Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages, allant de grandes fresques historiques imaginaires (La Gloire de l'Empire, 1971) aux essais philosophiques dans lesquels il partage ses réflexions sur la vie, la mort ou l'existence de Dieu (Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, 2016). Il est élu à l'Académie française en 1973. De 1974 à 1977, il est également le directeur général du Figaro.
Considéré pendant plus de quarante ans comme l'ambassadeur médiatique de l'Académie française, il était très présent dans des émissions télévisées littéraires ou plus généralistes, où il est régulièrement invité pour son érudition et son art de la conversation.
le frère cadet de Henry d'Ormesson (1921-1995), énarque et inspecteur général des finances.
Sa mère, Marie Henriette Isabelle Anisson du Perron (1892-1975), issue de la famille Anisson du Perron[3], descend d'Étienne-Alexandre-Jacques Anisson-Dupéron (1749-1794), directeur de l'Imprimerie royale en 1783, privé de cet emploi à la Révolution et guillotiné[4].
À l'origine, ses ancêtres utilisent le patronyme Le Fèvre. Au début du XVIe siècle, son ancêtre Jean Le Fèvre amorce l'ascension sociale en devenant commis au greffe du Parlement de Paris. Son fils, Olivier Le Fèvre (1525-1600), devient président de la Chambre des comptes de Paris et acquiert les seigneuries d'Eaubonne et d'Ormesson à Épinay-sur-Seine. Il est anobli en 1553. La famille s'établit en 1758 à Amboile, dans la vallée de la Marne, terre dont elle obtient l'érection en marquisat, le village étant renommé de ce fait Ormesson-sur-Marne[5].
Jeunesse et formation
Jean d'Ormesson passe son enfance au château de Saint-Fargeau, qui appartient à sa mère, épisode de sa vie qu'il évoque dans Au plaisir de Dieu. Pendant sa jeunesse, la famille suit les missions du père en Bavière (de 1925 à 1933), en Roumanie et au Brésil, à Rio de Janeiro[6]. Il est élevé par sa mère, des nourrices et des gouvernantes jusqu'à l'âge de 14 ans et suit toute sa scolarité les cours par correspondance du Cours Hattemer[7].
Son père, ambassadeur à la retraite, avait été nommé à la tête de la Croix-Rouge française et avait dû aller travailler à Vichy (où il n’est resté que 24 heures avant de démissionner). « Il nous installe, ma mère et moi, flanqués de mon cousin Jacques et de sa mère, ma blonde et délicieuse tante Anne-Marie dont le mari est prisonnier en Allemagne, dans la modeste pension Bon Accueil à Royat et il m’inscrit en première, pour préparer mon bachot, au lycée Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand. »
Ce passage en Auvergne ne durera que quelques mois. Le temps de tracer, lors de l’hiver 1940-1941, des croix de Lorraine sur les murs de Clermont-Ferrand, d’emprunter quotidiennement le tramway Royat - Clermont-Ferrand, et de vivre un hiver glacial avant de quitter la région en direction de Nice.
Il vit alors dans l'appartement de ses parents 97, rue du Bac, jusqu'à son mariage à l'âge de 37 ans[13],[14]. Il s'agit d'une partie de l'hôtel particulier de 1722 qui est habité de 1809 à 1824 par Constance de Théis, successivement princesse, comtesse — et à nouveau princesse — de Salm-Dyck, puis sous le Second Empire par le maréchal Vaillant, avant que vers 1987 son nouveau propriétaire ne le restaure et remeuble[15].
Le , il épouse à Paris dans le 16e arrondissement, Françoise Béghin, née dans cet arrondissement le , de 13 ans sa cadette, fille benjamine de Ferdinand Béghin, magnat de la presse (et administrateur du Figaro à partir de 1950) et du sucre (PDG de la société Béghin-Say), suisse par sa mère, et également cousine (par sa tante paternelle) du cinéaste Louis Malle[16]. Leur fille Héloïse naît le .
