La Résistance spirituelle contre le nazisme désigne les efforts des croyants, notamment chrétiens et juifs compte tenu de la composition de la population dans l’Hexagone à cette époque, dans la lutte contre le nazisme en France. Elle se présente comme une résistance à l’occupation et au régime totalitaire nazi, mais aussi plus spécifiquement à l’idéologie anti-judéochrétienne d’une partie des penseurs et dirigeants nazis.
Histoire
Ralliement de nombreux chrétiens au maréchal Pétain
Dès la défaite de 1940 et les premières déclarations du maréchal Pétain, l'épiscopat, le clergé et la majorité des milieux catholiques en deviennent l'un des meilleurs soutiens, par légitimisme et par adhésion à un discours aux tonalités à la fois patriotiques, conservatrices et rassurantes[1],[2].
Certains protestants entrent aussi dans cette mouvance pétainiste, dont le plus célèbre est l'amiral Platon[3].
Réaction des milieux protestants
Chronologiquement, ce sont toutefois les protestants qui, les premiers, développent une attitude de résistance spirituelle inspirée par l'attitude de l’Église confessante allemande et par deux lettres du théologienKarl Barth qui circulent sous forme dactylographiée.[réf. nécessaire]
Appel à la résistance d'André Trocmé
Dès le , lendemain de la capitulation, se fondant sur une allocution à la radio du président de la Fédération protestante de FranceMarc Boegner, le pasteur André Trocmé prononce devant ses paroissiens du Chambon-sur-Lignon son sermon dit des « armes de l'Esprit ». Il contient le premier appel à la résistance spirituelle prononcé sur le sol français : « (…) Des pressions païennes formidables vont s'exercer sur nous-mêmes et sur nos familles, pour tenter de nous entraîner à une soumission passive à l'idéologie totalitaire. Si l'on ne parvient pas tout de suite à soumettre nos âmes, on voudra soumettre tout au moins nos corps. Le devoir des chrétiens est d'opposer à la violence exercée sur leur conscience les armes de l'Esprit. Nous faisons appel à tous nos frères en Christ pour qu’aucun n'accepte de collaborer avec cette violence, et en particulier, dans les jours qui viennent, avec la violence qui sera dirigée contre le peuple anglais. »
Aimer, pardonner, faire du bien à nos adversaires, c'est le devoir. Mais il faut le faire sans abdication, sans servilité, sans lâcheté. Nous résisterons, lorsque nos adversaires voudront exiger de nous des soumissions contraires aux ordres de l'Évangile. Nous le ferons sans crainte, comme aussi sans orgueil et sans haine. (…)[réf. nécessaire][4].
La population du Chambon-sur-Lignon aura pendant toute la guerre un comportement de résistance non violente qui lui vaudra la médaille des justes de Yad Vashem en raison du nombre important de Juifs qui seront cachés et protégés par le village et ses environs.
Cette initiative faisait écho à la « Déclaration théologique de Barmen » en Allemagne (29-). Après la prise de pouvoir par Hitler, les Églises protestantes — luthériennes, réformées et unies — constituant l’Église protestante en Allemagne, ont été contraintes d’adopter dans leur constitution un paragraphe affirmant leur caractère aryen et une supériorité allemande. En réaction, le , le Synode de Barmen adopte une déclaration proposée par un groupe comprenant notamment le théologienKarl Barth. Ce texte se présente comme un acte exclusivement religieux, de résistance spirituelle pour la défense de l’Église et de la pureté de son message ; en particulier, il ne mentionnait pas la persécution des Juifs. Malgré ses lacunes, à l’origine de controverses après la guerre, sa signification politique était évidente. Dès 1934, des luthériens et des réformés se réunissent en dehors de l'Église officielle sous la dénomination d'Église confessante.[réf. nécessaire]
En France, ce texte fut diffusé par les revues Foi et Vie, dirigée par le pasteur Pierre Maury, et Christianisme social. Le texte de la « Déclaration de Barmen », ainsi que ceux du pasteur allemand Martin Niemöller, furent publiés en 1940 dans Témoignage chrétien, et après les premières lois antisémites promulguées en zone libre, la nécessité d’établir un instrument idéologique de résistance au nazisme aboutit à la réunion de Pomeyrol[6].
