Le Saint Calice est la coupe utilisée par Jésus-Christ et ses douze disciples au cours de la Cène, repas qu'ils prirent pour commémorer ensemble la Pâque juive, à la veille du jour où Jésus allait être livré aux Romains, qui le crucifièrent.
Il existe plusieurs coupes qui revendiquent être la relique de la coupe utilisée par Jésus-Christ, aucune n'étant officiellement reconnue par l'Église catholique. L'une d'elles est conservée à la cathédrale de Gênes et une autre aurait été livrée aux flammes révolutionnaires, à Troyes. Le calice qui se trouve actuellement à la cathédrale de Valence, en Espagne est moins connu. Certains auteurs pensent que la coupe utilisée par Jésus-Christ lors de la Cène serait parvenue à saint Pierre et que, depuis, tous les papes se la sont transmise[1] et s'en servirait comme calice pour célébrer l'Eucharistie, le Jeudi Saint.
Le « Saint Calice » a également souvent été associé au Graal, soit par des artistes, soit au travers de légendes populaires. Le terme de Saint Graal la décrit, plutôt que simplement, celui de "graal."
Le calice pour l'Église
Le Saint Calice dans les textes
Les trois Évangiles synoptiques évoquent de la même manière la coupe que prit le Christ lors de l’institution de l’Eucharistie après la Cène, sans lui donner de nom ni de titre particulier, ni la décrire.
« 26.27 Il prit ensuite une coupe ; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant : Buvez-en tous ; 26.28 car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés. »
« 14.23 Il prit ensuite une coupe ; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, et ils en burent tous. 14.24 Et il leur dit : Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour plusieurs. »
« 22.20 Il prit de même la coupe, après le souper, et la leur donna, en disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous. »
« 11.25 De même, après avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez. »
Au cours de la messe dans le rite latin, le prêtre célébrant prononce les mots suivant lors de la consécration du vin de l’Eucharistie :
« Accipiens et hunc praeclarum calicem in sanctas ac venerabiles manus suas… » (« (le Seigneur) prenant aussi ce précieux calice dans ses mains saintes et vénérables… »). L'expression « prenant ce calice » plutôt que « prenant un calice » pourrait indiquer, comme le signale Antuñano (voir bibliographie), que le calice utilisé par les papes à Rome était le même que celui utilisé par Jésus.
Aucune trace n’indique comment le Saint Calice serait parvenu aux papes : il est généralement supposé avoir été apporté soit par saint Pierre, soit par saint Marc[4].
Le Calice de Valence
La cathédrale de Valence (en Espagne) conserve depuis 1437 une relique supposée être le Saint Calice, envoyée de Rome en Espagne par saint Laurent en 258. Selon la présentation qui en est faite à la cathédrale de Valence, la coupe serait datée du Ier siècle av. J.-C.[5] et aurait été ornementée au fil des siècles.
Histoire du Calice de Valence
258 : Saint Laurent fait envoyer le Calice à Huesca
Selon une légende[6], en 258, pendant la persécution de Valérien, le papeSixte II aurait, deux jours avant son martyre, remis les reliques, les objets précieux et l’argent, à son diacre, saint Laurent, originaire de Huesca (Espagne).
Laurent fut lui-même martyrisé, mais, avant de mourir, il avait fait expédier le calice à ses parents, dans sa ville natale, Loret, près de Huesca, avec une lettre écrite de sa main.
Les Maures auraient recherché le Saint Calice et la cathédrale de Huesca n’étant plus un abri sûr, l’évêque Acisclo quitta la ville en 713 avec le Saint Calice, voyageant vers les Pyrénées du Sud, en passant par plusieurs chapelles, églises et monastères : grotte de Yebra de Basa (où fut martyrisée sainte Orosia), chapelle du monastère Saint-Pierre de Siresa (le Saint Calice a été caché à l’intérieur d’un des murs ; une étoile dessinée sur le sol avait une branche qui indiquait la position exacte de la cachette dans le mur ; vers 830, les rois et comtes d’Aragon et de Navarre ont versé des contributions considérables pour le culte des reliques sacrées, culto a las santas reliquias), église Santa María à Santa Cruz de la Serós (un petit habitacle dans le mur fait penser que le Saint Calice aurait pu être placé là), monastère Saint-Adrien de Sasabe, église de la Corte à Bailo (entre 1014 et 1045 environ), cathédrale Saint-Pierre de Jaca (vers 1045), et d’autres endroits restés secrets.
