Parlant couramment plusieurs langues (l'anglais, le français, l'italien, l'allemand et le russe), il intervenait régulièrement dans le doublage de ses propres films pour leurs versions autres qu'en anglais.
Biographie
Ascendance
Homme aux talents multiples, le « baron[1] » Peter Alexander von Ustinow naît en 1921 à Swiss Cottage à Londres. Son père, Jona von Ustinov (en russe : Иона Платонович Устинов), mort en 1962, est mobilisé au Wurtemberg en 1914 et employé par les services secrets allemands. Installé en Grande-Bretagne dans les années 1920, il utilise le métier de journaliste comme couverture pour ses activités au profit de l'Allemagne. En 1935, il passe[2] au service du MI5 puis au MI6 pendant la Seconde Guerre mondiale[3]. Il sera naturalisé britannique.
Sa mère, Nadejda Leontievna Benois (1896–1974), est une artiste-peintre d'ascendance russe, française et vénitienne[4].
Études et débuts professionnels
Peter Ustinov fait ses études à la prestigieuse Westminster School de Londres. Il envisage d'angliciser son nom en Peter Austin ; un de ses condisciples lui conseille de supprimer le « von » et de garder « Ustinov ». Il quitte la Westminster School à seize ans puis intègre la London Theater School, classe de M. Saint-Denis, pour suivre des cours d’art dramatique. Il y reste de 1937 à 1939.
Ustinov intègre en 1937 le Payer's Club où il élabore ses propres sketches satiriques. En 1938, il commence une carrière d’acteur dramatique. Le jeune acteur suit des cours de théâtre, puis fait sa première apparition sur les planches, à l’âge de 18 ans, avec grand succès. Ustinov fait preuve très tôt d’un incroyable talent d’imitateur. Après des débuts de comique et d’imitateur dans les théâtres londoniens, il obtient en 1940 son premier grand rôle dans une revue.
C’est en 1940 également qu’il écrit sa première pièce de théâtre, Fishing for Shadows. Il joue également, cette même année, son premier rôle important dans la revue Swinging the Gate. 1940 est une année riche en événements pour Ustinov ; il met en scène la pièce de théâtre House of Regrets. Il poursuit dans ce domaine l’année suivante avec sa première mise en scène de théâtre, Squaring the Circle. S’ensuit alors une brillante carrière de près de soixante ans.
La Seconde Guerre mondiale
Engagé dans les Commandos, il rejoint à sa demande le service cinématographique des armées, où il fait la connaissance de David Niven. Celui-ci, chargé tout d'abord de tenir un film de propagande, fait de Ustinov son ordonnance ; avec Carol Reed, ils commencent à monter le film The Way Ahead. Parallèlement, le colonel Dudley Clarke leur donne l'ordre de trouver et former un acteur qui doit se faire passer pour le maréchal Montgomery : c'est l'opération Copperhead. Niven et lui mettent la main sur le lieutenant Clifton-James, qui leur paraît le meilleur pour le rôle.
La radio
Entre 1952 et 1955, Peter Ustinov participe avec Peter Jones à la comédie In All Directions, adaptée pour la radio par la BBC, et dans laquelle ils interprètent les rôles de Morry et Dudley, deux gaillards stupides dans une voiture cherchant toujours Copthorne Avenue ; les épisodes se terminent invariablement par la phrase « Run for it, Morry ». Dans les années 1980, il participe également en France aux Grosses Têtes sur RTL.
Il débute au cinéma en interprétant un prêtre dans One of Our Aircraft Is Missing en 1943. En collaboration avec Eric Ambler, il écrit son premier scénario de film, The Way Ahead (1943). En 1945, Peter Ustinov vend son premier scénario de film, The True Glory. En 1946, il réalise son premier film et le coproduit : School for Secrets, pour le ministère de l'Aviation britannique, à partir d'une idée de l'officier du service des radars Patricia Moyes. Suivront les comédies Vice versa (1948) et Private Angelo (1949) ainsi que le drame d’aventures Billy Budd (1962) et la comédie Lady L (1965), tiré du roman de Romain Gary[5].
Au terme de sa carrière, il personnifie le comte de Mirabeau dans La Révolution française (1989) sous la direction de Robert Enrico.
L'écrivain et conteur
Acteur, metteur en scène, écrivain, Ustinov est également connu pour ses talents de conteur. Il a même enregistré des disques qui connurent un véritable succès.
L'homme de conviction
Ambassadeur de l’UNICEF, il se rend à Bruxelles au début de 1999, à l'invitation de Marc Lerchs et de Ghislain Belmans, les concepteurs d'Houtopia, la Cité des enfants à Houffalize, pour réaliser un tournage multimédia au Cirque Royal, destiné à expliquer les droits de l'enfant en cinq langues à des enfants entre 4 et 12 ans. Ustinov se rend aussi à Berlin en 2002, pour rencontrer les organisateurs du projet United Buddy Bears (en français Les Oursons unis). Il se prononce alors en faveur de l'ajout d'un ours irakien aux 140 pays déjà représentés, chose faite un an plus tard, lorsqu'il inaugure, en qualité de parrain de l'édition 2003, la deuxième édition des United Buddy Bears à Berlin.