Les huit « thèses de Pomeyrol » sont elles aussi « une réflexion théologique engagée sur les fondements évangéliques d'une prise de parole publique de l'Église ». Les quatre premières traitent des rapports de l’Église et de l’État, la cinquième des limites de l'obéissance à l'État, la sixième précise le respect des libertés essentielles, la septième dénonce l'antisémitisme, la huitième condamne la collaboration. La thèse sept est sans ambiguïté : «...elle élève une protestation solennelle contre tout statut rejetant les juifs hors des communautés humaines ». Dans la thèse huit « dénonçant les équivoques, l’Église affirme qu’on ne saurait présenter l’inévitable soumission au vainqueur comme un acte de libre adhésion…, elle considère comme une nécessité spirituelle la résistance à toute influence totalitaire et idolâtre ». Deux thèmes dominent donc ces thèses : le rapport de l’Église et de l’État, ainsi que la légitimité d’une parole publique de l’Église dans la situation de l'époque.[réf. nécessaire]
Pour Georges Casalis, « les thèses de Pomeyrol diffusées par de nombreux pasteurs et étudiants “post-fédératifs” ont contribué à structurer une mentalité confessante – c’est-à-dire le témoignage de l'Église prête “à payer le prix de la grâce” – au sein du protestantisme français »[7].
Prises de position des Églises protestantes
Du côté de l'institution ecclésiale, le pasteurMarc Boegner, qui préside de la Fédération protestante de France, multiplie les déplacements et les interventions auprès du gouvernement de Vichy en faveur des personnes déplacées ou regroupées dans les camps d'internement et ensuite en faveur des Juifs. Il intervient ainsi auprès de Pierre Laval, mais en vain, pour lui demander de renoncer à inclure les enfants juifs de moins de seize ans dans les convois de déportation. Le , il adresse une lettre aux huit présidents de région de l'Église réformée de France de la zone Sud pour rappeler notamment que « pour l'Église il n'y a pas de problème juif » et que « l'Église a le devoir de rappeler à l'État […] que son autorité, dont le fondement est Dieu, doit s'exercer pour le bien de tous ses ressortissants, dans une volonté de justice, et dans le respect des personnes »[8]
Le , il écrit deux lettres au nom du conseil national de l'Église réformée de France qu’il préside, l’une à l’amiral Darlan, vice-président du Conseil, l’autre au grand-rabbin de France Isaïe Schwartz, dans laquelle il déplore la mise en place d’une législation raciste. Première manifestation publique de solidarité des chrétiens français envers les Juifs, cette lettre connaît un retentissement extraordinaire, notamment grâce au journal collaborationnisteAu Pilori qui a cru bon de la publier sous le titre « Une lettre inadmissible du chef des protestants de France »[9].
À partir de , il prend contact avec le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, afin que ce dernier aborde la question raciale avec le maréchal Pétain. Ému de ces protestations conjointes des Églises chrétiennes, le Maréchal demande davantage de modération au secrétaire d’État aux questions juives, ce qui n'empêche pas la situation des Juifs d'empirer dès , mettant en évidence la totale impuissance du maréchal Pétain[10].
Le , après de nouvelles mesures antijuives en zone occupée et la rafle du Vel d'Hiv, Marc Boegner écrit une lettre au maréchal Pétain. Cette lettre connaît à nouveau une très large diffusion, cette fois grâce à la presse et à la radio internationales. Elle présente un caractère tout nouveau par rapport à ses précédentes interventions, en ce sens qu’elle porte sur les opérations de livraison à l’Allemagne de Juifs étrangers, déjà internés dans les camps. Simultanément Marc Boegner obtient du cardinal Gerlier une lettre de protestation auprès du maréchal Pétain sur les mêmes questions.
