André Minaux, né de père lorrain, négociant en tissus et décorateur[2], et de mère provençale, effectue ses études secondaires au collège des Jésuites de la rue de Madrid à Paris[3]. Il est initié à l'art par son père qui le conduit dans des expositions et avec qui il peint le dimanche. En 1940, Minaux entre à l'École des arts décoratifs où il est l'élève de Maurice Brianchon « qui apprécie ses dons[2] » et de Roland Oudot. En 1945, il accomplit son service militaire à Avignon où la découverte de la lumière provençale, notamment au travers de la peinture d'André Marchand, marque sa sensibilité picturale[4]. Il épouse Hélène Benoît en 1947, année qui marque le début de sa carrière artistique.
Le « naturalisme » (1945-1953)
Il envoie Le Raccommodeur de filets au Salon d'automne de 1948. Cette toile est très remarquée par les critiques d'art. L'année 1948 est aussi pour lui la découverte de l'atelier de Fernand Mourlot et les débuts de sa carrière de lithographe. Le maître-imprimeur se souvient d'un Minaux alors très timide et disant : « je veux bien faire de la lithographie, j'ai entendu parler de Mourlot, mais il travaille avec Picasso, avec Matisse, avec Braque. Moi, pauvre petit, qu'est-ce que j'rais faire là dedans ? ». Les frères Mourlot l'ont cependant persuadé et il est venu : « Picasso était chez nous, ça l'a stimulé et il s'est mis à travailler beaucoup, toujours en noir, des choses robustes, austères, très réalistes, dans l'esprit de Courbet », s'intéressant cependant plus tard à la couleur[5].
1949 est l'année de la consécration : Minaux obtient le Prix de la Critique[6] et expose, entre autres, au Salon des Jeunes peintres, à la galerie Claude de la rue de Seine à Paris, avec le groupe de l'Homme Témoin (groupe de peintres rejetant l'art abstrait où, avec Bernard Buffet et Simone Dat, Minaux rejoint Bernard Lorjou et sa compagne Yvonne Mottet, Michel de Gallard, Paul Rebeyrolle et Michel Thompson)[2]. Installé alors au 60, avenue de Flandre à Paris[7], Minaux réinvente une figuration où le dessin joue un rôle essentiel. Il utilise un trait lourd qui sculpte la matière et donne une force à ses compositions. « L'utilisation de tons sourds, terriens renforce cet effet », écrit Pierre Basset dans L'Alchimie des noirs publié en 2001. Il met cette simplicité au service de l'Homme, en privilégiant une esthétique dépouillée.
Le musée d'art moderne de la ville de Paris achète une première toile en 1950. La première grande exposition personnelle de Minaux se déroule en 1951 à la galerie Bernier à Paris. Minaux expose La Descente de Croix, Le Sanglier, La Nature morte à la bouilloire et La Mise au tombeau. Il participe à la Biennale de Venise de 1952 avec une grande composition inspirée par un voyage en Espagne.
Période « agreste » (1953-1962)
En 1953, André Minaux présente sa première exposition à Londres à l'Adams Gallery, où une œuvre est achetée par la Tate Gallery. Il fait également sa première exposition particulière de lithographies à Paris, à la galerie Sagot - Le Garrec[8]. il est en 1956 nommé membre du Comité des peintres-graveurs, du Comité national de la gravure et du Comité du livre illustré français[9].
En 1960, il expose La Noce à la Maison de la pensée française, rue de l'Élysée à Paris. C'est une toile de cinq mètres sur trois, aux personnages nombreux et aux scènes multiples, qui repose essentiellement sur la densité des couleurs, désignée même comme « une fête de la couleur »[10], rapprochée aussi d'Un enterrement à Ornans de Gustave Courbet[9] - André Minaux est « un ouvrier de l'espèce Courbet » écrit au demeurant George Besson[11].
En 1962 naît sa fille Agnès. Minaux expose la même année à New York, à la galerie David Findlay, des portraits et des natures mortes représentatifs de l'École de Paris, qui remportent un vif succès, et il illustre pour les éditions De Draeger, sur le thème de L'été de la Saint-Martin, le catalogue de luxe annuel ou Liste des grands vins de la maison Nicolas.
Période « Barques et épaves » (1963-1965)
1963 marque une année charnière par l'exposition « Les Barques échouées » à la galerie Maurice Garnier à Paris. Minaux montre comment un peintre pourrait aller jusqu'à l'abstraction en parlant de la nature.
En 1964, il participe à l'exposition des affiches de l'atelier de lithographie Mourlot à la Maison de la pensée française.
Période « figurative » (1965-1971)
Minaux entreprend la sculpture en 1967. En 1968, une exposition particulière et permanente est organisée à Colmar au musée Unterlinden. Il s'agit d'une donation de grandes compositions représentatives des différentes périodes de l'artiste. Cette même année a lieu le Salon Peintres témoins de leur temps au musée Galliera. Minaux y expose une grande toile, La Pilule, sujet révolutionnaire et remarqué.
