Paul ClaudelPaul Claudel
Paul Claudel, né le à Villeneuve-sur-Fère (Aisne), et mort le à Paris, est un dramaturge, poète, essayiste et diplomate français, membre de l'Académie française. Il est le frère de la sculptrice Camille Claudel, le gendre de l'architecte Louis Sainte-Marie Perrin, et le beau-père du diplomate Jacques-Camille Paris. Claudel a étudié le droit et la philosophie avant de se tourner vers l'écriture. Ses premiers poèmes ont été publiés en 1890, et en 1893, il a écrit sa première pièce de théâtre à succès La Ville. Il a également travaillé comme diplomate pour le gouvernement français, ce qui l'a amené à voyager dans de nombreux pays, dont la Chine, où il a écrit une série de poèmes inspirés par sa rencontre avec la culture chinoise. En plus de ses poèmes, Claudel a écrit de nombreux drames, dont Le Soulier de satin et L'Annonce faite à Marie. Ses œuvres ont été traduites dans de nombreuses langues et ont été jouées dans le monde entier. BiographieOrigines familiales et jeunessePaul Louis Charles Claudel est le fils de Louis-Prosper Claudel, un fonctionnaire (receveur de l’Enregistrement[2]), né à La Bresse dans les Vosges, et de Louise Athénaïse, née Cerveaux. Par son père, on remonte sa généalogie jusqu’à Jacques Elophe Claudel né vers 1500 et mort en 1530. Conduit par sa carrière en Picardie, son père y trouve une épouse et entre dans une famille de notables enracinés dans l’Aisne[3],[4]. Par sa mère, il descend de Charlotte de Vertus, issue d’une famille de vignerons. La famille de Vertus prétend, sans preuves, descendre directement d'un fils illégitime de Philippe Antoine, bâtard de Vertus, gouverneur de Blois et de Coucy qui meurt des mains du bourreau le 18 juillet 1445. Ce dernier était le fils naturel de Philippe d'Orléans (1396-1420), comte de Vertus, fils de Valentine Visconti et de Louis Ier d'Orléans, fils de Charles V le Sage[3],[4],[5]. Paul est le seul de la fratrie à naître dans le village de Villeneuve-sur-Fère, dans l'ancien presbytère du village (devenu depuis 2018 la Maison de Camille et Paul Claudel[6]). La famille y était accueillie depuis 1866 par le curé, oncle de Madame Claudel[2]. Paul est le frère cadet de Louise Claudel, pianiste[7] née en 1866[2], et de la sculptrice Camille Claudel, laquelle réalisera en 1884 son buste « en jeune Romain »[note 1]. Il grandit à Villeneuve-sur-Fère Jusqu'en 1879, puis à Wassy entre 1879 et 1881. De 1882 à 1886 il vit à Paris avec sa mère et ses sœurs au 135bis, boulevard du Montparnasse, puis de 1886 à 1892 au 31, boulevard de Port-Royal[8]. FormationIl fait ses études au lycée Louis-le-Grand, y obtient son baccalauréat de philosophie en 1885, puis s’inscrit à l’École libre des sciences politiques pour y préparer une licence de droit[9]. Il en est diplômé en 1885 (section administrative)[10]. Il passe le concours d'entrée dans le corps diplomatique en 1890. Il est reçu et commence sa carrière en 1893[11]. ConversionClaudel, selon ses dires, baignait, comme tous les jeunes gens de son âge, dans le « bagne matérialiste[note 2] » du scientisme de l'époque. Il se convertit au catholicisme, religion de son enfance, en assistant en curieux aux vêpres à Notre-Dame de Paris le , jour de Noël.
