « Nous détruirons le prêtre, ennemi politique des Allemands ». De leur côté, les grands chefs du parti nazi affirment qu'« après la défaite du bolchevisme, du judaïsme, l’Église catholique sera le seul ennemi restant »[R 5], et Hitler de qualifier le christianisme de « pire fléau qui se soit jamais abattu sur l'humanité », et de promettre, en , « la guerre va finir, et ma dernière tâche sera de faire disparaître le problème de l’Église. C'est seulement alors que la nation allemande sera parfaitement en sécurité ». Et Milza d'écrire « le propos était claire. Que le clergé catholique (Hitler parle de l’Église, pas des religions) ne se fasse pas d'illusions, et que Pie XII se le tienne pour dit : le catholicisme, pour peu que l'Axe sorte victorieux de la guerre, est appelé à disparaître »[M 14],[S 10],[N 24],[N 7],[N 25]. Et Barabara Koehn d'ajouter « l'attitude haineuse de Hitler vis-à-vis de la religion dans laquelle il avait été élevé et vis-à-vis de l’Église catholique allemande apporte la preuve qu'il considérait le catholicisme comme un ennemi qu'il fallait éliminer »[K 6]. En janvier 1937, des évêques allemands en visite privé au pape Pie XI lui déclarent « C'est aujourd'hui une question de vie ou de mort pour l’Église : on veut franchement son anéantissement »[W 11].

Lorsqu'Hitler annonce à ses généraux sa volonté d'envahir la Pologne, il organise en même temps le plan d'éliminer l’Église catholique de Pologne. En plus du génocide des juifs polonais, 2,4 millions de catholiques polonais sont assassinés par des troupes spéciales de SS. Hitler leur donne pour mission « la destruction de la classe dirigeante polonaise, c'est-à-dire surtout la destruction du clergé polonais » (en « liquidant des milliers de prêtres catholiques »). Reinhard Heydrich est informé que « les prêtres catholiques [..] devront tous être liquidés »[R 9],[N 26],[M 15]. Quelques semaines après l'invasion de la Pologne, le pape Pie XII est informé par Müller d'exécutions et de déportations massives de centaines de prêtres polonais et d'intellectuels catholiques vers le camp d'Oranienbourg[R 10]. Le diplomate allemand en poste au Vatican, von Bergen, fera même état, dans une de ses notes à son administration, de l'ampleur des persécutions[S 9],[N 27].

En plus de ces déclarations directes, quelques petites phrases, lourdes de sous-entendus sont lâchées par quelques dignitaires allemands. Ainsi, lors de l'intronisation de Pacelli comme pape, au Vatican, l'ambassadeur d'Allemagne, qui est présent aurait déclaré « Très émouvante et très belle [célébration], mais ce sera la dernière »[R 4]. Et Milza d'écrire : « Nazi et fascistes poursuivaient sans relâche et de manière toujours plus brutale la persécution engagée contre l’Église et s'apprêtaient visiblement à l'étendre à l'ensemble des catholiques allemands, plus ou moins assimilés aux juifs »[M 16].

La crainte d'un schisme avec l'Allemagne

Au début de 1940, Michael von Faulhaber, évêque de Munich, demande au pape de « faire une trêve » avec le gouvernement nazi pour éviter un schisme de l’Église d'Allemagne. En mars 1940, le pape convoque une conférence secrète avec plusieurs évêques allemands pour définir les risques de schisme et une ligne politique à tenir avec le gouvernement de Hitler. La crainte des évêques d'Allemagne est que si le pape demande aux catholiques de choisir entre Hitler et la foi catholique, un certain nombre d'Allemands ne choisissent le Führer[N 28],[W 12]. Pour l'épiscopat ce risque est d'autant plus grand que dans le passé, le « schisme de la réforme protestante » a déjà eu lieu dans ce même pays[R 11],[M 17], et que le catholicisme allemand est traversé (depuis quelques décennies) par un courant « moderniste », demandant des évolutions liturgiques, voire de déléguer aux laïcs « de consacrer le corps et le sang du Christ », accompagné d'un rejet du modèle décisionnel pyramidal venant de Rome. Ainsi « les intellectuels catholiques allemands rêvaient d'une Église démocratique, avec une coresponsabilité des laïcs »[W 13]. De plus, dans toutes les villes du pays, des milliers d'Allemands apostasient déjà et demandent à sortir de l’Église catholique, parfois bruyamment[M 9],[W 14],[N 29]. Une autre crainte de l'épiscopat est qu'Hitler ne « nationalise l’Église », comme l'avait fait Henri VIII lors de la Réforme anglaise, d'autant que les nazis se sont déjà eux-mêmes « institués en Église », comme le souligne Faulhaber : « leur philosophie est une religion de fait »[N 30]. Les nazis ont créé leurs propres rituels religieux recréant des rituels de baptême, de confirmation, de mariage et de funérailles. La fête de mercredi des Cendres est remplacée par la fête de Wotan et le jeudi de l'Ascension par la fête du marteau de Thor[R 11]. Le Saint-Office avait noté que « le NSDAP était non seulement un parti, mais aussi et en même temps une religion politique. [..] Le parti tentait, auprès de la jeunesse notamment, de substituer Adolf Hitler à Jésus-Christ et de le faire apparaître comme le Messie »[W 15]. Ses membres classent le national-socialisme comme une « hérésie véridique et véritable »[N 31]. Plusieurs ouvrages de penseurs du parti nazi sont dans leur ligne de mire[W 16],[N 32]. La conclusion de la rencontre est d'éviter de faire « trop de protestations officielles » (qui enveniment la situation) mais tenter de créer des contacts personnels pour essayer de désamorcer les crises. Mais le pape de conclure que si après avoir cherché toutes les pistes de résolution pacifique, il n'y a plus que l'affrontement, alors ils [l’Église] n'hésiteront pas à se battre[R 12].

Quelques mois après la signature du concordat avec le Vatican, Hitler tente une mise au pas de l’Église protestante, via une de ses branches les Chrétiens allemands, ouvertement néo-nazie. Par des pressions et intimidations, ils les amène à prendre la direction de l'ensemble du protestantisme avec pour but de créer un Christianisme positif qui va jusqu'à censurer les textes bibliques et modifier les canons de la foi chrétienne. Certaines Églises tentent de négocier, d'autres entrent dans la clandestinité pour résister aux nazis[K 8],[W 8]. Mais le gouvernement nazi « ne pouvait tolérer aucune opposition, ni dans le domaine théologique ni dans le domaine politique. Toute opposition à sa volonté était une manifestation de résistance politique ». Par des manœuvres et des pressions, Hitler réussit à fissurer le front religieux protestant en plusieurs Églises isolées. La Gestapo arrête les pasteurs récalcitrants et ceux-ci sont jugés et condamnés (pour rébellion politique). Le , le ministère des Cultes du Reich publie la nouvelle politique du régime vis-à-vis de l’Église protestante, et les nouveaux Dogmes « chrétiens », et antisémites. Les Églises protestantes qui les refusent sont l'objet de sanctions, et leurs séminaires (de formation) fermés par la Gestapo[K 9]. De 1933 à 1935, les nazis provoquent des heurts entre des jeunes de leur parti promouvant leur religion néo-païenne et des jeunes catholiques. Des slogans anti-chrétiens et antisémites sont proférés. Barbara Koehn écrit « l'Allemagne était une nouvelle fois en proie à une guerre de religion : celle que le régime livrait au nom de la croix gammée à la religion de la croix »[K 5].

L'attitude « conciliante » avec le Führer, de Pie XII au début de son élection, est donc due à une volonté du pape de « sauver les âmes des catholiques allemands » aveuglées par l'endoctrinement nazi, tout en menant une action « discrète et subtile » pour « détruire le nazisme » sans amener la population allemande à un choix déchirant entre leur patrie, et l’Église[D 3],[N 33],[N 34]. Quelques jours après son élection, Pie XII rassemble les principaux évêques allemands pour une réunion secrète où ils définissent ensemble une ligne de conduite politique à tenir avec le régime nazi. Profitant du changement de pontife, ils décident de rouvrir la porte de la conciliation et de la détente, mais en étant prêts à l'affrontement si Hitler ne leur laisse pas le choix. Dans leur rapport ils écrivent « La tentative pour obtenir la paix répond aussi à une exigence antérieure de notre côté. S'ils refusent, il nous faudra combattre. Je n'ai pas peur. De même pour les articles de presse »[N 35]. Et Milza de s'interroger : « mais avec quelles armes Pie XI entend-il barrer la route à Hitler, voire aux forces conjuguées de l'Axe Rome-Berlin, sinon celles de la diplomatie ? »[M 18].

L'élection de Pie XII

À la mort du pape Pie XI, en février 1939, les grandes puissances européennes (France, Grande-Bretagne), sentant les risques de guerre monter, s'inquiètent de l'identité du futur pape, et de ses positions politiques : sera-t-il un « cardinal qui soutient les démocraties et condamne les dictatures ? » Les diplomates français et britanniques décident de s'unir pour essayer de faire élire un cardinal qui leur soit favorable[A 9]. Leur choix tombe sur le cardinal Pacelli. Les Italiens et les Allemands se consultent également pour identifier le candidat qui leur serait le plus « favorable », et paradoxalement, leur choix tombe également sur Eugenio Pacelli, car celui-ci est germanophile, parle couramment l'allemand, et a été nonce en Allemagne durant douze ans. Ayant des « conseillers et domestiques allemands », ce cardinal était (selon ces diplomates) « le meilleur atout de l'Allemagne »[A 9].

Les services secrets allemands envisagent de soudoyer les cardinaux pour faire élire leur propre candidat. Leur « contact sur place » s'avère être un escroc. Ayant peur du scandale politique si l'affaire était révélée[N 36] au grand jour, c'est Hitler lui-même qui met un veto à l'opération, s'économisant finalement une grosse perte d'argent, et le ridicule[A 10]. Même les Britanniques et les Français qui réfléchissent sur les moyens « d'influer sur le vote des cardinaux » n'envisagent jamais l'hypothèse d'une corruption[A 11].

Le le cardinal Pacelli est élu pape et prend le nom de Pie XII[A 11]. Ce conclave a été le plus court des quatre derniers siècles de l'histoire. D'après Mark Riebling, « les cardinaux avaient élu le candidat le plus habile qui soit sur le plan politique »[R 13]. Avant le conclave Pacelli avait fait préparé tous ses cartons et bagages pour partir se reposer en Suisse, immédiatement après l'élection du nouveau pape[M 19], mais le premier tour de vote lui donne la majorité des voix. Il ne faudra que 3 tours pour qu'il atteigne le quorum des deux tiers[M 20]. Quarante délégations diplomatiques sont présentes lors de son couronnement. Il ne manque que celle d'Allemagne (parmi les grands pays), Milza écrit : « le Führer avait voulu marquer ainsi son mépris et son ressentiment pour un homme qui avait eu l'audace de le défier et pour une institution avec laquelle il aurait peut-être un jour, pensait-il, à régler ses comptes »[M 21].

En période de guerre, le Vatican essaye de rester neutre, car comme le pape représente les catholiques présents dans les deux camps, s'il prenait parti pour l'un, le pape amènerait obligatoirement des catholiques soit à trahir leur pays, soit à trahir leur foi[R 14]. Pie XII, tout comme Benoît XV avant lui, décrit la position du Vatican comme celle de « l'impartialité », plutôt que celle de « la neutralité »[9], il décide dès le début, « d'agir en tant qu'intermédiaire secret entre Londres et les résistants allemands afin de hâter la fin de la guerre et de précipiter la chute du régime nazi » pour le remplacer par un pouvoir plus démocratique[R 15],[A 12],[N 33].

Relation entre Hitler et Pie XII

Dès le , le Eugenio Pacelli, écrivait dans ses rapports au Vatican « que toute l'action d'Hitler et de ses partisans avait un caractère particulièrement anti-catholique ». En 1924 il insistait en écrivant que « le national-socialisme est la plus dangereuse hérésie de notre temps »[W 17]. En mars 1933, les diplomates allemands comme italiens tentent de convaincre le secrétaire d’État Pacelli que les nationaux-socialistes allemands ne sont pas très éloignés des fascistes italiens et que comme pour l'Italie, l'Allemagne pourrait signer un concordat intéressant pour le Vatican. Ils insistent sur le fait qu'Hitler n'est pas un ennemi de l’Église catholique et qu'il est un bon allié dans la lutte contre le communisme. Pacelli reconnaît l'alliance possible contre le communisme mais doute des intentions d'Hitler vis-à-vis du catholicisme. Hitler, avant les élections de mars 1933 et juste après sont élection, fait pour sa part plusieurs déclarations rassurantes à destination du Vatican[W 5],[N 37]. Ce que souhaite Hitler est le retrait de la condamnation des évêques allemands et la disparition du parti du Zentrum[W 5],[N 38]. Tout juste au pouvoir, le ministre Göring se rend auprès du nonce à Berlin pour lui demander l'appui du pape pour faire lever « la condamnation prononcée par l'épiscopat à l'encontre du mouvement national-socialiste ». Mais le les évêques allemand, sans intervention du pape ni de Pacelli, et sans même les prévenir, lèvent leur condamnation du parti nazi. Au grand regret de Pacelli, ils retirent cette condamnation sans la monnayer d'une contrepartie et d'un engagement clair d'Hitler vis-à-vis de sa politique ou de l’Église[W 4].

Selon l’historien Saul Friedlander « dès son élection comme pape, Pie XII a souhaité le rapprochement avec l'Allemagne nazie »[S 11]. Pierre Milza écrit que l'initiative de la demande de concordat émane de von Papen et de Hitler. Ce sont les officiels allemands qui ont contacté les premiers les autorités de l’Église catholique[M 4],[W 18],[N 39]. Si au printemps 1933, le pape Pie XI salue Hitler comme étant « le seul homme d’État [..] à s'être prononcé publiquement et explicitement contre le communisme », le pape et Eugenio Pacelli (futur Pie XII), ne se font « aucune illusion quant au mépris des hommes et à l'hostilité du régime national-socialiste à l'égard de l’Église »[W 7].

Hubert Wolf écrit « qu'il semble même que Pie XII ait considéré Hitler comme [étant] "possédé par le diable" ». Le pape a en effet durant la guerre, à plusieurs reprises, tenté « d'exorciser Hitler » à distance[W 7]. Après la guerre, le , lors d'un entretien privé entre le pape et Josef Müller, Pie XII lui a déclaré : « nous avons dû mener une guerre contre les puissances du mal. Nous étions confrontés à des forces diaboliques »[R 16]. Cette idée était partagée par d'autres ecclésiastiques, car avant la guerre, l'archevêque de Fribourg Conrad Gröber écrivait à Pie XI que les déclarations antérieures du pape « démontrent suffisamment combien notre sainte Église a condamné ce mouvement proprement satanique »[W 19].

En 1934, le Saint-Office étudie la mise à l'index de l'ouvrage d'Hitler : Mein Kampf. Très vite les autorités vaticanes décident de ne pas attaquer frontalement Hitler, le chef légitime du gouvernement allemand, mais de faire « quelque chose de plus » (et de moins frontal) en opposant aux thèses hitlériennes la vraie doctrine chrétienne. Un syllabus s'opposant aux thèses raciales de Mein Kampf est mis à l'étude et rédigé, sans jamais nommer Hitler ni son ouvrage. Des fuites dans la presse amènent des réactions violentes du NSDAP, qui ne réalisera jamais que la riposte catholique vise l'ouvrage du Führer et non d'autres ouvrages idéologiques nazis. L'encyclique Mit brennender Sorge, publiée en 1937, sera également une réponse à Mein Kampf. Mais finalement, ni Pie XI, ni Pie XII ne valideront la mise à l'index de son ouvrage, ni même l'excommunication du Führer[W 19],[N 40].

Le , l'ambassadeur d'Allemagne, Diego von Bergen (de), se fait « promener » par Pacelli. Le cardinal, en discutant avec son hôte, continuait à réfléchir « au meilleur moyen d'assurer son influence quitte à mentir, si nécessaire, ou à se prêter à des compromis provisoires »[M 22].

En 1940 à la suite de sa rencontre avec le pape Pie XII le , le ministre des affaires étrangères du Reich M. Ribbentrop relate dans un rapport son intervention auprès du pape où il lui a dit : « Le führer était d’avis qu’un arrangement fondamental entre le national-socialisme et l’Église catholique était tout à fait possible. [..] l’Allemagne avait fait des concessions préliminaires considérables, le führer avait annulé pour le moins 7 000 actions en justice intentées à des prêtres catholiques. De plus, il ne fallait pas oublier que l’État national socialiste dépensait un milliard de Reichsmarks par an pour l’Église catholique ; aucun autre État ne pouvait se targuer d’une telle réalisation » d’après le rapport du diplomate à sa hiérarchie, « le pape se montra en total accord avec les propos du ministre des affaires étrangères et admit sans réserve que les faits concrets étaient tels qu’il les avait mentionnés. [..] En conclusion, le ministre des affaires étrangères souligna le fait historique que jamais auparavant dans l’histoire une révolution aussi radicale que celle que le national-socialisme, ne s’était accomplie avec aussi peu de dommages causés à l’Église. Au contraire, c’était en fin de compte grâce au national-socialisme que le chaos bolchevique ne s’était pas installé en Europe, détruisant totalement la vie de l’Église »[S 2],[N 41].

Le à l'occasion d'une audience habituelle du nouveau pape, le diplomate allemand Menshausen, écrit dans un rapport que Pie XII aurait insisté pour que l'ambassadeur transmette ses vœux de bonheur au Führer ainsi que son profond penchant et amour pour l’Allemagne[S 12]. Le lendemain, il écrit dans un autre rapport que le pape « déclara spontanément, après avoir exprimé sa sympathie inchangée pour l’Allemagne, que l'opinion très répandue selon laquelle il était opposé aux États totalitaires était fausse »[S 12],[N 41].

En juin 1942, Hitler décide personnellement d'interdire toute relation entre le Vatican et le clergé de tous les territoires conquis par l'Allemagne. Il réduit l'application du concordat au seul territoire du Reich de 1933 (isolant de facto tous les territoires annexés depuis 1938, en commençant par l'Autriche). Ainsi le Vatican ne peut plus obtenir de nouvelles ni protester contre les persécutions du clergé et des fidèles dans une large partie de l'Europe de l'Est, en particulier dans l'ancienne Pologne (devenue le Wartheland) dont le clergé fait l'objet de déportations massives[S 5]. Le pape et la Curie s'en plaignent fermement auprès du gouvernement allemand, et menacent de faire une protestation publique officielle, mais le gouvernement nazi menace d'une rétorsion particulièrement violente si le Vatican mettait en œuvre sa protestation. Finalement, sous la menace, le pape cède[S 8].

En 1943, quand les nazis commençaient à perdre la guerre sur le front de l'Est et en Égypte, un chef du renseignement allemand transmet à Ribbentrop un long rapport rédigé par un de ses agents de renseignement (non cité) dans lequel l'agent indique que lors d'une audience papale, Pie XII aurait fait part de son inquiétude : « le pape en vint finalement à parler du danger que le bolchevisme représentait pour le monde et laissa entendre que, désormais, seul le national-socialisme représentait un rempart contre le bolchevisme »[S 13]. A contrario de ce rapport, en septembre 1941, Menshausen écrivait à Berlin que des dirigeants du Vatican lui avait expliqué qu'« il y avait lieu de craindre pour l’Église catholique et le christianisme en général [qu'ils] ne tombent pour ainsi dire de Charybde en Scylla, après la destruction du bolchevisme ». Et d'expliquer que le pape ne pouvait soutenir l'Allemagne contre le communisme du fait même des persécutions que les nazis réalisaient eux aussi contre l’Église[S 14].

En septembre 1943, l'ambassadeur Weizsäcker écrit à son administration que « la Curie intervient sur ordre du pape [auprès du gouvernement Badoglio], en faveur du Duce et de sa famille, et cela avec mention spécifique des noms d'au moins vingt membres de la famille »[S 15],[N 42]. En octobre il écrit à nouveau « J'ai déjà communiqué que le pape était intervenu auprès du gouvernement Badoglio en faveur d'un traitement convenable du Duce et de sa famille. Il est également intervenu pour protéger les fascistes persécutés »[S 16].

Le Vatican dans la guerre

L'espionnage au Vatican

Illusions et fantasmes

Des moyens insuffisants

Si jusqu'en 1870, le Vatican faisait partie des États européens les mieux renseignés, la perte des États pontificaux a entraîné une baisse des ressources financières, et le Vatican ne parvient alors que difficilement à maintenir ses canaux d'information, et encore plus à les développer[A 13]. À la fin du XIXe siècle, le monde connait une évolution stratégique et technologique au niveau du renseignement avec le développement (certes modeste à cette époque) des intérêts, des techniques et moyens d'information, et le développement de services et d'officiers spécialisés. Le Vatican reste à l'écart de cette révolution technologique et culturelle, tout en voyant sa population de cadres se cléricaliser[N 43] rendant sa nouvelle population (de prêtres et de religieux) incompatible avec des missions d'espion ou de guerrier[A 14].

En plus du manque de volonté politique, il manque des moyens financiers pour développer ces nouveaux services. Même le courrier diplomatique du Vatican n'est pas transporté par des services internes, faute de moyens pour payer les coursiers. Ainsi, il fait transporter les plis confidentiels par d'autres pays, qui ne se privent pas de lire les correspondances secrètes. Ce n'est qu'à partir de 1945 que le Vatican finance son propre service de courrier diplomatique (après avoir rencontré bien des problèmes de confidentialité de sa correspondance durant la guerre)[A 14].

L'essentiel des informations de terrain qui remontent au Vatican vient des ambassades situées à l'étranger, via les nonces apostoliques. Ce sont des diplomates, bien formés, mais ils manquent de moyens humains. Les représentants du pape n'ont généralement qu'un seul fonctionnaire pour les assister, rarement deux, et leur principale mission est de « s'occuper des tâches administratives courantes, des affaires ecclésiastiques non confidentielles ». Le nonce doit, lui, représenter le pape dans les activités diplomatiques usuelles et « contrôler la santé et la discipline de l’Église catholique locale »[A 15]. De plus, les services diplomatiques au Vatican comptent relativement peu de personnel, si on le compare à des pays de faible dimension comme les Pays-Bas ou la Norvège[N 44]. Chaque fonctionnaire du Vatican est chargé de grands secteurs géographiques, et aucun fonctionnaire ou service n'est chargé de réaliser des synthèses des renseignements reçus pour les transmettre au pape[A 15].

À l'entrée de la guerre, le Vatican ne se trouve pas plus informé de la situation internationale que des petits pays comme le Mexique ou le Portugal[A 13]. À titre d'exemple, les ambassadeurs britanniques et français, Sir D'Arcy Osborne et Wladimir d'Ormesson sont (au début de la guerre) « choqués en découvrant à quel point le Vatican était peu informé sur les affaires internationales »[A 13].

Le problème du courrier diplomatique

La valise diplomatique du Vatican, normalement protégée par des accords internationaux, est ouverte et lue par tous les services qui ont l'occasion de la transporter. Le Vatican la confie aux services italiens (pour qu'ils la transportent en même temps que la leur), mais le Vatican a compris très vite que les Italiens ouvrent « discrètement » la valise pour faire une copie des documents, si bien que le Vatican finit par accepter en juin 1940 l'offre du gouvernement suisse d'utiliser ses services pour faire sortir son courrier diplomatique d'Italie, voire d'Europe[A 16],[D 4]. Cet accord garantit un peu plus de respect des conventions internationales. Pour un certain nombre de pays (comme l’Égypte, l'Irak, l'Iran, le Moyen-Orient en général), le Vatican doit passer par le service des Britanniques (après les Suisses). Or ceux-ci font comme les Italiens. Tout le courrier diplomatique qui passe par les Bermudes (pour aller en Amérique du Nord) est systématiquement ouvert par les Britanniques. Lorsque certains courriers passent par le service des Américains, eux-aussi font de même[A 17].

Pour assurer la confidentialité de ses correspondances, le Vatican utilise des messagers spéciaux qui relient les différents points. Or ils sont peu nombreux, et le temps de voyage en temps de guerre peut être de plusieurs mois[N 45]. Les déplacements d'évêques ou de cardinaux sont aussi l'occasion de faire suivre des courriers importants. Mais ces déplacements sont rares. Ce n'est qu'à partir de 1943 que le Vatican met en place un modeste service de courrier qui en pratique s'est limité à l'Europe du Nord[A 17],[A 18].

Le mythe

En 1939, nombreux sont les États qui imaginent que le Vatican, et le pape, sont extrêmement bien renseignés sur tout ce qui se passe dans tous les recoins du monde. L'idée générale est que « Aucun dirigeant du monde n'est mieux informé que le saint-père ! » De nombreux responsables le pensent, et les nazis en sont les plus convaincus. Pour Reinhard Heydrich, « le Vatican représente une menace clandestine » pour l’État nazi[A 13]. En 1941 une conférence rassemblant tous les responsables allemands de la sécurité et du renseignement est donnée sur ce thème. Albert Hartl, est convaincu que les prêtres, moines, religieuses du monde entier remontent des informations (d'espionnage) au pape, et que les jésuites organisent des opérations clandestines dans tous les coins du monde, jusqu'au Tibet et au Japon[A 13]. Hitler considérait le Vatican comme « le plus grand centre d'espionnage de l'univers »[R 17].

Hugh R. Wilson (en), ambassadeur américain à Berlin, persuadé que « le Vatican a le meilleur service de renseignement d'Europe ».

Les Américains eux aussi ont une vision « idyllique » du renseignement au Vatican : l'ambassadeur américain à Berlin, Hugh R. Wilson (en) affirmait que le Vatican possédait « le meilleur service de renseignement d'Europe »[A 13],[N 46]. Cette vision, largement partagée par différentes capitales explique que les différents belligérants ont cherché à développer leur renseignement et la mise sur écoute du Vatican pour recueillir « le flot de renseignements qui arrivait du monde entier dans les bureaux pontificaux »[A 19],[D 5].

Si tout au long de la guerre, le Vatican a été relativement bien informé de la situation des Églises dans la plupart des pays[N 47], la couverture politique a été incomplète, et les informations militaires quasi inexistantes. Le pays pour lequel le pape avait le plus d'informations était bien sûr l'Italie[A 20]. Lorsque des informations de terrain remontaient c'était principalement pour parler des atteintes à l’Église locale du fait des bombardements, destructions, arrestations de prélats ou autres disparitions[A 21]. Comme l'écrit David Alvarez, la plupart des catholiques du monde « n'étaient pas plus enclins à retransmettre des informations politiques ou militaires à Rome, qu'ils n'étaient prêts à communiquer de telles informations à un autre État. En temps normal, jamais ils ne rapportaient au Vatican ce qu'ils voyaient ou entendaient »[A 22],[N 48].

La réalité

La principale source d'information politique du pape, et de ses principaux collaborateurs, est la presse écrite, surtout les journaux disponibles à Rome. Or ces journaux sont soumis à la censure fasciste. L'ambassadeur britannique, d'Arcy d'Osborne, pour aider le pape et éviter qu'il ne soit manipulé par la propagande fasciste commença, durant l'été 1940, à faire des synthèses et des résumés des nouvelles qu'il recevait sur sa radio via la BBC. Ces synthèses quotidiennes sont transmises au pape et à la Secrétairerie d’État. Quand en 1941, il décide de suspendre cette tâche, le pape le prie de continuer et le diplomate réalise « stupéfait que ses synthèses des nouvelles de la BBC sont la principale source d'information du pape »[A 23]. Ce n'est qu'en 1944, que le Bureau d'information met en place un service chargé d'écouter les nouvelles transmises par différentes radios du monde, de les traduire et en faire une synthèse à destination du pape et des principaux responsables du Vatican[A 23].

En conclusion, David Alvarez écrit qu'« une étude des capacités d'espionnage du Vatican depuis le XIXe siècle montre que cette réputation relevait plus du mythe que de la réalité, et que les diplomates, les hommes politiques et autres observateurs avertis exagéraient constamment la capacité de la papauté à se procurer des secrets politiques »[A 24].

Des coups de chance

Parfois des indiscrétions, volontaires ou non, de tel ou tel représentant rapportent des nouvelles pouvant être inquiétantes voire alarmantes[N 49]. Faute de pouvoir la vérifier, la recouper, elle n’entraîne qu'exceptionnellement une réaction du Vatican, et n'a que peu d'effet sur la politique pontificale[A 25]. À titre d'exemple, quand en novembre 1944 un agent américain vient voir le pape pour lui demander des informations sur la résistance italienne en Romagne, à 500 km au nord de Rome, où les mouvements catholiques sont très actifs, l'agent de l'OSS réalise « stupéfait » que le pape et les responsables de la Curie n'ont que de très vagues informations et que c'est lui-même qui doit leur en fournir[A 26].

Si le Vatican réussit parfois à mettre la main sur des informations de valeur, c'est plus lié à la maladresse, voire la vantardise, de certains politiques italiens, qui lâchent devant des représentants du pape des informations secrètes[N 50] que par des actions de renseignement construites et volontaires[A 20]. Une autre aide précieuse pour le renseignement vatican, est la sympathie et l'aide inopinée de certains acteurs qui font part d'informations stratégiques de leur propre initiative alertant le Vatican sur des failles de sécurité (les code de cryptage connus par l'ennemi), ou des actions de police prévues, lui permettant ainsi de réagir[D 6],[N 51]. C'est par ce type de « fuites » que le Vatican a été informé que les Italiens, mais aussi les Allemands, décryptaient ses messages[A 27],[A 28]. Autre cas : lorsque Johann Rattenhuber, chef du Reichssicherheitsdienst, lors de « rencontres amicales » avec Josef Müller, révélait des secrets de la SS à « l'espion du Vatican »[R 3],[N 52]. Sans oublier l'amiral Canaris, qui, pour montrer sa bonne foi au pape (et son intention de collaborer avec lui), le renseigne sur les informations d'espionnage qui remontent des quatre services allemands chargés d'espionner le Vatican[R 18],[N 53].