En 1970, André Minaux entreprend la gravure sur cuivre.
En 1971, il expose chez Maurice Garnier, avenue Matignon à Paris, de grandes silhouettes peintes sur contreplaqué, mi-peintures, mi-sculptures. Dans la foulée, il expose des portraits de femmes aux grands yeux noirs. La Femme devient un thème récurrent chez Minaux.
Période de la simplification (1972-1978)
À partir de 1972, Minaux approfondit la technique du pastel et du fusain, tout en travaillant un nouveau procédé, l'acrylique. Le style de l'artiste se dépouille et des distances sont prises vis-à-vis du figuratif. La même année, il fait une exposition importante de fusains et de pastels à la galerie Maurice Garnier.
1976 marque un retour à la lithographie où la simplification des lignes s'allie aux grands à-plats de couleur.
En 1978 a lieu une exposition de gravures sur cuivres à la galerie Sagot - Le Garrec[8]. Les gravures sont traversées de silhouettes noires et grises, de géométries animées de lignes et de visages.
Les instruments de musique (1979-1985)
En 1979, Minaux entame la réalisation de grandes compositions où le thème des trombones est un élément majeur. Période axée sur les instruments de musique, thème poussé et exploité dans toutes les disciplines pratiquées par l'artiste.
En 1983 a lieu une exposition de pastels et de dessins préparatoires exécutés en gravures sur cuivre pour le livre Le Roi Cophétua de Julien Gracq à la galerie Sagot - Le Garrec.
Le « non-figuratif » (1980-1986)
Au cours de cette période, l'artiste entreprend une recherche pure de formes, de volumes et de couleurs par la technique du pastel. Plusieurs expositions de pastels avec le thème musical sont réalisées. Il y a une recherche encore plus marquée vers le non-figuratif. La critique est élogieuse : les figures sont devenues des formes, ces formes sont des couleurs et ces couleurs une matière. Le travail du pastel prend beaucoup d'importance dans les dernières années de la vie de l'artiste.
Minaux livre à travers cette technique une véritable synthèse de ses recherches plastiques : exposition des volumes, architectures des formes, variation des couleurs et une volonté de saisir l'essentiel. « C'est clair comme le jour, soyeux comme la nuit, rouge et noir comme le coquelicot, bleu comme le beau corps du corbeau », écrit le poète Robert Marteau pour qualifier l'œuvre de Minaux dans Les Secrets du métier[10].
Le , André Minaux meurt des suites d'une crise cardiaque. « De Minaux, évoque encore Robert Marteau, on dira qu'il fur un homme de métier. Il savait que peindre, c'est apprendre à peindre. Il se voulait apprenti. Il n'aurait jamais voulu qu'on l'appelât "Maïtre", si ce n'est pour susciter le rire qu'il aimait »[10]
« Qu'il existe un certain parallélisme entre les conceptions de Minaux et de Buffet, c'est évident, mais seule leur parfaite assimilation d'un "univers clos" à la Franz Kafka ou à la Eugène Dabit parvient à les hisser au premier rang de la peinture moderne. Une infinie tristesse un peu lasse se dégage de leurs compositions. L'un et l'autre exaltent un immense espoir, un profond amour de la vie qui n'ose pas s'extérioriser. Leur peinture n'est pas un renoncement. Leur art résume le drame d'une adolescence "coincée" entre la pré-guerre et la Libération. Il est véritablement l'expression la plus pure d'une vie sans printemps. »
« Revenir à l'humain, ce n'est pas pour le peintre chercher le visage de l'humanité future, mais son visage de toujours. Contrairement aux cubistes et aux abstraits anthropomorphiques, il adopte une figuration qui, malgré des simplifications, reste traditionnelle. Les objets familiers sont, pour Minaux, les symboles d'une vie calme. Usagés, ils lui révèlent l'empreinte de la main humaine. Cette empreinte, on la retrouve dans sa peinture. Le cerne a un aspect plus manuel que géométrique. La matière, parce qu'elle suggère des impressions tactiles, est mise en évidence par un procédé qu'il a appris de Bonington : tons variés dans une même teinte... Le nu féminin est le thème où le style de Minaux évoque le plus celui de Paul Gauguin. Comme ce dernier, Minaux atténue le volume et fait usage du cerne. Comme Gauguin aussi, il combine plusieurs genres : le nu et, vu par une fenêtre, le paysage. »
« Minaux doit être considéré comme l'un des plus importants lithographes de sa génération, tant par la quantité que par la qualité de sa production, parallèlement à son œuvre peint. Ses lithographies le situent dans la tradition des plus grands peintres-graveurs. Il a marqué dans cette époque de confusion la suprématie du talent associé à un travail assidu sur ce qui n'est plus, bien souvent, chez certaines "vedettes" éphémères que de l'improvisation à effets destinée, provisoirement, à "épater" les béotiens en mal de modernisme. »