La plupart des pasteurs répercutent les écrits du Président de la Fédération protestante de France, mais font aussi leur propre prédication. L'historien Patrick Cabanel a publié neuf de ces sermons marquants, et il note que les résistants Berty Albrecht et Henri Frenay assistaient aux cultes de Roland de Pury à Lyon dont ils écrivent : « Quelle joie était-ce pour nous que d’écouter cet homme dire à haute voix devant un nombreux auditoire, et en terme à peine différents, ce que nous écrivions dans nos feuilles clandestines. »[4]
Attitudes des populations protestantes
Minorité jadis persécutée par le pouvoir royal, les protestants français ont été particulièrement nombreux à manifester de l'empathie envers les nouveaux proscrits.[réf. nécessaire][11]
Il est frappant de constater que la liste des localités remarquables par leur engagement contre la persécution des juifs qui a pu être établie ici ou là regroupe quasi exclusivement des localités à forte minorité (voire à majorité) protestante; par exemple le Premier ministre Dominique de Villepin cite dans son discours du lors de la cérémonie d'inauguration du Mur des Justes au Mémorial de la Shoah à Paris, les communes du Chambon-sur-Lignon, Dieulefit, Alès, Florac, Saint-Léger, Vabre, Lacaune[12].
Parmi ces villages qui sont venus collectivement au secours des persécutés, le Chambon-sur-Lignon et sa région, dans la Haute-Loire, ont été exceptionnellement reconnus collectivement comme « Juste parmi les nations »[13] par l'Institut Yad Vashem de Jérusalem, qui a décerné en , un « diplôme d’Honneur » aux habitants du Chambon-sur-Lignon et des communes voisines. À la suite d'André et Magda Trocmé, ménage pastoral qui anime à la fois la paroisse réformée et le Collège Cévenol du Chambon-sur-Lignon, nommés « Juste parmi les nations » par l'Institut Yad Vashem de Jérusalem le [14], 46 autres habitants de la commune l'ont été dans la seule commune du Chambon (sans compter les villages avoisinants)[15]! Seul le village néerlandais de Nieuwlande a reçu la même distinction. Citons également le village de Vebron, près de Florac, où la population des réfugiés a atteint 25 % de la population totale, et la petite ville de Dieulefit dans la Drôme, qui fut à peu près dans la même situation[16].
Dans la France de 1940, la majorité de la population est catholique. Les historiens ont relevé que l'entourage de Pétain regroupait des représentants de tous les mouvements de droite, au sein desquels on trouvait des catholiques de toutes tendances[17], et que le maréchal Pétain bénéficiera initialement d'un large soutien de la part de l'Église catholique[18]. En revanche, on retrouvera également des catholiques, sans motivation religieuse exprimée, dans presque tous les courants de la Résistance[19].
Position officielle de l’Église catholique de France
Engagement d’ecclésiastiques, de mouvements et d’institutions catholiques dans la Résistance
*Certaines mouvances de la Résistance sont profondément ancrées dans le catholicisme, comme Liberté, fondée par François de Menthon qui sera l'une des composantes du mouvement Combat, ou les Cahiers du Témoignage chrétien fondés par le père Pierre Chaillet. Ces militants considèrent que leur foi chrétienne leur impose d'agir aux côtés de la Résistance[20].
Les mouvements chrétiens voient se regrouper des catholiques et des protestants et contribuent à renforcer les tendances à l’œcuménisme. Un bon exemple en est Henri Frenay, fondateur de Combat, qui est issu d'une famille d'officiers, catholique et lyonnaise mais travaille en étroite collaboration avec les protestants Berty Albrecht et Roland de Pury.
Le silence officiel du papePie XII n’empêcha pas les institutions religieuses catholiques d’abriter et de sauver des milliers de pourchassés. Certaines organisations d’inspiration religieuse étaient plus proches de la Résistance spirituelle. Ainsi de nombreux enfants raflés à Lyon ont-ils été sortis en une nuit du camp de Villeurbanne () par l’Amitié Chrétienne d'Alexandre Glasberg et de Pierre Chaillet, fondateur de Témoignage chrétien[21].