Une citadelle assiégée

Durant la Seconde Guerre mondiale, le renseignement prend une importance croissante. Aucun État n'est épargné. Même les États neutres comme le Vatican deviennent des terres d’espionnage, et les attaques se multiplient. Les dangers les plus importants pour le Vatican venant des dictatures[A 11]. Si le Vatican s'attendait à être espionné par l'Italie et l'Allemagne, et même de façon très « agressive », il ne s'attendait pas à être l'objet d'attaque d'espionnage de la part des Alliés. C'est pourtant le cas, les Britanniques, Américains et Soviétiques lancent de gros moyens pour espionner les correspondances et autres messages cryptés partant ou arrivant du Vatican, et infiltrer des agents[A 29].

Toutes les communications téléphoniques des nonciatures du Vatican, ainsi que de tous les évêchés allemands sont mis sur écoute par les services allemands[A 30]. Les Italiens ont mis sur écoute toutes les communications téléphoniques sortant du Vatican[N 54]. Lorsque les Allemands investissent Rome et l'occupent, ce sont eux qui reprennent l'écoute des conversations téléphoniques vaticanes. Ils sont remplacés par les agents secrets américains, lorsque la ville est « libérée par les Alliés »[D 7],[A 31]. Pour le courrier postal, il en est de même. Tout le courrier postal qui transite par les services postaux italiens (le service postal du Vatican remettant son courrier à ses homologues italiens pour tout le courrier « italien » et international), ce courrier est lu systématiquement par les agents fascistes, puis nazis à partir de 1943, et enfin américains, à la libération[A 16],[A 31],[D 8],[M 23].

Même si les accords du Latran garantissent l'indépendance et la sécurité du Vatican et de ses « possessions », ceux-ci ne sont pas respectés par les forces nazies qui plusieurs fois interviennent en armes pour arrêter des juifs, des résistants ou des prisonniers de guerre dans les églises et bâtiments, propriétés du Vatican (mais seulement pour des bâtiments présents sur le sol italien et non ceux du territoire vatican)[A 32].

Les services secrets italiens ne se privent pas de pénétrer « à l'intérieur du Vatican » pour y voler des documents. Ainsi ils ont mis en place un service spécial « la Sezione P », qui en bénéficiant de complicités internes parmi le petit personnel, vont voler un certain nombre de documents, y compris des documents confidentiels de la Secrétairie d’État, mais surtout les codes de communications du Vatican (codes rouge et jaune), permettant ensuite aux services secrets fascistes de décrypter tous les messages envoyés par le Vatican. Lorsque les diplomates britanniques et français se réfugient dans le Vatican, à l'entrée en guerre de l'Italie, ces mêmes services viennent voler les codes britanniques dans les appartements du diplomate britannique, mis à disposition par le pape[A 27],[M 24].

Hermann Göring dont les services secrets ont espionné le Vatican et cassé l'un de ses codes de cryptage.

Même si les secrets en haut lieu sont bien gardés, la masse d'espions investis pour percer les secrets du pape, et les multiples taupes ou agents doubles envoyés et recrutés dans les différents services, églises et congrégations religieuses, parviennent à percer et révéler un nombre croissant d'informations sur les actions politiques et d’espionnage réalisées par le Vatican. Des indiscrétions réalisées par les meilleurs courriers du pape (dont Josef Müller, pourtant « très discret » et peu bavard), mettent les services secrets allemands au courant sur la tenue de conversations entre les résistants et les Britanniques, via le canal du Vatican[N 55],[A 33]. Le percement des codes de cryptographie du Vatican, et des Alliés, l'interception et la traduction de leurs communications, confirme les soupçons et amène les nazis à réagir. Même les services secrets italiens, très infiltrés au Vatican, sont informés rapidement de l'existence de tractations au Vatican dans lesquelles Josef Müller est partie prenante. En juin 1940, c'est carrément l'ambassadeur italien auprès du Vatican qui demande des informations à la Secrétairie d’État Vaticane sur « un certain Josef Müller » qui, d'après ses sources, « transmettait des messages secrets entre l'Allemagne et le Vatican »[A 33].

Pour communiquer par radio, de façon sécurisée avec les nonciatures de différents pays, le Vatican dispose de plusieurs codes de communications. Le « code rouge », mis en place dans les années 1930, se révèle être de qualité médiocre, et il est cassé en 1940 par les services d'espionnage de Hermann Göring. Cela permet aux Allemands de lire tous les messages cryptés par ce code. Un autre code, de qualité un peu meilleure (le code jaune), est partiellement craqué par ces mêmes services. Conscient de la faiblesse de ces codes (antérieurs à la guerre), le Vatican, les remplace par des codes de meilleure qualité, et n'utilise plus ces codes que pour des transmissions « peu confidentielles »[A 30].

Informé de tout, après les autres

Paul Thummel, agent de l'Abwehr, qui informe le Vatican et les Alliés de l'attaque imminente à l'Ouest.

Si le pape et le Vatican ont été informés d'opérations militaires ou d'autres opérations secrètes, ils l'ont souvent été après que d'autres services secrets ne l'aient déjà appris. Ainsi, l'offensive allemande sur les Pays-Bas, la Belgique et la France, révélée fin avril 1940 par la résistance allemande via leur coursier Josef Müller, était déjà connue depuis octobre 1939 par les différents gouvernements[A 34],[R 19]. Quand fin septembre 1939, après avoir écrasé la Pologne, Hitler demande à ses généraux de préparer l'invasion de la France et de la Belgique, la « cellule de résistance de l'Abwehr » informe l'attaché militaire des Pays-Bas à Berlin. La nouvelle est relayée dans les trois ambassades. Le 7 novembre, le colonel Hans Oster informe les Néerlandais que l'offensive aurait lieu le 12 novembre. Mais Hitler reporte l'attaque. Et de report en report, les Néerlandais sont régulièrement informés, perdant peu à peu confiance dans « ces nouvelles d'invasion imminente ». La nouvelle de l'attaque venant du pape est la dernière, et les Alliés n'en tiennent que peu compte[A 34]. La première information d'invasion des Pays-Bas n'arrive que mi-novembre 1939 au Vatican, soit un mois après que le gouvernement néerlandais n'en est averti directement par la résistance allemande. En mars 1940 les Tchèques et les Britanniques reçoivent de Paul Thummel, fonctionnaire de l'armée de l'air allemand, des renseignements détaillés de l'attaque. Deux jours avant que Müller donne la date de l'offensive au pape (offensive du 10 mai), Thummel avait confirmé cette même date du 10 mai à Londres[A 34].

L'invasion de l'URSS par Hitler était connue par avance de presque toutes les grandes capitales[N 56]. La préparation allemande débute durant l'été 1940, la directive Barbarossa est rédigée en décembre[A 35]. En décembre 1940 Thummel informe les Britanniques des projets d'invasion et donne les premiers détails. Fin décembre, l'attaché militaire russe à Berlin apprend la nouvelle et informe Moscou. En janvier 1941 ce sont les services secrets japonais qui sont alertés et évoquent la prochaine guerre russo-allemande. Toujours en janvier, un fonctionnaire du ministère de l'armée de l'Air allemand, Harro Schulze-Boysen, espion à la solde des Soviétiques, leur transmet un grand nombre de rapports sur la future attaque. Washington[N 57], qui a accumulé des preuves des préparatifs allemands, demande de faire prévenir l'ambassadeur russe de l'offensive qui se prépare[A 35]. En février ce sont les services secrets suisses, puis ce sont les Grecs à être informés des préparatifs allemands. À la fin du printemps, alors que de nombreux États européens sont en alerte, le Vatican n'a reçu que de vagues rapports imprécis. Ce n'est qu'à la fin avril 1941 que le nonce en Suisse est informé de préparatifs militaires à la frontière russe et de rumeurs de guerre, mais il rejette ces « rumeurs » qu'il soupçonne de désinformation. Ce n'est que le 15 mai qu'une information d'une attaque en juillet se précise pour les responsables du Vatican[A 35],[R 20],[N 58].

Pour plusieurs historiens, le Vatican a eu très tôt connaissance de l'existence de la Solution finale, peut-être d'une manière plus précise que les autres gouvernements[N 59]. Toujours est-il que le Vatican a reçu du cardinal Theodor Innitzer, à Vienne, des rapports sur la déportations de Juifs vers l’Est dès février 1941[10]. Pourtant, David Alvarez écrit que « de tels jugements surestiment les capacités de la papauté en matière d'espionnage et trahissent une méconnaissance de la quantité et de l'à-propos des informations reçues par le Saint-Siège »[A 36]. Le premier rapport indiquant des exécutions méthodiques de juifs par les Allemands est envoyé le par monsignore Giuseppe Burzio, chargé d'affaires pontificales en Slovaquie. À la réception de ce rapport, les exécutions duraient depuis quatre mois et elles étaient déjà connues des services de renseignement de plusieurs pays. Les services secrets britanniques qui avaient cassé le code de cryptage des communications de l'armée allemande déchiffrent les premiers rapports envoyés par les équipes d'exterminations de juifs dès août 1941, soit deux mois avant le Vatican. Ces rapports incluent les rafles et les exécutions de juifs[A 36]. À la mi-septembre, l'armée allemande interdit de communiquer les bilans chiffrés des exécutions par radio, mais uniquement par courrier écrit. Les Britanniques perdent alors cette source d'information, mais le MI6 « jugeant tout nouveau rapport sur le sujet superflu » écrit que « l'exécution par la police [allemande] de tous les juifs tombés entre ses mains était désormais un fait suffisamment avéré » et qu'il ne ferait plus de nouveau rapport, sauf demande expresse[A 37]. Lorsque le Vatican est informé pour la première fois, six autres gouvernements l'étaient déjà et avaient connaissance de massacres de juifs à grande échelle (dont le gouvernement russe, les gouvernements tchèque et polonais en exil à Londres, ou le gouvernement américain)[A 37]. Aux États-Unis, des agences de presse juives (comme l'Agence télégraphique juive) publient dès l'été 1941 des comptes-rendus sur les atrocités commises en Union soviétique par les Allemands. Le New York Times publie des informations sur les exécutions collectives en Ukraine[M 25], avant même que le pape ne reçoive son premier rapport[A 37],[8]. Ce n'est qu'au printemps 1942 que le Vatican reçoit de nouveaux rapports confirmant l'ampleur des massacres[M 26],[S 17],[N 60], mais entre-temps, d'autres pays ont reçu de telles informations. Ce sont même les représentants de l'Agence juive à Genève qui informent le nonce apostolique et lui transmettent un très long rapport, donnant le détail des déportations et exécutions[A 37]. Ce rapport transmis par Richard Lichteim et Gerhart Riegner avait également été transmis à Londres, Washington et Jérusalem[M 25]. Le meilleur rapport disponible à l'été 1942 était celui établi par le Bund, le parti socialiste juif clandestin (de Pologne). Il décrit les programmes d'extermination allemands de juin 1941 à avril 1942, fournissant des données sur les nombres de morts en Pologne, et les milliers de juifs gazés dans des fourgons spéciaux. Ce rapport transmis aux Britanniques n'était pas connu du Vatican[A 38]. En Aout 1942 ce sont les États-Unis qui reçoivent du Congrès juif mondial à Genève un rapport sur un plan allemand visant à l'extermination totale des juifs en Europe[S 18]. En septembre, Myron C.Taylor transmet au pape un rapport sur les exécutions de masse en cours par les nazi[S 19]. Fin 1942, c'est l'ambassadeur britannique Osborne qui remet au pape « un rapport conjoint des Alliés sur les massacres de juifs »[D 9]. A la fin du printemps 1942, le général Sikorski, avait déjà évoqué au micro de Radio Londres « l'anéantissement programmé de la population juive de Pologne »[M 25]. En décembre 1942, Roosvelt reconnaît être personnellement très informé de la situation[M 25],[N 61]. Le , Myron Taylor, l'envoyé personnel du président des Etats-Unis auprès du pape, fait remettre à Luigi Maglione, un mémoire résumant ce que Roosevelt savait des massacres de juifs en Europe. C'est Domenico Tardini qui le porte immédiatement au pape. Celui-ci le lit intégralement, et la lecture achevée Tardini rapporte que « Pie XII était blanc comme un linge »[M 27].

La citadelle imprenable

Des points forts

Malgré toutes ses faiblesses, ses manques de moyens, le Vatican réussit à préserver un certain nombre de secrets, et échapper à de multiples tentatives d'infiltration, mettant en échec les services secrets de plusieurs puissances internationales. De l'avis de différents auteurs[N 62], malgré les diverses infiltrations d'agents ennemis, les fuites d'information, les messages cryptés décodés, le pape, et le petit cercle de conseillers autour de lui réussissent à conserver la confidentialité de leurs actions et projets vis-à-vis des différents services secrets tant des Alliés que des forces de l'Axe[A 39],[D 8].

Pour garantir le secret de ses opérations et tractations, le pape impose un secret absolu à ses collaborateurs, et l'interdiction de prendre des notes écrites ou de consigner des rapports[N 63]. Tous les échanges les plus critiques se font par oral. Le nombre de collaborateurs dans le secret est réduit au strict minimum, si bien que même les principaux conseillers diplomatiques du Vatican (le cardinal Luigi Maglione et ses deux principaux adjoints) ignorent tout des tractations du pape entre les résistants et le gouvernement britannique[A 33],[R 21]. À l'opposé, les résistants allemands notent leurs actions et leurs motivations « pour pouvoir être jugés par l'histoire » sur la « noblesse » de leurs motivations, en cas de succès ou d'échec. Ces documents saisis dans les coffres de l'Abwehr (lors du démantèlement de la conspiration) donnent la preuve « matérielle » aux nazis de la contribution de l’Église et du pape au complot, ce que Pie XII voulait absolument éviter[D 10],[R 8],[R 22],[N 64].

Afin d'éviter que la neutralité du Vatican ne soit remise en question par les belligérants, dès le début de la guerre, le Vatican renforce ses mesures de sécurité et de discrétion lors des échanges avec les diplomates étrangers. Le système fonctionne si bien, que pour les diplomates Alliés comme de l'Axe il devient difficile d'arracher des informations à des contacts employés dans les services pontificaux. La prudence est encore plus importante avec les diplomates allemands, surtout pour les cardinaux régulièrement en contact avec eux[N 65]. À titre d'exemple, en 1943, l'ambassadeur d'Allemagne au Vatican déclare à sa direction qu'il est « impossible d'obtenir quelque information que ce soit d'une source digne de confiance »[A 40]. Pour les opérations « clandestines » (comme prendre contact avec la résistance allemande), le père Leiber est l'homme idéal. Très proche du pape, il n'exerce pourtant aucune fonction officielle au Vatican, il n'est présent dans « aucun organigramme ». Ainsi, en cas d'échec ou de scandale, le Vatican est toujours en mesure de déclarer « qu'il n'est au courant de rien », qu'il n'a jamais su ce que ce prêtre disait ou faisait. Rien ne le relie officiellement au pape, ou à la Curie[R 2],[R 23].

Si les codes de chiffrages du Vatican antérieurs à la guerre (comme les codes « rouge » et « jaune »), sont décryptés par plusieurs puissances tant de l'Axe que des Alliés, les nouveaux codes mis au point et diffusés durant le conflit ne sont pas craqués et restent imperméables aux attaques des services de contre-espionnage tant américains qu'allemands[A 30],[A 41]. Mais il doit les diffuser discrètement, sans se les faire intercepter. Pour cela il faut envoyer aux différentes nonciatures les nouveaux codes, via des personnes de confiance. Cette opération prend du temps et n'est pas possible dans tous les pays. Les plus grands pays européens reçoivent de nouveaux codes fin 1940, début 1941. En 1942, presque toutes les missions diplomatiques pontificales d'Europe ont reçu un nouveau code[N 66], et les plus importantes en ont reçu plusieurs[A 28]. Mais le nonce à Tokyo ne possède que le « code rouge », trop fragile. Le Vatican ne parvient pas à lui faire remettre un nouveau code, ce qui empêche les autorités vaticane de transmettre autre chose que des nouvelles non-confidentielles[A 41]. Dans l'analyse de ces nouveaux codes, mis en place durant la guerre, les spécialistes du chiffre américain (qui ont déchiffré les codes japonais et allemand) restent en échec, estimant que ces codes sont l’œuvre « d'une intelligence supérieure », et réalisés par « un cryptographe hors pair »[A 41]. Cependant le cardinal secrétaire d’État Luigi Maglione refuse de faire confiance à ces nouveaux codes, estimant qu'ils ne pouvaient résister à une équipe de déchiffreurs motivés. Ils considérent toujours que toutes les informations transmises par radio avec ces codes sont lues par les services secrets ennemis. Ces codes de cryptage s’avérent cependant plus impénétrables que les codes militaires allemands et japonais[A 42].

Même si durant la guerre, le Vatican renforce ses services de sécurité, augmentant le nombre de gardes suisses, organise des troupes et des patrouilles de laïcs volontaires, armés de mitraillettes et de fusils[N 67], la meilleure défense du secret du Vatican est, le fait que « celui-ci est composé d'un très petit nombre de personnes, presque uniquement des prêtres et religieux, qui se distinguent par leur habit, leur mode de vie, qui connaissent et comprennent les codes. C'est une société fermée, fondée sur des loyautés particulières, et pratiquement impénétrable pour des services secrets, allemands ou autres, qui ne comprennent ni ses coutumes, ni ses usages. »[A 43],[N 68]. De plus, la secrétairerie d'État est composé d'un nombre restreint de personnes, ayant toutes fait serment de fidélité au pape. Des sanctions administratives et religieuses sont prévues pour les contrevenants. Tout cela aide à la constitution d'un « mur de silence et de discrétion très difficile à percer »[A 39]. Une étude du Département d’État américain en 1945 affirmait qu'en dehors des diplomates soviétiques, aucune ambassade ou gouvernement n'était plus difficile à percer que le Vatican. Les diplomates américains et britanniques reconnaissaient qu'il était impossible de soutirer la moindre information à un fonctionnaire pontifical, même s'il avait votre nationalité. « En son sein, les secrets du Vatican étaient étroitement gardés »[A 39].

Les Allemands

Pour David Alvarez, les dirigeants allemands ne comprennent rien au fonctionnement de l’Église catholique, comme le montre leur projet de soudoyer des cardinaux pour influer sur le vote du pape[A 10]. Les dirigeants nazis lancent chacun de leur côté leurs quatre services de renseignement (Gestapo, SS, Abwehr et Forschungsamt) à l'assaut du Vatican pour rapporter des informations. Milza écrit même que « Les agents de la Gestapo, de l'Abwehr et des différents services d'espionnage et de contre-espionnage du Reich foisonnaient depuis bien avant la guerre dans la capitale italienne ». Au début de la guerre, l'Abwehr ne dispose d'aucun agent infiltré susceptible de fournir des informations sur la position du Vatican et les projets du pape. Dans l'obligation d'envoyer un nouvel agent sur place, le chef de l'Abwehr justifie ainsi auprès de ses supérieurs, le recrutement de Josef Müller, comme « agent spécial de renseignement » du gouvernement au sein des arcanes du Vatican. Müller joue ainsi un jeu d'agent double (ou triple), renseignant le pape sur les actions de l'espionnage allemand contre le Vatican, en même temps que des intentions des résistants allemands à renverser Hitler[A 44],[R 18],[M 28],[N 69].

Les services du Forschungsamt parviennent en 1940 à casser le « code rouge » du Vatican qui lui sert à crypter ses messages avec les nonciatures. Cette victoire leur permet de décrypter un message clef en mai 1940 leur prouvant que le Vatican a prévenu le gouvernement belge de l'attaque imminente des troupes allemandes, le Vatican, informé (par leur réaction violente à leur égard), n'utilise plus ce code de cryptage que pour des messages « sans importance stratégique »[A 30],[A 12],[R 24].

En 1940, le RSHA recrute Alfred von Kageneck[N 70] et l'envoie à Rome chercher des informations. Celui-ci connait le père Robert Leiber, ami et conseiller du pape. Il réussit à obtenir de nombreuses informations du père Leiber et renouvelle ses visites à deux reprises en 1941, rapportant à chaque visite des informations sur différents sujets politiques. Si ses supérieurs sont persuadés d'avoir réussi à « infiltrer les hautes sphères du Vatican », le père Lieber connait la mission d'espion de son « ami », et, après en avoir référé au pape, le père Leiber a reçu l'ordre papal de « continuer à voir son ami », mais en lui transmettant des informations que le Vatican aurait « soigneusement sélectionnées »[A 45],[D 2].

En 1939, Herbert Kappler recrute Alexander Kurtna pour les services secrets de la SS. Cet ancien séminariste estonien travaille au Vatican pour traduire des documents et fait des recherches universitaires dans les archives du Vatican. Du point de vue allemand, c'est un agent infiltré très intéressant. Mais il s’avère que c'est surtout une taupe russe qui espionne au profit du NKVD. Arrêté par les Italiens en 1942, il est libéré par la Gestapo en septembre 1943, et il reprend (officiellement) du service pour les Allemands, mais son « plus gros coup d'espion » est de voler des documents secrets et les codes de cryptage allemands, juste avant la libération de Rome, pour les transmettre aux Soviétiques. Lorsque les troupes américaines avancent en direction de Rome, il informe également le Vatican sur les agissements de la Gestapo[A 46],[D 2],[D 11].

Les Italiens

Les services secrets de Mussolini réussissent à voler les codes de chiffrage que le Vatican utilise au début de la guerre, leur permettant de déchiffrer un certain nombre de messages confidentiels du pape[A 47]. Un secrétaire du ministère des affaires étrangères informe discrètement un prélat du Vatican que les services italiens sont en mesure de « déchiffrer tous les messages du Vatican ». Les responsables de la secrétairerie d’État du Vatican sont choqués et un peu septiques. Pour lever le doute, ils font un test, et envoient un « faux message ». Quelques jours plus tard, le responsable italien leur présente les copies décryptées des communications[A 48]. Cela n'est pas sans poser un gros problème au pape quand, quelques jours plus tard, Mussolini a la preuve que le pape avait informé les gouvernements belge et néerlandais de la prochaine attaque allemande, trahissant ainsi la neutralité vaticane[A 48].

Globalement, ce sont les services secrets italiens qui sont les plus infiltrés dans le Vatican avec des membres du petit personnel qui leur font des rapports, et même des membres dans la gendarmerie vaticane ou des gardes suisses[D 8],[M 24].

Les Soviétiques

Un important agent d'espionnage entré à l'intérieur du Vatican est Alexander Kurtna. Né en Estonie, il entre au séminaire russe orthodoxe, puis se convertit au catholicisme. En 1935 il entre au séminaire des jésuites et il est très vite appelé à Rome où il entre au collège Russicum. Juste avant la guerre, les jésuites « pour des raisons obscures » stoppent sa carrière ecclésiastique et lui font quitter son université. Kurtna continue ses « recherches universitaires » dans les archives du Vatican, aidant à la traduction de nombreux courriers venant d'URSS ou des pays slaves[A 49]. En 1939 il est recruté par Herbert Kappler pour espionner le Vatican. Sa position et ses multiples contacts parmi les prêtres font de lui un agent « bien infiltré » du point de vue des Allemands. En juillet 1942, les Italiens arrêtent Kurtna et mettent au jour son statut d'espion à la solde du NKVD, rendant furieux les Allemands qui découvrent que leur « agent » est un agent double. En septembre 1943, quand les divisions SS envahissent l'Italie et Rome, la Gestapo libère Kurtna et lui demande de reprendre son poste pour eux[N 71], au Vatican[A 50],[D 2]. Kurtna retrouve alors son poste au Vatican, ce qui peut sembler étrange pour un agent, convaincu d'espionnage au service de l'URSS et « libéré » par la Gestapo. David Alvarez explique ce paradoxe en émettant l'hypothèse que « les supérieurs de Kurtna à la Congrégation pour les Églises orientales ont (probablement) limité dès lors son accès aux documents sensibles, réduisant ainsi l'utilité qu'il pouvait avoir pour un service de renseignement, allemand ou russe. Il se peut également que ses supérieurs ont autorisé Kurtna à manipuler uniquement des documents que le Vatican désirait porter à la connaissance de Moscou ou de Berlin »[A 51]. Le dernier « gros coup » qu'a réussi Kurtna est, juste avant la chute de Rome aux mains des Américains, de réussir à subtiliser toute une série de documents confidentiels allemands, dont les codes de cryptage, qu'il a fait transmettre aux Soviétiques[A 52],[D 11],[N 72].

Les services soviétiques sont ceux qui réussissent le mieux à infiltrer des agents doubles dans les services du Vatican, même si ce n'est pas dans les hautes sphères, ils peuvent longtemps renseigner Moscou sur les activités du Vatican, leurs agents n'étant découverts que de nombreuses années plus tard comme Kurtna ou le prince Turkul[N 73] qui infiltre le collège Russicum, en plus d'autres services secrets alliés[D 12], ou Alighiero Tondi, prêtre jésuite en poste à la curie, qui n'est identifié qu'en 1952[D 13].

Les Britanniques

Le consul britannique Sir D'Arcy Osborne est utilisé comme agent de liaison par le pape pour communiquer avec le gouvernement britannique. Jusqu'à l'entrée en guerre de l'Italie, le consul dispose de la valise diplomatique de son gouvernement pour assurer la sécurité de ses correspondances avec Londres. En mai 1940, il doit se réfugier sur les terres du Vatican pour rester à Rome, et il se trouve privé, par les Italiens de sa précieuse valise diplomatique. Le Vatican lui propose la sienne, mais le consul, avec raison[N 74], soupçonne que les Italiens ouvrent la correspondance secrète du pape, et donc les courriers que lui-même lui confierait[A 53].

De plus, il redoute que le chiffrage britannique n'ait été percé par les Italiens[N 75]. En conséquence, craignant que Mussolini ne soit informé de secrets mettant en danger le pape, il s'abstient, dans ses courriers, de toute information « sensible ou critique ». Voulant profiter de la situation pour « intoxiquer les Italiens », le diplomate se met même à envoyer de « faux rapports » laissant entendre que le pape serait plus favorable aux Allemands qu'il ne l'est réellement. Il n'est pas impossible, d'après David Alvarez, que le Foreign Office n'ait été influencé par ces « vrais faux-rapports » et que ces rapports « aient contribué à la vision négative » des services britanniques sur le Vatican durant la période de la guerre[A 53].

Les Américains

Les États-Unis sont le dernier des grands pays à s'être intéressé à l'espionnage du Vatican. Son intérêt s'éveille dans les années 1930 lorsque Washington envisage que le Vatican pourrait être un « contre-pouvoir » face aux dictatures fascistes en Europe[A 54]. De plus, pour des raisons de politique intérieure, et ne pas contrarier un électorat protestant, les élus américains renâclent à envoyer officiellement un ambassadeur auprès du pape (catholique)[N 76]. Cette absence d'ambassade officielle prive le gouvernement d'un certain nombre d'informations ou contacts[A 54],[D 14]. Enfin, le Vatican n'étant pas considéré comme une cible « stratégique » pour le renseignement américain, les services gouvernementaux ont refusé de fournir au contact américain, Harold Tittmann (en)[N 77], des clés de cryptage pour sécuriser ses communications. Ne disposant d'aucune sécurité sur ses envois de courriers via le courrier diplomatique du Vatican, l'informateur américain ne pouvait mettre aucune information sensible dans sa correspondance[N 78],[A 55].

L'Office of Strategic Services ne met que peu de moyens humains pour se renseigner sur le Vatican, et les rapports « Top Secret » qu'il rédige sont souvent fantaisistes[A 56]. À l'automne 1944, alors que la ville de Rome est sous le contrôle de l'armée américaine, les services de l'OSS à Rome reçoivent des « informations vaticanes » de deux contacts a priori bien informés : les agents Vessel et Dusty. Les services secrets américains mettent des mois à se rendre compte que ces « deux agents infiltrés » n'en sont en fait qu'un seul, et encore plus longtemps pour réaliser qu'il s'agit d'un escroc. Il s'agit de Virgilio Scattolini[N 79], un Italien qualifié du titre du « plus effronté des créateurs de renseignements de la Seconde Guerre mondiale »[N 80],[D 15],[A 57]. Le scandale interne qui suit la découverte que les rapports, achetés une fortune à cet informateur, ne sont que des faux, est le révélateur de l'état de méconnaissance du fonctionnement de l’Église catholique par les services américains, et du Vatican en particulier. Cette révélation discrédite les services de l'OSS à Rome, et plus tard, la CIA estime dans un rapport que les fausses informations de Scattonlini avaient contribué à « désinformer et obscurcir le jugement des personnes responsables de l'analyse de la politique étrangère du Vatican pendant la période concernée »[A 57],[D 15].

L'OSS envoie en décembre 1944 un agent, Martin Quigley, pour espionner le Vatican. Officiellement « représentant de l'industrie cinématographique américaine », Quigley réussit à se lier avec plusieurs ecclésiastiques, mais le Vatican finit par découvrir la véritable mission de Quigley, et s'il laisse l'Américain approcher sans difficultés des personnes influentes du Vatican (comme le père Leiber), c'est pour transmettre discrètement des messages et documents qu'ils souhaitent voir arriver au main des services américains[A 58],[N 81].

Histoire militaire

Au Vatican, ce qui se rapproche le plus à des troupes militaires est la Garde suisse pontificale, éponyme sur l'origine nationale suisse ; les sympathies des Suisses varient considérablement et le Vatican leur interdit de parler de politique dès [C 2].

Même si durant la guerre, le Vatican renforce ses services de sécurité, augmentant le nombre de gardes suisses, organise des troupes et de patrouilles de laïcs volontaires, armés de mitraillettes et de fusils[A 43]. En juin 1940, les gardes suisses font des stocks de masques à gaz et de mitraillettes. Des abris anti-aériens sont construits, et la police vaticane crée une section spéciale de civils chargés du contre-espionnage[R 25].

La menace d'invasion du Vatican

L'extraterritorialité du Vatican est accordée par l’Italie à la cité-État, à la suite des accords du Latran de 1929. Les frontières sont limitativement définies par les murs d'enceinte de la cité. Pie XI, lors du traité, refuse d'étendre les frontières au-delà, affirmant : « Il sera clair pour tous, nous l'espérons, que le Souverain Pontife n'a vraiment que cette portion de territoire matériel indispensable pour l'exercice d'un pouvoir spirituel confié à des hommes pour le bénéfice des hommes ». Ce principe de droit international public est depuis respecté et le reste y compris durant la Seconde Guerre mondiale.