Il est rédacteur en chef adjoint (1952-1971), membre du comité de rédaction (à partir de 1971), puis rédacteur en chef de la revue Diogène (sciences humaines). Il est plusieurs fois conseiller dans des cabinets ministériels (dont celui de Maurice Herzog à la Jeunesse et aux Sports) et membre de la délégation française à plusieurs conférences internationales, notamment à l'assemblée générale des Nations unies en 1968.
Romans
En 1956, il publie son premier roman, L'amour est un plaisir[Note 1], qui se vend à seulement 2 000 exemplaires, alors que son éditeur Julliard voit en lui un « frère de Sagan ». Il connaît son premier succès critique et public en 1971 avec le roman La Gloire de l'Empire (100 000 exemplaires vendus) pour lequel il reçoit le grand prix du roman de l'Académie française[18].
Il apparaît six fois dans l'émission télévisée Italiques entre 1971 et 1974[Note 2].
Jean d'Ormesson écrit de nombreux romans, qui échappent souvent aux conventions du genre romanesque : les intrigues sont construites autour de plusieurs personnages et font place à de nombreuses digressions et à des anecdotes personnelles, alliant l'humour et l'érudition. Les fictions de Jean d'Ormesson constituent souvent une méditation sur le temps qui passe et prennent parfois l'allure d'un traité de vie : La Gloire de l'Empire, Dieu, sa vie, son œuvre, Histoire du Juif errant, La Douane de mer, Presque rien sur presque tout. La dimension autobiographique est toujours très présente, en particulier dans Du côté de chez Jean, Au revoir et merci, Le Rapport Gabriel, C'était bien, livres à mi-chemin entre le récit et l'essai, où Jean d'Ormesson parle de lui-même, tout en inventant certains détails de sa vie sur le ton de la fausse confidence ou de la fausse modestie[réf. nécessaire].
Dans ses derniers livres, il explore d'autres voies en relatant d'outre-tombe sa propre vie passée ou en adoptant un registre plus mélancolique (Une fête en larmes).
Il fait campagne pour défendre la réception sous la coupole de Marguerite Yourcenar, la première femme admise à l'Académie en 1980[6],[29], répondant à son discours de remerciement en 1981. Il milita fortement, y compris avec un discours de présentation, pour la candidature de Valéry Giscard d'Estaing en 2003, ce qui fut concrétisé malgré les polémiques concernant le peu d'expérience littéraire de l'ancien président[30],[31]. Il reçoit également Michel Mohrt en 1986 et Simone Veil le 18 mars 2010.
Il était le benjamin de l'Académie française à son entrée[Note 3]. À sa mort, il en était le doyen d'élection (depuis le décès de Claude Lévi-Strauss le ) et le vice-doyen d'âge[Note 4] depuis la mort de Michel Déon un peu moins d'un an auparavant.
Directeur général du Figaro
En 1974, il est nommé directeur général du Figaro.
Ses opinions sur la guerre du Viêt Nam lui valent des paroles très dures de Jean Ferrat dans la chanson Un air de liberté[32]. En 1975, à la suite de la suppression de cette chanson d'une émission de télévision à la demande de Jean d'Ormesson, Jean Ferrat s'explique : « Je n'ai rien contre lui, contre l'homme privé. Mais c'est ce qu'il représente, [...] la presse de la grande bourgeoisie qui a toujours soutenu les guerres coloniales, que je vise à travers M. d'Ormesson[33]. »
En 1976, toujours directeur général du Figaro, il apporte son soutien au journaliste et responsable syndical (CGC) Yann Clerc qui aide Robert Hersant, le nouveau propriétaire du titre (à partir de ), à éliminer toute opposition des journalistes après sa prise de pouvoir[34].
Plus de soixante-quinze journalistes démissionnent en invoquant la clause de conscience. Bernard Pivot, soutenu par l'ancien propriétaire du groupe de presse Jean Prouvost, réussira à négocier des indemnités qui lui permettront de financer la piscine de sa maison dans le Beaujolais, à laquelle il donnera le nom de Jean d'Ormesson. Ce dernier a très bien pris la plaisanterie et les deux hommes deviendront amis. « Je pensais qu'on donnerait mon nom à une école après ma mort, a-t-il réagi, je ne pensais pas qu'on le donnerait à une piscine de mon vivant »[35].