*Les institutions religieuses ont contribué à l’aide aux Juifs qui étaient souvent dissimulés dans des couvents ou des pensionnats religieux. Des faux certificats de baptême ont été délivrés par des prêtres.[réf. nécessaire] Comme l'a justement écrit Étienne Fouiloux, "la Résistance du clergé s'est manifestée dans les domaines les mieux accordés à la vocation sacerdotale : la production des « armes de l'esprit » et le sauvetage des juifs"[22].
C’est dans la France occupée que, le à Lyon, un jésuite, le père Pierre Chaillet, publie clandestinement le premier Cahier du témoignage chrétien. Intitulé « France, prends garde de perdre ton âme », sous forme d'un opuscule de petit format (d'où le nom de Cahier), il contient un vibrant appel à s’opposer au nazisme au nom des valeurs chrétiennes. Il est entièrement rédigé par le père Gaston Fessard. Témoignage chrétien devait s’appeler Témoignage catholique, mais par œcuménisme et à la suite de la participation de protestants dans l'équipe clandestine initialement constitués de théologiens jésuites du théologat de Fourvière à Lyon, l'adjectif « catholique » a été changé en « chrétien ». Parallèlement aux Cahiers du témoignage chrétien, qui ne traitent que d'un seul sujet à chaque fois, paraît dès le Courrier français du témoignage chrétien, d’un tirage de 100 000 puis 200 000 exemplaires.
La spécificité de Témoignage chrétien, par rapport aux autres journaux de résistance est qu’il revendique une «résistance spirituelle». C'est en effet en référence à l’Évangile et aux idéaux chrétiens que Témoignage chrétien s'est opposé au nazisme. Le Courrier du témoignage chrétien est sous-titré «Lien du Front de résistance spirituelle contre l’hitlérisme».
Treize numéros du Courrier du témoignage chrétien et quatorze Cahiers seront diffusés jusqu‘à la Libération.
« Mon Père, vous avez été notre 18 juin spirituel. C’est trop peu dire que nous vous lisions. Tandis que vous portiez Témoignage dans les soutes et les prisons, les pharisiens de Vichy perpétraient le pire des mensonges : d’une main, ils relevaient les autels, de l’autre, ils en éteignaient les lumières... Le jour où un missionnaire de la résistance m’a mis votre Témoignage entre les mains, j’ai ressenti le même choc libérateur que le soir où, sur le chemin d’une retraite qui paraissait sans fin, la voix du général de Gaulle était parvenue jusqu'à moi. »
Thèmes et rédacteurs des Cahiers 1941-1945.
«
I. « France, prends garde de perdre ton âme », , R.P. Fessard, R.P. Chaillet.
XV-XVI « Les voiles se déchirent », , J. Vialatoux, R.P. Chaillet, R.P. de Lubac.
XVII « Déportation », , A. Mandouze.
XVIII-XIX « « Où allons nous ? Message de Bernanos », août-, G. Bernanos, R.P. Chaillet.
XX-XXI-XXII-XXIII « Alsace et Lorraine terres françaises », oct.-, Abbé P. Bockel, E. Baas, R.P. Chaillet, Abbé Held.
XXIV « Puissance des ténèbres », , R. d’Harcourt, R.P. Chaillet.
XXVI-XXVII, « Exigences de la Libération », , A. Mandouze, R.P. Chaillet, R.P. Chambre, R. d’Harcourt, R.P. de Montcheuil.
XXVIII-XXIX, « Espoir de France », , A. Mandouze, J. Hours, J. Lacroix, H. Marroux[23].
»
Point de vue du Vatican sur la Résistance spirituelle au nazisme
À partir des années 1990, le Vatican a su se montrer critique de l'attitude du catholicisme pendant la guerre.