L'auteur clé de sa conversion catholique est Arthur Rimbaud[13],[14], qu'il découvre peu avant l'évènement de — à la fois par Les Illuminations mais surtout Une saison en enfer — et qui changera, comme il l'a souvent raconté, le cours de sa vie[15]. InfluencesSon œuvre est profondément marquée par la foi chrétienne, à la suite de la révélation en 1886. Outre Arthur Rimbaud, l'influence de Thomas d'Aquin[16], qu'il a appelé, dans un article fameux, le « mystique à l'état sauvage », est notamment manifeste dans Tête d'or, l'une de ses premières pièces de théâtre. Claudel s’est également consacré l’exégèse biblique pendant presque toute sa vie[17]. Pour lui, la foi n’est pas seulement une persistance dans sa critique sur l’art, mais plutôt une nourriture pour son esprit et son âme[18]. Il consacre plusieurs articles typiques à ce sujet : Vitraux des Cathédrales de France, La Cathédrale de Strasbourg, L’Art et la Foi, L’Art Religieux[19], etc. Il met en lumière l’esprit religieux partout où il le peut. C’est la façon pour lui d’exprimer sa méditation sur son intimité d’homme et de croyant[20]. Il confie même parfois sa foi au lecteur pour aider à comprendre ses textes. Il perçoit la Bible comme une œuvre poétique[21], qui le stimule à interroger et à commenter les tableaux avec un style qui parfois s'en inspire. Dans la littérature, Claudel a plus d'une fois exprimé son peu de goût pour les écrivains français du XVIIe siècle, à l'exception de Bossuet, qu'il admirait vivement[22]. Parmi ses principales influences littéraires, il faut citer Mallarmé dont il fut l’un des plus jeunes disciples[23]. DiplomatePassée une velléité d'entrer dans les ordres, il entre dans la carrière diplomatique en 1893. Tout d'abord premier vice-consul à New York puis à Boston, il est nommé consul à Shanghai en 1895. Il est alors appuyé par le secrétaire général du Quai d'Orsay, Philippe Berthelot. À l'âge de 32 ans, en 1900, il veut mettre fin à sa carrière diplomatique pour devenir moine bénédictin, et postule à l'abbaye Saint-Martin de Ligugé[24]. Les supérieurs du monastère ne l'admettront pas comme moine, mais en 1905, il deviendra oblat de cette même abbaye[25]. Il est le cofondateur avec André Gide, Jacques Copeau, Jacques Rivière, Jean Schlumberger, Charles-Louis Philippe et Gaston Gallimard, de la Nouvelle Revue Française en 1909[26]. De retour en Chine, il y poursuit sa carrière diplomatique, et après avoir été consul à Shanghai (1895), il devient vice-consul à Fou-Tchéou (Fuzhou, 1900) puis consul à Tientsin (Tianjin, 1906-09)[29]. Il est ensuite consul à Prague (1909), Francfort (1911) et Hambourg (1913), avant d'être nommé ministre plénipotentiaire à Rio de Janeiro (1916) et à Copenhague (1919). Il est ambassadeur à Tokyo (1921), Washington (1927) puis Bruxelles (1933), où se termine sa carrière diplomatique en 1936[30]. Rencontre de Rosalie Ścibor-RylskaPaul Claudel a une liaison avec Rosalie Ścibor-Rylska, d'origine polonaise, épouse de Francis Vetch, entrepreneur et affairiste[31]. Il la rencontre en 1900 sur le bateau qui l’amène avec son mari en Chine, et a une fille naturelle, Louise Vetch[32] (1905-1996), compositrice et cantatrice. Rosalie semble inspirer le personnage de Prouhèze dans Le Soulier de satin et Louise Vetch le personnage d'Ysé dans Partage de midi. Elle repose à Vézelay, où sa tombe porte ce vers du poète : « Seule la rose est assez fragile pour exprimer l'éternité », vers extrait de Cent phrases pour éventails. Écrivain engagéClaudel s'installe alors définitivement dans le château de Brangues, en Isère, qu'il a acquis en 1927 pour y passer ses étés. Le travail littéraire, mené jusqu'alors parallèlement à sa carrière diplomatique, occupe désormais la plus grande part de son existence. Il reçoit à Brangues diverses notoriétés : des hommes politiques comme le président Édouard Herriot, ou des écrivains comme François Mauriac. Georges Clemenceau, amateur de littérature et lui-même écrivain, a laissé cette sévère appréciation de la prose claudélienne :