En plus des terres « vaticanes », le Vatican possède plusieurs églises et couvents sur le sol italien. Il s'agit de propriétés du Vatican, en territoire italien. Les SS et la Gestapo font plusieurs descentes et arrestations dans ces églises et couvents, mettant la pression sur le Vatican. Ainsi, le , des officiers nazis appuyés par des soldats italiens investissent l'abbaye de Saint-Paul-hors-les-Murs, fouillent les lieux et arrêtent un général déserteur de l'armée italienne, Adriano Monti (it). Plusieurs dizaines de juifs sont arrêtés par la même occasion. Plusieurs autres raids sont organisés dans des propriétés du Vatican, mais avertis à temps[N 82], les responsables ont le temps de faire évacuer les occupants qui s'y cachent[D 6]. Le des SS forcent les portes de la basilique Sainte-Marie-Majeure et capturent un prêtre, le père Anselmus Musters. Amené au QG de la Gestapo, il est interrogé et déporté[D 6].

Gardes Suisses faisant une manœuvre avec armes, dans le Vatican en 1938.

Les « intentions d'Hitler restèrent obscures »[N 83] concernant l'invasion ou non du Vatican, surtout après la destitution de Mussolini en 1943 et l'armistice signé par les Italiens. L'occupation de l'Italie par les troupes SS et de Rome en particulier le rendait cette hypothèse des plus sérieuses. La crainte d'une attaque allemande était réelle au sein du Vatican. Toutes les mesures préventives avaient été prises pour cacher les documents les plus secrets ou compromettants[N 84]. Des plans d'urgence pour permettre un fonctionnement des institutions sont élaborés pour permettre à certains nonces (hors Vatican), d'assumer certaines fonctions ecclésiastiques[A 59],[D 16]. Lors de l'arrivée des SS à Rome, les diplomates alliés, réfugiés au Vatican, brûlent leurs documents secrets et clés de cryptage. Le personnel prioritaire de la secrétairerie d’État est prêt à une évacuation en urgence. Le commandant de la Garde suisse pontificale est informé oralement de la demande du pape de ne pas « résister par la force » à une attaque militaire, pour éviter un bain de sang inutile[N 85]. Le chef de la garde refuse cet ordre[N 86] et exige un ordre écrit ; et l'ordre écrit lui est remis[A 59],[D 16].

En 1943 la propagande alliée exploite l'occupation de Rome par les Allemands, le Roosevelt déclare que « les armées alliées avancent vers le nord pour libérer Rome, le Vatican et le pape, à la manière d'une croisade ». Le gouvernement allemand demande un démenti du Vatican. Ribbentrop insiste auprès de son diplomate pour obtenir une déclaration officielle. A l'issue de diverses rencontres et négociations, le , Radio-Vatican publie un communiqué officiel : « Pour mettre fin aux rumeurs sans fondement, qui ont particulièrement cours à l'étranger, concernant l'attitude des troupes allemandes à l'égard de la cité du Vatican, l'ambassadeur d'Allemagne auprès du Saint-Siège a déclaré au nom de son gouvernement que l'Allemagne, en conformité avec la politique suivie jusqu'à présent, respectant les instituts de la Curie romaine, ainsi que les droits souverains et l'intégrité de la cité du Vatican, est décidée à les respecter également à l'avenir. Le Saint- Siège, reconnaissant que les troupes allemandes ont respecté la Curie romaine et la cité du Vatican, a pris note de ces assurances. »[S 20].

D'après différents auteurs, il y aurait eu plusieurs tentatives d'Hitler de se saisir du pape, avec pour objectif soit de l'interner en Allemagne, soit de « l'installer au Liechtenstein » (un État neutre). La première « alerte » remontée au pape date de mai 1940, après l'invasion de la France. À la suite de la confirmation par les nazis et fascistes italiens des transmissions d'informations par le pape aux Alliés (en mai 1940), Josef Müller informe le père Leiber « d'un complot de la SS visant à placer le pape en résidence surveillée ». Les services de sécurité du Vatican renforcent alors leurs mesures de sécurité[R 25]. D'après Mark Riebling, la première tentative d'Hitler d'envahir le Vatican remonterait au , le lendemain de la destitution de Mussolini. Hitler tenait Pie XII pour responsable de son éviction, il voulait faire main basse sur tous les documents du Vatican pour prouver sa complicité et sa responsabilité. Mais il semblerait que le lendemain, lors d'une nouvelle réunion « les conseillers du Führer[N 87] l'avaient apparemment convaincu de renoncer à cette initiative »[R 26]. D'après David Alvarez, c'est Goebbels, ministre de la propagande qui dissuada Hitler estimant qu'une telle opération aurait « un impact dévastateur sur l'opinion internationale »[A 59].

Herbert Kappler, officier SS ayant contrôlé Rome en 1943, jusqu'à la libération de la ville, et menacé d'invasion le Vatican (photo de 1946).

Milza écrit qu'il y a des preuves formelles[N 88] que, quelques jours après l'occupation de Rome, Hitler a personnellement demandé au général SS Karl Wolff, de préparer l'opération d'arrestation du pape, et la saisie des archives et des trésors artistiques du Vatican. L'officier SS, en décembre 1943 aurait dissuadé Hitler de mener à terme cette opération qui pouvait entraîner des conséquences sur le fonctionnement de l'industrie de guerre italienne (qui fonctionnait pour les Allemands), sur le transport du ravitaillement pour les troupes allemandes en Italie, et même sur la stabilité sociale en Allemagne (par une révolte de catholiques). Hitler aurait cédé à contre cœur, face aux arguments de son subordonné[D 16],[R 26],[M 29],[N 89].

Bombardement du Vatican

L'une des priorités diplomatiques de Pie XII est d'empêcher le bombardement de Rome ; le pontife y est si sensible qu'il proteste aussi afin que soit abandonné le jet de tracts sur Rome, par l'aviation britannique, se plaignant que certains atterrissages (de tracts), dans la ville-État, violent la neutralité du Vatican[C 3]. Avant que les Américains entrent en guerre, il n'y avait que peu d'incitation pour un tel bombardement, les Britanniques y voyant peu de valeur stratégique[C 4]. Après l’entrée des Américains, les États-Unis s'opposent à un tel bombardement, craignant d'offenser les membres catholiques de ses forces militaires, tandis que les Britanniques le soutiennent[C 5]. Le , Pie XII écrit à Roosevelt pour lui demander que la ville de Rome soit épargnée des bombardements pour éviter « d’irremplaçables monuments de l'art de de la culture de la Chrétienté », mais surtout pour éviter « les pertes humaines »[M 30]. Mais les efforts du papes n'épargneront pas la ville de Rome qui est bombardée le par près de 300 appareils, faisant plus d'un millier de morts et autant de blessés pour une opération qui se voulait « de précision »[M 30]. Pie XII plaide même en faveur de la déclaration de Rome comme ville ouverte, mais cela ne se produit que le , après que Rome a été bombardée à deux reprises[C 6],[N 90]. Bien que les Italiens consultent le Vatican sur le libellé de la déclaration de ville ouverte, l'impulsion pour le changement a peu à voir avec la demande du Vatican[C 7].

Le Vatican est finalement bombardé par un avion des fascistes italiens, le , qui largue cinq bombes. La responsabilité est mise sur l'aviation britanniques ; c'est en 2010 que la responsabilité italienne est avérée[11].

Relations avec la résistance italienne

Le maréchal Pietro Badoglio, tête de file du renversement de Mussolini.

La résistance italienne envisage de longue date de renverser Mussolini. Le maréchal Pietro Badoglio, qui est à la fois un ancien chef d'état-major et membre du Grand Conseil du fascisme est prêt à renverser le Duce, « s'il a l'appui du roi et du pape ». Les deux appuient sa démarche, mais il tergiverse, hésite. Le pape mène des négociations avec les Américains pour les encourager à accepter un armistice avec l'Italie (après l'éviction de Mussolini). Les Américains débutent alors des négociations avec Badoglio pour l'organisation de la sortie de la guerre de l'Italie. Les accords du Latran interdisant au Vatican d'intervenir dans les affaires étrangères italiennes, la participation du pape se fait en grand secret[D 16],[R 27].

Le 10 juillet, les Alliés envahissent la Sicile, puis Rome est bombardé. Il est clair que la guerre est perdue pour l'Italie. Le , le grand conseil vote la destitution de Mussolini et le roi fait arrêter le dictateur. Le nouveau gouvernement lance des pourparlers avec les Américains pour un armistice. Le Vatican sert d'intermédiaire pour ces négociations et accueille « secrètement » les deux parties qui aboutissent à une signature d'armistice le . Mais le 11, les Allemands arrivent en Italie avec des divisions SS, occupent Rome et prennent position face aux Alliés. Une division de parachutistes SS occupe Rome et encercle le Vatican[D 16],[R 27].

De longue date, les résistants italiens s'étaient reliés aux résistants allemands, et d'un commun accord ils avaient décidé ensemble que dès que l'un avait réussi à renverser le dictateur (de son pays), les autres devaient faire de même rapidement pour éviter toute rétorsion croisée. Le renversement de Mussolini donne le coup d'envoi pour les Allemands et mobilise de nouvelles forces[R 28].

Relations avec la résistance allemande

Le Général Ludwig Beck, une figure clé de la Résistance allemande, a secrètement informé le pape de complots contre Hitler via des émissaires.
Le colonel Hans Oster de à l'Abwehrune autre figure importante de la résistance.
Organisation de la résistance et problématique

Lors de la réunion du , Hitler annonce à tous ses officiers son intention d'attaquer la Pologne en leur demandant de préparer l'offensive, ainsi que son intention d'asservir les Polonais et d'exterminer toute intelligentzia polonaise, ainsi que tous les prêtres catholiques. Une partie de ses officiers, très choqués, décide d'intervenir pour stopper ce conflit avant qu'il ne débute. Ils rédigent un courrier et le transmettent à Alexander Comstock Kirk (en), un diplomate américain à Berlin. Celui-ci refuse de le prendre et de le faire suivre. Un exemplaire est transmis à l'ambassade de Grande-Bretagne. Ce document non signé laisse les Britanniques indifférents. Face à cet échec, Hans Oster comprend que la résistance allemande ne peut communiquer anonymement et doit trouver un tiers de confiance qui pourra attester, et « porter un sceau de légitimité » en se portant garant de l'authenticité du message transmis[R 9].

Le cercle de résistance anti-nazie rassemblé autour du général Ludwig Beck souhaite destituer Hitler et renverser les nazis au pouvoir, mais ils ne veulent pas que les Alliés profitent du chaos et des troubles liés au coup d'État pour envahir l’Allemagne et lui imposer une paix humiliante. Le souvenir de l'humiliation de l'armistice de 1918 étant resté très fort en Allemagne[A 7],[D 17],[R 19],[M 28].

Les résistants allemands sont donc confrontés au dilemme d'ouvrir des négociations avec les Alliés, de prouver leur crédibilité, tout en préservant le secret de l'opération pour éviter que les nazis ne les découvrent, et les condamnent à mort. Ils cherchent donc un « intermédiaire de confiance » qui pourrait faire le lien entre les deux parties. C'est l'amiral Canaris qui pense au pape Pie XII, car il connaît Pacelli depuis les années 1920, et il sait qu'il est anti-nazi, et il lui fait confiance[N 91]. Ils pensent ainsi que le pape pourrait, en se mettant en médiateur et soutien de la résistance, apaiser les soupçons des Britanniques[R 19],[12],[A 7],[M 31],[M 28]. Canaris recrute alors Josef Müller pour aller contacter le pape au nom des résistants, ce qu'il accepte. Pour lui assurer une « couverture » et éviter que ses déplacements ne soient remarqués par les autres services de contre-espionnage, les résistants vont « officiellement recruter Müller » dans le service de l'Abwehr, en lui donnant pour « mission officielle » de recueillir des informations sur la papauté[13],[A 7],[D 17],[R 19],[M 31],[M 28].

Plusieurs fois, l'amiral Canaris réussit à détourner l'attention des autres services secrets allemands qui cherchent à mettre au jour la tentative de putsch et d'assassinat contre Hitler. Ainsi, lorsque Herbert Keller révèle à Heydrich que Müller est le relais transmetteur entre les résistants allemands et les Alliés via le pape au Vatican, l'amiral fait faire un « faux rapport » à Müller qui discrédite les accusations de Keller, et place Müller comme un élément clé (nazi) de l’espionnage du Vatican. Müller repart alors officiellement mandaté pour « espionner sur les fuites et trahisons » dans l'état major allemand[A 60],[D 17],[R 24],[R 29],[N 92].

En janvier 1940, Hitler envisage d'envahir la Suisse[N 93]. Canaris, choqué par cette perspective, fait prévenir les autorités suisses via un diplomate italien pacifiste pour leur demander de lancer des manœuvres militaires à leur frontière. Les Suisses débutent des manœuvres de dimensions modestes mais Canaris, dans ses rapports de l'Abwehr, gonfle les chiffres et parle de « mobilisation partielle de l'armée », soulevant que l'offensive allemande pourrait durer bien plus que les six semaines envisagées. Du coup, Hitler abandonne le projet[R 30].

Durant toute la guerre les résistants restent en contact avec le pape pour communiquer avec lui (et les Alliés). En février 1943, l'Abwehr envoie un nouvel agent à Rome, Paul Franken, pour transmettre les « positions de l'opposition allemande ». Les informations qu'il transmet remontent au pape via le père Leiber, mais « cette opposition divisée et dispersée » ne parvient pas à agir concrètement, et le pape ne sait que faire de ces informations qu'il reçoit. Échaudé par le peu de résultat des contacts et informations prises avant l'attaque à l'Ouest (et la découverte par les nazis de son rôle de relais entre la résistance et les Alliés), le pape reste prudent, « peu désireux de revenir à la période des messagers secrets et des rencontres clandestines avec les représentants étrangers »[A 44]. La résistance allemande continue de discuter sur la composition d'un gouvernement allemand après l'éviction d’Hitler, mais sans travailler concrètement à sa destitution. Si bien qu'en 1943, 10 ans après l'arrivée au pouvoir du dictateur, le père Leiber qui reçoit le nouveau « messager des résistants », Franken, lui lâche sèchement « que l'opposition devrait cesser de parler et agir ». De plus, depuis la conférence de Casablanca en janvier 1943, les Alliés ont décidé d'exiger une reddition sans condition des puissances de l'Axe. Si bien que les tractations menées par les résistants pour négocier « une paix acceptable » semblent vouées à l'échec[A 61].

Le frein moral et religieux

Ce qui pourrait paraître étonnant pour des officiers qui commandent des troupes et sont amenés à donner la mort à de nombreux hommes, c'est que presque tous ces officiers se retrouvent bloqués devant l'idée d'abattre Hitler. Alors qu'ils ont l'occasion de se trouver en sa présence avec une arme, ils n'arrivent pas à exécuter le dictateur. Mark Riebling souligne que les chrétiens luthériens « refusaient de prêter leur aval à un assassinat pour des raisons liées à la religion ». Les officiers catholiques avaient moins de problèmes sur ce point (et l'acceptaient)[N 94]. Finalement, les conjurés demandent à Müller, en octobre 1939, de « solliciter la bénédiction formelle du pape pour ce tyrannicide », ce qu'il refuse. Le , Erich Kordt constate tristement « nous n'avons personne qui jettera une bombe afin de libérer nos généraux de leurs scrupules »[R 31].

Dietrich Bonhoeffer, théologien protestant qui réfléchit sur la notion de « tyrannicide » avec ses homologues catholiques.

Les conjurés étant presque tous chrétiens, une ligne de division menace de se faire jour entre les protestants et les catholiques. L'action du pape comme médiateur laisse un certain nombre de conjurés ou d'intervenants penser que c'est « un complot du Vatican ». Pour « moduler cette résonance à prédominance catholique », la résistance recrute le théologien protestant Dietrich Bonhoeffer pour qu'il réfléchisse et argumente théologiquement sur la compatibilité avec la foi protestante d'exécuter un dictateur. Bonhoeffer est installé dans un couvent bénédictin par Müller pour le mettre hors de portée de la Gestapo[R 8]. Helmuth James von Moltke[N 95] note, lors d'une rencontre de conjurés que si les catholiques, conformément aux consignes du cardinal Pacelli en 1930 s'étaient plutôt abstenus d'intégrer le parti nazi, « nombre de pasteurs protestants s'étaient rangés derrière la bannière du nazisme »[W 20]. Moltke et le père Rösch commencent donc à rassembler un cercle de réflexion autour d'eux pour « penser en chrétiens, planifier et se préparer à reconstruire » l'Allemagne et l'Europe post-hitlérienne, dans un mouvement spirituel et œcuménique[R 32]. Les réflexions et débats qui animent ces différentes personnes se font dans l'objectif de reconstruire une éthique humaniste, sociale et spirituelle de la société allemande post-hitlérienne[R 33].

Avec le temps, le cercle de réflexion s'élargit et il s'agrège de nouvelles personnalités de nouveaux milieux. Le cercle œcuménique chrétien intègre alors des dirigeants syndicaux socialistes[R 34]. Le groupe de réflexion s'enrichit de Carl Goerdeler, ancien maire charismatique de Leipzig qui se charge de négocier un pacte entre les dirigeants syndicaux catholiques et socialistes. Les jésuites œuvrent pour établir un consensus entre toutes les parties. Début 1943, une déclaration commune[N 96] rassemblant toutes les parties (politiques, syndicales, religieuses et militaires) et ratifiée[R 35].

Après l'arrestation d'une partie des chefs au printemps 1943, le renversement de Mussolini redonne du courage aux complotistes, et Canaris réussit une belle opération à la fin de l'été : faire nommer plusieurs résistants à l'Abwehr, dans une cellule spécialement conçue pour, normalement, espionner et infiltrer des réseaux de subversion au gouvernement. Müller étant arrêté, pour communiquer avec le pape, la résistance utilise Gereon Goldmann[N 97], mais surtout Albrecht von Kessel et Paul Franken pour conserver le lien avec le pape[R 36].

La mission de Josef Müller
Josef Müller en 1948.

Josef Müller est un avocat autodidacte, d'origine paysanne, héros de la Première Guerre mondiale, et décoré à cette occasion de la Croix de fer. Bavarois, il est un « amateur de bière », et surnommé « Jo le bœuf »[R 37].

En 1933, il est missionné par le cardinal Pacelli pour collecter, contrôler et synthétiser toutes les notes et informations venant de toute l'Allemagne sur les violations du Concordat faites par le régime nazi. Ces rapports sont transmis au Vatican et servent à la Secrétairerie d'État pour rédiger ses doléances au gouvernement d'Hitler. Tout un réseau de communications confidentiel est mis en place par Müller pour assurer la collecte et le transfert des informations[R 7]. Après l'élection de Pacelli comme pape, les deux hommes restent en contact[14].

En 1934, lorsqu'Heinrich Himmler en personne vient pour prendre le pouvoir dans la ville de Munich, Muller conseille au président de la Bavière, Heinrich Held de faire arrêter Himmler et de le faire fusiller dans la foulée. Son ami hésite, et lorsque les SA débarquent, Müller n'a que le temps d'exfiltrer son ami et de l'amener en Suisse. Quelques semaines plus tard, la Gestapo vient arrêter Müller et c'est Himmler en personne qui interroge Müller. Sans hésiter, Müller avoue au SS qu'il avait conseillé à l'ex-président de Bavière de le faire arrêter et fusiller avant qu'il ne fasse son coup de force contre le gouvernement bavarois. La franchise et le courage de l'avocat impressionnent Himmler. Son courage et sa franchise impressionnent également Johann Rattenhuber, chef du Reichssicherheitsdienst, qui paradoxalement se lie d'amitié avec l'avocat bavarois. Durant la guerre, les deux hommes se rencontrent régulièrement, et entre deux bières, le chef de la garde rapprochée d'Hitler, révèle des secrets de la SS à « l'espion du Vatican »[R 3].

Le , Josef Müller est recruté par l'amiral Canaris pour servir de contact entre le pape et la jeune opposition militaire allemande contre Hitler (alors centrée sur le général Franz Halder, chef d'état-major de l'armée allemande). Comme couverture, Canaris le recrute comme agent l'Abwehr devant infiltrer le réseau de pacifistes italiens, et « espionner le Vatican ». Pour entrer en contact avec le pape, Muller contacte d'abord Monsignore Ludwig Kaas. Ce dernier est le chef du Parti catholique allemand Zentrum, en exil à Rome. Josef Müller espère pouvoir, par lui, approcher le pape et utiliser le saint Père comme un intermédiaire pour communiquer avec les Britanniques[15],[D 17],[R 38],[C 8]. Fin , il rencontre au Vatican Ludwig Kaas qui lui promet de transmettre sa requête à Pie XII, ce qu'il fait 15 jours plus tard[N 98]. Le pape réfléchit une journée et donne son accord à la grande surprise de ses conseillers. Le pape leur déclare : « L'opposition allemande doit être entendue en Grande-Bretagne », et il propose de servir d'intermédiaire. Au retour de Muller mi-octobre, Kaas[N 98] lui annonce la « bonne nouvelle »[A 62],[16],[17],[R 10],[R 38],[C 8]. Par la suite, c'est par l'intermédiaire du père Leiber, proche conseiller du pape, que Josef Müller communique avec Pie XII[A 62],[R 39].

Se met alors en place un canal de communication entre la résistance allemande et la Grande-Bretagne : Muller se rend à Rome avec les documents de la résistance, il les transmet au père Leiber, lors d'une courte entrevue dans une petite église jésuite de Rome. Le père transmet le message au pape, et Pie XII convoque l’ambassadeur britannique auprès du Saint-Siège, Sir D'Arcy Osborne, et lui transmet de vive voix les positions de la résistance. Le diplomate transmet alors son rapport au gouvernement britannique par la valise diplomatique. Et le gouvernement britannique répond aux résistants allemands par le même canal[A 62],[18],[19],[C 9]. Au cours des trois premières années du conflit, Müller fait plus de 150 voyages entre l'Allemagne et le Vatican[R 38].

Arrêté en avril 1943, Müller est jugé le . Il parvient à se disculper devant les juges du tribunal qui le déclarent innocent. La SS souhaite l'arrêter pour de nouvelles charges. Pour lui éviter cela, ses amis de la Wehrmacht l'arrêtent immédiatement et le mettent en prison, chez eux, et sous leur protection[R 40].

Lors du complot de l'opération Walkyrie, il est prévu que Müller se rende directement à Rome[N 99] pour demander un armistice aux Alliés via le pape. Müller deviendrait alors le premier « ambassadeur auprès du Vatican » du nouveau gouvernement[R 41]. L'opération échoue, et, après l'attentat de juillet 1944, Muller est arrêté et interrogé par la SS qui cherche à lui faire avouer sa complicité dans la tentative de meurtre d'Hitler, et son lien avec le pape. Muller résiste à toutes les pressions et reste prisonnier des SS jusqu'à la Libération[R 42]. Conduit à la potence le , il est sauvé à la dernière minute par un appel téléphonique de Rattenhuber qui souhaite le conserver vivant[R 43],[R 44],[N 100].

Tentatives d'assassinat d'Hitler
La salle de réunion, après l'explosion de juillet 1944.

Durant la guerre, la résistance tente à plusieurs reprises d'assassiner Hitler, sans succès. De multiples tentatives échouent ou doivent être reportés à la dernière minute. La dernière tentative, la plus connue, l'opération Walkyrie du amène l'arrestation et l'exécution de presque tous les conjurés. Très peu d'entre eux survivent à la guerre[R 45].

Le démantèlement des réseaux

Les activités de l'Abwehr, des renseignements militaires et du groupe de résistance autour de Hans Oster, commencent à être sous la surveillance de la Gestapo dès 1942. Himmler tient à éliminer ce service de sécurité rival et il pense qu'il y a matière à enquêter. Quand le juriste allemand, Dohnanyi, est arrêté en , il a sur son bureau des papiers destinés à être transmis à Rome par Joseph Müller, afin d'informer le Vatican des revers subis par la Résistance. Josef Müller est arrêté, tout comme Dietrich Bonhoeffer et sa sœur, Christel Dohnanyi. Hans Oster est arrêté et placé en résidence surveillée[20].

Matěj Pavlík qui a caché les résistants dans sa cathédrale. Il est exécuté quelques mois plus tard.

Le , des partisans réussissent à abattre Reinhard Heydrich à Prague. Ils se réfugient dans la cathédrale de Prague, dans des caches spécialement aménagées pour eux dans la crypte. La Gestapo et la SS, informées de leur présence[N 101] font une descente et à la suite d'un long combat, ne parviennent pas à capturer les résistants qui se donnent la mort pour ne pas se faire prendre. La qualité des caches mises en œuvre confirme à la Gestapo et à la SS que les plus hautes autorités de l’Église ont collaboré avec la résistance. L'évêque Matěj Pavlík qui reconnait avoir aidé les résistants est exécuté par les nazis. Hitler et les nazis sont convaincus que le pape Pie XII est partie prenante de cette opération[R 46]. À la Pentecôte 1942, les douanes allemandes arrêtent par hasard un trafiquant de devises Wilhelm Schmidhuber (de). Celui-ci fait partie du réseau d'exfiltration de juifs monté par des membres de la résistance allemande. Alertée, la Gestapo enquête à son tour et commence à démonter en deux mois, tout le réseau d'aide aux juifs monté par Canaris et des religieux catholiques[R 33]. La concomitance de ces deux enquêtes pousse la Gestapo à mettre la pression sur Canaris et l'Abwehr qu'ils soupçonnent de longue date de comploter contre le régime en lien avec le Vatican[R 47]. Après les aveux de Willy Schmidhuber, la Gestapo arrête le colonel Oster, Josef Müller, Hans von Dohnányi et quelques autres. Canaris échappe au coup de filet, pour l'instant. La Gestapo et les SS mettent la main sur des documents importants présents dans les coffres des personnes arrêtées, prouvant le complot, la filière d'évasion des juifs et le rôle du pape dans la conspiration[R 22],[A 61].

Ce coup de filet est un sérieux coup pour la Résistance[R 48], pour remplacer Josef Müller comme contact auprès du pape, la résistance envoie Albrecht von Kessel qui est officiellement « secrétaire de la mission du Reich auprès du Saint-Siège »[R 27],[R 36]. Hans Bernd Gisevius est envoyé à Rome en remplacement de Josef Müller pour continuer de tenir informé Pie XII de l'évolution de la conspiration[R 49].

Après la tentative d'attentat en août 1944, un vaste coup de filet entraîne les arrestations de nombreux officiers résistants. Le père Röch qui coordonne le réseau catholique allemand est l'objet d'un mandat d'arrestation. Il se cache mais finit par être arrêté. De nombreux prêtres jésuites et dominicains membres du comité de résistance sont poursuivis par la Gestapo. Plusieurs religieux[N 102] sont arrêtés. Les SS fouillent les locaux de l'Abwehr et découvrent dans un coffre à Zossen les journaux personnels de Canaris et des preuves du rôle du Vatican dans les complots antihitlériens[R 50],[N 64]. Müller, qui est toujours en prison, est « arrêté par la Gestapo » et emmené pour être interrogé. Dans les couloirs de la prison de la Gestapo, il y croise l'amiral Canaris[R 51],[D 10].

En avril 1945, Hitler décide la liquidation de tous les conspirateurs encore vivants, en particulier les religieux. Il demande à la SS d'exécuter tous les prêtres ayant pris part au complot et qui seraient en leur pouvoir. L'exécution doit avoir lieu dans le plus grand secret, sans jugement, sans traces. Johann Rattenhuber, qui s'est pris d'amitié pour Müller, intervient en secret pour épargner sa vie et lui éviter la potence, au moment même où il y est conduit[R 44],[N 100].

Le pape informe les Alliés

Le père Robert Leiber en 1929, proche conseiller du pape qui servit de relais entre le pape et Josef Müller.

Après l'invasion de la Pologne, le « cercle des résistants de l'Abwehr » envoie au Vatican les informations sur les prochaines offensives au pape, afin qu'il les fasse suivre aux gouvernements alliés. Josef Müller se rend à Rome pour indiquer au père Robert Leiber que l'invasion est imminente. La première notification par le pape d'une prochaine invasion est faite en janvier 1940. Le pape informe le 11 janvier le diplomate britannique D'Arcy Osborne que l'Allemagne va envahir la France par la Hollande et la Belgique (qui sont neutres), dans un délai très court. Ne voulant pas donner d'éléments permettant d'identifier ses sources, le pape reste flou dans ses réponses aux questions du Britannique qui reste sceptique. Il informe néanmoins ses confrères et son gouvernement[R 52].

Si, au départ, les Britanniques redoutent un piège, une opération d'intoxication faite par les services d'espionnage allemand (comme pour l'incident de Venlo) les réunions secrètes répétées du pape, son insistance finit par convaincre l'ambassadeur et le gouvernement britannique « qu'un complot sérieux » se trame en Allemagne. Ils accordent alors leur confiance au pape et acceptent de discuter avec les résistants via son intermédiaire[R 21]. En mars 1940, la confiance est établie entre les différents protagonistes, et il se met en place un canal de communication complexe entre les résistants allemands et le gouvernement britannique permettant d'envoyer des questions et des réponses dans les deux sens : le colonel Hans Oster donne son message à Josef Müller qui le transmet via le père Leiber au pape Pie XII, qui le remet à Osborne qui le câble enfin à Londres (via message diplomatique crypté). Les messages dans l'autre sens suivent le même chemin. Au total, sept communiqués sont échangés d'un bout à l'autre, dans une atmosphère « tendue »[R 53],[M 28]. Mi-mars, un accord est trouvé entre les deux partis. Les comploteurs allemands sont satisfaits, le pape lui-même est confiant qu'Hitler soit tué avant la fin du mois. Mais à la fin du mois rien ne se passe, le pape, dépité, indique à Osborne qu'il n'a aucune nouvelle des comploteurs. Le gouvernement britannique lui-même semble ne plus y croire[R 54].