Dans un discours prononcé le , le papeJean-Paul II déclare qu'« à côté de ces hommes et femmes si courageux, la résistance spirituelle et l’action concrète d’autres chrétiens n’ont pas été celles auxquelles on aurait pu s’attendre de la part de disciples du Christ. Il est impossible de savoir combien de chrétiens dans des pays occupés ou gouvernés par les puissances nazies ou par leurs alliés étaient horrifiés par la disparition de leurs voisins juifs, mais pourtant pas assez courageux pour élever leur voix en signe de protestation. Pour les chrétiens, ce poids écrasant qui pèse sur la conscience de leurs frères et sœurs lors de la Seconde Guerre mondiale doit être un appel à la repentance »[24].
Le , Jean-Paul II admet que les préjugés antijuifs avaient étouffé la « résistance spirituelle » de nombreux chrétiens face aux persécutions des juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, parlant d'« interprétations erronées et injustes du Nouveau Testament relatives au peuple juif et à sa prétendue culpabilité » qui ont « trop longtemps circulé »[25].
Le cardinalJoseph Ratzinger, futur Benoît XVI, écrit en « Au cours de la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), des événements tragiques ou, plus exactement, des crimes abominables ont soumis le peuple juif à une épreuve d'extrême gravité, qui menaçait son existence même dans une grande partie de l'Europe. En ces circonstances, des chrétiens n'ont pas manifesté la résistance spirituelle qu'on était en droit d'attendre de disciples du Christ et n'ont pas pris les initiatives correspondantes. D'autres chrétiens, par contre, sont venus généreusement en aide aux Juifs en danger, au risque souvent de leur propre vie », Joseph Cardinal Ratzinger, « Le peuple juif et ses saintes écritures dans la bible chrétienne ». Commission pontificale biblique, Rome, . (ISBN2-204-06913-2)
Continuer l'enseignement du judaïsme, sauver les enfants et témoigner
Malgré les risques encourus, il était primordial de préserver l'enseignement du judaïsme que les Nazis voulaient anéantir : le Séminaire israélite de France, dont la mission est de former les rabbins a continué à fonctionner jusqu'en 1943. L’École se replie, en 1940, à Vichy pour quelques mois; puis à Chamalières (près de Clermont-Ferrand) de 1941 à . En , elle est transférée à Lyon, où elle est dissoute en 1943. Elle connaîtra une semi-clandestinité jusqu’en 1945, avant de reprendre normalement ses activités[26].
À la maison de Moissac, Jacob Gordin et son épouse Rachel, non seulement participent au sauvetage de centaines d'enfants juifs mais aussi leur dispensent l'apprentissage de l'hébreu, les enseignements de l'histoire et de la tradition juive, associés à la méthode Montessori[27].
L'OSE
En 1933, l'Œuvre de secours aux enfants (OSE) qui avait fui la Russie puis l'Allemagne, se réfugie en France. Restée à Paris après la défaite autour d'Eugène Minkowski, une partie de l'OSE crée un réseau de patronages qui traversera toute la Seconde Guerre mondiale. Ses maisons d'enfants hébergent jusqu'à 1 349 enfants au printemps 1942. L'OSE participe à la mise en place du dispositif d'émigration de 311 enfants juifs vers les États-Unis via Lisbonne[28]. À partir des rafles de l'été 1942, notamment la rafle du Vélodrome d'Hiver, quand Minkowski donne comme mot d'ordre « Sauvons les enfants et dispersons-les », l'OSE organise clandestinement le sauvetage des enfants menacés de déportation et en sauve plus de 5 000. Ce réseau prend ensuite le nom de « Circuit Garel » quand Georges Garel en prend la direction[29].
Le rabbin Schneour Zalman Schneersohn était avant la guerre à la tête de l'AIP (Association des israélites pratiquants), organisation haredi qui se replie après la défaite à Vichy puis à Marseille. L'AIP gère synagogue, bureau d'assistance, séminaire-yechiva, foyers pour enfants et atelier de reclassement professionnel[30]. Le futur historienLéon Poliakov, pourtant juif agnostique, devient le secrétaire de l'association[31] et fonde avec le cousin du rabbin Schneersohn, Isaac Schneersohn, le centre de documentation juive contemporaine (CDJC) qui rassemble dès l'année 1943 toutes les preuves possibles des exactions des nazis et de leurs complices. Poliakov participera en tant qu'expert au sein de la délégation française au procès de Nuremberg. Le CDJC est depuis 1997 partie intégrante du Mémorial de la Shoah.
