Dès la défaite, son père prend au sérieux la menace nazie. Si la famille Feigelson se fait recenser comme juifs en octobre 1940, c'est pour ne pas attirer l'attention des autorités. Dans la clandestinité, Pinkos fait distribuer dans les boîtes à lettres du quartier, par son épouse et son fils, des tracts manuscrits du groupuscule DAVID (Direction de l'Armée des Volontaires Israélites de Défense)[3]. Raphaël assiste également à la manifestation du 11 novembre 1940 aux Champs-Élysées[3].
La boutique de son père est identifiée par un placard sur sa vitrine comme une entreprise juive. Malgré cela ou à cause de cela, elle continue de servir de boîte aux lettres à plusieurs réseaux de résistance. Au printemps 1942, un client y dépose un poste émetteur-récepteur dissimulé dans un coffret de machine à coudre. Étant suivi par des agents de la Gestapo, ce client et Pinkos sont alors arrêtés. Ce dernier est condamné à 3 ans d'incarcération mais, à la suite d'une erreur administrative, le greffier de la prison comprend que la condamnation n'est que de 3 mois. Pinkos est donc vite relâché et se cachera dans son appartement jusqu'à la Libération de Paris.
Après l'arrestation d'un de ses compagnons, il est arrêté à son tour le 29 mai 1944 et torturé. Il déclare ne pas avoir parlé car le choc électrique dû à la gégène l'aurait rendu amnésique. Il est déporté de Drancy pour Auschwitz le 31 juillet 1944 par le convoi 77[4].
Auschwitz
À Auschwitz qu'il décrit comme un « enfer » dont on ne peut « sortir que par une cheminée »[4], il est tatoué avec le numéro B3747[3] et affecté à divers kommandos. Il parvient cependant à rejoindre une organisation de résistance.
Les SS commencent à évacuer le camp le 17 janvier 1945, entraînant des milliers de déportés dans les marches de la mort. Les résistants reçoivent alors l'ordre de se cacher. Le 21 janvier, alors que les SS arrivent pour raser le site, les résistants dont Feigelson, réussissent à s'évader et marchent à la rencontre des troupes soviétiques. Ils sont alors arrêtés le 24 ou le 25 janvier par l'Armée rouge, qui les prend pour des espions et qu'ils s'apprêtent à fusiller[7]. Feigelson a la chance de tomber sur Anatoly Shapiro(en), un officier juif qui comprend le yiddish[7], auquel il raconte Auschwitz et qu'il persuade de marcher vers ce camp. Feigelson retourne donc à Auschwitz avec les Soviétiques qui libèrent le camp le 27 janvier 1945[4]. Il « rejoint alors les unités de l'Armée rouge avec lesquelles il participe aux combats et au nettoyage de la région »[4]. Anatoly Shapiro salua bien plus tard sa bravoure[7].
Raphaël Feigelson peut ensuite regagner la France, en uniforme de l’Armée rouge, à bord d'un bateau anglais qui l'amène d'Odessa à Marseille. Il retrouve ses parents à Paris en avril 1945[4]. Il a alors 19 ans.
Après-guerre : témoin de la Shoah et écrivain
S'il devient commerçant pour gagner sa vie[8] il commence, dès l’après-guerre, à témoigner de l’expérience concentrationnaire et à lutter contre l’impunité des criminels nazis. En 1964, il est secrétaire général de l'Amicale des juifs anciens résistants[9]. Il participe à la création en 1971 du « Comité national de liaison pour la recherche et le châtiment des criminels de guerre », avant de créer l’association Auschwitz-Birkenau-Monowit, en 1979, pour contrer le discours négationniste. Il est un des premiers responsables associatifs porteur de la mémoire du génocide à évoquer le « devoir de mémoire » en 1991[10]. Il a publié plusieurs ouvrages aux Éditions Jean Grassin où il évoque la guerre et l'antisémitisme dont L’Usage de la parole (1964)[11], Le Crime du 15 décembre (1965) préfacé par Vercors, illustré par Jean Amblard[12] et Écrivains juifs de langue française[13].
↑Anny Latour, La résistance juive en France: 1940-1944, Stock, (lire en ligne).
↑ ab et cAnatoly Shapiro, « Le 27 janvier 1945, Auschwitz était libéré » [archive], sur La lettre de l'AFMA, bulletin d'information de l'association Fonds mémoire d'Auschwitz, texte écrit dans un samizdat en 1981, reproduit en novembre-décembre 2009, p. 9.