Victor Basch est né Victor Langsfeld : c'est après avoir été adopté par Raphaël Basch et son épouse Fanny Françoise Weissweiler, tous deux juifs[2],[3], qu'il prend le nom de Basch. Lorsqu'il est enfant, la famille s'installe à Paris, au 62, rue Rodier ; Raphaël Basch y est correspondant de presse. Fanny Françoise Weissweiler se suicide le [2], au cours d'une crise de neurasthénie.
Il fait de brillantes études au lycée Condorcet[3],[4] d'abord, puis ses études supérieures en allemand et en philosophie à la Sorbonne.
En 1906, il est délégué dans les fonctions de chargé d'un cours de langue et littérature allemandes à la faculté des lettres de Paris, puis il est chargé de ce cours en 1908, professeur adjoint en 1913, professeur sans chaire en 1921 et il est nommé professeur d'esthétique de 1928 à 1933[11],[12].
Ses travaux sur l'esthétique, en particulier sa thèse de doctorat sur Kant, ont une profonde influence sur l'un de ses étudiants qui devient également l'un de ses disciples favoris, le jeune philosophe Valentin Feldman, qui rend un hommage appuyé à son maître dans son ouvrage de vulgarisation sur le sujet, L'Esthétique française contemporaine (Paris, Félix Alcan, 1936).
Intellectuel engagé
Socialiste anticonformiste, il s'est battu dans sa jeunesse pour Dreyfus (il a couvert le procès de Rennes en 1899). Septuagénaire, il a pris une part importante dans la naissance du Front populaire et a apporté son soutien aux républicains espagnols.
Dans les années 1920 et 1930, il s'engage contre l'extrême droite et est même blessé en par les Camelots du roi, lors d'un meeting houleux, alors qu'il est âgé de 67 ans. Il étudie de près le régime nazi, rédigeant des analyses sur les causes de l'antisémitisme nazi et sur celles de la nuit des Longs Couteaux[15].
Assassinat de Victor et Hélène Basch
Inquiétés dès les débuts de l'Occupation (son logement est pillé, Victor Basch perd ainsi nombre d'écrits entreposés dans l'appartement), Victor et Hélène fuient en zone libre, en 1940, et s'installent dans le quartier de Saint-Clair à Caluire-et-Cuire, exactement au 116, Grande-rue-Saint-Clair.
Investi dans la défense des droits de l'homme et dans la franc-maçonnerie, Victor Basch est recherché par Vichy[16]. En , la milice de Lyon, dirigée par Paul Touvier, repère[16] Victor Basch à Caluire-et-Cuire. Le , accompagné d'une dizaine de miliciens, en particulier Lécussan, chef régional de la milice, et du lieutenant Moritz de la Gestapo, Touvier participe[16] lui-même à l'arrestation de Victor Basch et de son épouse Hélène, âgée de 79 ans, qui refuse[16] d'abandonner son mari. Lécussan raconte par la suite : « Moritz jugea Victor Basch trop âgé pour pouvoir l'arrêter, et nous décidâmes de l'exécuter »[16] ; Lécussan, accompagné d'autres miliciens et de Moritz, conduit alors le couple à Neyron dans l'Ain où Victor et Hélène Basch sont abattus[16] de plusieurs coups de feu, le soir même. Lécussan reconnaît avoir abattu[17] lui-même Victor Basch ; Gonnet se chargeant d'assassiner Hélène Basch de deux balles de pistolet[17].
Sur le corps de Victor Basch, est retrouvé un écriteau laissé par les miliciens sur lequel était inscrit :
« Terreur contre terreur. Le juif paie toujours. Ce juif paye de sa vie l'assassinat d'un National. À bas De Gaulle-Giraud. Vive la France. »
— Comité national anti-terroriste, région lyonnaise[18].