Quelques acteurs de la résistance spirituelle
La pertinence du contenu de cet article est remise en cause ().
Bien que ces listes soit présentées par famille spirituelle, il est à noter que la résistance spirituelle française a fonctionné très souvent de manière œcuménique[32].
Paul Petit (1893-1944), écrivain, diplomate et résistant français, dirigeant du journal clandestin La France continue auteur notamment de Résistance spirituelle (Gallimard, Paris, 1947).
Antoine Vernier, imprimeur à Pont-de-Roide et son épouse Yvonne, résistants[90],[91], ce sont 100 000 exemplaires de Courrier du Témoignage Chrétien qui sortiront de l'imprimerie[92].
Personnalités protestantes
Berty Albrecht, activiste antifasciste d'avant-guerre, résistante, crée avec Henri Frenay le Mouvement de libération nationale, renommé Mouvement de libération française puis finalement Combat, dactylographie Le Bulletin. Arrêtée pour la seconde fois, torturée, elle est retrouvée pendue dans sa cellule de la prison de Fresnes le .
Paul Chapal, pasteur dont la cave et le grenier du presbytère à Annecy fut transformé en "caravansérail d'avant le franchissement de la frontière"[98], de la CIMADE. Son épouse Odette et lui sont Justes parmi les nations[99].
Charles Guillon, pasteur, maire du Chambon-sur-Lignon. Il met fin à son mandat le , le lendemain de l'armistice et conteste sans équivoque cette dernière, arguant devoir se consacrer prioritairement à l'aide aux réfugiés et aux prisonniers. Il œuvre inlassablement au sein des UCJG dont il est le « secrétaire général associé du comité universel »[111]. Crée un foyer à Villeurbanne ainsi que le camp Joubert au Chambon-sur-Lignon, il effectue aussi de nombreuses navettes entre la France et Genève. Résistant[112], Juste parmi les nations[113].
André Philip, avocat, député socialiste du Rhône, refuse de voter les pleins pouvoirs à Pétain le , membre du CAS et de Libération-Sud. Il restera au service de la France libre jusqu'en 1943, résistant[120].
Jacob Gordin, philosophe et son épouse Rachel née Zaiber, éducatrice, dispensent des cours de judaïsme au sein de la 6eEIF à Moissac puis à l'École des prophètes à Chaumargeais.
Tony Gryn, résistant, MJS, AJ puis OJC, cofondateur avec la 6e EIF du Service social des jeunes (SSJ) à Paris.
Marc Haguenau, résistant, il est l'un des fondateurs du Service social des jeunes (SSJ), l'un des dirigeants de la 6eEIF. Alors qu'il tentait de s'évader, il trouve la mort à la suite d'un saut du cinquième étage du QG de la Gestapo de Grenoble. Il venait de se marier avec Renée Hess, résistante de la 6e EIF, membre du réseau Plutus[149],[150].
Emmanuel Lefschetz, résistant, responsable MJS puis de la 6eEIF zone Nord à partir de . Sa fille Denise, Éclaireuse Israélite de France, âgée de quinze ans et demi, tint un journal relatant le sauvetage d'enfants retrouvés après la rafle du Vel'd'Hiv.
Georges Levitte, enseignant, résistant, dispense des cours d'hébreu et de judaïsme au sein de la 6eEIF à Moissac puis à l'École des prophètes à Chaumargeais.
Simon Levitte, éducateur, résistant, responsable de la 6eEIF en zone libre, cofondateur du MJS. Son épouse Denise née Gluck, résistante de la 6e EIF puis agent de liaison dans l'AJ.
Fanny Loinger, infirmière, résistante OSE, réseau Garel. Une de ses sœurs aînée, Emma Lederer-Loinger, puéricultrice, était également engagée en résistance au sein de l'OSE et du réseau Garel.