Hitler reporte plusieurs fois la date de l'offensive sur le front ouest, à chaque fois, les conspirateurs doivent renouveler leurs alertes d'invasion aux Alliés, via le pape[A 12],[D 18]. Fin mars 1940, la résistance informe les Britanniques (via Müller et le canal vatican) de la prochaine offensive en Norvège. Les Alliés ne réagissent que le 9 avril, trop tard[R 54]. La dernière alerte d'invasion est donnée le . Müller avertit que l'invasion de la Belgique et des Pays-Bas est imminente. Pie XII ordonne immédiatement à sa Secrétairerie d’État d'alerter les nonces apostoliques de Bruxelles et de La Haye « et de leur ordonner de prévenir les gouvernements belge et néerlandais ». Le pape informe également, lors d'une audience privée avec le prince Umberto et son épouse belge, l'information d'une attaque imminente sur ces deux pays. La princesse envoie alors immédiatement un courrier spécial à son frère le roi Léopold III. En même temps, un haut fonctionnaire de la secrétairerie d’État convoque les ambassadeurs français et britanniques que l'Allemagne attaquerait avant la fin de la semaine[A 12],[A 63],[21],[R 55],[M 32]. Le , le Vatican informe l'envoyé des Pays-Bas auprès du Vatican que les Allemands envisageraient d'envahir la France en passant par les Pays-Bas et la Belgique le [22],[D 18],[R 25].

Mais les communications radio envoyées par le Vatican, et cryptées par le « code rouge » sont interceptées par les Allemands et les Italiens et décodées. Hitler et Mussolini sont informés que le Vatican a transmis des informations militaires aux Alliés les alertant de l'attaque imminente[13]. Le commandement allemand demande une enquête pour identifier « les traitres », Canaris (qui fait partie de la conspiration), ordonne à Josef Müller de retourner à Rome pour enquêter sur la source de la fuite[13] afin de détourner les soupçons de certains services de renseignements qui commencent à se porter sur lui (Müller).

Bien qu'informés de la fuite, Hitler ne change pas son plan d'invasion. L'attaque allemande des Pays-Bas débute le . La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg sont rapidement débordés, le front s'effondre en une semaine[13],[23].

Le chaînon entre la résistance et les Alliés

Le gouvernement britannique ne comprend pas bien les revendications d'une résistance allemande qui accepte de rendre certains territoires conquis (la Pologne), mais pas tous (les Sudètes, l'Autriche). Et la malheureuse expérience de l'affaire de Venlo en novembre 1939 (ou deux de leurs agents sont capturés par des SS) qui a ridiculisé les services britanniques freine leur courage à s'engager[A 62],[D 18],[D 19]. D'après Yvonnick Denoël[N 103], le gouvernement britannique finit par accepter les termes de l'accord[N 104], mais la résistance allemande ne parvenant pas à éliminer Hitler, toutes les négociations n'aboutissent à rien[D 18],[R 54].

L'échec des tractations et échanges entre les résistants et alliés déçoit grandement le pape « qui avait décidé d'agir en tant qu'intermédiaire secret entre Londres et les résistants allemands »[A 12]. En transmettant des informations à un État « en guerre avec l'Allemagne » de la part de « comploteurs militaires » préparant un coup d’État, le pape compromet la traditionnelle « neutralité vaticane », et s'expose à des représailles politiques[A 33]. Ainsi, lorsque le contre-espionnage allemand intercepte et décrypte le message codé envoyé par l'ambassadeur belge à Rome qui prévient de l'attaque imminente de la Belgique début mai 1940, information qu'il dit transmise par des officiers allemands via le pape Pie XII, cette information donne à Hitler la preuve que Pie XII complote contre lui. Il ordonne une nouvelle enquête pour débusquer les traîtres dans son armée[A 64]. Plus tard, lors du démantèlement de la cellule de résistance de l'Abwehr, la SS découvre de nouvelles preuves « du rôle du Vatican dans les complots antihitlériens » dans les coffres de l'Abwehr, dont les journaux privés de Canaris[D 10].

À la suite de la chute de la France, des ouvertures de paix continuent d'émaner du Vatican ainsi que de la Suède et des États-Unis mais Churchill répond résolument que l'Allemagne doit d'abord libérer les territoires conquis[24]. Les négociations en fin de compte, se révèlent infructueuses. De plus, les victoires rapides d'Hitler sur la France et les Pays-Bas ruinent la volonté de l'armée allemande de résister à Hitler. Et l'inactivité de l'opposition durant la bataille d'Angleterre exaspère Churchill[25],[R 8]. Le pape garde néanmoins le canal de communication ouvert avec la résistance, espérant « un éventuel retour de fortune »[R 8].

À chaque fois que la résistance allemande envisage sérieusement un attentat contre Hitler, ils reviennent vers le pape pour lui demander de contacter les Britanniques et de confirmer qu'ils respecteront les engagements donnés précédemment de ne pas « profiter de la situation du coup d'État » pour asservir l'Allemagne. À chaque fois Pie XII reprend son rôle d'intermédiaire inconfortable, face à des Britanniques qui se désespèrent d'une résistance qui ne parvient pas à agir concrètement, et des Allemands qui attendent des engagements sérieux. Or l'exigence posée par Roosevelt d'une « capitulation sans conditions » de l'Allemagne lors de la conférence de Casablanca rend ce type de négociation presque impossible. Lorsque le chef de l'OSS, William Donovan, glisse à Müller que « la mort de Hitler rendrait la déclaration de Casablanca nulle et non avenue » les résistants allemands sont satisfaits et interprètent cette déclaration comme une promesse de respecter les accords passés. Il est convenu que les conspirateurs « établiraient le contact avec l'Amérique et l'Angleterre par l'intermédiaire du Vatican, dans le but de négocier un armistice »[R 56].

Le pape ne sert pas uniquement de relais aux Allemands, mais également aux résistants anti-fascistes italiens. Ainsi, avant la destitution de Mussolini en 1943, le pape sert de relais à Pietro Badoglio pour discuter avec les Américains d'un futur armistice. Et après juillet 1943, et la destitution de Mussolini, le nouveau gouvernement négocie un armistice avec les Alliés sous la couverture du Vatican qui sert d'intermédiaire pour ces négociations qui aboutissent, le , à une signature d'un accord[D 16],[R 27].

Le Vatican dans la résistance

Peinture murale à l'honneur de Hugh O'Flaherty, en Irelande.

Au Vatican, des prélats se lancent dans des actions de résistance. Hugh O'Flaherty, prêtre irlandais organise tout un réseau de résistance dans le Vatican, utilisant les couvents et collèges[N 105] de prêtres pour cacher des juifs et des prisonniers de guerre alliés évadés ou en fuite. Pour financer les vivres, nourrir, fournir en vêtements et loger tous ses « protégés », il sollicite l'aide de l'ambassadeur du Royaume-Uni qui lui fait parvenir des fonds via la banque du Vatican, mais aussi les comptes des jésuites[N 106]. O'Flaherty va jusqu'à « monter un service secret d'assistance aux prisonniers de guerre évadés »[D 20],[D 21]. À partir de l'automne 1943, des soldats britanniques arrivent régulièrement au Vatican pour obtenir de l'aide d'O'Flaherty. Les Allemands qui occupent la ville s'en rendent compte. Kappler[N 107] organise une opération pour capturer le prêtre à la sortie de la messe, mais il est informé à temps et échappe à l'embuscade. On lui conseille de rester dans les limites du Vatican, il refuse[D 2]. Son réseau devient très actif et il cache des milliers de personnes (soldats, résistants et juifs). Kappler finit par le cibler en priorité et met de gros moyens pour infiltrer et démanteler son réseau. L'officier allemand finit même par « mettre à prix » la tête du prêtre au printemps 1944. Une partie du réseau O'Flaherty est démantelé, et il doit évacuer une partie de ses protégés dans d'autres caches ou les envoyer à la campagne pour les sortir de Rome, devenu trop dangereuse[D 6].

Eugène Tisserant (en 1939), point de ralliement de la résistance française à Rome.

Le cardinal Eugène Tisserant qui a été un très proche collaborateur du pape Pie XI a conservé de nombreux contacts avec des militaires français et des personnes des services secrets. Il refuse la défaite de la France et la collaboration de Pétain. Très vite, il sert de point de ralliement à tous les résistants français. Les services secrets le surveillent de près et le considèrent comme un espion, si bien qu'il ne peut plus quitter l'enclave du Vatican[D 22]. À partir de 1943, Tisserant devient le « représentant officieux du Général de Gaulle auprès du pape ». Le cardinal recueille et abrite également des juifs et des résistants au fascisme[D 20].

Kappler est persuadé que Tisserant est à la tête d'un vaste réseau d'espionnage du Vatican qui envoie « des norias de prêtres clandestins » en Europe de l'Est, à l'arrière des troupes allemandes, pour convertir les populations (libérées du communisme), à la foi catholique[N 108]. C'est pourquoi il surveille fortement ce cardinal français[D 2].

Lorsque l'Italie entre en guerre, en juin 1940, les diplomates alliés sont expulsés de Rome. Le pape Pie XII donne asile aux diplomates britanniques et français qui s'installent dans des appartements du Vatican. Le diplomate Osborne installe un émetteur radio dans ses appartements et continue de transmettre ses rapports à Londres[D 20]. À la libération de la ville en juin 1944, les diplomates alliés sont remplacés par les diplomates des pays de l'Axe, qui viennent à leur tour chercher l'abri au Vatican vis-à-vis de leurs ennemis qui contrôlent la ville[A 31].

En Allemagne

En Allemagne, sachant que les services secrets allemands essaient de percer toutes les communications des responsables religieux, des membres de l'ordre des jésuites et des dominicains se retrouvent en mai 1941 pour fonder une cellule spéciale de « sept agents secrets » chargée de servir de courrier aux évêchés et responsables religieux. Ces courriers[N 109] vivent dans une « semi-clandestinité », sous la coordination du père Rösch, un jésuite, qui se met en lien avec le père Leiber. Le nom de leur organisation est « le comité »[D 20],[R 57]. La mise en place de ces courriers entre évêchés et avec le Vatican avait été envisagée lors d'une rencontre secrète du pape et de plusieurs évêques allemands en mars 1940. L'organisation de la structure se finalise sous la direction du père Rösch. Même les services secrets allemands ne parviennent pas à l'infiltrer ou le casser. Josef Müller, en lien avec ces hommes, sert de relais de transmission avec le pape[R 58],[R 57].

Si des membres d’Église, et les jésuites en particulier, dans toute l'Allemagne servent de relais à toute la résistance, c'est en Bavière, que les jésuites ont mis en place « un appareil organisationnel solide » permettant de s'opposer aux nazis et de mettre en lien toutes les couches sociales de la société. Willy Brandt (bien que protestant) dit à la fin de la guerre « l’Église catholique constitue la force d'opposition la plus ample et la mieux organisée d'Allemagne »[R 59].

La protection des juifs

Le pape Pie XI, dès la fin de 1938 tente de venir en aide aux juifs persécuté en leur facilitant l'émigration. Il demande à ses diplomates de solliciter tous les pays d'Amérique (nord et sud) ainsi que de l'Australie pour accueillir des juifs persécutés d'Allemagne. Mais tous les pays sollicités refusent d'ouvrir leur frontière aux juifs allemand. Même les étudiants juifs, contraints d'arrêter leurs études, ne seront pas soutenu par les universités américaines[W 21].

Le pape est informé de la solution finale par le nonce de Slovaquie qui lui envoie un courrier donnant un premier rapport. Son courrier qui révèle le camp d’Auschwitz met cinq mois pour rejoindre le Vatican[A 18], il n'arrive qu'au début de 1942[A 36]. Ce n'est qu'au printemps 1942 qu'arrive un nouveau rapport, plus précis, plus détaillé qui donne l'état d'ampleur des massacres en cours en Europe de l'Est[A 37].

Avant l'arrivée des Allemands, le Vatican sert de refuge et de couverture à plusieurs opposants à Mussolini (comme Alcide De Gasperi), ainsi qu'à des savants juifs ou le grand rabbin Umberto Cassuto. Ils sont abrités sur le sol du Vatican, et comme couverture, ils sont officiellement employés à la bibliothèque du Vatican[D 23].

Les troupes SS investissent Rome le . À la fin du mois, Herbert Kappler exige une rançon de 50 kg d'or pour ne pas déporter les juifs romains. Le grand rabbin de Rome, sachant qu'il ne pourra rassembler la somme fait appel au pape qui lui propose de lui faire un prêt en faisant fondre des vases en or. Au total ce sont 15 kg d'or qui sont fournis par des « communautés catholiques » pour aider la communauté juive, sans que le pape n'ai a intervenir personnellement. Comme Kapper rechigne à arrêter les juifs, Hitler envoie le capitaine Theodor Dannecker à la tête d'un détachement de Waffen-SS et la nuit du il rafle un millier de victimes[N 110] qui sont déportés à Auschwitz[D 21],[M 33],[S 21]. Le secrétaire d’État Maglione convoque l'ambassadeur allemand, et lui indique que « Le Saint-Siège n'aimerait pas se retrouver dans l'obligation de prononcer une parole de désapprobation » si les rafles se poursuivaient. Le pape s’abstient de toute déclaration publique immédiates et les rafles s'arrêtent[M 33],[S 21]. Alois Hudal, évêque autrichien proche des nazi écrit le lendemain de la rafle au général Rainer Stahel lui indiquant qu'il « crains que le pape ne prenne position en public contre cette action qui serait sans doute utilisée contre nous par la propagande antiallemande ». Milza écrit que la lettre « aurait immédiatement transmise aux autorités compétentes et à Himmler en personne, qui aurait donné l'ordre de suspendre l'opération »[M 33]. L'ambassadeur Weizsacker avait fait lui aussi un courrier similaire à son gouvernement de Berlin, le lendemain de sa rencontre avec Maglione[S 21]. Le pape « ordonne à toutes les maisons religieuses de Rome d'ouvrir leur portes et d'accueillir tous les réfugiés juifs qui se présenteraient. Au total, 6 000 personnes[N 111] sont hébergées dans une centaine de maisons religieuses et 45 couvents masculins »[8],[D 21],[R 60],[M 34],[S 22],[N 112],[N 113]. Milza écrit que, concernant l'action du pape pour mettre fin aux rafles, « la reconstitution des faits et leur interprétation ne font pas l'objet d'un consensus unanime parmi les historiens »[M 33],[N 114].

Dans Rome occupé par les Allemands, O'Flaherty se met à accueillir et héberger des familles juives en plus des soldats alliés évadés[D 21]. Après la grande rafle d'octobre 1943, un millier de juifs sont encore arrêtés (par petits groupes) par la Gestapo, à l'occasion de rafles dans des caches de O'Flaherty où celui-ci cache des résistants, des soldats et aussi des juifs. Ce ne sont pas les juifs que l'équipe de Kappler cible, mais ils font partie des victimes[D 6]. Ces juifs sont déportés dans des camps italiens[M 33].

Au début 1944, la pression des Allemands sur les territoires et couvents du Vatican s'amplifie, plusieurs arrestations et déportation de réfugiés ont lieu. Le Vatican conseille aux couvents d'envoyer les juifs hors de Rome, dans la campagne pour qu'ils y soient plus en sécurité. Malgré cette évacuation (partielle) des couvents, il reste toujours 3 500 réfugiés dans Rome[D 6].

Lors de la libération de la ville de Rome par les troupes américaines, le , 477 juifs sont réfugiés sur le territoire du Vatican, et 4 238 autres dans des monastères et couvents romains. Le nombre de juifs déportés par les SS se limite à 1 007 personnes[D 7],[R 60], auxquels s'ajoutent un millier d'autres arrêtés postérieurement et envoyés dans des camps de concentration italiens[M 33].

Le , Pie XII écrit au dirigeant hongrois Miklós Horthy « lui demandant d'user de toute son influence afin de faire cesser les tourments des Juifs hongrois ». Horthy promet de faire son possible et ordonne l'arrêt des déportations de juifs. Mais quelques mois plus tard, l'arrivée au pouvoir des Croix fléchées proche du national-socialisme met fin à cette accalmie[M 35],[S 23].

Plus loin de Rome, Angelo Roncalli, alors nonce du Vatican en Turquie (et futur pape Jean XXIII), fournit des milliers de faux certificats de baptême à des juifs, « certifiant qu'ils sont de bons catholiques », leur permettant ainsi de rester en Turquie (qui est neutre). Il aide également des dizaines de milliers de juifs à quitter les pays occupés par les Allemands pour rejoindre la Turquie et la Palestine[D 24],[S 24],[N 115].

Une autre filière d'évasion des juifs est organisée par les résistants de l'Abwehr avec l'aide de l’Église catholique. Canaris monte une exfiltration d'un rabbin de Varsovie vers Brooklyn sous prétexte « d'infiltrer un agent aux États-Unis », et celui-ci envoie de l'argent pour financer des filières d'évasions de juifs d'Europe de l'Est vers la Suisse via un réseau de monastères de la Slovaquie à l'Italie. Les fonds circulent via les comptes du Vatican. Les instigateurs de ce réseau sont membres de la résistance tant militaire que vaticane[R 33]. À travers cette filière[N 116], le Vatican et les services de l’Église mobilisent leurs moyens financiers pour reverser aux juifs qui tentent de sortir d'Europe les sommes collectées par les communautés juives du monde entier et qui affluent vers le Vatican via des fondations d'aide et de soutien juives[N 117]. La banque du Vatican change en dollars les sommes pour les remettre aux intéressés. Le Vatican va jusqu'à faire des avances de fonds importantes[R 61],[S 5]. En Europe, d'autres évêques, comme Gabriel Piguet viennent en aide à des juifs en leur procurant des faux papiers ou en les cachant[R 62].

Pierre Milza, citant Pierre Blet, écrit « Ainsi, jusqu'au bout, les représentants du Saint-Siège menaient leur combat pour arracher les Juifs au sort qui leur avait été réservé dans les desseins des chefs nazis. Même si Pie XII évitait les déclarations publiques que d'aucuns voulaient lui arracher, il pouvait à bon escient écrire le à l'évêque de Berlin [...] Pour les catholiques non aryens et pour ceux de religion juive, le Saint-Siège a fait en fait d'aide charitable ce qu'il était en mesure de faire. Les organisations centrales juives ont exprimé au Saint-Siège leur plus chaleureuse reconnaissance pour son œuvre de secours »[M 36].

Limites et dangers de l'action du pape

Bien que restant publiquement neutre, Pie XII, en acceptant de servir d'intermédiaire entre les Britanniques et certains généraux allemands qui se disent prêts à renverser Hitler (s'ils pouvaient être assurés d'une paix honorable), puis en informant les Alliés de l'invasion allemande imminente des Pays-Bas en mai 1940 viole matériellement sa neutralité (de façade)[12],[17],[25],[D 17],[M 28].

Ce choix fait par Pie XII, le , après une réflexion de seulement 24 h[N 118], d'aider la résistance allemande stupéfie ses conseillers les plus proches, et tous ceux qui l'apprennent plus tard. Un historien ecclésiastique écrit : « jamais, au cours de l'histoire, un pape ne s'était aussi périlleusement engagé dans une conspiration visant à renverser un tyran par la force ». Un officier de renseignement américain écrit durant la guerre que la rapidité de décision du pape d'intervenir en faveur des Allemands est « l'un des événements les plus ahurissants de l'histoire de la papauté moderne ». Même son proche conseiller, le père Leiber dit que le pape « était allé beaucoup trop loin ». Mais il ne parvient pas à le faire revenir sur sa décision[R 63]. De même, quand le père Leiber et Ludwig Kaas, effrayés par la tournure des événements et les menaces proférées par les nazis qui tentent de faire pression sur le pape pour qu'il stoppe ses contacts avec les résistants allemands, celui-ci refuse sèchement[R 25]. Pierre Milza souligne qu'en acceptant de rentrer dans ce jeu d'espionnage, le pape « prend un risque considérable, à la fois pour la Curie et pour lui-même », mais aussi pour les « catholiques allemands et des populations aussi bien des États neutres que des territoires occupés » sur lesquels Hitler aurait pu « se venger avec la plus grande férocité »[M 28],[N 69].

Lorsque les transmissions d'informations faites depuis le Vatican vers les gouvernements belge, néerlandais et français sont interceptées et décodées par les Allemands et les Italiens, la « prétendue » neutralité vaticane n'est plus défendable face aux dictatures fascistes, et leur attitude vis-à-vis du Saint-Siège est plus agressive. Pie XII qui tentait de convaincre Mussolini de rester neutre dans la guerre perd toute crédibilité face au dirigeant italien et il est l'objet d'une violente réaction des fascistes[A 48],[R 25],[N 119]. Et comme le souligne Mark Riebling « trahir les desseins de Hitler envers Paris et Londres[N 120] [en les informant d'une attaque imminente] signifiait que l'on prenait parti dons le conflit mondial »[R 55].

Après l'invasion allemande des États neutres du Benelux, Pie XII fait publier ses condoléances aux souverains de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg, dans un article de l'Observatore Romano qu'il rédige lui-même (en condamnant les « cruautés » de l'invasion, et le « déni de toute justice »). Cet article provoque la colère de l'Allemagne et de l'Italie. Interpellé sur ces messages par Dino Alfieri, l'ambassadeur d'Italie, Pie XII répond qu'il ne serait pas intimidé par les menaces et qu'il « ne craignait pas de tomber dans des mains hostiles ou d'aller dans un camp de concentration ». Dans la rue, les sbires fascistes s'en prennent aux vendeurs de journaux qui diffusent le journal du Vatican, les rouent de coup et jettent leurs exemplaires[26],[R 25],[S 25]. Dans l'échange qui fut « très dur », l'ambassadeur Alfieri avait même glisser au pape de ne pas oublier que « 40 millions de catholiques vivaient dans le Reich »[S 25].

Le , quand l'officier Raymond G. Rocca du contre-renseignement américain vient interroger des responsables du Vatican à la suite de la tentative d'attentat contre Hitler, il est très étonné de découvrir que ceux-ci sont très au courant de la conspiration allemande, et même de plusieurs autres tentatives d'attentats. L'agent américain de comprend pas comment « un haut dignitaire de l’Église avait pu tremper dans des affaires aussi dangereuses » (et encore il n'avait devant lui qu'un monsignor et pas le pape). Le père Leiber lui dit à demi-mot que le pape était au courant[R 59].

Pour Michael Phayer, le pape « rêvait de tenir le rôle de diplomate pacificateur, sauveur de l'Europe occidentale. Pour sauver son crédit, il devait préserver le statut neutre de la Cité du Vatican. [..] Mais il s'est trompé lourdement dans ses négociations avec les résistants allemands », sous-estimant les ambitions des militaires allemands. De plus, les Alliés, très vite après l'entrée en guerre des États-Unis, « ne voulaient entendre parler que d'une capitulation sans condition », rendant toute négociation et accord impossible. Michael Phayer conclut « Pie XII a sacrifié une partie de son crédit moral sur l'autel de ses ambitions diplomatiques »[D 19].

Pour Henri Tincq, la rafle des juifs menée par les Allemands dans Rome en octobre 1943 est le signe d'« un affront personnel » pour Pie XII et montre « l'échec personnel de sa politique de diplomatie secrète »[8].

Le pape, médiateur de paix

L'ambassadeur de la Pologne au Vatican Kazimierz Papée était un critique de Pie XII et de ses efforts de médiation d'avant guerre

Dès , Pie XII annonce un plan pour la paix, dans l'espoir d'une négociation entre les grandes puissances européennes au bord de la guerre[C 10],[D 25],[M 37]. Le premier dirigeant contacté est Benito Mussolini, en passant par l'intermédiaire du Père jésuite Tacchi Venturi[C 11],[M 31]. Avec l'approbation de Mussolini, le lendemain, le cardinal secrétaire d'État Luigi Maglione contacte les nonces de Paris (Valerio Valeri), Varsovie (Filippo Cortesi), Berlin (Cesare Orsenigo) et le délégué apostolique de Londres (William Godfrey)[C 11],[M 31],[S 26]. La réunion proposée au Vatican s'avère peu productive : s'il y a une position cohérente adoptée par le Vatican, notamment au travers de ses diverses communications, c'est celle de l'apaisement[C 12],[S 26]. Le pape tente, en particulier, d'obtenir de la Pologne d'accepter la sécession de la Ville libre de Dantzig à l'Allemagne nazie, une position que l'ambassadeur polonais Kazimierz Papée (en) (l'ancien Haut Commissaire de Dantzig) et le gouvernement polonais ne peuvent accepter[C 13],[S 27]. En , le pape négocie avec les Allemands l'envoi d'un médiateur à Londres pour discuter de la paix sur un texte proposé par le Vatican et l'Italie. Hitler, qui a déjà fixé la date de l'attaque de la Pologne, accepte la démarche, espérant qu'il pourrait via la négociation, faire rompre l'alliance entre la Grande-Bretagne et la Pologne. Mais la démarche est trop tardive, alors que Goering en rend compte à Hitler, le Royaume-Uni déclare la guerre à l'Allemagne[D 25],[M 38],[M 39],[S 27].

En 1940, Pie XII fait pression sur Mussolini pour que l'Italie reste neutre, et n'entre pas en guerre contre la France au côté de l'Allemagne. Son discours pour Pâques 1940 où il attaque en termes à peine voilée une critique de l'attitude belliciste d'Hitler. Ce discours reproduit dans la presse vaticane provoque « la fureur de Mussolini » qui répondra un mois plus tard, « plutôt sèchement », que « la neutralité italienne ne durera pas indéfiniment »[9],[M 39].

En dehors de ces tentatives d'actions, le pape lui-même est vu, à plusieurs reprises, et par différents belligérants, comme un intermédiaire crédible pour tenter de demander la paix à leur adversaire. Les premiers à faire appel à lui sont les résistants allemands au nazisme qui missionnent Josef Müller pour prendre contact avec Pie XII afin de lui demander de contacter les Britanniques pour négocier une paix, une paix honorable, s'ils réussissent à renverser Hitler du pouvoir[A 7].

D'après Owen Chadwick, à la fin de 1942, de hauts responsables italiens approchent le Vatican pour une tentative de paix[C 14]. Puis lorsque Mussolini envoie son gendre, le comte Ciano, comme ambassadeur au Vatican en 1943, les Allemands et d'autres spéculent sur la possibilité de Ciano à négocier une paix séparée[C 15]. D'autres historiens traitant de cette période historique et des négociations de paix via le Vatican n'y font aucune référence[N 121].

En 1943, face aux revers de l'armée allemande, et à la victoire probable des Alliés, le nouvel ambassadeur d'Allemagne à Rome, Weizsäcker, envisage de faire signer un traité de paix séparée avec les Alliés à l'Ouest via la médiation du pape. Il tend des perches à quelques autorités du Vatican, positionnant l'Allemagne nazie comme « rempart contre le bolchévisme », mais voit sa proposition vertement rejetée par son interlocuteur[N 122]. En même temps, il biaise et adoucit ses rapports envoyés à son gouvernement pour tenter de le convaincre que le Vatican pourrait se rapprocher d'Hitler (par peur de Staline). Hitler lui aussi rejette cette médiation. Ce projet s’avère sans suite[A 65],[S 28],[N 123]. Après guerre, Albert Harlt, agent de renseignement de la SS déclare avoir été envoyé par ses supérieurs à Rome pour « entrer en contact avec les puissances occidentales via le Vatican afin de renverser les alliances et lutter ensemble contre le communisme »[D 7].

En 1943, après la destitution de Mussolini par le roi d'Italie et le général Pietro Badoglio, le nouveau gouvernement négocie un armistice avec les Alliés. Le Vatican sert d'intermédiaire pour ces négociations qui aboutissent à une signature d'armistice le [D 16],[R 27],[M 40].

Allen Dulles, agent américain qui tenta en 1945 de négocier un armistice avec les Allemands en Italie, par la médiation du pape.

En , Karl Wolff et Eugen Dollmann (en) contactent des responsables du Vatican pour négocier la fin des combats en Italie du nord. Ils rencontrent Allen Dulles, et demandent en échange de pouvoir traverser librement les cols des alpes autrichiennes. Les Américains informent Moscou mais Staline refuse, craignant que les troupes SS ne soient redéployées sur le front russe. Après différents allers-retours, Wolff finit par apprendre le que les pourparlers sont stoppés sous pression de Staline. Le , Hitler se suicide, et Albert Kesselring propose la capitulation des troupes présentes en Italie[D 15].

Début , alors qu'Hitler fait exécuter les derniers conspirateurs responsables de l'attentat d', Josef Müller emprisonné par la Gestapo, doit être lui aussi exécuté. C'est Johann Rattenhuber, le commandant des gardes du corps d'Hitler qui plaide auprès d'un responsable SS pour ne pas l'exécuter afin qu'il puisse « servir de messager auprès de Pie XII pour négocier une paix séparée » avec les Alliés. Rattenhuber lui sauve ainsi la vie en lui évitant une exécution immédiate[D 10],[R 44],[N 100].

En , Martin Quigley, un responsable de l'OSS à Rome demande à un fonctionnaire[N 124] de la Secrétairerie d’État de faire transmettre à l'ambassadeur du Japon, une proposition de négociation de paix avec l'Amérique. L'ambassadeur japonais craint une « fourberie », se renseigne un peu sur l'émetteur (le Vatican précisant bien que cette initiative ne vient pas de lui, et qu'il n'est que le transmetteur). Finalement, il fait suivre la proposition de négociation à son gouvernement qui ne donne pas suite. Le gouvernement japonais n'ayant que peu de pouvoir face aux militaires, mais également car des négociations secrètes ont déjà été ouvertes via le canal de Moscou, jugé plus fiable par les Japonais[A 66],[D 26]. D'après David Alvarez « Quigley, qui avait agi de sa propre autorité, sans en référer à ses supérieurs », mais d'après Yvonnick Denoël, Quigley aurait reçu de son supérieur Donovan la mission « d'essayer d'ouvrir un canal de communication avec les autorités japonaises via le Vatican ». Quelques semaines plus tard, l'affaire Vessel, discrédite son service et tout est abandonné par les espions américains[A 66],[D 15].

