La lignée des panchen-lamas est une lignée de réincarnation importante dans l'histoire du Tibet, abbés du monastère de Tashilhunpo. Le panchen-lama est le deuxième plus haut chef spirituel du bouddhisme tibétain, et un lama guélougpa. Il se situe juste après le dalaï-lama dans ce système hiérarchique. L'origine du mot panchen est la contraction de deux mots : pandita, qui signifie « érudit » en sanskrit et chenpo, qui signifie « grand » en tibétain. Panchen se traduit donc par « grand érudit ». Lama signifie « maître spirituel ».
Le panchen-lama est considéré comme une émanation du BouddhaAmitabha (« de lumière infinie »), alors que le dalaï-lama est considéré comme une émanation du bodhisattva de la compassion, Avalokiteshvara. D'après Jeffrey Hopkins, « Le Dalaï-Lama est le dirigeant spirituel et politique du Tibet, tandis que le Panchen-Lama est le chef de la région de Shigatsé »[1].
Le terme panchen-lama a une étymologie sanskrite et tibétaine. Panchen est la contraction de deux mots : pandita, qui signifie « érudit » en sanskrit et chenpo, qui signifie « grand » en tibétain ; panchen se traduit donc par « grand érudit ». Lama signifie « maître spirituel ».
Origine et ambiguïté sur le titre de quatrième ou premier panchen-lama
Vers le début du XVe siècle, Tsongkhapa fonda la tradition bouddhiste appelée guélougpa. Vers 1445, son étudiant et Gendun Drup, le premier dalaï-lama[7], construisirent le grand monastère de Tashilhunpo à l'ouest de Lhassa, à Shigatsé. Gendun Drup avait déjà reçu le titre de panchen d'un érudit tibétain contemporain, Bodong Choklay Namgyel, après qu'il eut répondu avec succès à toutes les questions du sage. Les abbés successifs du monastère de Tashilhunpo furent tous appelés à sa suite panchen. Puis, au XVIIe siècle, le cinquième dalaï-lama (1617-1682), fit don du monastère de Tashilhunpo à son professeur, Lobsang Chökyi Gyaltsen. Appelé panchen en tant qu'abbé du monastère (15e), il reçut le titre distinctif de panchen-lama à sa mort, quand le cinquième dalaï-lama annonça qu'il renaîtrait et que l'enfant lui succéderait.
Pour Anne Chayet, quand le 5e dalaï-lama céda le monastère de Tashilhunpo à Lobsang Chökyi Gyaltsen, ses réincarnations succédèrent aux abbés de ce monastère, lesquels détenaient le titre de panchen, forme tibétaine du mot indien mahâ-pandita signifiant 'grand lettré'[9].
Le titre de panchen-lama fut également appliqué rétroactivement aux trois incarnations précédentes de Lobsang Chökyi Gyaltsen, bien qu'ils n'aient pas appartenu au monastère de Tashilhunpo. Son successeur devint donc le cinquième panchen-lama. Depuis lors, il est convenu que le dalaï-lama et le panchen-lama participent chacun à l'identification du successeur de l’autre.
Le , dans son monastère de Tashilhunpo, à Shigatse au Tibet, le dixième panchen-lama, Choekyi Gyaltsen, meurt d'une crise cardiaque, à l’âge de 50 ans. Les Tibétains disent qu'il a été empoisonné quelques jours après son discours historique critiquant la politique chinoise et affirmant sa loyauté envers le dalaï-lama[11],[12]. Le panchen-lama avait notamment déclaré que le progrès apporté au Tibet par la Chine ne saurait compenser la somme de destructions et de souffrance infligée au peuple tibétain[13]. Après sa disparition, le Parti communiste chinois chargea Chadrel Rinpoché, le responsable du monastère du Tashilhunpo, croyant qu'il leur était favorable, de trouver la réincarnation du panchen-lama. Le dalaï-lama propose à Pékin de dépêcher une délégation de hauts dignitaires religieux pour « assister » Chadrel Rinpoché. Mais l’offre est rejetée par la Chine, qui la qualifie de « superflue ». Le dalaï-lama et les autorités tibétaines commencent à organiser les recherches pour trouver sa réincarnation suivant les traditions tibétaines. Au Tibet, Chadrel Rinpoché retient trois enfants aux qualités remarquables. Parmi eux, le petit Gendhun Choekyi Nyima, âgé de six ans, fils de nomades tibétains. Chadrel Rinpoché informe une équipe envoyée clandestinement au Tibet par le dalaï-lama. Gendhun aurait reconnu sans hésiter les biens du défunt Lama. Il aurait d'ailleurs déclaré à ses parents : « Je suis le panchen-lama. Mon monastère est le Tashilhunpo. » Le , après avoir étudié les différents candidats, le petit Gendhun Choekyi Nyima fut officiellement reconnu par le dalaï-lama comme étant le onzième panchen-lama. Fils de Kunchok Phuntsok et Dechen Choedon, il est né le dans la ville de Nagchu.
Trois jours plus tard, le , Gendhun Choekyi Nyima et ses proches furent portés disparus et certaines rumeurs laissèrent croire qu'ils avaient été enlevés et emmenés à Pékin. Chadrel Rinpoché, lui, est immédiatement arrêté et emprisonné pour avoir informé le dalaï-lama. Un an plus tard, Pékin avouait détenir le panchen-lama, ce qui en faisait le plus jeune prisonnier politique au monde. En 1996, son cas fut examiné par le Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU et les autorités chinoises admirent pour la première fois avoir « pris l'enfant pour sa sécurité » quand la question du panchen-lama fut abordée. Le Comité demandèrent à rendre visite à Gendhun, mais les autorités chinoises ne donnèrent pas leur accord. Le dossier n'a pas avancé depuis lors. Aujourd'hui[Quand ?], il serait toujours détenu par les autorités chinoises. Pour les Tibétains et les bouddhistes de l'école tibétaine, il est le onzième panchen-lama, l'un des plus hauts dignitaires du bouddhisme tibétain. Une alerte AMBER mondiale a été lancée[Quand ?] par le monastère de Tashilhunpo en Inde (rétabli en 1972) et une récompense est promise à toute personne fournissant une information permettant d'entrer en contact avec le panchen-lama[14].