Georges Loinger, résistant, réseau Bourgogne, OSE, réseau Garel, OJC. Il est le frère aîné d'Emma et Fanny. Sa femme Flore née Rosenzweig était directrice d'une maison d'accueil pour des enfants juifs d'origine allemande et autrichienne, orphelins, survivants de la Nuit de Cristal.
Maurice Maidenberg résistant 6eEIF, MJS et son épouse Sacha, résistante MJS, sœur d'Emmanuel et Mila Racine.
↑"Aujourd'hui nous pensons aussi à tous ces villages, le Chambon-sur-Lignon bien sûr auquel le président Jacques Chirac a rendu hommage, mais aussi Dieulefit, Alès, Florac, Saint-Léger, Vabre, Lacaune, tous ces villages où s'organisa une véritable solidarité collective et qui offrirent refuge à tant de familles et d'enfants persécutés." Extrait du discours prononcé par le Premier ministre Dominique De Villepin, le lors de la cérémonie de présentation du Mur des Justes au Mémorial de la Shoah à Paris, cité sur le site français du Mémorial Yad Vashem, consulté le . Seul le village de Saint-Léger, dans les Alpes-Maritimes, n'a pas d'identité protestante marquée
↑ ab et cRenée Bédarida et François Bédarida, « La Résistance spirituelle, 1941-1944 : Les cahiers clandestins du « Témoignage Chrétien »., Paris, Éditions Albin Michel, , 411 p. (ISBN2-226-11711-3)
↑Comme ce fut le cas pour l'abbé Roger Derry (1900-1943), décapité à Cologne en 1943
↑Renée Bédarida, Pierre Chaillet. Témoin de la résistance spirituelle, Paris, Fayard,
↑Étienne Fouilloux, « article "Clergé Catholique" », Dictionnaire historique de la Résistance, , p. 871
↑Renée Bédarida et François Bédarida, « La Résistance spirituelle, 1941-1944 : Les cahiers clandestins du « Témoignage chrétien », annexes, Paris, Albin Michel, , 411 p. (ISBN2-226-11711-3)
↑Jean-Paul II, Discours au nouvel Ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne près le Saint-Siège, , n. 2: AAS 83 (1991), 587-588)
↑« En effet, dans le monde chrétien - je ne dis pas de la part de l'Église en tant que telle - des interprétations erronées et injustes du Nouveau Testament relatives au peuple juif et à sa prétendue culpabilité ont trop longtemps circulé, engendrant des sentiments d'hostilité à l'égard de ce peuple. Ils ont contribué à assoupir bien des consciences, de sorte que, quand a déferlé sur l'Europe la vague des persécutions inspirées par un antisémitisme païen qui, dans son essence, était également un anti-christianisme, à côté de chrétiens qui ont tout fait pour sauver les persécutés jusqu'au péril de leur vie, la résistance spirituelle de beaucoup n'a pas été celle que l'humanité était en droit d'attendre de la part de disciples du Christ. Votre regard lucide sur le passé, en vue d'une purification de la mémoire, est particulièrement opportun pour montrer clairement que l'antisémitisme est sans justification aucune et absolument condamnable », Jean-Paul II, Rome, . [1]
↑Selon Lazare, 1987, p. 357, note 38, Poliakov fut secrétaire de l'AIP de à .