Question de la responsabilité de Touvier
Cette question a, entre autres, été traitée par la justice, notamment au travers des procès successifs de Touvier. D'abord, celui relatif au non-lieu rendu par la chambre d'accusation, le ; puis lors du pourvoi formé devant la Cour de cassation, qui casse partiellement le non-lieu, le . Au cours de ce pourvoi et au sujet de la complicité d'assassinat de Victor et Hélène Basch, le , la Cour de cassation rend à nouveau un verdict de non-lieu[19] : l'assassinat de Victor et Hélène Basch serait le fait[19] de Lécussan et de Moritz. Ceci, malgré la présence de Touvier à la réunion préparatoire à l'expédition de Caluire (témoignage de Louis Macé, milicien) et sa présence à l'arrestation elle-même (rapportée par Lécussan et par Macé).
Outre le fait que le rapport tient[19] compte du contexte du premier témoignage de Macé (à la Libération), il considère également le fait que Lécussan ne fait pas état de la présence[19] de Touvier à Neyron, ni d'une décision explicite[19] de Touvier concernant l'assassinat des Basch. Or Lécussan et Touvier entretenaient[19] de mauvaises relations…
L'ancien chauffeur de Paul Touvier, Jean-Lucien Feuz, rapporte les paroles de ce dernier après l'assassinat du couple Basch : « Nous les avons eus, ces sales Juifs. » [20].
Suzanne, née à Rennes, Le Gros Chêne en Saint Laurent, [23] ;
Yvonne (Rennes, Le Gros Chêne en Saint Laurent, - 1975)[24], épouse du sociologue Maurice Halbwachs, (né en 1877 et mort en déportation à Buchenwald le ) ;
Georges Louis (Rennes, le Gros Chêne en Saint-Laurent, [25] (se suicide le ), marié à Marianne Basch, née Moutet, décédée en l’an 2000 ; leur fille est Françoise Basch, universitaire et féministe, et leur fils André Victor Basch[26], né à Paris XVIIe, 167 boulevard Malesherbes, qui épousa à Paris XVIIIe le Laurence Bataille[27], fille de l'écrivain Georges Bataille et de sa première épouse Sylvia Maklès. Ils eurent une fille.
Le à l'initiative de la LDH (Ligue des droits de l'homme), une plaque commémorative a été inaugurée en l'honneur de Victor et Hélène Basch à Montrouge, à l'angle de la rue Victor-Basch et de la rue Carvès. Cette plaque rappelle que Victor Basch présida les Assises de la paix et de la liberté, au stade Bufalo à Montrouge, le , événement fondateur du Front populaire[29].
À l'occasion de l'année internationale de la paix de 1986, La Poste émet un timbre à l'effigie de Victor Basch[30],[31],[32].
↑ a et b(en) Venita Datta, Birth of a National Icon : The Literary Avant-Garde and the Origins of the Intellectual in France, SUNY Press, 327 p. (ISBN978-1-4384-0052-5, lire en ligne).
↑Victor Basch, De Poesi ingenua ac quae dicitur sentimentali Schillerius quid senserit [en ligne], Rennes, Oberthur, 1897, 162 p., URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5347675n, consulté le 20 novembre 2023.
↑Christophe Charle, « 3. Basch (Guillaume dit Victor) », Publications de l'Institut national de recherche pédagogique, vol. 2, no 2, , p. 21–23 (lire en ligne, consulté le )
↑PV 18 du 11 janvier 1944 de la brigade de gendarmerie de Sathonay, inLe Livre noir des crimes nazis dans l'Ain pendant l'Occupation, Édition du Bastion, , 132 p. (ASIN2745503030, présentation en ligne), p. 71.
Françoise Basch (postface Élisabeth de Fontenay), Victor Basch ou La passion de la justice : de l'affaire Dreyfus au crime de la Milice, Paris, Plon, , 389 p. (ISBN2-259-02409-2).
Laurent Tronche, Victor et Hélène Basch : chronique d'un assassinat, in revue n° 38 de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la Plaine de l'Ain (Shapa), 2018, pp. 49-51.
Gérard Chauvy, Histoire sombre de la milice : Le dossier de la phalange maudite de la France de 1943, Ixelles, , 351 p. (ISBN978-2-87515-168-1).
Filmographie
Victor Basch, dreyfusard de combat, Vincent Lowy, 2005, documentaire de 52 min.