Peter Ustinov fonde l'Institut Ustinov en 2003 à Vienne[6] ; l'institut est destiné à créer des universités au niveau international réunissant des connaissances sur les différentes cultures. Il œuvre aussi pour soutenir la création artistique et améliorer la situation sociale, spirituelle et médicale des enfants, sans distinction d'âge, d'origine ethnique ou de croyance religieuse[7].
Il crée la polémique en avec une déclaration dans le journal britannique The European, où il affirme : « Les Serbes sont un peuple en deux dimensions avec un besoin de simplicité et d’idéologie si basique, qu’on peut les comprendre sans effort. Ils ont besoin d’ennemis, pas d’amis, pour focaliser leurs idées bidimensionnelles. La vie est pour eux un air simple, jamais une orchestration ni même une harmonie agréable. Les animaux utilisent leurs ressources avec une félicité plus grande que ces créatures attardées dont l’abonnement à la race humaine est périmé depuis longtemps. »
Dernières années
Depuis 1957, Peter Ustinov vit dans le village de Bursins, dans le canton de Vaud en Suisse. C'est là qu’il meurt, dans la nuit du dimanche 28 au lundi , à l'âge de 82 ans, d'une crise cardiaque consécutive à un diabète. Il est enterré au cimetière de Bursins. Assiste à ses obsèques la directrice de l'UNICEF, Carol Bellamy, qui représente à cette occasion Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies.
Vie privée
Dans les années 1960, Peter Ustinov devient résident suisse afin d'échapper au système fiscal britannique, qui taxait fortement à l'époque les hauts revenus.
Il a été marié trois fois :
de 1940 à 1945 avec Isolde Denham (1920–1987), fille de Reginald Denham et Moyna MacGill et demi-sœur d'Angela Lansbury. De cette union naît une fille, Tamara, née le ;
de 1954 à 1971 avec Suzanne Cloutier (1923–2003), actrice et réalisatrice canadienne, dont il a trois enfants : Pavla (née le ), Igor (né le ) et Andrea (née le ) ;
de 1972 à sa mort avec Hélène du Lau d'Allemans (1926–2014).
Il est apparenté de loin au ténor suédois Nicolai Ustinov, connu sous le nom de Nicolai Gedda[8].
En 2023, l'héritage de ses quatre enfants est mis en vente par Sotheby's[9].
↑Titre non russe, accordé par le royaume de Wurtemberg à Platon G. Ustinov(en) (en russe : Платон Григорьевич Устинов) (1840–1918), hôtelier et collectionneur, grand-père de l'acteur. Issu d'une famille de récente noblesse russe, d'origine marchande, il se convertit au luthéranisme (vers 1876), devient sujet wurtembourgeois, puis s'installe en Palestine. Titre non reconnu au Royaume-Uni, patrie de l'acteur.
↑Max Hastings, The Secret War. Spies, Ciphers, and Guerrillas (1939–1945), Harper-Collins Publishers, New York, 2016, p. 11 (ISBN9780062259271). L'auteur note qu'il perd sa position de journaliste en 1935 du fait qu'il est juif. En réalité, selon l'autobiographie de l'acteur, Dear Me (1977), si son grand-père maternel (beau-père de Jonas), le missionnaire luthérien Moritz Hall (1838–1914) était effectivement d'origine juive (il venait de Cracovie), il s'était converti au luthéranisme et avait épousé en Palestine la protestante Katharina Zander (née Woizeru Walatta Iyasus Zander) (1850–1932), qui était allemande par son père, le peintre et conseiller militaire Eduard Zander (1813–1868), et éthiopienne par sa mère, Woizeru Essete Werq, fille d'un officier-général éthiopien, Meqado, lui-même (peut-être) descendant d'un aventurier portugais. En tenant compte de la conversion au luthéranisme de Platon, premier baron von Ustinow(en), son fils Jonas était donc de confession protestante ; c'est plutôt le fait qu'il soit né à Jaffa, en Palestine, où Platon s'était installé, qui a pu accréditer cette légende.
↑ Peter Day :Klop Ustinov, le plus ingénieux des espions britanniques — Noir sur Blanc 357 p., avril 2017, (ISBN978-2-88250-464-7).
↑Elle était la fille de Léon Nikolaïevitch Benois (1856–1928), célèbre architecte russe, descendant d'un pâtissier et confiseur français installé en Russie, et de Marie A. Sapojnikova (1858–1938), fille d'un riche marchand d'Astrakhan ; par son père, elle descendait du compositeur vénitien Catterino Cavos (1775–1840), qui fit carrière en Russie. Il ne faut pas la confondre avec sa cousine, Nadiejda Mikhaïlovna Sapojnikova (1877–1942), elle aussi artiste-peintre.
↑Critique du film par Marcel Lasseaux dans Livres de France, revue littéraire mensuelle no 2 : Françoise Mallet-Joris, février 1966, p. 27.