L'aide aux criminels nazis

Le Vatican qui avait mis en place durant la guerre des filières d'exfiltration des juifs hors d'Europe, développe des filières d'exfiltration pour les anciens nazis, SS ou oustachis, leur permettant de quitter l'Europe pour des pays peu regardants d'Amérique du Sud. Cette aide se fait sous l'impulsion (et le financement) des services secrets américains et britanniques qui cherchent à récupérer certaines figures allemandes et anti-communistes pour servir leurs intérêts de lutte contre le communisme en Europe. Yvonnick Denoël écrit : « les services occidentaux n'ont pas seulement laissé faire ou coopéré : ils ont manipulé les agents du Vatican pour servir leurs objectifs ». Ainsi Londres et Washington se mettent d'accord pour que plus aucun prisonnier de guerre oustachi ne soit livré à la Yougoslavie. Leur but est de pouvoir renvoyer « des agents expérimentés en Yougoslavie » [communiste] pour y mener des opérations de renseignement et de sabotage[D 27].

Mark Aarons et John Loftus (en) écrivent[27] « Britanniques et Américains ont passé avec le Saint-Siège des accords visant à aider bon nombre de collaborateurs nazis à quitter l'Europe par le réseau Draganović. Le Vatican n'était en l’occurrence qu'une couverture respectable derrière laquelle ils s'abritaient cyniquement pour masquer leur propre attitude immorale ». Les opérations d'exfiltration des prisonniers de guerre sont financées par les services secrets américains qui espèrent, jusqu'en 1948, que ces oustachis parviendront à renverser le régime de Tito. Une fois sortis d'Europe, les Britanniques les parachutent ensuite au-dessus de la Yougoslavie pour qu'ils puissent aller commettre des sabotages et assassinats ciblés[D 27],[N 125].

Les départs se font essentiellement vers l'Argentine (et d'autres pays autour). La Croix-Rouge fournit des titres de voyages et des passeports. L'exfiltration la plus spectaculaire est celle d'une division entière de la Waffen-SS ukrainienne, soit 11 000 personnes (soldats plus famille)[N 126]. Les services secrets britanniques et américains cherchant à récupérer « les meilleurs éléments » pour aller mener des actions de guérilla (ou de révolution) au sein du bloc de l'Est[D 28],[N 127]. Comme pour Walter Rauff, le plus haut responsable SS des services de sécurité qui travaille plusieurs années pour la CIA et les services secrets italiens avant de partir pour l’Amérique du Sud[D 29].

Le principal chef d'orchestre de la filière d'évasion d'anciens nazis est un prélat autrichien proche des nazis, Alois Hudal. Il est finalement sanctionné par le Vatican en 1952[8]. La filière d'évasion qu'il met en place passe par le collège Teutonicum (en) de Rome dont il est le recteur[28]. Profitant de sa mission pastorale d'aide aux prisonniers de guerre germanophones, il utilise son poste pour aider des criminels de guerre nazis à s’échapper : Franz Stangl, commandant de Treblinka, Gustav Wagner, commandant de Sobibor, Alois Brunner, responsable du camp d’internement de Drancy et chargé des déportations en Slovaquie et Adolf Eichmann[29].

Les médias

Osservatore Romano

Le journal L'Osservatore Romano, publié en italien, est le seul journal en Italie, qui n'est pas censuré par le gouvernement italien[C 16],[A 67],[M 24],[N 128]. En dépit de sa teneur relativement modérée, le journal a été porté aux nues par la presse britannique et française et vilipendé par le régime fasciste italien de presse[C 17].

Pour contrer la propagande de la presse italienne, l'ambassade américaine demande à Joseph Patrick Hurley (en) de faire publier quelques articles de presse dans l'Osservatore Romano et Radio Vatican, qui sont les seuls médias échappant à la censure fasciste en Italie. De 1939 à 1940, plusieurs articles sont publiés par Hurley[N 129] provoquant la fureur de Mussolini contre cette « subtile propagande contre l'Axe ». Des menaces claires sont exprimées contre les journalistes de presse et de radio, un rédacteur adjoint est arrêté et emprisonné. En août 1940, Hurley est nommé comme évêque aux États-Unis et quitte Rome, faisant retomber la pression entre le Vatican et Mussolini[A 67].

Le [N 130], le journal cesse de publier (sur demande du pape) des articles sur la guerre qui ne sont pas rédigés par le « communiqué officiel de guerre italienne », en accord avec le gouvernement italien[C 18],[S 29],[N 131]. Après l'invasion de la Belgique et des Pays-Bas, les condoléances du pape aux deux souverains provoquent la colère des fascistes. Dans la rue, les sbires fascistes s'en prennent aux vendeurs de journaux qui diffusent le journal du Vatican, les rouent de coups et jettent leurs exemplaires[26],[R 25]. En , les bulletins météorologiques sont également éliminés lorsque le gouvernement italien proteste qu'ils pourraient aider les avions britanniques[C 19].

Radio Vatican

L'émetteur de Radio Vatican est installé en 1931. Avant cette date le Vatican ne disposait d'aucune installation radio. En plus des émissions en clair, l'émetteur permet d'envoyer des messages radio aux différentes nonciatures sur la planète. Même si ces émissions de messages secrets diplomatiques sont cryptées, elles sont très vite décryptées par les services secrets italiens qui ont volé les codes de chiffrage du Vatican[A 47],[M 24]. Il faut attendre les nouveaux codes mis en place à partir de 1940 pour disposer d'un meilleur niveau de sécurité diplomatique.

Radio Vatican était dans une situation similaire ; par exemple, elle cesse de donner des nouvelles des prisonniers de guerre : le gouvernement italien s'inquiète des allusions aux emplacements de ses navires[C 20]. Elle cesse également les rapports météo, pour la même raison[C 20]. Après que le cardinal August Hlond diffuse un message enflammé, à la Pologne, en langue polonaise (émission qui ne pouvait guère être écoutée en Pologne), « aucune émission de la sorte n'a été autorisée à nouveau »[C 21]. Après des plaintes de l'Allemagne, la radio cesse toute discussion sur la situation en Pologne et cesse d'évoquer la situation de l’Église en Allemagne[C 22],[S 30],[N 132]. Pie XII y parle personnellement à plusieurs reprises, notamment lors de son discours de Noël 1942 où le pape évoque à mots couverts la situation des Juifs en Europe[8],[R 34],[M 41],[K 10].

Le , les Italiens bombardent le Vatican : le raid échoue. Les Italiens sont convaincus que Radio Vatican envoie des messages codés aux Alliés[30]. En 2010, il est révélé que l'attaque est une tentative délibérée de frapper la station de radio du Vatican[30].

L'impossible parole publique

Les prises de paroles

S'il a été reproché au Vatican un « manque de prise de paroles », celles-ci ont tout de même eu lieu, avec parcimonie, au début de la guerre.

En 1934, après la victoire nazi aux élections, une première vague d'antisémitisme se répand en Allemagne. Pacelli, qui n'est pas encore pape, « tente vainement de l'arrêter en menaçant de publier un livre blanc dénonçant les actes terroristes perpétrés par les SA et les SS »[M 11].

En 1937, le pape Pie XI, rédige dans le plus grand secret une encyclique critiquant fermement le nazisme « Mit brennender Sorge » ((fr) Avec une brûlante inquiétude). Ce texte a été rédigé par le secrétaire d'État Eugenio Pacelli (en raison de sa connaissance de l'Allemagne et en collaboration avec les évêques de ce pays). L’Église allemande organise dans le plus grand secret son impression et diffusion auprès de tous les prêtres allemands, et le dimanche des Rameaux, les curés lisent aux fidèles le texte qui « dénonce les violations incessantes du concordat de 1933 et condamne explicitement la glorification nazie de la race et de l’État ». Cette opération, parfaitement menée prend totalement au dépourvu le SD, et le régime nazi. Elle soulève un tollé parmi les responsables nazis[A 68],[D 1],[8],[R 1],[M 10], et un grand « soulagement » par les catholiques allemands qui y voient (d'après B. Koehn) « une véritable déclaration de guerre spirituelle au nazisme »[K 5],[N 133].

La première encyclique du pape, durant la guerre, Summi Pontificatus est promulguée le [31]. Dans ce texte qui condamne le racisme, les violences faites aux juifs, les gouvernements totalitaires et le matérialisme, Pie XII condamne ouvertement le nazisme[R 14],[M 42],[S 31],[N 134] :

« Dieu "a fait sortir d'une souche unique toute la descendance des hommes, pour qu'elle peuplât la surface de la terre, et a fixé la durée de son existence et les limites de son habitacle, afin que tous cherchent le Seigneur " (Act., XVII, 26-27.) »[31] « Au milieu des déchirantes oppositions qui divisent la famille humaine, puisse cet acte solennel proclamer à tous Nos fils épars dans le monde que l'esprit, l'enseignement et l'œuvre de l'Église ne pourront jamais être différents de ce que prêchait l'apôtre des nations: " Revêtez-vous de l'homme nouveau, qui se renouvelle dans la connaissance de Dieu à l'image de celui qui l'a créé; en lui il n'y a plus ni Grec ou juif, ni circoncis ou incirconcis; ni barbare ou Scythe, ni esclave ou homme libre: mais le Christ est tout et il est en tous »(Col., III, 10-11.) »[31]

La presse mondiale reconnaît avec enthousiasme l'attaque contre le nazisme. Le New-York Times écrit « Le pape condamne les dictateurs, les violateurs de traités, le racisme ». L'agence télégraphique juive écrit pour sa part : « Bien que l'on se soit attendu à ce que le pape s'attaque aux idéologies hostiles à l’Église, peu d'observateurs avaient envisagé un texte au contenu aussi cinglant »[R 14].

Malgré une intense activité d'arrière-scène, Pie XII s'abstient d'émettre des déclarations publiques qui prendraient parti dans le conflit en condamnant officiellement les attaques des Allemands contre la Pologne ou la France[C 23],[S 32]. Cependant, après l'invasion allemande des États neutres du Benelux, Pie XII fait publier ses condoléances aux souverains de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg, dans un article de l'Observatore Romano qu'il rédige lui-même (en condamnant les « cruautés » de l'invasion, et le « déni de toute justice »)[R 25],[N 135].

Lors de l'invasion de la Pologne, les forces allemandes arrêtent et déportent des centaines de prêtres, 400 religieuses sont déportées dans un camp de travail « aux conditions extrêmes », les séminaires sont vidés, des églises détruites à l'explosif. Face à cette attaque en règle des nazis qui « cherchent à éradiquer méthodiquement l’Église catholique » de Pologne, le Vatican hésite à formuler des protestations « par crainte de fournir un prétexte pour aggraver encore les persécutions »[D 3]. Lorsque Radio Vatican donne des nouvelles précisions sur les exactions et crimes commis en Pologne, c'est le clergé polonais qui contacte le Vatican « déplorant les répercussions de ces émissions qui aggravent les persécutions ». Le pape se résout alors « au silence et à l'action secrète »[R 21].

Dans son message de Noël 1940, le pape se félicite d'avoir pu « consoler, par l'aide morale et spirituelle ou par l'obole de nos subsides, un nombre immense de réfugiés, d'expatriés, d'émigrants, spécialement parmi les Non-Aryens »[8]. Dans son message de Noël 1942, le pape évoque, sans prononcer le mot juif, « les centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, pour le seul fait de leur nationalité ou de leur origine ethnique, sont vouées à la mort ou à une progressive extinction »[M 41],[S 33]. Si dans son texte, le pape n'utilise pas le mot « juif », il utilise le mot italien « lignée » que les Italiens utilisaient comme un euphémisme pour désigner les juifs[8],[R 34]. Si les Alliés « regrettent que le pape ne soit pas allé assez loin », ce n'est pas l'absence du mot « juif » qui les a gênés, mais bien celui de « nazi » qui n'a pas non plus été cité[R 34]. C'est ce que lui dit quelques jours après le représentant américain Tittman, qui se dit très déçu par le contenu du message, à la grande surprise du pape, qui estimait avoir été très clair dans sa condamnation des crimes nazis. Le pape précise « qu'il ne peut pas citer directement les nazis, sans citer en même temps les [crimes] bolcheviques, et qu'à son avis, cela n'aurait sans doute pas plus aux Alliers »[M 41],[S 33],[S 34]. Le , le pape écrit néanmoins à Konrad von Preysing que son message sur les persécutions juives a été « court, mais cela a été bien compris ». Il ne précise pas dans son courrier « par qui »[S 35],[S 36].

À partir d'octobre 1940, et de son encyclique Summi Pontificatus qui condamne clairement le nazisme, le pape n'utilise plus jamais le mot « juif » dans ses déclarations. C'est, d'après Mark Riebling (en), ce même jour où il signait ce texte, que le pape Pie XII « fit le choix historique d'aider à assassiner Adolf Hitler »[R 14].

Les réactions de rétorsion

Le texte de l'encyclique Mit brennender Sorge publiée en 1937, émaillé de « protestations et de jugements extrêmement cinglants » envers le gouvernement et la politique raciale nazis, est jugé par Albert Harlt comme « une demande au monde entier de s'insurger contre le Troisième Reich »[R 6]. En riposte, Hitler déclare qu'il veut « la destruction de l’Église ». Des religieux sont jugés dans des procès collectifs, le palais du cardinal de Vienne est saccagé, la chapelle brûlée, et un vicaire défenestré[R 1],[M 12],[N 136].

D'après Yvonnick Denoël, les « quelques phrases très allusives [du message de Noël 1940] ne dérangèrent nullement les Allemands »[D 9], mais Mark Riebling écrit que les nazis avaient clairement compris qu'ils étaient visés. Le ministre allemand Ribbentrop téléphone à l'ambassadeur à Rome. L'analyse du texte faite par les services secrets de la SS estime qu'il s'agit « d'une longue attaque contre tout ce que nous défendons »[N 137]. Un pasteur protestant est même arrêté, et échappe de peu à la peine de mort pour avoir « distribué des copies du texte du pape, au lieu de les détruire ». Le tribunal militaire jugeant le document « subversif et démoralisateur »[R 34].

Les injonctions au silence

Dès l'accession d'Hitler au pouvoir et les premières mesures de persécutions contre les juifs, le pape Pie XI et le cardinal Pacelli envisagent d'effectuer une protestation publique contre les mesures nazi. Le ils demandent au nonce apostolique en poste à Berlin de proposer une action. Quelques jours plus tard, celui-ci écrit au Vatican que la mesure anti-juive (l'exclusion de tous les juifs de la fonction publique) ayant été prise par un texte de loi, il estime « qu'une intervention du représentant du Saint-Siège serait maintenant l'équivalent d'une protestation contre une loi de l’État allemand ». Et il ajout « qu'il est impensable de s'immiscer dans les affaires intérieures de l’État auprès duquel il [le nonce] était accrédité ». De plus, le nonce rappel à ses supérieurs que « n'ayant pas protesté officiellement, dans les années passées, contre la propagande anti-allemande, le Saint-Siège ne pouvait rien faire s'agissant de l'actuelle persécution des juifs, faute de quoi il donnerait l'impression d'être plus sensible aux affaires juives qu'aux affaires allemandes ». Le nonce conseil au Vatican de ne pas intervenir dans la « question juive », mais de laisser les évêques allemands évoquer librement la question et faire des protestations officielles à leur niveau. Ce sera la position de Pie XII durant toute la guerre, sans pour autant demander explicitement aux évêques de le faire[W 22].

Quelques jours avant la publication de Summi Pontificatus en octobre 1940, le pape prend la décision de s'investir en faveur de la résistance allemande pour renverser Hitler. À la demande des généraux allemands qui lui enjoignent de « s'abstenir de toute déclaration publique stigmatisant les nazis », le pape modifie légèrement son texte au dernier moment, retirant les piques les plus sévères. Ce texte publié est le dernier où le pape utilise le mot de « juif » dans une communication publique[R 63]. Après la guerre, c'est Josef Müller lui-même qui confirme à Harold Tittmann (en)[N 138] que c'est la résistance allemande qui avait demandé à Pie XII de s'abstenir de faire des déclarations publiques dénonçant et condamnant les nazis. Les opposants à Hitler redoutaient qu'une réaction violente des nazis ne complique leur action souterraine, que les catholiques ne soient encore plus mis sous surveillance par la Gestapo, et qu'ils ne soient ainsi bloqués dans leurs actions de résistance et tentatives de coup d’État[R 64].

En mai 1942, le pape apprend d'un témoin l'ampleur du génocide des juifs. Fin juillet (ou début août), le pape décide de publier une protestation officielle dans le journal l'Observatore Romano. Le père Leiber découvre le texte par hasard, il s'agit de la « protestation la plus vigoureuse jamais formulée à l'époque contre la persécution des juifs ». Le prêtre insiste fortement pour que le pape ne publie pas le texte, lui rappelant ce qui est arrivé en juillet 1942 : après la publication d'une lettre pastorale de l'épiscopat hollandais, les nazis ont déclenché des rafles systématiques de juifs hollandais dans tout le pays, y compris les convertis au catholicisme, jusque dans les couvents. Au total 40 000 juifs hollandais[W 22],[K 10],[S 37],[N 139],[N 140] ont été déportés et exterminés. Le père Leiber lui met en avant que si une protestation d'évêques a coûté 40 000 vies, combien coûterait une protestation du pape ? Le pape cède et renonce à son texte[8],[R 34]. En France, à la même période, Pierre Laval avait fermement rappelé au nonce apostolique Rocco[Qui ?] « que si le clergé venait à donner asile au juifs destinés à la déportation dans des églises ou des monastères, il n'hésiterait pas à les en faire sortir à l'aide de la police »[S 38].

En janvier 1943, la tension monte depuis plusieurs mois entre le Vatican et le gouvernement allemand concernant les persécutions en Pologne. Face au diplomate allemand von Bergen qui tente d'assouplir la position de son gouvernement, le ministre Ribbentrop lui répond, via une série de notes très fermes, lui donnant la position du gouvernement nazi : si le Vatican sort de son silence pour publiquement dénoncer les persécutions dont sont victimes les polonais, alors le gouvernement du Reich ripostera avec force « pour rendre chaque coup que le Vatican essayerait de porter », et que la situation ne serait pas « au désavantage de l'Allemagne ». Face aux menaces explicites et au refus de Berlin de négocier, la Curie et le pape renoncent à leur parole publique[S 9],[N 20].

Enfin, les Alliés eux-mêmes, au début de la guerre, ont demandé au pape « de ne pas lancer d'appel en faveur des juifs ». Le diplomate Sir D'Arcy Osborne a influé sur le pape et l'a convaincu de ne pas « lancer d'appel en faveur des juifs de Hongrie car cela aurait de très graves répercussions politiques ». Mark Riebling explique que « les Britanniques craignaient de contrarier Staline, car la condamnation d'atrocités spécifiques risquait de révéler le massacre commis par les Soviétiques de 20 000 officiers polonais prisonniers dans la forêt de Katyn »[R 64]. Et Riebling de conclure que Pie XII, soumis à des pressions contradictoires, s'abstint de parler en public et œuvra en secret[R 64],[M 36].

Les pressions pour que Pie XII prenne partie

Après le début de l'invasion de l'URSS, les dirigeants nazi font pression sur le pape, « l'invitant en tant que chef de la Chrétienté, à bénir la croisade lancée par les dirigeants de l'Axe contre la Russie bolchevique ». Le pape rejette systématiquement ces appels de plus en plus pressant, car même s'il estime que « le communisme est bien une idéologie intrinsèquement perverse », le nazisme et le fascisme ne valent guerre mieux[M 16],[M 1],[S 14]. Les diplomates allemands en poste au Vatican rapportent à Berlin qu'avec une chute du communisme et une victoire des nazi, les dirigeants de l’Église catholique redoutent de tomber de Charybde en Scylla[S 14].

Dès 1942, Roosevelt envoie auprès du pape Myron Taylor, afin de faire pression sur Pie XII pour qu'il prenne parti dans le conflit en commençant par dénoncer « les atrocités commises à l'égard des ennemis du Reich, à commencer par les Juifs ». Roosevelt voulait aussi que le Vatican accepte également « de se lier plus ou moins à la coalition qui avait inscrit la liberté religieuse et la liberté d'expression parmi ses buts de la guerre » (via la Charte de l'Atlantique). « Mais le Saint-Siège n'avait pas complètement réglé le problème que posait la participation de la Russie communiste et athée à cette coalition. Pour Pie XII, Staline demeurait l'ennemi principal du catholicisme et de la civilisation ; pour Roosevelt, ce rôle était tenu par Hitler ». Le pape ne se laisse pas impressionné par Taylor, et répond que « le Vatican s'était suffisamment avancé sur la voie de la dénonciation des violences nazies pour qu'il n'eut pas à se justifier sur ce point ». Et qu'il n'était « pas enclin à faire une distinction entre les revendications morales des belligérants »[M 27],[S 18]. Des diplomates d'autres pays (Grande-Bretagne, Pologne, Belgique, Yougoslavie, Brésil, et d'autres pays d'Amérique du Sud) tentent de s'unir pour faire pression sur le pape et obtenir de lui la même condamnation des persécutions juives par le pape, mais sa « réponse reste invariablement que le pape, dans ses discours, a déjà condamné les atteintes portées à la morale en temps de guerre et qu'être plus spécifique ne pourrait que faire empirer la situation »[S 18],[N 141].

Après les victoires alliés (El Alamein, mer de Corail, Midway), Harold Tittmann (en) vient voir le pape au nom du président américain pour obtenir de lui une « dénonciation sans équivoque de l'extermination des Juifs par les nazis ». Mais le pape lui répond « qu'il a déjà, dans ses discours, condamné les atteintes portés à la morale en temps de guerre et qu'être plus spécifique ne pourrait que faire empirer la situation »[M 41],[S 19],[N 142]. Quelque temps plus tard, les trois puissances alliés (États-Unis, Grande-Bretagne, URSS) demandent au pape « de s'associer à une déclaration commune concernant la persécution et extermination des Juifs. Pie XII refuse catégoriquement ». Dans sa réponse, le pape explique qu'il « ne pouvait pas condamner les atrocités "particulières", pas plus qu'il ne pouvait approuver les chiffres des victimes qui n'auraient pas été contrôlés par ses soins ». Un peu plus tard il dira a Tittman, qu'il « ne pouvait pas citer directement les nazis sans citer en même temps les bolcheviques, ce qui, pensait-il, n'aurait pas fait plaisir aux Alliés »[M 41]. Pierre Milza souligne que si Roosevelt et Churchill tentent de faire pression pour que le pape dénonce le génocide juif, eux-mêmes rechignent à prendre la parole, pour des questions de politique intérieure (Roosevelt crains un afflux d’immigrants en Amérique, et Churchill en Palestine)[M 25],[N 143].

À la veille de Noël 1942, le gouvernement américain tente une nouvelle fois de faire pression sur le pape pour l'amener à prendre ouvertement position contre les persécutions nazi en dépêchant leur représentant Tittmann. Sans succès[S 39].

Dilemme et choix de Pie XII

Pierre Milza écrit : « Le dilemme auquel Pie XII aurait été confronté dès son élévation au pontificat [est de] résister avec fermeté aux pression hitlériennes, à l'instar du pape Ratti, ou réagir mollement, dans la crainte de voir Hitler se venger des catholiques allemands. La question était d'autant plus difficile à résoudre que la menace, selon lui, ne venait pas seulement du Fuhrer, mais également de Staline ». Dans une lettre pastorale, datée du , et qui expose la situation des évêques allemands pris entre le péril communiste[N 144] et la menace hitlérienne, Pacelli rappelle que des violents mouvements d'humeur et de dépit pourraient faire le lit du bolchevisme. Pie XI et Pacelli sont soucieux d'effectuer le sauvetage du catholicisme allemand[N 145], soit par la négociation sur la base du concordat avec le Reich, soit par l'affrontement direct avec le gouvernement hitlérien. La difficulté étant de trouver la bonne solution[M 17]. Et Barbara Koehn (de) de poser la question : « Les Églises[N 146], dont le pouvoir politique était inexistant, avaient-elles le droit d'exposer les leurs à encore plus de persécution et mettre ainsi en péril leurs oeuvre d'aide et de soutien ? »[K 11].

Ce dilemme se posait déjà pour Pie XI qui se demandait s'il devait « entrer en conflit ouvert avec le national-socialisme en dévoilant la nature profonde de son idéologie et la barbarie des actes commis par ses adeptes », mais écrit Milza « Ces paroles de feu destinées à faire le procès des crimes du racisme et de l'antisémitisme, Pie XI avait eu cent fois l'envie de les prononcer. Mais il s'en était généralement abstenu, par crainte de déchaîner des réactions de violence dans une population encore fortement sensibilisée par les souvenirs de la défaite et de la guerre civile »[M 43], et son successeur d'exprimer la même crainte après sa rencontre avec Dino Alfieri : « Les Italiens [..] savent certainement très bien les choses horribles qui se passent en Pologne. Nous devrions dire des paroles de feu contre des choses pareilles, et la seule chose qui Nous retient est le fait de savoir que, si Nous parlions, Nous rendrions encore plus dure la condition de ces malheureux »[M 43],[N 147].

Pour Milza, « combattre le totalitarisme national-socialiste impliquait qu'on sût en mesurer les forces et en décrypter le discours. Quel crédit accorder à la logorrhée hitlérienne ? Les dirigeants du IIIe Reich étaient-ils déterminés à faire subir aux catholiques récalcitrants le même sort qu'aux juifs ? Quelle était, dans les choix que Pie XII allait devoir assumer en réponse aux intimidations allemandes, la part de l'idée qu'il se faisait de la volonté criminelle des décideurs allemands, et par conséquent du caractère hautement risqué de toute forme de protestation ? Il fallait donc pouvoir disposer de sources variées et crédibles : le Vatican n'en manquait pas, ce qui ne veut pas dire qu'il en faisait un usage permanent »[M 26].

Le cardinal Pacelli développe alors un art oratoire lui permettant de critiquer fermement les gouvernements totalitaires, tout en ayant les moyens d'esquiver leurs reproches. Ainsi, lors d'un voyage à Budapest avant la guerre, le futur Pie XII prononce un « discours de guerre » contre « les hordes barbares déferlant sur l'Europe », avec « assez de doutes sur la cible visée - communisme ou national-socialisme - pour que le secrétaire d’État et plus tard le souverain pontife pût y faire référence en fonction du contexte politique et idéologique du moment », expliquant qu'il parlait de l'un ou de l'autre[M 44]. Déjà en 1937, Pacelli s'était opposé à la rédaction d'une encyclique condamnant ouvertement (et uniquement) le national-socialisme. Mais il avait accepté l'idée d'une encyclique condamnant les exactions nazi en même temps qu'une expansion du communisme en Europe (à la suite de la Guerre d'Espagne). « Cette réprobation symétrique assurait à ses yeux l’impartialité du Vatican »[W 19].

Hubert Wolf écrit que le cardinal, toujours maître de lui était « toujours soucieux de [trouver] un compromis » et qu'ainsi il évitait « tout ce qui était susceptible de mettre de l'huile sur le feu »[W 23],[N 148]. En dehors de l'attitude conciliante de Pacelli, Saul Friedländer, écrit que « souvent, le Saint-Siège cache son opposition aux projets d'un gouvernement sous les apparences d'une amabilité extérieures qui peut tromper »[S 40].

Pacelli va laisser aux évêques allemands la charge de la critique des exactions nazi, et pour lui, se réserver la voie diplomatique[M 42],[R 61],[W 24],[N 149]. Mettre en avant les évêques (et laisser le Vatican s'abstenir de toutes critiques directes) était « une tactique appréciée de Rome lorsque la Curie souhaitait rester à couvert pour garder ouverte toutes les options possibles ». Cette stratégie était déjà en usage au Vatican avant l'arrivée des nazi au pouvoir[W 25]. Cette politique de charger les évêques allemands de la critique directe du gouvernement était encouragée et soutenue par de rares évêques comme von Galen qui a écrit à Pacelli en ce sens dès mars 1936. Mais Galen qui n'hésitera pas à avoir une parole forte et claire dans de nombreux sermons[N 150] se lamentera également de la faiblesse et du silence de la majorité de ses collègues[W 26]. H. Wolf écrit que Pie XII aurait aimé s'exprimer publiquement, mais qu'en « sa qualité de pape et de pasteur suprême des catholiques du monde entier, [il] avait les mains liées. Le pape avait une obligation de neutralité politique. Il ne pouvait par conséquent jeter publiquement l'anathème sur les nazis »[W 24],[N 151]. L'inquiétude de Pie XII face aux possibles rétorsions sur les catholiques allemands par les nazis s'ils venait à prendre une parole forte le retiendront de nombreuses fois de parler et critiquer les actions du régime nazi (comme lors de l'invasion de la Pologne[M 38],[N 152], du Danemark et de la Norvège[M 32],[N 153] ou le début de l'holocauste[M 13],[N 154]). Le risque de représailles à grande échelle était également encouru, d'après Pierre Milza, si Hilter découvrait l'aide que Pie XII apportait à la résistance allemande qui cherchait à éliminer le dictateur. Ainsi, l'historien écrit qu'Hitler « aurait sans doute cherché à se venger avec la plus grande férocité, et ce aux dépens des catholiques allemands et des populations aussi bien des États neutres que des territoires occupés », s'il avait appris la « trahison » du pape[M 28],[N 69]. Comme l'avait déjà sous-entendu en mai 1940, le diplomate italien Alfieri, lors d'un entretien avec le pape[S 25].

Ce dilemme (parler ouvertement ou non) est également exprimé par l'évêque de Münster, von Galen dans un de ses sermons où il dit : « il serait arrogant et déplacé vis-à-vis de mes très honorables confrères, peut-être même insensé et absurde de me distinguer par une « fugue dans la publicité », risquant de provoquer ainsi des mesures encore plus brutales contre l’Église »[M 8].