"En un arca de marfil está el Caliz en que Cristo N. Señor consagró su sangre, el cual envió S. Laurenzo a su patria, Huesca."
("Dans une arche d’ivoire se trouve le Calice dans lequel Notre Seigneur le Christ a consacré son sang, lequel fut envoyé par saint Laurent à sa mère patrie, Huesca.")
[7]
En 1322 un sultan d’Égypte revendique avoir acquis à Jérusalem la coupe utilisée par le Christ lors de la Cène.
Jacques II d’Aragon achète ce calice au sultan et le place dans le palais de l’Aljafería de Saragosse (Source : Finke, Acta Aragonensia II. Berlin-Leipzig 1908).
J. A. Onate (voir bibliographie) a formulé l’hypothèse que, par la suite, Martin Ier l’Humain aurait fait de cette coupe le pied du Saint Calice.
1399 : le Calice est transporté à l’Aljafería de Saragosse puis à Barcelone
Un acte notarial indique : "Cáliz de piedra en el cual Ntro. Sr. Jesucristo consagró su preciosa sangre" ("Calice en pierre dans lequel Notre Seigneur Jésus-Christ a consacré son sang précieux".)
Plus tard, le Saint Calice fut transféré dans la chapelle de la résidence du roi à Barcelone (l’inventaire des biens de Martin Ier qui fut fait en septembre 1410 à Barcelone peu avant sa mort indique que le Saint Calice était présent dans cette ville).
Selon l'acte du notaire Jaume Monfort, le Jean II a remis au nom de son frère le Saint Calice à la cathédrale de Valence où il est toujours conservé (Archives de la cathédrale, volume 3.532, pages 36–37).
1744 : le Saint Calice se fragmente après une chute
Le , lors du service de la Semaine sainte, le Saint Calice échappa des mains de l’archiprêtre Don Vicente Frígola Brizuela.
La réparation a été effectuée par le grand bijoutier Luis Vicent (en présence du notaire Juan Claver qui a consigné l’acte) et la cassure ne se remarque plus, hormis deux petites fissures.
1809 : avancée des troupes napoléoniennes, le Saint Calice est transféré à Alicante, à Ibiza et à Palma, à Majorque
1916 : Le Saint Calice est installé dans une chapelle
En 1915 le chapitre de la cathédrale décide de transformer l’ancienne salle du chapitre en chapelle du Saint Calice, où celui-ci fut installé en 1916, le jour de l’Épiphanie.
1936 : guerre civile, le Saint Calice est confié à une fidèle
Le au matin, durant la guerre civile qui oppose les républicains aux nationalistes de Franco, les républicains ayant dévasté les temples adjacents à la cathédrale (San Valero, San Agustin et d’autres), le conseil de la cathédrale décida de remettre le Saint Calice à un fidèle. Il fut confié, camouflé dans du papier journal, à Maria Sabina Suey Vanaclocha, escortée par deux ecclésiastiques déguisés, jusqu’à son domicile, 3 rue Primado Reig.
Quelques heures après, les républicains entraient dans la cathédrale.
Un franc-maçon se mit à la recherche du Saint Calice avec des républicains et le chercha parmi des membres du conseil et leurs amis.
Le 7 août, des républicains fouillèrent rapidement le domicile de Maria Sabina qui se trouvait être une amie d’Elias Olmos Canalda (archiviste de la Cathédrale) et ne trouvèrent pas le Saint Calice caché dans la garde-robe. Il fut alors dissimulé sous une dalle.
Le 29 août, ils revinrent et ne le trouvèrent toujours pas.
Maria Sabina le cacha alors chez son frère au 7 rue Pelayo, avant de le cacher de nouveau chez elle le .
Entre-temps, un groupe juif d’Amsterdam offrait environ 100 000 $ pour le Saint Calice.