En 1934, c'est Paul Claudel qui écrit puis déclame l'éloge funèbre pour son ami, l'ancien secrétaire général du Quai d'Orsay, Philippe Berthelot. Pendant la guerre d'Espagne, Claudel apporte son soutien aux franquistes. Geneviève Dreyfus-Armand écrit :
L’auteur ajoute que Bernanos lui répondit en publiant Les Grands Cimetières sous la lune et précise en outre que Claudel signa le Manifeste aux intellectuels espagnols du publié dans le magazine de propagande franquiste Occident, dirigé par Estelrich[34],[35]. Il en est même l'un des principaux rédacteurs et initiateurs. Claudel, d’autre part, refusa de rejoindre le Comité français pour la paix civile et religieuse en Espagne lancé par Jacques Maritain. Enzo Traverso va plus loin en écrivant :
En 1938, Claudel, qui a fait de la moto[note 3], entre au conseil d'administration de la Société des moteurs Gnome et Rhône, grâce à la bienveillance de son directeur, Paul-Louis Weiller[note 4], mécène et protecteur de nombreux artistes (Jean Cocteau, Paul Valéry, André Malraux)[37]. Ce poste, richement doté, lui vaudra des critiques, à la fois par le statut social et le montant des émoluments qu'il en retire mais aussi par le fait qu'au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette entreprise de mécanique participe à l'effort de guerre allemand pendant l'Occupation[38]. Selon l'hebdomadaire royaliste L'Indépendance française, cité par Le Dictionnaire des girouettes[réf. à confirmer], « sans aucune nécessité et sans aucun travail, simplement pour avoir assisté six fois au Conseil d'administration, il a touché 675 000 francs. Bénéfices de guerre, bénéfices de la guerre allemande[39]. » À partir de 1940, Paul-Louis Weiller, juif, est déchu de la nationalité française. Hésitations devant la Seconde Guerre mondialeAttristé par les débuts de la guerre, et notamment l'invasion de la Pologne, au cours d'un mois de qu'il juge par ailleurs « merveilleux », Claudel est initialement peu convaincu par le danger que représente l'Allemagne nazie. Il s'inquiète davantage de la puissante Russie, qui représente selon lui une « infâme canaille communiste »[40]. En 1940, il est ulcéré par la défaite de la France[41] mais voit d'abord une délivrance dans les pleins pouvoirs conférés par les députés à Pétain. Dressant dans son Journal un « état de la France au », il met au passif la sujétion de la France à l'Allemagne, la brouille avec l'Angleterre « en qui seule est notre espérance éventuelle » et la présence au gouvernement de Pierre Laval, qui ne lui inspire pas confiance. À l'actif, il met l'épuisement de l'Allemagne et de l'Italie, le gain de forces de l'Angleterre et un changement idéologique qu'il décrit comme suit :
(Ce qui concerne les instituteurs est un écho d'une conversation de Claudel avec le général Édouard Corniglion-Molinier et Antoine de Saint-Exupéry, qui, selon Claudel, lui avaient parlé « de la pagaille des troupes françaises, les officiers (les instituteurs réservistes) "lâchant pied" les premiers[43]. ») Le , Claudel va cependant plus loin encore dans le rejet des catégories que chasse Vichy : « Ma consolation est de voir la fin de cet immonde régime parlementaire qui, depuis des années, dévorait la France comme un cancer généralisé. C'est fini […] de l'immonde tyrannie des bistrots, des francs-maçons, des métèques, des pions et des