« On pourrait appeler “matissienne” la démarche de Minaux dans sa recherche de la perfection. C'est le même parti pris de la surface plate colorée, en juxtaposition avec l'objet réduit lui aussi à son image plate, mais on sait que l'objet n'est rien en réalité, il n'est que par son symbolisme et son allure, que par le contexte, que par la réflexion qu'il fait naître chez le regardeur. »
« L'œuvre dont nous avons gardé en mémoire la puissante construction, la matière somptueuse et les tonalités sévères (terres, ocres, noirs), traitait de thèmes durs : un sanglier mort dominait un ensemble d'où émergeait aussi un raccommodeur de filet parmi les natures mortes et une femme assise. Elle s'imposait d'emblée. Minaux en parlait avec une simplicité bourrue. Oui, il était réaliste à une époque où il était de bon ton d'être abstrait. La simplicité d'un artisan, une flamme vraie. »
« Un regard sur les œuvres antérieures de Minaux nous montre l'homme attentif à la nature, attentif aux objets et peu à peu se dégageant par l'attrait de l'art égyptien, puis en raréfiant le modèle ou le prétexte (études d'atelier) pour bientôt passer des formes livrées des instruments de musique à la musique elle-même, et s'y livrant pour se délivrer. Il faut être absolument classique. Il n'y a pas d'autre moyen d'être moderne. »
« Prix de la Critique 1949 (Bernard Buffet l'avait obtenu l'année précédente), Minaux dégraissait les volumes pour ne garder que les formes élémentaires. Il restera comme un bon ouvrier de la peinture, fidèle à ce que Guillaume Apollinaire appelait "la déplorable réalité" : un dessin expressif de graveur, une palette grave et généreuse. »
« Son œuvre, consacrée à la réalité quotidienne, qui s'est refusée à participer aux problèmes plastiques de l'époque, amère dans ses débuts puis progressivement plus sereine, a contribué en son temps à donner une suite à la production de l'École de Paris de l'entre-deux-guerres, caractéristique d'une société en quête d'un confort sans histoires. »
Blaise Cendrars, La Grand'route, 27 lithographies priginales par André Minaux, 120 exemplaires numérotés, éditions Bibliophiles et graveur d'aujourd'hui, 1952.
Eugène Fromentin, Dominique, portrait-frontispice par André Minaux, 3 000 exemplaires numérotés, Imprimerie nationale /André Sauret, 1953.
Juliette Darle, Je t'aime, dessins d'André Minaux, Éditions Caractères, 1955.
Trois Fabliaux du Moyen Âge, adaptation de P. Imbs, frontispice et 25 compositions par André Minaux, éditions Les Bibliophiles de l'Est, 1956.
Octave Mirbeau, Le Calvaire, portrait-frontispice (lithographie originale) par André Minaux, 3 000 exemplaires numérotés, Imprimerie Nationale/André Sauret, 1958.
Jules Renard, Les Philippe, 27 lithographies originales d'André Minaux, 160 exemplaires numérotés, éditions Les Francs-Bibliophiles, 1958.
Paul Léautaud, Le Petit Ami, 20 lithographies originales par André Minaux, 135 exemplaires numérotés, éditions Société normande des Amis du Livre, 1960.
Catalogue des vins Nicolas, éditions Draeger, 1962.
Marguerite Duras, Moderato Cantabile, 20 lithographies originales par André Minaux, 200 exemplaires numérotés, éditions Le Livre contemporain et Les Bibliophiles franco-suisses, 1964.
François Mauriac, Œuvres romanesques, 2 tomes, Flammarion, Paris, 1965.
Hervé Bazin, Vipère au poing, 23 lithographies priginales par André Minaux, 120 exemplaires numérotés, éditions Société Hippocrate et ses amis, 1965.
Jean Giono, Regain, 20 lithographies originales par André Minaux, 300 exemplaires numérotés, Club du livre - Philippe Lebaud, 1965.
Robert Marteau, catalogue de l'exposition André Minaux, 6 lithographies originales d'André Minaux (atelier Fernand Mourlot), Galerie Maurice Garnier, 1968.
Jean Giono, Le hussard sur le toit, lithographies originales par André Minaux, collection « Prix littéraires Prince Pierre de Monaco », André Sauret, 1971.
Robert Marteau, Hélène, recueil de dix poèmes, dix lithographies originales d'André Minaux, éditions André Sauret, 1974.
Julien Gracq, Le Roi Cophétua, gravures à l'aquatinte par André Minaux, 160 exemplaires nominatifs ou numérotés, éditions Les Bibliophiles de Provence, 1982.
Robert Marteau, Les Secrets du métier, 8 aquatintes originales par André Minaux, 110 exemplaires numérotés, éditions Claire Martin du Gard, 1990.
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