Le , Maria Sabina plaça le Saint Calice chez sa sœur, à Carlet, un petit village à 25 km de Valence.
Le , peu après la victoire de Franco, Maria Sabina remit le Saint Calice aux autorités.
Le jeudi 9 avril le Saint Calice fut rendu au conseil de la cathédrale.
Il fut placé à la "Lonja de la seda" durant trois mois le temps que la cathédrale soit réparée des saccages républicains. Le 9 juillet il revient à la cathédrale.
D. Elias Olmos y Canalda a écrit un livre, Como Fue Salvado el Santo Caliz de la Cena : Rutas del Santo Grial desde Jerusalén a Valencia (publié en 1946, (ASINB0000EDNKO)), qui raconte tous ces événements.
1982 : le pape Jean-Paul II célèbre la messe avec le Saint Calice à Valence
2006 : le pape Benoît XVI célèbre la messe avec le Saint Calice à Valence
Lors de sa venue pour les Rencontres Mondiales de la Famille, le pape Benoît XVI a célébré la messe avec le Saint Calice. Une réplique lui a été offerte.
Structure du Calice de Valence
En 1960, Antonio Beltran, chef du département d’archéologie de l’université de Saragosse, en collaboration avec d’autres collègues européens, a fait une étude complète du Saint Calice[8].
Le corps est composé d'une colonne centrale hexagonale, avec un écrou rond au milieu et surmontée de deux petits plats, celui du dessus soutenant la coupe et celui du dessous soutenant le pied, et de deux poignées latérales, en forme de serpent, taillées hexagonalement. La base est entièrement en or. Elliptique, elle est en calcédoine et comporte 28 petitesperles, deux rubis et deux émeraudes. Antonio Beltran conclut qu'il s'agit probablement d'un brûleur d'encens du XIIe siècle retourné, choisi pour servir de base à la coupe supérieure parce qu'il est du même matériau et de même couleur.
Une inscription en arabecoufique est gravée sur son dos mais les deux mots « clz chrh » sont difficiles à décrypter[9], même si phonétiquement, les racines trienniques peuvent donner "caliz chrisht".
Le récit De locis sanctis relate le pèlerinage d'Arculfe en Terre sainte au VIIe siècle. L'évêque aurait vu la relique conservée dans la « chapelle du calice » de l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. D'autres documents la mentionnent par la suite. Ainsi selon la médiéviste Margarita Torres(es), un inventaire commandé par Charlemagne en 809 confirme sa présence dans le Trésor de l'église[10].
Après la destruction de l'église en 1009, le parcours suivi par sa relique est incertain. Margarita Torres cite un second document, une note du XIe siècle conservée à la bibliothèque de l'Université Al-Azhar du Caire, rédigée en arabe sur un parchemin et qui mentionne la « coupe du Messie ». Son texte relate l'envoi en cadeau au roi Ferdinand Ier de León, de la relique prise à Jérusalem[11]. Les recherches de Margarita Torres l'amènent à conclure à l’authenticité du calice(es) de Doña Urraca, fille de Ferdinand Ier, exposé au musée San Isidoro de la basilique de Léon.
Après le détournement de la croisade vers Constantinople, les croisés firent main basse sur les trésors (reliques et pierreries) de la cité. Garnier de Trainel, que la mort attendait en cette ville, acquit un grand nombre de reliques et ses chapelains ramenèrent avec eux une part considérable de ce trésor dans laquelle on trouvait un morceau important de la vraie Croix, du sang du Christ, ainsi que le chef de saint Philippe, le bras de saint Jacques le Majeur ou le corps entier de sainte Hélène vierge
(mentionné dans les inventaires des églises de Troyes).
Le vase de la Cène était, assurément, le plus précieux des trésors.