instituteurs…[44] » Toutefois, le spectacle de la collaboration avec l'Allemagne l'écœure bientôt. En , il note dans le même Journal : « Article monstrueux du cardinal Baudrillart dans La Croix nous invitant à collaborer "avec la grande et puissante Allemagne" et faisant miroiter à nos yeux les profits économiques que nous sommes appelés à en retirer ! […] Fernand Laurent dans Le Jour déclare que le devoir des catholiques est de se serrer autour de Laval et de Hitler. — Les catholiques de l'espèce bien-pensante sont décidément écœurants de bêtise et de lâcheté[45]. » Dans Le Figaro du , il publie encore des Paroles au Maréchal (désignées couramment comme l’Ode à Pétain) qui lui sont souvent reprochées. La péroraison en est : « France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père./ Fille de saint Louis, écoute-le ! et dis, en as-tu assez maintenant de la politique ?/ Écoute cette voix raisonnable sur toi qui propose et qui explique[46]. » Henri Guillemin, critique catholique et grand admirateur de Claudel mais non suspect de sympathie pour les pétainistes, a raconté que, dans un entretien de 1942, Claudel lui expliqua ses flatteries à Pétain par l'approbation d'une partie de sa politique (lutte contre l'alcoolisme, appui aux écoles libres), la naïveté envers des assurances que Pétain lui aurait données de balayer Laval et enfin l'espoir d'obtenir une protection en faveur de son ami Paul-Louis Weiller et des subventions aux représentations de L'Annonce faite à Marie[47]. À partir d', le Journal ne parle plus de Pétain qu'avec mépris[48]. Il écrit notamment en :
L'attitude de Claudel à l'égard des persécutions antisémites est au demeurant courageuse et sans ambiguïté. Il écrit en au grand rabbin Schwartz pour lui dire « le dégoût, l'horreur, l'indignation qu'éprouvent à l'égard des iniquités, des spoliations, des mauvais traitements de toutes sortes dont sont actuellement victimes nos compatriotes israélites, tous les bons Français et spécialement les catholiques […] Un catholique ne peut oublier qu'Israël est le Fils aîné de la promesse comme il est aujourd'hui le Fils aîné de la douleur[50]. » Cette lettre est très largement diffusée en France et à l'étranger. Il n'épargne pas les autorités religieuses et proteste directement, dans une lettre adressée au cardinal Gerlier, contre les honneurs rendus au cardinal Baudrillart lors de ses obsèques, au printemps 1942 : « Pour l'émule de Cauchon, l’Église de France n'a pas eu assez d'encens. Pour les Français immolés, pas une prière, pas un geste de charité ou d'indignation[51]. » Camille Claudel meurt de faim à Montdevergues (Montfavet - Vaucluse) en pleine guerre, le . Dans Le Figaro du , Paul Claudel publie Un poème au général de Gaulle, qu'il avait récité au cours d'une matinée du Théâtre-Français consacrée aux « Poètes de la Résistance »[52]. ConsécrationClaudel a mené une constante méditation sur la parole, qui commence avec son théâtre et se poursuit dans une prose poétique très personnelle, s'épanouit au terme de sa vie dans une exégèse biblique originale. Cette exégèse s'inspire fortement de l'œuvre de l'Abbé Tardif de Moidrey (dont il a réédité le commentaire du Livre de Ruth[53]), mais aussi d'Ernest Hello. Claudel s'inscrit ainsi dans la tradition patristique du commentaire scripturaire, qui s'était peu à peu perdue avec la scolastique et a été reprise au XIXe siècle par ces deux auteurs, avant de revenir sur le devant de la scène théologique avec le cardinal Jean Daniélou et Henri de Lubac. Sa foi catholique est essentielle dans son œuvre qui chantera la création : « De même que Dieu a dit des choses qu'elles soient, le poète redit qu'elles sont. » Cette communion