Ne pouvant parler, mais menaçant de le faire, John Cornwell écrit « qu'il commence alors un jeu de cache-cache diplomatique : Pacelli brandissait la "menace" d'une dénonciation papale, tandis que les représentants du Reich, en faisant mine d'être toujours disposés à négocier, essayaient de retarder le plus possible la protestation officielle de Pie XII »[M 7]. Konrad Repgen exprime une idée semblable lorsqu'il écrit « Pour lui, l'alternative ne consistait pas simplement parler ou bien se taire; la question était plutôt : quel degré de clarté la parole requise du fait de son ministère doit-elle avoir, et à quel point a-t-elle le droit d'être concrète compte tenu des conséquences »[32]. Hubert Wolf illustre cette idée en donnant l'exemple du message de Noël 1942 en écrivant que Pie XII « croyait être allé aussi loin que possible pour ne pas mettre en péril la marge de manœuvre diplomatique de la Curie et pouvoir continuer à agir pour sauver les juifs »[W 22]. La crainte de représailles en cas de paroles trop forte amènera également un certain nombre d'évêques à parler à mots couverts (H. Wolf écrit « de manière codée ») lorsqu'ils feront des protestations en faveur des juifs[W 27].

Si le pape redoutait une réaction violente et une persécution des régimes nazi ou fasciste, il s'agissait de persécutions contre les civils (catholiques, voir juifs[M 45],[8],[N 155]), mais non contre lui-même. Déjà Pie XI avait exprimé cette idée en déclarant en 1938 :« Nous sommes disposés aux catacombes, pas au ridicule »[M 43],[N 156]. En 1940, Pie XII aura une réplique similaire devant l'ambassadeur italien, lui disant « qu'il était prêt, si tel devait être son sort, à finir dans un camp de concentration »[M 32],[N 157].

Une situation intenable pour le pape

Dans une lettre à Konrad von Preysing, le , Pie XII écrit que l'expérience des réactions allemandes en 1942 à la suite des publications lui impose de « limiter ses déclarations », et qu'il préfère aider les juifs par l'action plutôt que par la parole. Dans sa lettre, il dit « nous laissons aux évêques et archevêques en fonction sur place, le soin d'apprécier, si, et en quelle mesure, le danger de représailles et de pressions [...] incite à la réserver - et ce malgré les raisons qu'il y aurait d'intervenir - afin d'éviter de plus grand maux ». Le pape laisse libre chaque responsable de juger s'il doit parler ou non, tout en louant les « paroles claires et nettes » de certains ecclésiastiques[R 61],[S 34]. Malgré cette ligne de conduite, ce relatif silence est mal vécu par Pie XII lui-même qui s'inquiète de son interprétation. Ainsi, en octobre 1941, il fait part à Angelo Roncalli de son inquiétude que son « silence au sujet du nazisme ne puisse être mal jugé »[R 65],[M 46],[N 158].

Enfin, le , dans une allocution devant le Collège des cardinaux, il vole au secours des victimes de discriminations, « livrées, même sans faute de leur part, à des mesures d'extermination ». Mais il poursuit « Toute parole de notre part, toute allusion publique devrait être sérieusement pesée et mesurée, dans l'intérêt même de ceux qui souffrent, pour ne pas rendre leur situation encore plus grave et insupportable »[N 155]. La même année, il écrit à un évêque : « Là où le pape voudrait crier haut et fort, c'est l'expectative et le silence qui lui sont imposés »[8],[M 45],[S 41]. C'est pourquoi, quand les SS raflent à Rome un millier de juifs, sous les propres fenêtres du pape, celui-ci, au lieu d'émettre une protestation publique convoque l'ambassadeur allemand pour s’entretenir discrètement avec lui. La rafle est suspendue et 4 000 Juifs de Rome trouvent asile et restent cachés dans des couvents et collèges catholiques[8],[D 21],[M 33],[M 34].

Suites et conséquences

Dans l'Italie de l'immédiate après-guerre

Avant même la libération de Rome, et durant son occupation par les allemands, l’Église met en place des convois de vivres pour ravitailler les couvents et la ville qui ont faim. Il faut faire venir des campagnes et des zones libérées par les alliés, des vivres collectés par des associations caritatives. Le pape encourage ces actions en publiant même un article dans l'Osservatore romano en octobre 1943[M 34]. Une fois Rome libéré, le Vatican injecte plusieurs millions de lires dans une organisation regroupant l’État, l’Église et la Croix-Rouge italienne, qui a pour but de faire ravitailler en nourriture les villes italiennes affamées[M 47]. L'autorité du pape sort renforcée du conflit. « L’Église catholique est apparue comme la seule institution à laquelle les italien pouvaient plus ou moins durablement se raccrocher. De là, l'immense popularité dont jouissait le pape et la crainte éprouvée par ce dernier de ne pas être en mesure de faire face à la menace d'un coup d’État ou d'une insurrection communistes »[M 48].

Les Alliés entrent à Rome les 4-[C 24]. Le pape est la personne la plus influente d'Italie à cette époque et, compte tenu du discrédit du roi Victor-Emmanuel III, il est même question d'étendre le pouvoir temporel[N 159] de la papauté[C 24]. Le pape accorde des audiences aux soldats alliés et aux dirigeants qui sont largement photographiés[C 25].

Si le pape refuse de prendre position lors du référendum sur la nouvelle constitution (vote pour une république ou monarchie)[M 49], il s’investit fortement pour les élections de 1948 qui voient s'affronter le bloc démocrate-chrétien au Front démocratique populaire qui faisait peser une « menace communiste » sur l'Italie[M 50]. Mais lorsque le gouvernement américain, à partir de 1947, lance une « croisade anti-communiste » et tente d'y embrigader le Vatican, Pacelli, « réaffirme qu'il entend maintenir l'équidistance du Saint-Siège, autrement dit sa neutralité, dans un conflit » Est-Ouest naissant[M 51]. Mais les persécutions (arrestation et condamnations d'évêques et de religieux) dans les Églises situées de l'autre côté du rideau de fer amènent un raidissement de la position du Vatican qui fait du pape « une cible de la propagande lancée par les communistes en Occident après la signature du Pacte atlantique en 1949 »[M 52].

Pie XII s'était abstenu de nommer des cardinaux pendant la guerre. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y avait plusieurs postes de premier plan vacants, parmi eux : le Cardinal secrétaire d'État, le camerlingue, le chancelier apostolique et le préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique[C 26]. Pie XII nomme 32 cardinaux au début de 1946 après en avoir annoncé l'intention dans son message de Noël précédent.

Relations avec la Pologne

Cesare Orsenigo (à gauche avec Hitler et von Ribbentrop), nonce apostolique d’Allemagne et de facto nonce de Pologne

L'Allemagne et l'Union soviétique, puissances occupantes, demandèrent plusieurs fois à Pie XII de réorganiser les diocèses catholiques conquis, ce qui leur fut régulièrement refusé. Toutefois, la décision de Pie XII de nommer des administrateurs apostoliques allemands en Pologne occupée fut l’une de ses décisions les plus controversées[33]. Cette décision fut la motivation principale du gouvernement provisoire polonais pour déclarer, en 1945, nul et non avenu le concordat de 1925 (traité entre le Vatican et la deuxième république de Pologne). Ceci eut des conséquences capitales pour les relations d'après-guerre entre la Pologne et le Vatican. Il n'y eut pas de nonce apostolique en Pologne entre 1947 et 1989.

Développement du renseignement

Après la guerre, le Vatican tente de former des prêtres, essentiellement des jésuites, pour aller secrètement derrière le rideau de fer, reprendre contact avec les populations chrétiennes catholiques persécutées par le régime soviétique[N 160] et dont Rome n'a plus aucune nouvelle. Ces prêtres sont formés dans le collège Russicum, avec des techniques proches des agents secrets[D 30]. Ces opérations sont encouragées, soutenues techniquement et financièrement par les services secrets français (Sdece), américains (CIA) et britanniques qui y voient un avantage pour récupérer des informations sur ce qui se passe derrière le rideau de fer. Ils fournissent la logistique pour parachuter les « missionnaires du Vatican », en même temps que leurs propres agents[D 30].

L'opération tourne au fiasco et doit être arrêtée après quelques années car tous les prêtres (de même que les autres agents secrets) sont systématiquement arrêtés après leur arrivée sur le sol soviétique : le KGB et la Guépéou ont réussi à infiltrer des agents dans le collège Russicum du Vatican, ainsi que dans les services secrets américains chargés des parachutages, leur permettant de connaître et déjouer toute arrivée d'espions[D 12].

Les Soviétiques de leur côté tentent d'infiltrer (encore plus) le Vatican et montent une école spéciale à Lviv pour « former de faux prêtres catholiques avec pour mission d'infiltrer le Vatican »[D 31]. De son côté, le Vatican organise à partir des années 1950 des « services de renseignements » afin de s'informer sur la situation des pays communistes[N 161]. Ces services sont sous surveillances et infiltrés par des agents de l'Est[D 32].

Le pape Jean XXIII met fin à cette guerre d'espionnage en amenant une détente avec le bloc de l'Est, et Khrouchtchev en particulier. Il obtient la venue d'évêques catholiques du bloc de l'Est au concile Vatican II, et intervient comme médiateur dans la crise de Cuba. Son « rééquilibrage des relations avec les grandes puissances » provoque « une onde de choc au sein de la CIA » et une perte de confiance côté américain (dans son allié « le Vatican »)[D 33],[N 162].

Accusations posthumes

L'abandon des Juifs

Le télégramme envoyé par Ernst von Weizsäcker, ambassadeur allemand à Rome, en octobre 1943, lors de la rafle des juifs dans lequel le diplomate dit « le pape ne s'est pas laissé pousser à une déploration des juifs de Rome. Il a tout fait pour ne pas rendre difficiles les relations avec les autorités allemandes » a été interprété par certains comme une marque de « l'insensibilité de Pie XII à la souffrance juive ». D'après Jacques Nobécourt, « le pape n'a convoqué l'ambassadeur allemand que pour éviter de devoir protester publiquement, et sa discrétion fut efficace » : la rafle a été suspendue et 4 000 Juifs de Rome ont trouvé asile dans des couvents et collèges catholiques[8],[D 7],[D 21],[R 60],[M 33].

Erwin Piscator, créateur de la pièce Le Vicaire à Berlin en 1963.

Dans les années 1960, le KGB lance une opération de désinformation contre l’Église catholique et le pape Pie XII en particulier pour ternir son image. Pour cela il organise et soutient[N 163] la création d'une pièce Le vicaire, une tragédie chrétienne, créée par le metteur en scène communiste Erwin Piscator à Berlin-Ouest en 1963. Cette pièce est jouée dans le monde entier et traduite dans une vingtaine de langues. L'auteur Rolf Hochhuth y dépeint Pie XII complice du génocide juif mené par Hitler. En 2002, Costa-Gavras adapte cette pièce au cinéma dans le film Amen.[8],[D 34],[34],[35],[M 46], après l'annonce de la future canonisation de Pie XII par Jean-Paul II], un moment « bien choisi » pour Barbara Koehn, car « les accusations lancées par certains milieux contre la personne du pape Pie XII [[..]] suscitèrent beaucoup de vagues parmi ceux qui n'aiment pas l’Église de Rome »[K 10],[N 164].

D'après Johan Ickx, responsable des archives historiques de la secrétairerie d'état, les accusations implicites portées par ces créations théâtrales ou cinématographiques qui laissent penser que Pie XII n'a « esquissé aucun geste pour les atténuer, les condamner ou les empêcher » la déportation des juifs, et donc qu'il en aurait été le complice, sont fausses. Il appuie ses déclarations sur le contenu des archives déclassifiées en mars 2020[34],[35]. Pierre Milza écrit le scénario du Vicaire est « ignorant de la réalité historique, voire clairement négationniste »[M 46], et que son auteur Hochhuth, en 2005 « défendit David Irving, l'un des dirigeants les plus radicaux de l'extrême droite allemande condamné pour négationnisme dans trois pays [...] avant d'être lui-même poursuivi pour négationnisme et contraint à faire des excuses auprès des organisations juives »[M 53].

En 1983, le film américano-italo-britannique La Pourpre et le Noir qui relatait l'affrontement entre le prêtre irlandais Hugh O'Flaherty et l'officier SS Herbert Kappler montre en arrière-plan un pape Pie XII, très réservé, inactif face à la protection des juifs, à l'opposé de son prêtre très investi[C 27].

Pourtant, au lendemain de la guerre, plusieurs personnes dans les milieux juifs affirment que cette stratégie « d'interventions individuelles et discrètes ainsi que la mise en œuvre des réseaux d'assistance de l'Église était la seule solution possible et qu'elle a permis de sauver des milliers de juifs ». Parmi ces témoins, on trouve Golda Meir, Albert Einstein ou l'historien juif Pinchas Lapide[8],[K 10]. Barbara Koehn écrit que « jusqu'en 1960 personne n'avait mis en doute l'aide apportée par Pie XII aux Juifs » et que d'éminentes personnalités juives tels que Golda Meir, Moshe Sharett, Elio Toaff ou le grand rabbin de Rome, « lui ont rendu hommage pour ce qu'il avait fait pour les juifs persécutés »[K 10].

Lapide a émis en 1967 ce jugement sur Pie XII :

« Si j’étais catholique, j’aurais peut-être dû m’attendre à ce que le pape, en tant que représentant déclaré du Christ sur terre, se prononce pour la justice et contre le meurtre - quelles qu’en soient les conséquences. Mais en tant que Juif, je considère l’Église et la papauté comme des institutions humaines, aussi fragiles et faillibles que nous tous. Frêle et faillible, Pie XII s’est vu imposer des choix à maintes reprises, ce qui aurait fait vaciller un homme inférieur. Le 261e pape n’était, après tout, que le premier catholique, héritier de nombreux préjugés de ses prédécesseurs et des défauts de ses 500 millions de coreligionnaires. La principale culpabilité pour le massacre d’un tiers de mon peuple est celle des nazis qui ont perpétré l’Holocauste. Mais la culpabilité secondaire réside dans l’échec universel de la chrétienté à essayer d’éviter ou, du moins, d’atténuer le désastre ; d’être à la hauteur de ses propres principes éthiques et moraux, quand la conscience criait : « Sauvez ! », tandis que l’opportunisme conseillait la distance. […] Ce n’est que dans le contexte d’un tel égoïsme monumental, dans le contexte de l’antijudaïsme chrétien millénaire, que l’on peut commencer à évaluer le bilan du pape en temps de guerre. […] Une protestation retentissante […] ou une aide silencieuse, fragmentaire ? Des paroles fortes - ou des actes prudents ? Ce dilemme a dû être un supplice : quelle que soit la voie qu’il choisissait, des conséquences atroces étaient inévitables. Incapable de guérir la maladie de toute une civilisation et ne voulant pas supporter le poids de la fureur d’Hitler, le pape, contrairement à beaucoup plus puissants que lui, a […] sauvé du mieux qu’il pouvait par ses propres lumières. Qui, sinon un prophète ou un martyr, aurait pu faire beaucoup plus[36] ? »

En 2009, la Pave The Way Fondation a établi le projet de faire inscrire Pie XII comme Juste parmi les nations[37],[38]. En 2016, le rabbin David Dalin soutient la même idée et défend le pape Pie XII face à ses détracteurs[39],[40].

Ouverture des archives

En , le pape Benoit XVI ouvre à tous les chercheurs l'accès aux archives du pontificat de Pie XI (couvrant la période du au qui représente 100 000 pièces d'archives[K 12]. On y trouve tous les rapports entre les nonciatures, la curie romaine et le cardinal Pacelli, ainsi que les notes de ce dernier lors de ses entretiens quotidiens avec le pape Pie XI[W 28].

À la demande de Pave the Way Foundation (PTWF), le Vatican a accepté, en 2010, la numérisation et publication en ligne de près de 5 125 documents des archives secrètes du Vatican, qui vont de à [41]. Certains concernant l'action de l'église et du pape sont déjà en ligne (des milliers de documents et vidéos de témoins) : la communauté scientifique est sollicitée pour l'exploitation de tous ces documents[42].

L'ouverture des archives du Vatican concernant la période de 1942 à 1944, qui a déjà débuté depuis 2012, devrait permettre d'aboutir à une réponse définitive à ce sujet[S 42],[41]. Le lundi , le pape François annonce : « J’ai décidé que l’ouverture des archives vaticanes pour le pontificat de Pie XII aura lieu le , à un an exactement du 80e anniversaire de l’élection d’Eugenio Pacelli au siège de Pierre »[43]. D'après Jean Sévilla, il n'y a aucune révélation à attendre de ces nouvelles archives car l'essentiel des documents a été publié entre 1965 et 1982, sous forme de 12 volumes de 800 pages chacun. Ces documents sont connus et exploités des historiens de longue date[44].

Plainte des victimes de la Shoah contre le Vatican

En 1999, une action de recours collectif est engagée entre les survivants de l'holocauste, la Banque du Vatican et l'ordre des Franciscains auprès du Tribunal de San Francisco en Californie le . Les motifs du recours collectif sont l'enrichissement de conversion, injuste, la restitution, le droit à une comptabilité, les violations des droits de l'homme et les violations du droit international[45]. L'action contre la banque du Vatican est annulée en 2007 en raison de l'immunité souveraine. Elle se poursuit à l'encontre des Franciscains. Le , la Cour fédérale écarte la plainte contre les Franciscains en raison du manque de compétence de la juridiction fédérale et refuse aux demandeurs la possibilité de modifier la plainte le . Les demandeurs en font appel auprès du Neuvième Circuit au motif que la Banque du Vatican est engagée dans l'activité commerciale des États-Unis.

L'absence de condamnation publique

Mark Riebling (en) écrit que dès le début de la guerre, le pape Pie XII avait décidé d’œuvrer à mettre fin au régime hitlérien, d'aider et soutenir les acteurs allemands qui chercheraient à renverser le pouvoir nazi pour le remplacer par un pouvoir plus démocratique. Pour cela le pape avait décidé d'agir dans le secret, et l'historien écrit que Pie XII avait accepté « l'immense hiatus entre les propos affichés et les actes clandestins » qu'il mènerait, mais que cette action clandestine se terminerait dans la controverse[R 15]. Ainsi, d'après l'historien, quand le le pape signe son encyclique Summi Pontificatus qui condamne clairement le nazisme, ce même jour, Pacelli « fait le choix historique d'aider à assassiner Adolf Hitler »[R 14],[S 31]. Cet avis est partagé par le chef de la Gestapo, Heinrich Müller, qui écrit dans un rapport que le texte de « cette encyclique est uniquement dirigée contre l'Allemagne, tant sur le plan des conceptions générales qu'en ce qui concerne le conflit germano-polonais. Le danger qu'elle représente sur le plan de la politique intérieure est extérieure est évident »[S 31]. Si le texte de son encyclique fut accueilli avec joie et enthousiasme par la presse alliée et juive, si ces mêmes journaux saluaient le pape comme « anti-nazi » durant toute la guerre, le temps passant, son silence sur les persécutions des juifs a entamé sa crédibilité morale de la foi, et tendu les relations judéo-catholiques[R 14].

Dans le discours du prononcé par le pape au Vatican, celui-ci critique ouvertement le nazisme. Ses propos provoquent des remous dans les milieux diplomatiques du fait que le pape « ait attendu la défaite de l'Allemagne pour attaquer les nazis en public ». C'est Josef Müller lui-même qui expliquera à Harold Tittmann (en) que c'est la résistance allemande elle-même qui avait demandé que « le pape s'abstienne de faire des déclarations publiques stigmatisant les nazis, et en particulier en les condamnant »[R 64]. Müller avait ajouté que « si le pape s'était montré plus spécifique, les Allemands l'auraient accusé de céder aux sollicitions des puissances étrangères et cela aurait rendu les catholiques allemands encore plus suspects qu'ils ne l'étaient et aurait grandement restreint leur liberté d'action dans leurs actions de résistance au nazisme ». Müller a terminé en disant à Tittmann que le pape « avait suivi son avis tout au long de la guerre ». Müller n'était pas le seul à avoir demandé au pape de « se taire » : les Alliés eux-mêmes avaient demandé au pape « de ne pas lancer d'appel en faveur des juifs », qui risquerait de mettre en lumière le massacre de Katyń par les Soviétiques, et ainsi de porter la division chez les Alliés[R 64].

La difficulté de juger le silence de Pie XII

Concernant l'absence de condamnation explicite de la Shoah par Pie XII et le Vatican, l'historien Pierre Milza se pose la question de savoir si le pape était pleinement conscient du drame (d'autant que le pape recevait également des rapports niant la réalité des persécutions et génocides[M 54],[S 43],[N 165]. L'historien écrit : « pas plus que les Alliés de l'Ouest, les représentants du Saint-Siège ne pouvaient ignorer, à la fin de l'été 1942; les horreurs de la persécution des Juifs européens. [..] Cette question est la suivante : Comment ces documents et ces rapports furent-ils lus et interprétés ? Étaient-ils assez explicites pour que Pie XII et ses principaux collaborateurs y trouvent une explication à la tragédie qui était en train de se jouer ? Donnèrent-il lieu à des débats, voire à des tensions au sein de la Curie ? L'historien (dit Philippe Chenaux), il faut bien le reconnaître, est assez dépourvu pour apporter des éléments de réponse précis à ces questions cruciales. Que Pie XII ai compris à la lecture de ces documents [il en lisait beaucoup] qu'un drame d'une ampleur sans précédent était en train de se produire, la chose paraît évidente. Qu'il se soit alors posé la question de savoir s'il convenait de sortir du silence qu'il s'était imposé jusqu'alors, la chose ne paraît pas moins claire. La réponse moins évidente »[M 55]. Ainsi, un témoins de l'époque Raymond Aron écrit dans ses mémoires : « le génocide, qu'en savions-nous à Londres ? Au niveau de la conscience claire, ma perception état à peu près la suivante : les camps de concentration étaient cruels, dirigés par des gardes-chiourmes recrutés non parmi les politiques, mais pari les criminels de droit commun ; la mortalité y était forte, mais les chambres à gaz, l'assassinat industriel d'êtres humains, non, je l'avoue, je ne les ai pas imaginés, et parce que je ne pouvais pas les imaginer, je ne les ai pas sus »[M 27].

Si « beaucoup d'historiens »[N 166] ont reprochés à l’Église catholique, et au pape, de ne pas faire acte de résistance contre la politique de l'Allemagne Nazi, c'est, explique l'historienne Barbara Koehn (de), que ces mêmes historiens ne donnent qu'un « sens exclusivement politique au terme de résistance », et que l’Église n'ayant pas « parlé et agi pro hominibus, c'est-à-dire au nom de toute personne persécutée, le conflit qui les opposait au national-socialisme n'aurait pas mérité le nom de résistance ». L'historienne estime pour sa part que cette position lui « semble pourtant trop restrictive pour rendre compte de la complexité du problème »[K 11],[N 167]. Elle ajoute que ces reproches et accusations concernent, en conséquence, de la même manière l'Église protestante[K 4],[N 168].

Quelques historiens (comme Ger van Roon (de)) ont reprochés aux dignitaires de l’Église (comme Michael von Faulhaber), dans leurs sermons et prêches, de ne rester que sur l'aspect ecclésial et théologique des attaques anti-chrétiennes et antisémites faites par les nazis, et de ne pas faire d'affirmation qui pourrait être interprété dans un sens politique. B. Koehn écrit que ces historiens sous-estiment ou taisent « les contraintes que le concordat imposait à l’Église si elle voulait sauver l'essentiel, à savoir son indépendance »[K 4],[N 169]. Et B. Koehn d'ajouter que si le gouvernement du Reich violait régulièrement les termes du concordat, « l’Église catholique, en revanche, observa scrupuleusement les stipulations du concordat et renonça à toute intervention à caractère politique »[K 4]. Autre exemple, B. Koehn rapporte également que « la plupart des historiens reprochent à Adolf Bertram son souci de la légalité », mais que d'autres historiens comme Bernhard Stasiewski ou Karol Jonca (pl) sont plus nuancés. Ces derniers estiment que « le cardinal Bertram a, par sa politique respectueuse des lois et par ses continuels contact avec le pouvoir, garanti la survie de l’Église et par conséquent encouragé les catholiques allemands dans leur résistance au régime »[K 7],[N 170]. Hubert Wolf s'interroge lui aussi de savoir si « le pact avec le diable » (pacte réalisé en signant le concordat) n'est pas en parti responsable du « silence de Rome sur la persécution et le meurtre systématique de millions de juifs par les nazis ». L'historien reconnaît que faute d'accès aux archives du Vatican pour la période de la guerre (lorsqu'il termine son ouvrage[N 171]), les motivations du pape et de la Curie « ne peuvent faire l'objet que de spéculations »[W 7],[N 172].

Pierre Milza écrit « Nul doute que l'occupant n'ait eu des moyens de pression irrésistibles et que le silence du pape et de la hiérarchie n'ait constitué un affreux devoir. Il s'agissait pour Pie XII d'éviter le pire des malheurs, mais il reste qu'un crime de cette envergure retombe pour une part non médiocre sur tous les témoins qui n'ont pas crié et quelles qu'aient été les raisons de leur silence »[M 53]. Et d'ajouter que « Pie XII devait faire face aux exigences contradictoires de sa charge pastorale. Là où le pontife voudrait crier haut et fort, c'est malheureusement l'expectative et le silence qui lui sont souvent imposés ; là où il voudrait agir et aider, c'est la patience et l'attente qui s'imposent »[M 45],[S 41]. Et Milza de noter : « l'image que Pie XII a laissée de lui et qui reste aujourd'hui encore [est] incertaine. Celle d'un prélat, puis d'un chef de l’Église, incapable de trancher entre la défense, quel qu'en soit le prix, de la communauté juive et l'abandon de celle-ci à la folie meurtrière des dirigeants nazis. Ou celle d'un "saint" qui aurait choisi de laisser les bourreaux accomplir tranquillement leur sinistre besogne. Disons-le clairement, la personnalité d'Eugenio Pacelli ne coïncide tout à fait ni avec l'une ni avec l'autre de ces deux démarches »[M 45]. « Après un peu moins de trois quarts de siècles d'interrogations et de polémique, aucun des arguments développés dans les deux camps ne permet de trancher en effet de manière décisive dans un sens ou dans l'autre »[M 45].

Et Milza de conclure : « l'historien ne démérite pas qui offre, à l'instar d'un Jean Chelini, « un non-lieu pour Pie XII », dans le procès qui a été fait à ce dernier par les Épigones de Hochhuth et par leurs admirateurs d'aujourd'hui »[M 45].