Il démissionne de son poste de directeur en 1977 face à l'ingérence rédactionnelle de Robert Hersant[36].
Il continue une chronique régulière jusqu'en 1983 dans le nouveau supplément Le Figaro Magazine dont le rédacteur en chef est Louis Pauwels.
Jean d'Ormesson poursuit sa collaboration à la rubrique « Débats et opinions » du journal Le Figaro. La première biographie à son sujet, écrite par Arnaud Ramsay, Jean d’Ormesson ou l'élégance du bonheur, a été publiée en 2009[37].
Pensée et positionnement politiques
Jean d'Ormesson se considère comme « un homme de droite — un gaulliste avéré, mais un gaulliste européen — qui a beaucoup d'idées de gauche : des idées d'égalité et de progrès, ce progrès qui est abandonné par la gauche à cause des écologistes[38]. »
À l'occasion d'une interview au cours de laquelle il commente le renoncement de François Hollande à réunir le Congrès sur la question de la déchéance de nationalité, Jean d'Ormesson révèle qu'il possédait également un passeport libanais[42] (« Je suis, moi-même, binational (j'ai un passeport libanais). »). Il lui avait été accordé par le gouvernement provisoire du général Michel Aoun[43] lors d'un séjour durant la guerre civile libanaise.
Défense des chrétiens d'Orient
Dès 2008, Jean d'Ormesson dénonce le sort des populations qui fuient ou survivent dans le nord de l'Irak et de la Syrie, en particulier les chrétiens d'Orient. Il définit ceux-ci comme « nos frères aînés, auxquels nous devons admiration et respect »[44].
Vie privée
Jean d'Ormesson rencontre Françoise Béghin, fille du magnat du sucre et de la presse Ferdinand Béghin en 1958. En 1962, il l'épouse afin de légitimer leur fille Heloïse dont elle est tombée enceinte, tout en lui signifiant « n'être pas fait pour le mariage » et que ce mariage devrait « préserver leurs libertés respectives »[45].
En 1974, il rencontre Malcy Ozannat, fille d'Olivier Guichard et épouse de Jean-Pierre Ozannat, directeur adjoint d'Europe 1, qu'il ne quittera plus.
Après vingt ans d'indifférence, les deux femmes finissent par sympathiser au point de prendre leurs vacances ensemble[46].
Affaire judiciaire
En 2003, l'académicien et son épouse Françoise sont soupçonnés d'avoir dissimulé 16 millions d'euros à l'administration fiscale française, mais le non-respect de procédures d'entraide judiciaire internationale provoque l'interruption des poursuites[47].
Maladie et mort
En 2013, il évoque un cancer de la vessie lui ayant valu huit mois d'hospitalisation[49],[50]. Il déclare, une fois remis, qu'il avait « une chance sur cinq de [s]’en sortir » et que « le cancer a rayé une année de [s]a vie[51]. »
Jean d'Ormesson meurt d'une crise cardiaque dans la nuit du 4 au 5 décembre 2017 (tôt dans la matinée du ), à son domicile, à Neuilly-sur-Seine, à l'âge de 92 ans[52],[53],[54].
Sa mort précède de quelques heures celle d'une autre figure culturelle française, Johnny Hallyday. Bruno Frappat, dans La Croix, parle de la disparition de « deux voix de la France »[55]. Les médias rappellent à cette occasion une déclaration faite quelques années auparavant par Jean d'Ormesson qui estimait — citant en exemple les décès quasi-simultanés, en 1963, d'Édith Piaf et de Jean Cocteau — qu'il est préférable pour un écrivain de ne pas mourir en même temps qu'une vedette de la chanson, sous peine de voir sa disparition éclipsée[56].