de Claudel avec Dieu a donné ainsi naissance à près de quatre mille pages de textes. Il y professe un véritable partenariat entre Dieu et ses créatures, dans son mystère et dans sa dramaturgie, comme dans Le Soulier de satin et L'Annonce faite à Marie. Le 28 mars 1935, il avait déjà fait acte de candidature au fauteuil de Louis Barthou ou il n’obtint que dix voix face à Claude Farrère qui fut élu. Il avait très amèrement ressenti son échec qui apparut à beaucoup comme un scandale[6]. Avec Maurice Garçon, Charles de Chambrun, Marcel Pagnol, Jules Romains et Henri Mondor, il est l'une des six personnalités élues le à l'Académie française lors de la deuxième élection groupée de cette année, visant à combler les très nombreuses places vacantes laissées par la période de l'Occupation. Il est élu par vingt-quatre voix à ce poste. Il n’a effectué aucune des visites rituelles, pas plus qu’il n’a fait acte de candidature. Il est reçu à l'Académie française le par François Mauriac, au fauteuil de Louis Gillet. Après son élection à l'Académie française, il consacre le reste de sa vie à l'étude de textes bibliques[54]. De 1948 à 1955, il préside l'Association France États-Unis. De 1953 à 1955 il participe à la revue littéraire de Jean-Marc Langlois-Berthelot dit « Jean-Marc Montguerre »[55], L'Échauguette. Il est par ailleurs membre du comité d'honneur du Centre culturel international de Royaumont. MortIl meurt le à Paris, au 11 boulevard Lannes à l'âge de 86 ans. Il est enterré dans le parc du château de Brangues ; sa tombe porte l'épitaphe : « Ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel[56],[note 5]. » DécorationsRécompenses
FamillePaul Claudel épouse à Lyon le [62] Reine Sainte-Marie-Perrin (1880-1973), fille de Louis Sainte-Marie Perrin, architecte de la basilique Notre-Dame de Fourvière, petite-fille du docteur Théodore Perrin, petite-nièce de Louis Perrin et d’Adélaïde Perrin. Elle a un frère, Antoine, qui est l’époux de Élisabeth René-Bazin, fille de l’écrivain René Bazin, de l’Académie française[63],[64]. Le couple embarque trois jours plus tard pour la Chine, où Claudel est consul à Tientsin. Ils ont cinq enfants : Marie (1907-1981), Pierre (1908-1979), Reine (1910-2007) épouse du diplomate Jacques-Camille Paris, Henri[65] (1912-2016[66]), et Renée (1917-2021). En , la sculptrice Camille Claudel, sœur de Paul (et ancienne maîtresse d'Auguste Rodin), est internée en asile d'aliénés à Mondevergues (Montfavet - Vaucluse) à la demande de la famille et à l'instigation de son frère Paul[67], qui décide d'agir immédiatement après la mort de leur père[68]. En trente ans d'hospitalisation, Paul Claudel ne va voir sa sœur qu'à douze reprises[69]. Lors de la rétrospective qui lui fut consacrée en 1934, des témoins ont rapporté que Paul Claudel s'emporte : il ne veut pas qu'on sache qu'il a une sœur folle[70]. À la mort de celle-ci, en 1943, Paul Claudel ne se déplace pas : Camille est inhumée au cimetière de Montfavet accompagnée du seul personnel de l'hôpital ; quelques années plus tard, ses restes sont transférés dans une fosse commune, ni Paul ni les membres de la famille Claudel n'ayant proposé de sépulture[71]. PostéritéL'ancien presbytère où il est né est devenu, en 2018, la Maison de Camille et Paul Claudel, exposant des œuvres de Camille et des documents inédits sur Paul Claudel[6]. La Maison appartient au réseau des Maisons des illustres[72]. Le travail d'édition et d'annotation de son Journal est réalisé après sa mort par son ami François Varillon, prêtre jésuite et théologien, et par Jacques Petit, dans la bibliothèque de la Pléiade. Claudel n'a pas eu que des admirateurs. Après sa mort, André-Paul Antoine, journaliste à L'Information, a publié cette épitaphe littéraire dans son journal : « Si M. Paul Claudel mérite quelque admiration, ce n'est ni comme poète, ni comme diplomate, ni comme Français, c'est comme maître-nageur[52]. » DéclamationComme poète, Claudel porte une grande attention à la diction, à l'énonciation ou à la déclamation, les réclamant comme de son domaine propre d'écrivain. Il dit, dans une correspondance à son ami Édouard Bourdet :