Bibliographie

Histoire
Vatican et Shoah
Espionnage
  • Yvonnick Denoël[N 173], Les espions du Vatican : De la Seconde Guerre mondiale à nos jours, Nouveau Monde, , 648 p. (ISBN 9-782380-941562). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article. Voir l'article de Jean-Baptiste Noé pour une analyse de l'ouvrage.
  • David Alvarez[N 174], Espionnage au Vatican : De Napoléon à la Shoah, Chronos, , 599 p. (976-2-38094-169-2). Traduit de (en) David Alvarez, Spies in the Vatican : Espionage and intrigue from Napoleon to the Holocaust, University Press of Kansas, , 384 p. (ISBN 978-0700612147). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Mark Riebling (en)[N 175], Le Vatican des espions : La guerre secrète de Pie XII contre Hitler, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 508 p. (ISBN 9-791021-036901). Traduit de (en) Mark Riebling (en), Church of Spies : The Pope's Secret War Against Hitler, Basic Books, , 392 p. (ISBN 978-0465094110). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) David Alvarez[N 174], SJ Graham et Revd Robert A, Nothing Sacred : Nazi Espionage Against the Vatican, 1939-1945, Routledge, , 208 p. (ISBN 978-0714647449).
Articles de presse
  • Henri Tincq, « Vatican : l'heure de vérité sur les silences de Pie XII », Le Point,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Jean-Christophe Buisson, « Exclusif: comment le pape Pie XII résista aux nazis », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Notes et références

Notes

  1. Hubert Wolf écrit :« Les négociations et la signature des Accords du Latran avec l'Italie mussolinienne peuvent tout à fait être interprétés comme un pacte du pape avec "le mal", signé dans un souci pastoral ». (Hubert Wolf 2009, p. 6).
  2. Certains évêques allemands continuent longtemps de penser (même durant la guerre) qu'Hitler est respectueux du christianisme, et que les violences nazies ne sont pas de sa responsabilité, au grand désespoir de Pie XII qui lui était convaincu du contraire, avant même la nuit de Cristal. Voir Mark Riebling 2019, p. 113.
  3. Aussi Hitler va-t-il, dès sa nomination à la tête de la chancellerie, le 20 janvier 1933, inciter son vice-chancelier van Papen à ouvrir le plus tôt possible des pourparlers avec le Vatican en vue de la signature d'un concordat avec le Reich. [..] L'initiative visant à l'ouverture d'une négociation concordataire avec le Vatican fut prise début avril par von Papen, acceptée avec enthousiasme par le Führer, puis discutée avec Ludwig Kaas. Voir Pierre Milza 2014, p. 142-143.
  4. A noter tout de même que le concordat prévoit, ce qui est nouveau, la dissolution des partis politiques « dit catholiques » car proche de l’Église, comme le Zentrum et le parti populaire bavarois. Ainsi que la fermeture de toutes les organisations et associations caritatives et sociales catholiques. Voir Pierre Milza 2014, p. 142-145, 165-166.
  5. a et b Un des points qui posait le plus de problème au cardinal Pacelli, était la nomination des évêques allemands. Jusqu'au concordat, les différents gouvernements des régions allemandes avaient l'habitude d'imposer leurs candidats. Pacelli voulait mettre fin à de telle pratique et s'assurer que les futurs évêques seraient fidèles à Rome, plus qu'aux politiciens et gouvernants du Reich à qui ils devaient leur nomination. Grâce au concordat, il a réussi à mettre fin aux abus et imposer ses propres candidats. Mais durant la guerre, de nombreux évêques en place, étaient encore des évêques élus sous la pression des politiques, contre la volonté de Rome. Voir Hubert Wolf 2009, p. 50-63.
  6. a et b C'est que le chancelier, dans sa hâte de conclure, n'a pas lésiné sur les engagements qu'il était sûr de ne pas tenir. [..] La cérémonie de signature du concordat eut lieu le dans la salle des congrégations de la secrétairerie d’État, deux semaines après que les représentants du Zentrum et du parti Bavarois eurent rendu publique la dissolution de leurs organisations et voté les pleins pouvoirs au chef du gouvernement national-socialiste, et ce dans un climat de violence et de chasse à l'homme, les catholiques ayant rejoint communistes et socialistes sur la liste des ennemis du régime. Voir Pierre Milza 2014, p. 142-144.
  7. a b et c Barbara Koehn écrit : « De son côté, Hitler cacha soigneusement sa haine de l’Église catholique derrière la correction d'un homme d’État chrétien et fit miroiter à l’Église des relations de bonne entente ». (Barbara Coehn 2003, p. 120). Et plus loin « Il ignorait que Hitler ne se sentait nullement lié par les traités et qu'il les utilisait pour gagner du temps dans la poursuite de son véritable but : le pouvoir total d’abord en Allemagne et ensuite en Europe pour créer la race supérieure et pur de conquérants cruels et invincibles ». (Barbara Coehn 2003, p. 121).
  8. Pacelli se déclara satisfait des accords, dont un article publié dans l'Osservatore romano le énumérait les avantages consentis au Saint-Siège, notamment en matière d'enseignement. Voir Pierre Milza 2014, p. 145.
  9. Et Pie XII d'écrire dans une missive : « Le Saint-Siège n'a pas conclu ce traité avec légèreté, bien au contraire (...). Dans le cadre de ce qui était humainement possible, nous voulions épargner à nos fidèles fils et filles en Allemagne les tensions et souffrances qui auraient été inévitables dans le contexte de l'époque ». (Barbara Coehn 2003, p. 122).
  10. Yvonnick Denoël exprime une idée similaire dans son ouvrage disant que « Hitler a besoin du pape pour légitimer son régime ». L'auteur décrit les persécutions des catholiques, avant même le début de la guerre. Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 44-45.
  11. a et b Milza écrit : « En signant le concordat [..] Hitler était légitimement persuadé qu'il était sorti grand vainqueur de l'épreuve de force qui l'avait opposée [..] au cardinal Pacelli. [..] Un accord avec ce dernier ne pouvait qu’accroître sa propre crédibilité dans les relations internationales : argument qui fut repris en chœur par la presse pro-nazie, et à laquelle, dans un article non signé publié dans L'osservatore romano mais clairement reconnaissable comme étant de la plume du cardinal secrétaire d'Etat [Pacelli], celui-ci récusait l'idée selon laquelle le concordat représentait une approbation pleine et entière du national-socialisme ». (Pierre Milza 2014, p. 165)
  12. La majorité des évêques réunis à Fulda partagent le sentiment de l'archevêque de Breslau. Il n'y a pas d'autre moyen de s'opposer au totalitarisme hitlérien que le concordat. Lui seul offre à la hiérarchie catholique allemande une tribune où seraient exposés les doléances des prélats en regard des persécutions nazies. Hitler en fera ce qu'il voudra. Voir Pierre Milza 2014, p. 168. Hubert Wolf écrit qu'un diplomate, après avoir vu le cardinal Pacelli a rapporté : « Ils lui on mis un pistolet sur la temps, et il n'avait pas d'alternative. Il lui avait fallu choisir entre un traité aux conditions dictées par Hitler et l'élimination de fait de l’Église catholique dans le Troisième Reich. Au surplus, on ne lui avait pas laissé plus d'une semaine pour prendre sa décision ». Voir Hubert Wolf 2009, p. 185.
  13. « Le concordat du Reich contribua à préserver le catholicisme allemand de la mise au pas nationale-socialiste. Il constitua un rempart établi dans une sorte de défense par anticipation, que les nazis tentèrent sans cesse, durant les douze années de leur régime, d'éroder, ce a quoi il ne parvinrent pas complètement. L’Église catholique allemande fut le seul grand groupe socials sur lequel Hitler ne put faire main basse ». Voir Hubert Wolf 2009, p. 186.
  14. Ces transactions entre couvents ou communautés religieuses sont courantes dans l’Église catholique pour que des « monastères riches » soutiennent des « monastères pauvres », ou simplement aident à la fondation ou l’extension de nouveaux couvents.
  15. Milza écrit : « Conformément à une stratégie dans laquelle ils sont passés maîtres, et qui consiste à faire peser sur un individu ou sur des groupes jugés hostiles au pouvoir hitlérien des accusations portant atteinte à leur moralité et à leur probité, on favorise la circulation de rumeurs suffisamment graves pour provoquer tantôt l'ouverture d'un véritable procès, tantôt le déversement de propos diffamatoires destinés à jeter l'opprobre sur les présumés coupables et à porter atteinte à leur réputation. Ces attaques alimentent un déferlement d'articles insultants dans les journaux nazis ». Pierre Milza 2014, p. 174.
  16. « On ouvrit le camp de concentration de Dachau en mars 1933,où un premier contingent comprenant près de mille cinq cents membres du clergé fut expédié au cours de l'automne » (Pierre Milza 2014, p. 166). « A Dachau, on comptait déjà plusieurs centaines de prisonniers politiques à la veille de la "nuit de cristal" » (Pierre Milza 2014, p. 255).
  17. Lors de l'invasion de la Pologne, cinq évêques disparaissent, plusieurs centaines de prêtres sont condamnés aux travaux forcés, 400 religieuses sont « enfermées dans un camp de travail aux conditions extrêmes ». Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 57.
  18. « En janvier 1934, le cardinal Pacelli nota que le nombre des prêtres catholiques incarcérés dépassait les arrestations intervenues pendant le Kulturkampf bismarckien ». (Barbara Koehn 2003, p. 124.
  19. En 1933, 65% des enfants de Bavière sont dans des écoles catholiques, en 1936 ils ne sont plus que 3%.
  20. a et b Dans une lettre du , Ribbentrop écrit : « Mais, si, par contre, le Vatican menaçait ou même entreprenait d'agir contre l’Allemagne sur le plan politique ou sur celui de la propagande, il va de soi qu'il obligerait le gouvernement du Reich à réagir de manière appropriée. Le gouvernement du Reich ne manquerait pas, dans un tel cas, ni de matériel efficace, ni de possibilités de prendre des mesures concrètes contre l’Église catholique ». Le 24 janvier il ajoute : « il y aurait alors lieu de faire savoir de la manière la plus claire qui soit, conformément à mon instruction du 13 janvier, qu'une aggravation de la tension des relations entre l’Allemagne et le Vatican ne se manifesterait certainement pas unilatéralement au désavantage de l'Allemagne, mais que, bien plus, le gouvernement du Reich ne manque ni de matériel de propagande efficace ni de possibilités de mesures concrètes, pour rendre chaque coup que le Vatican essayerait de porter à l’Allemagne ». (Saul Friedländer 2010, p. 206-207).
  21. « Renvoyer le tout après la victoire », cela ne signifiait-il pas, aux yeux du Führer, que les hommes et les femmes qui se seraient élevés contre son projet totalitaire avaient toutes les chances de devoir en acquitter le prix ? N'était-ce pas entretenir au sein d'une fraction importante de la population la peur d'une vengeance dont Hitler ne précisait ni la nature exacte ni la forme qu'elle pourrait revêtir, mais qui pouvait tout aussi bien viser les catholiques que les juifs ? D’où l'incertitude maintenue par les dénonciateur des crimes hitlériens quant à l'identité des personnes ou des groupes stigmatisés. (Pierre Milza 2014, p. 256).
  22. « En 1937, Hitler avait projeté, si l'on en croit le Journal de Goebbels, de dissoudre les ordres, d'interdire le célibat, d'exproprier tous les biens immobiliers et fonciers de l’Église. Mais la Solution finale devait aller bien au-delà des décisions d'ordre matériel et financier. Le martyre de l’Église catholique polonaise dans le Warthegau indiquait quel sort les catholiques et le clergé allemands pouvaient attendre d'un national-socialisme triomphant ». (Barbara Koehn 2003, p. 138).
  23. L'infiltration via différents réseaux d'informateurs se fait dans les facultés catholiques, les monastères et différentes maisons religieuses. Ils étaient facilités par des anciens moines et religieux ayant quitté les ordres mais qui étaient restés en contact avec leurs anciens collègues (qui ne se doutaient pas qu'ils étaient des espions). En 1938, Harlt reçoit même une copie du rapport confidentiel de la conférence des évêques d'Allemagne. Voir David Alvarez 2021, p. 311-312.
  24. Le catholicisme étant désigné [par Hitler] comme « le pire fléau qui se soit jamais abattu sur l'humanité », et le bolchevisme comme « le fils bâtard et monstrueux du judaïsme », le Fuhrer entendait, dans son immense sollicitude, planifier la destruction pur et simple des différentes Églises. « La guerre va finir, déclarait-il en décembre 1941, et ma dernière tâche sera de faire disparaître le problème de l’Église. C'est seulement alors que la nation allemande sera parfaite en sécurité, [...] Dans ma jeunesse, mon idée c'était la dynamite ! Aujourd'hui, j'ai compris qu'on ne peut pas briser l’Église sur ses genoux. Il faut s'en amputer comme d'un membre gangrené ». Le propos était clair. Que le clergé catholique (Hitler parle de l’Église, pas des religions) ne se fasse pas d'illusions, et que Pie XII se le tienne pour dit : le catholicisme, pour peu que l'Axe sorte victorieux de la guerre, est appelé à disparaître, et avec lui le mythe d'une évangélisation des territoires conquis par le Reich. (Pierre Milza 2014, p. 307-308).
  25. Le , Hitler déclare au sujet de l’Église catholique : « J'ai de nombreux comptes à régler auxquels je ne puis penser aujourd'hui. Mais cela ne signifie pas que j'oublie. J'enregistre. Le jour viendra de sortir le grand livre ! Cela n'a aucun sens d'ajouter inutilement aux difficultés du moment. [..] Quand je lis les discours d'un homme comme Galen, je me dis que porter des coups d'épingle est sans intérêt et qu'il est préférable pour l'instant de se taire ». (Saul Friedländer 2010, p. 185-186).
  26. Le général Wilhelm Keitel et l'officier Erwin Lahousen témoignent également être informés de la volonté du Führer « d'éliminer le clergé catholique polonais ». Voir Mark Riebling 2019, p. 69. Lorsqu'Hitler confie l'administration de la Pologne à Hans Frank, il lui dit « La tâche que je vous confie, Frank, est d'ordre satanique ». Voir Mark Riebling 2019, p. 70.
  27. Von Bergen écrit le à son ministère, concernant l'état de l’Église de Pologne « On y a petit à petit éliminé presque tous les membres de l'épiscopat. Le clergé a été réduit à un nombre d'ecclésiastiques tout à fait insuffisant du fait qu'il a été en grande partie déporté ou expulsé du pays. La formation de nouveaux prêtres a été interdite. L'éducation catholique de la jeunesse est soumise aux plus extrêmes difficultés ; les ordres féminins ont été dispersés ; le soin des âmes se heurte à d'insurmontables obstacles ; de nombreuses églises ont été fermées ; les institutions catholiques intellectuelles et charitables ont été détruites. Les biens de l’Église ont été confisqués ». (Saul Friedländer 2010, p. 202).
  28. Avant même l'accession au pouvoir d'Hitler, le nonce Pacelli avait fait un rapport au Vatican indiquant que les catholiques étaient « inscrits en grand nombre » au parti national-socialiste, et qu'ils « s’intéressaient uniquement aux objectifs politiques du NSDAP ». Dans son rapport il ajoutait qu'un second grand groupe de membres était composé d’athées et de protestants, et que ce groupe s'opposait violemment à l’Église catholique. Le nonce espérait que le premier groupe réussirait à tempérer le second. Voir Hubert Wolf 2009, p. 150. Lors des élections du , 4 millions de catholiques (sur 13 que compte l'Allemagne) votent pour le NSDAP alors même que les évêques allemands ont formellement interdit aux catholiques de s'inscrire dans ce parti ou même de voter pour lui. Voir Hubert Wolf 2009, p. 166. Des hommes politiques catholiques influents demandent même avec insistance au pape que les catholiques soient autorisés à participer au gouvernement de Hitler afin « que les bons puissent consolider leur influence sur le chancelier ». Voir Hubert Wolf 2009, p. 173-174. Fin mars 1933, les évêques allemands signalent au nonce apostolique qu'ils craignent « une rupture de digue » et que les catholiques allemands qui ont une sympathie croissante pour le nouveau régime n'abandonnent les recommandations de l’Église pour s'attacher à Hitler. Voir Hubert Wolf 2009, p. 176.
  29. Hubert Wolf donne le chiffre de 44 000 personnes par an qui quittent le catholicisme dans toute l'Allemagne au cours des années 1920. Voir Hubert Wolf 2009, p. 64.
  30. Hitler avait déclaré avant la guerre « Nous ne voulons pas d'autre Dieu que l'Allemagne ». Les nazis avaient déclaré « qu'Hitler était aussi grand que Jésus-Christ ». Voir Mark Riebling 2019, p. 29.
  31. « L'aile idéologique du national-socialisme prétendait remplacer le christianisme par une religion aryenne ». Voir Hubert Holf 2009, p. 259-260.
  32. Plusieurs livres prônant les théories raciales et religieuses nazi seront mis à l'index par le Saint-Office comme L'église nationale allemande (1934), La doctrine naturelle de l'esprit (1937), Du travail à la réussite (1937), Mythe du XXe siècle (1934). Plusieurs autres ne le seront pas, pour des raisons politiques, afin de ne pas attaquer frontalement des membres du gouvernement allemand. Voir Hubert Holf 2009, p. 255-260.
  33. a et b Pie XII dit à son assistante, sœur Pascalina : « Il y a des millions de croyants catholiques dont l'esprit est capturé par Hitler. Et ces âmes aveuglées seraient perdues pour notre sainte mère l’Église si nous agissions ouvertement ou de façon extrême. Pour sauver ces âmes, le Saint-Père doit agir avec discrétion. Bien sûr, l'hitlérisme doit être détruit, mais nous devons le faire subtilement ». Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 57.
  34. Mark Riebling exprime la même idée de ce choix du pape de se taire pour agir dans le silence à renverser Hitler du pouvoir et renverser le nazisme. Voir Mark Riebling 2019, p. 60-62, 117-119.
  35. Texte cité par Pierre Milza (du compte rendu de réunion) : « Nous voulons voir tenter une expérience. S'ils veulent le combat, nous ne le craignons pas. Mais nous voulons voir s'il n'y a pas quelque possibilité d'obtenir la paix [..]. On ne peut sacrifier les principes. Quand nous aurons tout essayé, et s'ils persistent néanmoins à vouloir la guerre, alors nous nous défendrons. Mais le monde doit constater que nous aurons tout essayé pour vivre en paix avec l'Allemagne. Cependant, ce n'est pas tout. La tentative pour obtenir la paix répond aussi à une exigence antérieure de notre côté. S'ils refusent, il nous faudra combattre. Je n'ai pas peur. De même pour les articles de presse ». Pierre Milza 2014, p. 212.
  36. David Alvarez écrit que cette opération (même si le contact n'était pas un escroc), était vouée à l'échec car il est « impossible d'imaginer que 42 cardinaux (les 2/3 de l'effectif de l'époque), accepteraient de modifier leur vote contre une somme d'argent ».
  37. « Pouvait-on se fier aux déclarations de Hitler, qui prétendait vouloir protéger le christianisme comme fondement de toute morale, le nonce en doutait ». (Hubert Wolf 2009, p. 164). « Diego von Bergen (de), était à l'évidence chargé, deux semaines plus tard, d'amadouer la Curie vis-à-vis du nouveau gouvernement de son pays. Il commença par faire part de la "très amicale" réponse de Hitler à la présentation de condoléances du Saint-Siège pour la catastrophe de Neunkirchen [..]. Après cette entrée en matière positive, "il m'a assuré de façon très précise que le gouvernement actuel n'entreprendra rien contre l’Église catholique ni ne nuira à ses bonnes relations avec le Saint-Siège. Hitler est catholique de naissance. [..] Pacelli ne fut à l'évidence pas complètement convaincu par cette argumentation ». (Hubert Wolf 2009, p. 164-165). Hubert Wolf écrit« S'il subsistait un doute quant à la position du nouveau chancelier à l'égard de l’Église et du catholicisme, il était largement compensé par l'anticommunisme résolu de Hitler ». (Hubert Wolf 2009, p. 166). « Mi-mars, le pape et le cardinal secrétaire d’État étaient sans doute disposés à établir de bonnes relations avec le nouveau gouvernement allemand ». (Hubert Wolf 2009, p. 168). Dans sa déclaration du , Hitler affirme que les deux « confessions chrétiennes sont des facteurs importants de préservation de notre peuple ». Il s'engage à « respecter les concordats conclus entre le Saint-Siège et les Landers et à accorder et garantir aux confessions chrétiennes l'influence qui leur revient dans l'école et l'éducation ». Ces déclarations « rencontrent l'approbation complète de la Curie ». (Hubert Wolf 2009, p. 173).
  38. « Pour Hitler, la question cruciale était de savoir comment amener l'épiscopat à retirer ses mandements afin de permettre aux catholiques de participer au nouveau Reich et de débarrasser ainsi les nationaux-socialiste du seul parti d’opposition, SPD mis à part, qui faisait encore bloc ». (Hubert Wolf 2009, p. 169).
  39. Même affirmation de Hubert Wolf qui écrit que « L'initiative de ces démarches [proposer le concordat] ne vint certainement pas de Rome [..] L'idée de proposer un Concordat à la Curie romaine venait-elle de Hitler en personne ou bien du vice-chancelier Papen, cela n'a sans doute, au fond, qu'une importance assez secondaire ». Voir Hubert Wolf 2009, p. 179.
  40. L'excommunication par le pape d'Adolf Hitler aurait été évoquée par Mussolini, comme une sanction possible du Vatican contre Hitler. Mais « les archives vaticanes ne portent aucune trace de l'ouverture d'une procédure d'excommunication à l'encontre de Hitler ». Mais d'après Hubert Wolf, le Vatican « ne pouvait ni ne voulait attaquer personnellement le Führer et chancelier du Reich », car il était détenteur d'une autorité politique. Voir Hubert Wolf 2009, p. 277-278.
  41. a et b En introduction à son ouvrage, Saul Friedlander rappel quelques éléments de prudence avec certaines sources qu'il cite. L'auteur dit qu'il a utilisé des « documents inédits, du ministères des affaires étrangères du Troisième Reich » (Saul Friedländer 2010, p. 14) et donc qu'« une étude de la politique du Saint-Siège à l'égard du Troisième Reich pendant la Seconde Guerre mondiale, basée essentiellement sur des documents diplomatiques allemands, ne peu être que très partielle ; il va de soit que l'on ne saurait tirer des conclusions définitives sans connaître les documents du Vatican » (Ibid p. 16). Il ajoute « les rapports diplomatiques sont souvent influencés par le désir de leurs auteurs de se couvrir vis-à-vis des gouvernements qu'ils servent et, par conséquent, ce n'est qu'en comparant les rapports provenant des sources les plus diverses d'un même événement, que l'on réussit, quelques fois, à en obtenir une image objective ». (Ibid p. 17). Il ajoute également que « souvent en effet, le Saint-Siège cache son opposition aux projets d'un gouvernement sous les apparences d'une amabilité extérieure qui peut tromper ». (Ibid p. 17). Toujours avec beaucoup de prudence, l'auteur écrit « Pour résumer, disons, une fois de plus, que, tant que les documents allemands ne peuvent pas être comparés aux textes correspondants des archives du Vatican, l'exposé des faits ne montre qu'une face des choses, et peut-être des hommes ». Et que malheureusement, au moment où il terminait son ouvrage, il n'avait pas pu accéder aux archives vaticanes qui auraient pu confirmer ou infirmer les hypothèses diplomatiques allemandes. (Ibid p. 279-280).
  42. L'auteur de cette note, von Weizsäcker, écrit qu'il a pu prendre connaissance « par hasard » de « documents révélateurs de la politique du pape », d'où il tire cette information. Il n'y a pas plus de précision sur sa source d'information. (Saul Friedländer 2010, p. 231).
  43. Jusqu'en 1870, un grand nombre de fonctionnaires du Vatican et de Monsignors n'étaient pas des prêtres mais des laïcs. À partir de 1870 ils sont progressivement tous remplacés par des prêtres et des évêques.
  44. Les services des Pays-Bas ou de la Norvège comptaient (à cette période) une centaine d'employés contre une trentaine pour le Vatican.
  45. Le courrier du nonce de Slovaquie révélant le camp d'Auschwitz a mis cinq mois à atteindre Rome, et un courrier parti de Tokyo en novembre 1941 n'arriva à Rome qu'en mars 1942. Voir David Alvarez 2021, p. 509.
  46. Un autre diplomate américain écrivait : « Grâce à ses représentants, l’Église a accès aux pensées des hommes de chaque chancellerie d'Europe, et de chaque village dans chaque pays ». Voir David Alvarez 2021, p. 499.
  47. Sauf l'URSS, les pays baltes et la Pologne (occupés par les Allemands), et les territoires d'Asie occupés par les Japonais.
  48. David Alvarez écrit qu'il en fut différemment pour la Shoah, qui fut un tel choc moral et humain, qu'elle entraîna des protestations et des avertissements qui remontèrent « spontanément » au Vatican. Voir David Alvarez 2021, p. 518.
  49. Parmi ces informations recueillies involontairement il y a l'annonce que les messages chiffrés du Vatican sont décodés par les Italiens, ou qu'une cellule allemande conspire pour renverser Hitler (ce que le pape savait déjà), signe aussi que le complot avait des fuites.
  50. Comme lorsque le ministre italien des affaires étrangères, Galeazzo Ciano, annonce quatre semaines avant l'attaque, que le Duce va envahir la Grèce.
  51. Comme lorsque des agents fascistes préviennent de descente de police dans des planques du Vatican, où de tentatives d'arrestation du père O'Flaherty. Voir Yannick Denoël 2021, p. 104-105.
  52. Il n'est pas clair de savoir s'il s'agissait de « maladresses involontaires » du SS, ou non.
  53. Ou même quand des agents des services secrets américains refusent de travailler à casser les codes secrets du Vatican. Voir David Alvarez 2021, p. 477-479.
  54. Si le Vatican a son propre central téléphonique, tous les appels sortants du Vatican (pour l'Italie ou l'international) passent par les services téléphoniques italiens de Rome, et sont donc accessibles par le service d’État italien.
  55. Ainsi, un ancien moine reconverti dans l'espionnage pour les nazis, Herbert Keller, apprend lors de sa première mission en Suisse pour l'Abwehr (auprès d'un ancien collègue toujours moine), que « des officiers allemands fomentaient la destitution d'Hitler, et qu'un agent de l'Abwehr du nom de Josef Müller, entretenait un contact régulier avec le Vatican en vue d'obtenir une paix négociée avec les Alliés ». Voir David Alvarez 2021, p. 330-331.
  56. Seul Staline refusa de croire en cette éventualité et ne l'anticipa pas, malgré les nombreuses alertes remontées par ses services de renseignement et même ses ambassadeurs à l'étranger, prévenus par leurs correspondants.
  57. À cette date, les États-Unis étaient toujours officiellement neutres. Ils sont les derniers à entrer dans le conflit mondial le 7 décembre 1941.
  58. Marck Riebling semble être en désaccord avec David Alvarez car il indique que Canaris avait informé le père Leiber dès la toute fin de 1940 des projets d'invasion, puis plusieurs fois ensuite, et enfin « une grosse alerte » fin avril 1941. Voir Marck Riebling 2019, p. 195.
  59. Walter Laqueur, The Terrible Secret, Brown, 1980, p. 55, Michael Phayer, The Catholic Church and the Holocaust 1930-1965, Indiana University Press, 2000, p. 42, Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, Octagon Books, 1978, p. 469-470, Saul Friedlander, Pius VII and the Third Reich Knopf, 1966, p. 104. Voir David Alvarez 2021, p. 583, note 38.
  60. Le père Scavizzi, qui était aumônier militaire italien, a eu des confidences de soldats sur les génocides de masse et les camps de concentration. Il fait son rapport au pape le . Voir Mark Riebling 219, p. 216. Mark Riebling indique qu'à l'été 1942, le pape serait « mieux informé que le reste du monde » sur le génocide en court, David Alvarez affirme le contraire et sa thèse est étayée de nombreuses sources. Voir David Alvarez 2021, p. 518-527.
  61. « Le 8 décembre [1942] accompagné par une petite délégation de responsables de la communauté juive, celui-ci [le rabbin Stefen Wise] est reçu à la Maison-Blanche par Roosevelt, lequel déclare à ses hôtes que son gouvernement est "parfaitement au courant de la plupart des faits qui lui sont rapportés". "Nous en avons malheureusement reçu confirmation, déclare-t-il, et cela par de nombreuses sources" » (Pierre Milza 2014, p. 275).
  62. David Alvarez, Mark Riebling et Yvonnick Denoël cités dans la bibliographie.
  63. Pie XII va jusqu'à interdire à l'ambassadeur britannique de prendre des notes ou communiquer par écrit avec les diplomates français lorsqu'il lui annonce l'offensive prochaine des Allemands. Voir Mark Riebling 2019, p. 156.
  64. a et b Les SS trouvent en particulier dans un coffre de l'Abwehr à Zossen une lettre à entête du Vatican indiquant les négociations d'armistice avec les Britanniques, et la condition de mise en œuvre : la mort de Hitler. Voir Mark Riebling 2019, p. 328. En novembre 1944, lors d'un interrogatoire, Müller réussit à subtiliser la lettre et à la détruire. Voir Mark Riebling 2019, p. 334-335
  65. Par exemple pour Mgr Montini ou Mgr Tardini qui sont régulièrement en contact avec les responsables allemands pour se plaindre des violations allemandes du concordat signé avec leur gouvernement.
  66. Pour les pays hors Europe cela était plus difficile d'envoyer des messagers du fait de la guerre et des lignes de front. La nonciature de New-York ne reçoit sa clef qu'en 1943, celle de Tokyo ne la reçoit pas avant la fin de la guerre.
  67. En juin 1940, les gardes suisses font des stocks de masques à gaz et de mitraillettes. Des abris anti-aériens sont construits, et la police vaticane crée une section spéciale de civils chargés du contre-espionnage. Voir Mark Riebling 2019, p. 175.
  68. Citation de David Alvarez 2021, p. 370.
  69. a b et c « Le risque était considérable, à la fois pour la Curie et pour Pie XII. Les agents de la Gestapo, de l'Abwehr et des différents services d'espionnage et de contre-espionnage du Reich foisonnaient depuis bien avant la guerre dans la capitale italienne. Si Hitler avait découvert ce qui se tramait dans son dos avec le soutien de plusieurs de ses généraux, il aurait sans doute cherché à se venger avec la plus grande férocité, et ce aux dépens des catholiques allemands et des populations aussi bien des États neutres que des territoires occupés. N'y avait-il pas dans cette affaire violation à la fois, ne serait-ce qu'à l'égard de Mussolini, de la neutralité et de la "conciliation" ? » (Pierre Milza 2014, p. 248-249).
  70. Alfred von Kageneck est un descendant catholique de la petite noblesse allemande.
  71. Pour s'assurer sa fidélité, ils tentent de le faire chanter, et signer une lettre compromettante.
  72. Alexander Kurtna sera capturé et interrogé par les services secrets américains. Rapidement libéré, il est « récupéré » par les services secrets soviétiques et exfiltré en URSS. En 1948, il sera identifié par hasard par un prêtre prisonnier dans un camp de travail soviétique, où lui aussi est prisonnier. Voir David Alvarez 2021, p. 432.
  73. Le prince Turkul, russe blanc, intègre tous les réseaux d'espionnages anti-soviétiques (des Russes blancs, au MI6 britannique, le 2e Bureau français, des services allemands de l'Abwehr aux jésuites du Vatican et la CIA) tout en renseignant la Guépéou (puis le NKVD) sur les actions de ses ennemis. Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 160-163.
  74. Les services secrets italiens ouvraient bien la valise diplomatique du Vatican, en violations des accords du Latran.
  75. Les espions italiens avaient en effet réussi à voler le code de chiffrage britannique et pouvaient déchiffrer tous les courriers envoyés entre l'ambassadeur et Londres. Voir David Alvarez 2021, p. 402-403.