Les inventaires des églises de Troyes le mentionnent ainsi :
« Un fort beau vase de jaspe, entouré d’un bord d’argent sur lequel il y a quatre versgrecsiambiques qui sont gravés en lettres majuscules antiques » (version ci-après en latin) : « Est vas in quo duo pisces fuerunt ante Dominum Jesum Christum in mensa portati, et depost illud vas fuit in quo Corpus Domini deportabatur. »
(« Ce vase est celui où deux poissons furent apportés sur la table devant N.S Jésus-Christ et, depuis, le corps du Seigneur y était déposé. »)
Il en reste le témoignage dans les verrières exécutées sous Nicolas de Brie (verrière 10, la seconde à droite du chœur).
En janvier 1794, au cours de révolution, tous les reliquaires et reliques furent livrés aux flammes[réf. nécessaire], mais on ignore ce qu'il est advenu du vase.
Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang du Christ dans le Saint Calice
C’est (selon certaines légendes médiévales associées au Graal) dans ce même calice que Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang du Christ, qui coulait d’une blessure au flanc droit provoquée par Longin le Centurion avec la Sainte Lance.
C’est dans L’estoire dou Graal de Robert de Boron qu’il est assimilé au Saint Calice. C’est d’ailleurs à partir de là qu’apparaît l’appellation « Saint Graal ».
Le Saint Calice est représenté dans le Blason de Galice. Cela est dû probablement soit à la ressemblance des deux noms, Calice et Galice ; soit à la légende attachée au calice de l'église jacquaire d'O Cebreiro.
↑Antonio Beltran, Estudio sobre el Santo Cáliz de la Catedral de Valencia, Valence, 1960.
↑Beltrân y déchiffre « li-z-zahira », qu'il traduit en « de la florissante, pour la florissante ».
↑(en) Margarita Torres Sevilla, José Miguel Ortega del Río, Kings of the Grail : Tracing the Historic Journey of the Holy Grail from Jerusalem to Spain, Michael O'Mara Books, , p. 70
↑(en) Margarita Torres Sevilla, José Miguel Ortega del Río, Kings of the Grail : Tracing the Historic Journey of the Holy Grail from Jerusalem to Spain, Michael O'Mara Books, , p. 74
↑Niore. Antonius, Novgorodensis archiepiscopus; liber qui dicitur Peregrinus, seu Descriptio SS. Locorum Caesareae ciritatis. Ed. Paulus Sawaïtov. Petroburgi, 1872.
↑M. Sreznevski 1875. Spicilège de l’Académie de Saint-Pétersbourg, tome XII p. 340-349.
↑M. le comte de Riant, Exuriae sacrae Constantinopolitanae, tome II, p. 218-230.
El misterio del Santo Grial: tradición y leyenda del Santo Cáliz ("Le mystère du Saint-Graal. Tradition et légende du Saint Calice"), Salvador Antuñano Alea, (ISBN84-7050-561-0).
El Santo Cáliz, Manuel Sancho Navarrete.
Estudio sobre el Santo Cáliz de la Catedral de Valencia, Antonio Beltran (1960)
El Santo Grial, su historia, su culto, sus destinos, Juan Angel Oñate (1990)
Presencia del Santo Cáliz en el arte, Alejos Morán, Asunción, (ISBN84-95171-69-4)
St. Laurence and the Holy Grail: The Story of the Holy Chalice of Valencia, Janice Bennett (2002), Ignatius Press [1], (ISBN1586170759)
El Santo Grial y Aragón. Beltrán Martínez, A.: Rev. Aragón en el mundo, Zaragoza, 1988.
El Santo Grial. Domínguez Lasierra, J., Rev. Turia, no 18, 1991.
El Grial y Aragón. Río Martínez, Bizén d’o, Rev. Argensola, no 95, 1983.
Santo Grial en Aragón. Sangorrín, D., Rev. Aragón, núm. 22, 23, 26, 28, 29, 30, 32, 35, 36 y 37. Zaragoza, 1927 y 1928.
Graal code : Enquête sur le Saint-Graal. Mike Aquilina et col. (trad. américain PAG), Bayard Centurion, coll. « Études et essais », Paris, 2006, 215 p., broché, (ISBN9782227476158)
El Santo Grial : Leyendas y realidad del caliz de la ultima cena (Le Saint Graal : Légendes et réalité du calice de la Cène), DVD Goya Producciones (Durée : 50 minutes)
Liens externes
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