Il recherche toute sa vie une énonciation intelligible et signifiante. Pour lui elle s'opère dans l'attention au diseur, et en détachant syntaxe et souffle : il peut aller jusqu'à proposer un silence au milieu d'une phrase, même au milieu d'un mot ou au milieu d'une syllabe ou d'un phonème. Par exemple, à la répartie de Don Camille à Prouhèze dans Le Soulier de Satin : « Et cependant qui diable m’a fait, je vo/us prie, si ce n’est pas elle seule ? », il indique un soupir au milieu du mot vous. Il retient d'autres principes expressifs : accentuer sur les consonnes et moins sur les voyelles, placer une inflexion en début de vers et le terminer dans une légère atténuation de voix. Dans son rapport avec le comédien, le sens n'est pas enserré dans l'écrit, mais procède du travail vocal du diseur. Ce travail, à la différence de la versification classique, n'est pas préalablement fixé, c'est au diseur de se mettre à son école[73]. Claudel et le théâtreAu tournant du XXe siècle, les contemporains de Claudel avaient tendance à le considérer comme auteur de « théâtre injouable ». À cette époque, le jeune auteur écrivait en restant isolé, en dehors de la mode de l'époque, où le succès venait du théâtre de boulevard avec des auteurs comme Henri Bernstein ou Sacha Guitry, et où l'écriture des pièces se faisait en fonction du public bourgeois et des vedettes prévues dans la distribution. Claudel, avec sa pièce Tête d'or, écrite dans une première version en 1889, mais créée bien plus tard en 1959, montrait une préférence pour le théâtre élisabéthain, donc Shakespeare. Vers 1910, il fait évoluer sa façon d'écrire, par un travail direct avec la scène, les comédiens et comédiennes ; il écrit ainsi L'Otage et L'Annonce faite à Marie, drames qui seront joués presque aussitôt. Il pense alors qu'écrire sans recevoir la parole des comédiens et des comédiennes c'est être « comme un musicien sourd ». À partir de là, Claudel va développer une pratique théâtrale très riche, entre la profusion et le dépouillement, la valorisation du texte et celle du corps humain, traversée de tensions et de contradictions. Il collabore avec qui est chargé d'écrire la musique ou de construire les décors de ses pièces. Il conserve toutefois la pratique du travail solitaire, et beaucoup de ses ouvrages restent méconnus. Même lorsqu'il est satisfait, il ne trouve pas toujours les faveurs du public ou de la critique. Plus que des pièces, il conçoit des réseaux d'écriture ou de réécriture : par exemple, il a réécrit Tête d'or plusieurs fois, La Femme et son ombre peut être vu comme un diptyque de L'Homme et son désir. Il ne fixait jamais son travail, le faisait évoluer en permanence, ce qui générait quelquefois la lassitude des personnes travaillant avec lui : par exemple Jean-Louis Barrault lui demandant de sortir lors des répétitions de Partage de midi. Il élaborait le concept de « théâtre à l’état naissant », où le spectacle essaie de saisir le moment ou chacun, chacune, cherche son rôle pour la première fois[74].
— Paul Claudel, Théâtre ŒuvresThéâtre
Poésie
Essais
Mémoires, journal
Correspondance
Hommages
Iconographie
Notes et référencesNotes
Références
Voir aussiBibliographie
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