  76. Il s'agit d'un problème électoraliste local. Certains électeurs protestants voyant le contact officiel entre le gouvernement américain et le pape comme une atteinte à la séparation des pouvoirs politique et religieux. Le gouvernement américain n'ouvre une ambassade officielle qu'après la guerre. Roosevelt prend comme représentant « officieux » pour échanger avec le pape Francis Spellman, archevêque de New York.
  77. Harold Tittmann (en), ancien pilote américain durant la Première Guerre mondiale, installé à Rome entre les deux guerres, a été la meilleure source de renseignement américain sur le Vatican.
  78. Comme pour les Britanniques, le Vatican transporte le courrier diplomatique américain hors d'Italie durant la guerre. Mais les Italiens lisent quand même ce courrier. Conscient de ce manque de sécurité des communications, Tittmann refuse « catégoriquement » de transmettre des informations sur l'armée allemande, transmise par Joseph Muller, à Washington. Voir Davide Alvarez 2021, p. 451.
  79. Virgilio Scattolini est un Italien ayant quelques petits accès à l'intérieur du Vatican, et connaissant ainsi le calendrier des rencontres officielles. Doté d'une bonne imagination, il rédigeait ses rapports (qu'il revendait à différents pays), agrémenté de petites nouvelles authentiques, mais sans importance stratégique.
  80. Citation de David Alvarez 2021, p. 455.
  81. Parmi les documents transmis, un rapport sur les mesures anti-catholiques, notamment les exécutions de prêtres, organisées par les partisans de Tito, alors alliés aux américains car luttant contre les Allemands.
  82. Les autorités du Vatican sont informées par un responsable fasciste anonyme.
  83. Citation de David Alvarez. Les auteurs ne s'accordent pas toujours sur une volonté ou non d'envahir le Vatican et de se saisir du pape. Les sources sont maigres et se résument parfois à la déclaration d'un officier SS lors des procès d'après guerre. Des petites phrases (lourdes de sous-entendus) de tel ou tel dirigeant nazi semblent confirmer cette hypothèse.
  84. Des documents sont « enterrés » dans les jardins du Vatican, d'autres cachés sous des dalles, des faux planchers, ou au fond de grandes étagères de livres.
  85. Bien qu'ayant augmenté largement leurs effectifs de protection, par des gardes suisses, et des civils, et ayant distribué des fusils et des mitraillettes aux troupes montant la garde sur les territoires du Vatican, les troupes vaticanes n'étaient pas en mesure de résister efficacement contre un assaut des troupes allemandes (bien plus nombreuses et mieux équipées). La résistance aurait été sans issue. Une division de parachutistes SS occupent la ville de Rome, soit plus de 10 000 hommes. Les services du Vatican ont à peine 4 000 hommes en armes, et aucun blindé.
  86. Au cours de l'histoire du Vatican, des attaques militaires contre le pape ont rarement eu lieu, mais lorsque ce fut le cas, les gardes suisses ont toujours assuré la sécurité du Saint Père, au sacrifice de leur vie. Le commandant refusait à être le premier à ne pas le faire. Voir David Alvarez 2021, p. 346. Voir aussi le sac de Rome (1527).
  87. D'après les notes de Goebbels, ce seraient Ribbentrop et Goebbels qui auraient fait changer Hitler d'avis. Voir Mark Riebling 2019, p. 287.
  88. Il s'agit d'après Milza « des propos enregistrés par écrit et conservés à la Curie des Jésuites ». Cette lettre qui est resté longtemps inédite, retranscrit les premiers échanges entre Wolff et Hitler. Voir Pierre Milza 2014, p. 341.
  89. A quoi Hitler aurait répondu d'une phrase, en tournant les talons : « Eh bien, soit, Wolff, mais n'oubliez pas que c'est vous qui seriez responsable si votre vision optimiste devait rater son coup ». (Pierre Milza 2014, p. 344).
  90. Le premier bombardement a lieu le 18 avril, le second et dernier le 13 août. A chaque fois, le pape se rend immédiatement sur les lieux pour consoler les victimes et prier avec elles. Voir Pierre Milza 2014, p. 319-322.
  91. Milza écrit « Pie XII constituait un élément capital de leur plan. Oster, qui l'aviat connu comme nonce à Munich estimait qu'il feait un excellent intermédiaire ». (Pierre Milza 214, p. 248).
  92. Toujours en 1940, Canaris réussit à faire classer un autre rapport émanant d'un de ses agents, Gabriel Ascher (de), qui a identifié Muller comme le « coursier des résistants ». Le dossier levé par Joachim Rohleder (de) de l'Abwehr est lui aussi écarté (et neutralisé) par Canaris. Voir David Alvarez 2021, p. 338-339 et Mark Riebling 2019, p. 181-182.
  93. L'idée d'Hitler était d'éviter d'avoir son flanc gauche découvert lors de l'offensive contre la France.
  94. Le catholicisme s'appuie sur l'enseignement de Thomas d'Aquin qui dit que « la violence politique est non seulement quelquefois admissible, mais aussi nécessaire ». Dans le protestantisme, Martin Luther et Jean Calvin avaient plaidé contre toute résistance au gouvernement. L'un d'eux a écrit que « la désobéissance est un plus grand péché que le meurtre ». Voir Mark Riebling 2019, p. 124.
  95. Helmuth James von Moltke était un chrétien protestant.
  96. Le but de ces travaux est d'établir un programme politique post-nazisme, un peu comme le programme du Conseil national de la Résistance en France.
  97. Gereon Goldmann est un séminariste franciscain. Il est utilisé ponctuellement par la résistance pour transmettre des messages codés à Albrecht von Kessel, qui les retransmet au pape. Voir Mark Riebling 2019, p. 289.
  98. a et b Il y a un désaccord entre David Alvarez et Mark Riebling : le premier dit que Kaas a immédiatement renvoyé Müller vers Robert Leiber, le second dit que la toute première rencontre et demande de Müller a été faite à Kaas qui a transmis la requête personnellement à Pie XII. Les auteurs s'accordent sur les dates et les conséquences, ainsi que sur le fait que les rencontres suivantes ont été faites entre Müller et Leiber. Voir David Alvarez 2021, p. 325 et Mark Riebling 2021, p. 91-97, 117.
  99. Le responsable de la prison où il était enfermé était complice des résistants. Un avion l'attendait pour rejoindre Rome dans les plus brefs délais.
  100. a b et c Müller n'est finalement pas exécuté. Déporté avec d'autres prisonniers vers le sud, il est libéré par les troupes américaines et survit à la guerre. Il meurt en 1979. Voir Mark Riebling 2019, p. 372-381.
  101. Un membre du réseau de soutien, capturé et torturé par la Gestapo finit par donner l'information de la planque.
  102. Le père Röch, déporté à Dachau survit à la guerre, en échappant à l'ordre d'exécution qui avait été donné pour lui. Voir Mark Riebling 2019, p. 340. Avec la complicité de gardiens, il fait inscrire son nom sur la liste des prisonniers déjà exécutés. Voir Mark Riebling 2019, p. 348.
  103. Il y a un désaccord entre auteurs : David Alvarez écrite que « les conversations romaines ne donnent aucun résultat et le gouvernement anglais ne parvient pas à leur faire crédit » (David Alvarez 2021, p. 326), alors qu'Yvonnick Denoël et Mark Riebling écrivent que les Britanniques finissent par accepter l'accord (Yvonnick Denoël 2021, p. 67-68, Mark Riebling 2019, p. 163). Les auteurs s'accordent que l'attentat contre Hitler n'ayant jamais réussi, « ces discutions ne menèrent à rien ».
  104. L'accord prévoyait : l'assassinat de Hitler, le rétablissement d'un régime de droit en Allemagne, l'engagement à ne mener aucun guerre à l'ouest, l'évacuation de la Pologne, l'autodétermination des autres territoires occupés (l'Autriche pouvant rester allemande), et un armistice négocié par le pape. Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 68.
  105. Hugh O'Flaherty va jusqu'à installer son réseau de résistance dans le collège Teutonicum (en), collège destiné aux prêtres allemands en études à Rome. Le lieu « lieu le plus improbable de Rome pour animer un réseau d'espions antinazis » d'après Yvonnick Denoël !
  106. Les fonds collectés pour financer l'aide aux réfugiés viennent du gouvernement britannique, mais aussi d'associations juives internationales qui financent l'aide et l'exfiltration des juifs d'Europe.
  107. L'affrontement entre Herbert Kappler et Hugh O'Flaherty est mis en image par le cinéma hollywoodien dans le film La Pourpre et le Noir.
  108. En pratique, Tisserant se contente de faire distribuer quelques images pieuses via des aumôniers militaires, car le Vatican ne disposait pas de prêtres parlant russe ou ukrainien pour les envoyer sur le terrain.
  109. L'un d'eux fait jusqu'à 77 000 km en une seule année. Essentiellement en train. Voir Marck Riebling 2019, p. 201.
  110. Ce sont 1 259 personnes qui sont arrêtés. Deux cents sont relâchées, et 1 060 déportées le (Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 97 et Pierre Milza 2014, p. 333,338). Auquel s'ajouterons 1 084 juifs arrêtés par petits groupes jusqu'à la libération de la ville. (Voir Pierre Milza 2014, p. 338)
  111. Les sources divergent, Yvonnick Denoël et Pierre Milza donne « 6 000 personnes », l'article du journal Le Point « 4 000 juifs de Rome », et Mark Riebling 4 700 au total dans Rome. L'écart de 2 000 personnes correspond peut-être aux 2 000 réfugiés cachés en ville par O'Flaherty.
  112. Lors d'une descente de la Gestapo dans le collège pontifical Russe, elle découvre 15 juifs cachés dans l'établissement. Voir Mark Riebling 2019, p. 429 note 4.
  113. « Le mérite de ce sauvetage revient incontestablement à Pie XII. C'est lui qui, à la suite de la razzia du 16 octobre, a ordonné à toutes les maisons religieuses de la capitale d'ouvrir leurs portes et d'accueillir tous les Juifs qui se présenteraient, en quête d'un abri contre une éventuelle rechute de la fureur nazie ». (Pierre Milza 2014, p. 339).
  114. « Qu'a fait ou tenté de faire le Vatican » s'interroge Philippe Chenaux, durant ces heures terribles comprises entre la raffle du 16 octobre et le départ pour la Pologne ? La reconstitution des faits et leur interprétation ne font pas l'objet d'un consensus unanime parmi les historiens. Pour les uns, le pape aurait fait tout ce qui était possible pour stopper les arrestations. Pour les autres, au contraire, il se serait abstenu d'intervenir, par crainte qu'une protestation énergique ne provoque une rupture irrémédiable avec le Reich. (Pierre Milza 2014, p. 334).
  115. On aurait estimé à plus de 24 000 juifs exfiltrés d'Europe. Plus des prêtres catholiques persécutés par les nazis.
  116. Cette même filière d'exfiltration hors Europe des juifs est réutilisée plus tard, pour un certain nombre de criminels nazis. Voir Mark Riebling 2019, p. 429 note 4.
  117. Les communautés juives refusent d'aider financièrement les juifs convertis au catholicisme. Le Vatican dispose alors de moins de moyens financiers pour leur venir en aide. Voir Mark Riebling 2019, p. 273.
  118. Ce type de décision, compte tenu de ses impacts et conséquences, dans la papauté et l’Église en général, demandait normalement plusieurs semaines de réflexion, et de nombreuses consultations. Le pape décide ici en 24h.
  119. La voiture du pape, qui se rendait dans la ville de Rome pour célébrer une messe a été attaquée et cernée par des fascistes qui criaient « Mort au pape! ». Les kiosques vendant le journal l'Osservatore Romano ont été attaqués, les prêtres dans les rues insultés.
  120. Paris et Londres avaient déclaré la guerre à Hitler, c'était une situation différente que de notifier les Pays-Bas et la Belgique, qui étaient neutres, d'une attaque à venir qui violerait leur neutralité.
  121. Comme David Alvarez, Yvonnick Denoël, Mark Riebling. Voir les références dans ce chapitre.
  122. Quand le diplomate présente au Secrétaire d’État du Vatican « le danger que représenterait une victoire russe pour l’Église et la civilisation européenne », Maglione lui répond sèchement « Malheureusement, les politiques antireligieuses de l'Allemagne ont provoqué des inquiétudes tout aussi vives ». Voir David Alvarez 2021, p. 354.
  123. Le diplomate allemand évoque de nombreuses fois dans ses courriers avec son administration de supposés projets de traités de paix entre anglais, américains et allemand amenant à une alliance commune entre les 3 signataires contre l'URSS. (Saul Friedländer 2010, p. 228-233). Cette hypothèse de retournement d'alliance n'est confirmé par aucun des auteurs cités en référence dans cet article. (en octobre 2023).
  124. Il s'agit de monsignor Egidio Vagnozzi, fonctionnaire anglophone de la Secrétairerie d'État.
  125. L'opération de subversion est un échec complet : les agents sont tous capturés rapidement, sûrement du fait d'agents doubles présents dans leurs groupes.
  126. D'après les accords entre alliés, ces hommes et femmes auraient dû être livrés à Staline. Et donc exécutés. Ces hommes ukrainiens, mais polonais avant la guerre et soviétiques après (du fait des changements de frontière), émigrent au Canada et en Australie.
  127. D'autres États ont collaboré dans ces exfiltrations et « bénéficié de recrues ex-nazies » comme la France, l'Autriche et même la RFA. Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 147-154.
  128. Pierre Milza écrit que le journal ne jouit que d'une « très relative indépendance ». Voir Pierre Milza 2014, p. 290. Et que sa diffusion pouvait être bloquée en dehors du Vatican (p. 303).
  129. Dont un article sur six colonnes à la une de l'Osservatore Romano concernant des discours du président Theodore Roosevelt et ses efforts pour soutenir le Royaume-Uni en guerre.
  130. L'Italie entre en guerre au côté de l'Allemagne le .
  131. Owen Chadwick donne la date du 20 juin, Saul Friedländer du 16 juin.
  132. « jusqu'au 22 juin 1941, Radio-Vatican mentionnait fréquemment en termes plus ou moins voilés le sort de l’Église en Pologne. En juin Bergen s'en était plaint au pape. Dès le début de la campagne de Russie, toute allusion défavorable au Reich disparaît des ondes de Radio-Vatican ». (Saul Friedländer 2010, p. 108).
  133. Concernant l'encyclique de Pie XI, Barbara Koehn écrit « le pape respecta minutieusement les limites que le concordat lui imposait ; ils renonça par conséquent à toute intervention directe dans le domaine de la politique comme par exemple celui des lois raciales de Nuremberg de septembre 1935. Mais il condamna avec fermeté les idées raciales nationalistes là où le concordat le lui permettait, c'est-à-dire dans le domaine dogmatique et théologique. ». L'historienne ajoute que les catholiques allemands ont accueilli cette lettre « comme une véritable déclaration de guerre spirituelle au nazisme. [..] Au centre du procès que le pape faisait à la religion national-socialiste se trouvait la condamnation sans appel du mythe de la race et du sang ». Et B. Koehn de conclure « Pour celui qui savait lire entre les lignes, il devait être claire que le pape condamnait avec une égale fermeté la politique anti-sémite du régime ». (Barbara Koehn 2003, p. 130-131.
  134. Pierre Milza commente le texte ainsi : « Le national-socialisme, parce qu'il nourrit sa doctrine et son action du refus d'une idéologie qui repose fondamentalement sur la croyance dans l'unicité de l'espèce humaine, se heurte nécessairement à la vision chrétienne de l'homme. Il existe donc une incompatibilité profonde sur ce point entre la doctrine de l’Église et celle des nazis ». (Pierre Milza 2014, p. 244.
  135. Diplomatiquement, il y a une différence entre l'attaque d'un pays « armé » et d'un État neutre. La neutralité d'un État étant protégée par des lois.
  136. « De retour à Vienne, il [l'évêque de Vienne] fut l'objet d'une quasi-lapidation de la part de la population viennoise. On parle de deux cent mille manifestant nazis, de pillage du palais épiscopal et de défenestration d'un secrétaire du cardinal qui aurait eu une jambe fracturée dans la mêlée » (Pierre Milza 2014, p. 195).
  137. Les SS écrivent également « Dieu considère tous les peuples et toutes les races comme étant dignes de la même considération. Ici, il parle clairement au nom des juifs. [..] Il accuse pratiquement les Allemands d'injustice envers les juifs, et se fait le porte-parole des criminels de guerre juifs ». Voir Mark Riebling 2019, p. 218.
  138. L'agent américain transmet ces explications à sa hiérarchie et son gouvernement.
  139. Parmi ces juifs convertis déporté, il y a Edith Stein et sa sœur, toutes deux arrêtées dans leur couvent. L'historienne Barbara Koehn fait dans son ouvrage la même analyse et conclusion. Voir Barbara Koehn 2003, p. 94 Note 1.
  140. Hubert Wolf écrit « Edith Stein et sa soeur Rosa (1883-1942) furent deux des victimes les plus célèbres de cette prise de parole publique des évêques ». Voir Hubert Wolf 2009, p. 198.
  141. Rapport de Harold Tittmann au département d'Etat.
  142. Myron C. Taylor écrit même dans son rapport, que l'avis du pape est « qu'une dénonciation ouverte par le pape des atrocités nazies, au moins en ce qui concerne la Pologne, ne pourrait avoir pour résultat que la mort violente de bien plus de personnes encore ». Voir Saul Friedländer 2010, p. 156.
  143. « Parmi les décideurs politiques qui manifestent leur horreur devant l'immensité des crimes hitlériens, Roosevelt n'est pas le moins actif. Il n'en reste pas moins prudent, craignant qu'une action d'envergure visant à ouvrir les vannes de l'immigration à des dizaines de milliers d'exilés politiques n'aboutisse à l'abandon des lois restrictives de 1921 et 1924. Même réserve du côté britannique où Churchill montre une égale réticence à ouvrir les portes de la Palestine ». Voir Pierre Milza 2014, p. 274.
  144. Dans son encyclique Divini Redemptoris, le pape condamne le « communisme athée ». Milza écrit que cette encyclique est encore sous la plume de nombreux historiens comme la condamnation symétrique des deux idéologies totalitaires : d'un côté l'Allemagne hitlérienne et l'Italie fasciste, de l'autre la Russie bolchevique et diverses moutures du marxisme que le pape Ratti dénonce come une perversion morale et une barbarie plus féroce que toutes celles qui avaient surgi dans l'histoire tourmentée de l'espèce humaine. Philippe Chenaux écrit que « pour grave qu'elle fut, la politique de persécution menée à l’encontre de l’Église en Allemagne n'était pas comparable au faits de sang de l'Espagne rouge ». Et Milza d'en conclure « le cardinal avait hiérarchisé ses adversaires ». Voir Pierre Milza 2014, p. 179-181.
  145. Voir le chapitre La crainte d'un schisme avec l'Allemagne.
  146. L'historienne allemande considère le cas conjoint des Églises protestantes et catholiques, toutes les deux dans la même tourmente.
  147. « Que faire pour empêcher que l’Église universelle ne soit polluée par la folle doctrine antisémite ? Telle était la question que Pie XI se posait à la fin de son pontificat. Fallait-il, à l'instar des Italiens et de ceux qui, en Allemagne, avaient choisi de poursuivre l'expérience de la conciliation, rechercher un accord plus ou moins explicite avec Hitler, ou entrer en conflit ouvert avec le national-socialisme en dévoilant la nature profonde de son idéologie et la barbarie des actes commis par ses adeptes ? Pie XII lui-même était partagé entre ces deux démarches contradictoires : « Les Italiens, rappelait-il, à l'issue de sa rencontre le 13 mai avec Dino Alfieri, savent certainement très bien les choses horribles qui se passent en Pologne. Nous devrions dire des paroles de feu contre des choses pareilles, et la seule chose qui Nous retient est le fait de savoir que, si Nous parlions, Nous rendrions encore plus dure la condition de ces malheureux ». ». (Pierre Milza 2014, p. 235-236).
  148. Contrairement au pape Pie XI, impulsif, pouvait avoir des paroles blessantes pour ses visiteurs. Voir Hubert Wolf 2009, p. 146.
  149. Après la mort de Pie XI, et jusqu'à son élection, Pacelli « a bénéficié d'une totale autonomie. La ligne qu'il avait suivie jusqu'alors comme secrétaire d’État avait consisté à impliquer le moins possible le Saint-Siège par des interventions publiques et à s'en remettre aux évêques allemands [pour les relations avec le régime nazi, ndlr], tout en privilégiant la voie diplomatique. Devenu pape, il s'est peu écarté de cette stratégie ». (Pierre Milza 2014, p. 243.
  150. Pie XII écrira le à Preysing sa grande satisfaction pour les sermons de von Galen. Voir Hubert Wolf 2009, p. 230.
  151. « Pie XII savait que sa façon de réagir au régime national-socialiste, qui consistait à échanger des notes diplomatiques secrètes avec le gouvernement du Reich et à formuler des requêtes papales ne portait pas les fruits escomptés. [..] Pie XII aurait aimé s'exprimer publiquement de la même manière que Galen. De son point de vue, Galen pouvait le faire parce que sa qualité d'évêque allemand et de pasteur diocésain de Munster lui donnait la responsabilité de ses seules ouailles, tandis que lui-même, en sa qualité de pape et de pasteur suprême des catholiques du monde entier, avait les mains liées. Le pape avait une obligation de neutralité politiques. Il ne pouvait par conséquent jeter publiquement l'anathème sur les nazis ». Voir Hubert Wolf 2009, p. 230.
  152. En septembre 1940, lors de l'attaque de la Pologne, l'ambassadeur français demande au pape « au moins un geste, une parole publique du pape en faveur de la malheureuse Pologne ». « A la requête qui lui fut transmise par Mgr Tardini, le pape répondit par la même voie que "ce serait trop", "on ne peut oublier, affirmait-il qu'il y avait dans le Reich 40 millions de catholiques. A quoi seraient-ils exposés après un pareil acte du Saint-Siège ?" Une fois encore se posait le dilemme auquel Pie XII avait commencé à devoir répondre. Faillait-il - au moins verbalement - voler au secours de la très catholique Pologne, et prendre le risque de sa destruction en dénonçant explicitement les crimes hitlériens ? Ou se taire pour "sauver l'essentiel" face à la barbarie nazie ? Avec pour obligation d'accepter des concessions substantielles à l'Allemagne, comme le suggérait Mussolini ». (Pierre Milza 2014, p. 224).
  153. « Pie XII condamne certes moralement l'invasion des deux États nordiques, mais il se refuse à mettre en péril les millions de catholiques allemands, qui constituent une cible pour Hitler et que ce dernier n'hésitera pas à prendre éventuellement en otage. Ce raisonnement nous l'avons déjà rencontré à plusieurs reprises sous la plume de Pacelli comme justification de sa position « neutraliste ». Le pape s'est donné pour règle de « considérer sur le même plan tous les pays et tous les peuples en guerre », agressés et agresseurs, et ce quel que soit le niveau de violence et de mépris du droit atteint par les belligérants. » (Pierre Milza 2014, p. 231.
  154. Pie XII écrit « S'il est, en cette période de guerre, un pays envers lequel nous avons voulu avoir des égards particuliers, c'est bien l'Allemagne. Et nous l'avons fait pour épargner aux catholiques allemands toute aggravation évitable de leur situation déjà si douloureuse en soi ». (Pierre Milza 2014, p. 257.
  155. a et b « De très pressantes recommandations nous sont parvenues, écrira Pacelli, afin que le Saint-Siège n'assume pas une attitude catégorique. Après bien des alarmes et bien des prières, j'ai jugé qu'une protestation de ma part, non seulement n'aurait bénéficié à personnes, mais aurait provoqué seulement les réactions les plus féroces contre les juifs et multiplié les actes de cruauté, parce que ceux-ci sont sans défense. Peut-être ajouta Pie XII, une protestation solennelle de ma part m'aurait-elle apporté les louanges du monde civilisé, mais elle aurait valu aux malheureux Juifs une persécution encore plus implacable que celle dont ils souffrent ». ([[#|]]).
  156. Lors de l'annulation du déjeuner donné par la nonciature de Berlin en 1938, à l'occasion du 16e anniversaire du couronnement de Pie XI, déjeuner où son traditionnellement invité les autorités politiques du pays, et donc les dignitaires nazi, le pape Pie XI annule l’évènement en écrivant « Si ce déjeuner a une telle portée, le Saint-Père interdit de le faire. Nous sommes disposés aux catacombes, pas au ridicule ». Voir Pierre Milza 2014, p. 238.
  157. Le pape n'a pas peur pour lui-même, pour sa sécurité. Il le dit à l'ambassadeur italien Dino Alfieri, le lorsque celui-ci vient se plaindre, à la demande du Duce, des télégrammes de compassion envoyé par le pape aux trois états neutres envahis par les armées allemandes (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg). Pie XII lui répond qu'il n'a aucune crainte et qu'il est serein, « qu'il était prêt, si tel devait être son sort, à finir dans un camp de concentration, et que, s'il avait dû avoir peur d'une menace contre sa vie, c'eût été lorsqu'il avait été braqué par une arme à feu, dans sa nonciature de Munich. « Nous n'avons pas eu peur alors des revolvers pointés sur nous. Nous n'en aurons que moins peur s'il devait y avoir une seconde fois. [..] Mais un pape, dans certaines circonstances, ne peut pas se taire, et nul ne peut lui contester le droit de s'exprimer » ». Voir Pierre Milza 2014, p. 232-233.
  158. Milza écrit : S'adressant quelques mois plus tard [après octobre 1941] aux représentants du corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, il [le pape] avait ajouté ceci : « En aucune occasion, nous n'avons voulu dire un seul mot qui ne fût juste, ni manquer à notre devoir de réprouver toute iniquité, tout acte digne de réprobation, en évitant néanmoins, alors même que les faits l’eussent justifiés, telle ou telle expression qui fût de nature à faire plus de mal que de bien, surtout aux populations courbées sous la férule de l'oppresseur ». (Pierre Milza 2014, p. 444).
  159. En accordant une activité politique et gouvernementale au Pape.
  160. Avant la guerre, et immédiatement après la guerre, Staline persécute les Églises locales rattachées au Vatican en les forçant à se « convertir à l’Église orthodoxe », de nombreux fidèles catholiques sont déportés (dont 500 000 Ukrainiens), mais aussi des prêtres (ceux qui refusent de devenir orthodoxe sous l'autorité du patriarche orthodoxe de Moscou), ou des moines (dont 2 000 moines tchécoslovaques). Les évêques sont arrêtés, emprisonnés, déportés voire assassinés. Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 165-171. Une courte accalmie a lieu pour les fidèles catholiques et les prêtres internés lorsque les troupes soviétiques sont en difficultés face aux troupes de l'Axe. Le retournement de la situation du front en 1943 entraîne un retour de la persécution religieuse. Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 58,84-85.
  161. Peu d'informations sont disponibles côté Vatican. Les chercheurs se basent sur les archives des services secrets des pays communistes qui espionnaient le Vatican. Les données sont donc imprécises. Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 191-192.
  162. Parmi les « succès » du pape Jean XXIII on peut citer : « Les félicitations du Premier secrétaire soviétique Nikita Khrouchtchev » pour les 80 ans du pape, la venue de 70 évêques catholiques du bloc de l'Est au concile Vatican II, et la publication en « une » de la Pravda du discours du pape de 1962, appelant à la paix dans la crise de Cuba. Pour les historiens, l'intervention du pape « pourrait bien avoir été décisive côté russe, offrant à Khrouchtchev une bonne raison de jouer l'apaisement contre l'avis des faucons du Politburo qui poussaient pour une confrontation armée ». Pour Khrouchtchev, la ligne conciliatrice renforçait sa stature internationale et augurait un renversement d'alliance du Vatican. Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 208.
  163. Yvonnick Denoël précise bien que la création de cette pièce est le résultat d'une opération de désinformation du KGB, citant Alberto Melloni (it) intervenu lors d'un colloque (Colloquium ont the history of Vatican II) tenu à Moscou en avril 1995. Voir Yvonnick Denoël 2021, p. 249 et note.
  164. « Il serait peut-être judicieux d'évoquer ici les critiques dont l’Église catholique et le pape Pie XII ont fait récemment objet après que Costa-Gavras a porté sur les écran la pièce de l'Allemande Hocchuth, Le vicaire, sous le titre Amen. Il faut dire que le moment des accusations lancées par certains milieux contre la personne du pape Pie XII était bien choisi. Il est vrai que la canonisation prévue par le pape Jean-Paul II suscita beaucoup de vagues parmi ceux qui n'aiment pas l’Église de Rome. Rappelons ici que jusqu'en 1960, personne n'avait mis en doute l'aide apportée par Pie XII aux Juifs ». Voir Barbara Koehn 2003, note 1, p. 94.
  165. Comme la note reçut du gouvernement Slovaque le qui nie les persécutions faites aux juifs dans leur pays (Pierre Milza 2014, p. 308-309), ou lors de l'entretient avec l'ex-secrétaire de l'ambassade d'Italie à Varsovie, Soro, en juin 1940, sur les violences faites aux polonais, que celui-ci dément énergiquement (Saul Friedlander 2010, p. 88).
  166. Le terme de « beaucoup d'historien » est donné par l'historienne Barbara Koehn. Voir la citation complète plus loin.
  167. « pour beaucoup d'historiens, il n'y eut pas de résistance de la part des Églises en Allemagne. Cette négation s'explique par un sens exclusivement politique conféré au terme de résistance. Parce que les Églises n'ont pas parlé et agi pro hominibus, c'est-à-dire au nom de toute personne persécutée, le conflit que les opposait au national-socialisme n'aurait pas mérité le nom de résistance. Cette position nous semble pourtant trop restrictive pour rendre compte de la complexité du problème ». (Barbara Koehn 2003, p. 93.
  168. « L’Église catholique se trouvait par conséquent placée devant le même dilemme moral que l’Église protestante d'opposition et exposée aux mêmes reproches de la part d'historiens pour qui l'action politique reste « le » critère de la résistance ». (Barbara Koehn 2003, p. 122-123.
  169. « Pour cette raison Mgr Faulhaber évita soigneusement toute affirmation dans ses déclaration officielles pouvant être interprétées dans un sens politique et s'en tint à l'aspect ecclésial et théologique du problème. Quelques historiens lui en ont tenu grief, mais en sous-estimant ou en taisant les contraintes que le concordat imposait à l’Église si elle voulait sauver l'essentiel, à savoir son indépendance et surtout son existence ». (Barbara Koehn 2003, p. 124.
  170. C'est aussi l'explication de Konrad von Preysing concernant l'attitude conciliante de l'évêque von Galen qui a « recherché des compromis pour assurer en quelque sorte la survie de l’Église dans l’État nazi ». Voir Hubert Wolf 2009, p. 221.
  171. Les archives du pontificat de Pie XII ont commencées à être ouvertes en 2012, l'auteur a publié son livre en 2008.
  172. « Le "pacte avec le diable", auquel présida le principe premier du souci des âmes des fidèles, fut-il finalement responsable du "silence" de Rome sur la persécution et le meurtre systématique de millions de juifs par les nazis ? » (Hubert Wolf 2009, p. 15). « Mais jusque là, les archives centrales du Vatican, qui regroupent les rapports des nonces, les procès verbaux des réunions des différentes congrégations de la Curie (les ministères du Vatican), les actes du Saint-Office (la suprême congrégation de la Foi), les entretiens entre le secrétaire d’État et le pape n'étaient pas accessibles pour cette période. Les débats internes à la Curie ne pouvaient donc que faire l'objet de spéculations ». (Hubert Wolf 2009, p. 16). « Le faite que les dossiers correspondant à la période nazie soient resté interdits d'accès a donné lieu à des spéculations sauvages ». (Hubert Wolf 2009, p. 16).
  173. Yvonnick Denoël est un historien et auteur de plusieurs ouvrages traitant d’espionnage. Voir sa fiche BNF, ou SUDOC.
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Annexes

Articles connexes

Liens externes

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