↑Cet extrait des souvenirs du pasteur André Morel (dans l’ouvrage collectif Les Clandestins de Dieu: CIMADE 1939-1945, Labor et Fides, 1989 (ISBN978-2-83090-588-5), 221 p.) en est une bonne illustration : « Envoyé en Haute-Savoie par la Cimade pour organiser une chaîne d’évasion vers la Suisse, j’avais fait connaissance à Chedde de Louis Audemard, chef de la troupe des Éclaireurs Unionistes de Chamonix, et de sa profession chef électricien à l’usine de produits chimiques. Il m’avait fait connaître l’itinéraire qu’il employait pour faire passer en Suisse les agents de l’Intelligence Service, itinéraire long mais sûr. L’évêque d’Annecy nous désignait comme refuge en attendant le passage, la Trappe de Tamié pour les hommes et le couvent de Chavanod pour les femmes. Le presbytère protestant d’Annecy complétait l’organisation d’attente. Je logeais dans un hôtel de Chedde où des télégrammes comme celui-ci me prévenaient : « Envoyons trois piolets tel jour, telle heure. » Ne pouvant faire tous les passages moi-même, j’étais aidé par Louis Audemard et les siens, et des amis, dont Georges Casalis. J’ai eu surtout affaire à de jeunes juifs que Mme André Philip faisait évader du Chambon-sur-Lignon, donc en général des anciens de Gurs, orientés et aidés par la Cimade. (…) Je suis incapable de dire le nombre de voyages que nous avons faits. »
↑Patrick Cabanel, « L’Oratoire du Louvre dans les années 1940, la tentation d’une Église confessante ? », L'Oratoire du Louvre et les protestants parisiens, Labor et Fides, (lire en ligne)
↑« Dossier personnel Bel Hadj el Maafi (no 030308). Note d’information du 6 juin 1950. », Renseignements Généraux,
↑Marc André, « Commémorer et réprimer », dans Une prison pour mémoire : Montluc, de 1944 à nos jours, ENS Éditions, coll. « Sociétés, Espaces, Temps », (ISBN979-10-362-0575-0, lire en ligne), p. 31–82
Bédarida Renée et François, « La Résistance spirituelle, 1941-1944 : Les Cahiers clandestins du « Témoignage Chrétien », Paris, Albin Michel, , 411 p. (ISBN2-226-11711-3)
Bédarida Renée, « Pierre Chaillet. Témoin de la résistance spirituelle », Paris, Fayard, , 330 p. (ISBN2-213-02208-9)
Bédarida Renée, « Les armes de l’esprit. "Témoignage chrétien" : 1941-1944 », Paris, Les éditions ouvrières, , 378 p.
Patrick Cabanel, Résister, voix protestantes, Ed. Alcide, 2012
Étienne Fouilloux, « Les chrétiens français entre crise et libération : 1937-1947 », Paris, Les éditions ouvrières, , 287 p.
Bigex François-Marie, « Le missionnaire catholique ou instructions familières sur la religion », Paris, , 344 p.
Clément Jean-Louis, « La notion de "Résistance spirituelle » : une étude de concept à partir des cas français et italien » in Christian Bougeard et Jacqueline Sainclivier, « La Résistance et les Français. Enjeux stratégiques et environnement social », Rennes, Presses universitaires,
Molette Charles (Mgr), « Martyrs de la Résistance Spirituelle, victimes de la persécution nazie décrétée le 3 décembre 1943 ». Deux tomes., Paris, Guibert Francois-Xavier (de), , 1120 p. (ISBN978-2-86839-599-3)
Étienne Fouilloux, « La Résistance spirituelle : une approche comparée », Presses universitaires, 1995.
« Églises et chrétiens dans la seconde guerre mondiale ». Actes du Colloque, Grenoble - 1976. Centre régional inter-universitaire d’histoire religieuse, dir. de Xavier de Montclos, Monique Luirard, François Delpech, Pierre Bolle. Presses universitaires. Lyon, 1978.
Henri de Lubac, « Résistance chrétienne à l’antisémitisme. Souvenirs (1940-1944) ». 1988.
Maurice Lugassy, Enguerrand Serrurier (dir.), Les hérauts de la Résistance catholique. Quatre-vingts ans après la Lettre de Mgr Saliège, Paris, Cerf, 2024, 440 p.
« Seconde Guerre mondiale et résistance spirituelle », Bulletin de littérature ecclésiastique, n° CXV/4, octobre-, Toulouse : Institut catholique de Toulouse, Artège, 164 p.
Dominique Lormier, Ces chrétiens qui ont résisté à Hitler, Artège, 2018.