Selon le gouvernement de la République populaire de Chine, le panchen-lama doit être désigné par un tirage au sort effectué dans une urne d'or avant d'être reconnu par le gouvernement central[15]. Cependant, le dixième panchen-lama lui-même avait fait une déclaration qui fut citée dans une publication officielle chinoise : « Selon l'histoire tibétaine, la confirmation du dalaï-lama ou du panchen-lama doit être mutuellement reconnue[16] ».
En mars 2010, Padma Choling, président tibétain du gouvernement de la région autonome du Tibet, a indiqué que le garçon vivait maintenant comme citoyen ordinaire du Tibet. « Ses frères et sœurs cadets vont à l'université ou ont déjà commencé à travailler », a-t-il déclaré. « Ce garçon est une victime. Lui et sa famille ne veulent pas être dérangés et souhaitent mener une vie ordinaire[18].
Précédentes incarnations des panchen-lamas
Dans la lignée tibétaine du panchen-lama, on considère qu'il y a eu quatre émanations indiennes et trois tibétaines du Bouddha Amitabha avant le premier panchen-lama. La lignée commence avec Subhuti, un des disciples d'origine du Gautama Bouddha[19].
↑Gendun Drup (1391-1475) fut rétroactivement appelé le premier dalaï-lama quand la 3e incarnation dans sa lignée, Sonam Gyatso (1543-1588), reçut ce titre en 1578 de son chef et disciple mongol Altan Khan.
↑(Sampildondov et Uradyn 2013) « Altan Khan to Sonam Gyatso in 1578, and Gushri Khan of the Hoshut, after helping the 5th Dalai Lama to eliminate his opposition and made himself the King of Tibet, awarded the title Panchen Bogd—Pandita the Holy—to his teacher in 1645, thereby establishing the second highest institution in the Tibetan Buddhist world. »
↑Anne Chayet, in Le Tibet est-il chinois ?, Anne-Marie Blondeau et Katia Buffetrille, 2002, p. 66 : « Le titre de panchen-lama fut donné à Lozang Chöki Gyeltsen (1570-1662), qui rechercha et découvrit le Ve dalaï-lama. Il était à la fois un grand savant et un négociateur habile. Il était la troisième réincarnation d'un disciple de Tsongkhapa et fut élu au siège abbatial de Tashilhünpo. Les abbés de ce monastère avaient développé une tradition d'érudition et de sagesse qui valut à la plupart d'entre eux le titre de panchen (forme tibétaine du terme mahâ-pandita indien, 'grand lettré'). Lorsque le Ve dalaï-lama donna à son maître Lozang Chöki Gyeltsen le monastère de Tashihünpo, la lignée d'incarnation de celui-ci succéda aux abbés élus. Un lien personnel et religieux très particulier fut ainsi stigmatisé entre le Ve dalaï-lama et le Ier panchen-lama. La tradition chinoise, par référence à ses trois prédécesseurs dans sa lignée d'incarnation, le désigne comme quatrième et non premier panchen-lama. La tradition chinoise suit en cela celle de l'entourage des panchen-lamas ».
↑ ab et cThe title Panchen Lama was conferred posthumously on the first two Panchen Lamas.
↑Panchen-lama. 1988. « On Tibetan Independence. » China Reconstructs (actuellement appelé China Today) (January) : Vol. 37, No. 1. pp 8–15.
↑Serge Kœnig, Alpiniste et diplomate, j’entends battre le cœur de la Chine, Glénat, 2013, 280 p., p. 212 : « Mais dans l’affaire de ce jeune panchen[-lama], personne ne s’est demandé comment le ‘gouvernement’ en exil, qui est composé de fins politiques et d’un oracle d’État attitré (Nechung), qui connaît les Chinois et le dossier Chine-Tibet par cœur, a pu ne pas anticiper sur la réaction chinoise en désignant officiellement depuis Dharamsala et sans concertation préalable avec Pékin, un enfant réincarné d’un haut dignitaire du Tibet, en Chine ! Il ne faut quand même pas être devin pour savoir que, dans la situation actuelle, cela signifiait assurément ‘sacrifier’ l’enfant… et provoquer un battage médiatique sur la planète contre les Chinois. »
Gilles Van Grasdorff : Panchen Lama, Otage de Pékin (Ramsay, 1999, (ISBN2-84114-283-3)).
Roland Barraux : Histoire des Dalaï-lamas' (2002, Albin Michel, (ISBN2-226-13317-8)).
Le dalaï-lama : Vaincre la mort, et vivre une vie meilleure Commentaire d'un poème du quatrième panchen-lama (Plon, 2003 (ISBN2-259-19859-7)).
Fabienne Jagou : Le 9e Panchen Lama (1883-1937) : enjeu des relations sino-tibétaines (Publications de l'École française d'Extrême-Orient : Monographies ; no. 191, 2004 (ISBN2-85539-632-8)).
(en) Sampildondov Chuluun et Uradyn Erden Bulag, The Thirteenth Dalai Lama on the Run (1904-1906) : Archival Documents from Mongolia, vol. 1, Boston ; Leiden, Brill, coll. « Brill's Inner Asia archive », (OCLC852899164, lire en ligne), p. 17.