Sa famille indique que « sa dépouille sera incinérée plus tard dans l'intimité »[57],[58],[59]. Il n'est en effet pas enterré au cimetière du Père-Lachaise dans la chapelle familiale située en 56e division comme il l'avait laissé deviner dès 2014 où il avait indiqué que « ce caveau est plein comme un œuf » et qu'il devra « se faire cendres »[48].
Contient Du côté de chez Jean, Mon dernier rêve sera pour vous, Une autre histoire de la littérature française, Et toi mon cœur pourquoi bats-tu et Voyez comme on danse.
C'est l'Amour que nous aimons, Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
Contient L'amour est un plaisir, Un amour pour rien, Au revoir et merci, Le Vent du soir, Tous les hommes en sont fous et Le Bonheur à San Miniato.
Ces moments de bonheur, ces midis d'incendies, Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
Une fête en larmes, La Création du monde, Qu'ai-je donc fait, Odeur du temps, Saveur du temps, Tant que vous penserez à moi et les Discours à l'Académie française
Contient Au revoir et merci, La Gloire de l'Empire, Au plaisir de Dieu et Histoire du Juif errant.
Œuvres II, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade » (no 635), , 1632 p.
Contient Le Vagabond qui passe sous une ombrelle trouée, La Douane de mer, Voyez comme on danse, C'est une chose étrange à la fin que le monde, Comme un chant d'espérance et Je dirai malgré tout que cette vie fut belle.
Documentaire qui suit l'écrivain les trois dernières années de sa vie. D'Ormesson devait également jouer un écrivain en fin de vie faisant le bilan de son existence ; soit le rôle principal du premier film de fiction de Laurent Delahousse. L'académicien meurt pratiquement une semaine après l'annonce du film[81],[82].
2021 : Michel Déon ou la force de l'amitié de Jérémie Carboni : intervenant (documentaire)[83].
(it) Franca Bruera, Jean d'Ormesson e il tempo como esperienza e rappresentazione, Rome, Bulzoni, coll. « Biblioteca dei quaderni del Novecento francese » (no 19), , 291 p. (ISBN88-7119-922-7, BNF37045891)
François Durand. "Jean d’Ormesson, illustre méconnu" In : 37 études critiques : littérature générale, littérature française et francophone, littérature étrangère : Cahier XXVII [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1999. Disponible sur Internet : [1].
↑Le titre de son premier roman L'amour est un plaisir est inspiré d’un vers de Corneille « L’amour n’est qu’un plaisir, l’honneur est un devoir ».
↑Jean d'Ormesson apparait six fois dans l'émission Italiques, deuxième chaîne de l'ORTF : le , , , , et enfin le .
↑Il était alors âgé de 48 ans. Le , le psychiatreRaphaël Gaillard devient, à 47 ans, le plus jeune académicien, battant le record de Jean d'Ormesson.
↑Élu le 18 octobre 1973, il était membre de l'Académie française depuis 44 ans, 1 mois et 17 jours. À sa mort, son aîné René de Obaldia est âgé de 99 ans.
↑La fureur de lire la presse, Fédération Nationale de la presse française (), cité dans « Le journal, un plaisir quotidien », Le Monde de l'éducation, Groupe Le Monde, nos 216-221, , p. 15.
↑Jean d'Ormesson, interviewé par Nicolas Ungemuth, « Jean d'Ormesson : "J'ai beaucoup d'admiration pour les athées" », Le Figaro Magazine, semaine du 6 juin 2014, pages 137-139.
↑« Jean d'Ormesson, un libanais de coeur s'en est allé », Libnanews, (lire en ligne, consulté le ).
↑Jean d'Ormesson, « Découvrir les chrétiens d’Orient : À nos frères aînés auxquels nous devons admiration et respect », La Croix, (ISSN0242-6056, lire en ligne, consulté le ) :
« Parmi les premiers, dès 2008, j'ai pris publiquement la parole pour dénoncer le sort des populations qui fuient- ou tentent de survivre - dans le nord de l'Irak et de la Syrie[…] »