Né à Paris d'une modeste famille de confession juive, Serge Korber passe une partie de la guerre caché par une famille protestante du Chambon-sur-Lignon, ses parents étant réfugiés en zone libre à Montauban[1].
Il quitte l'école dès 14 ans, après le certificat d'études pour devenir apprenti tapissier. Il entre à l'école Boulle, section tapisserie, où il apprend l'histoire de l'art.
Parallèlement à ses activités au Cheval d'Or, il fréquente assidûment la cinémathèque : son rêve est d'écrire et de réaliser des films.
Il entre en contact avec Guy Debord, récent fondateur de l'Internationale situationniste qui, à l’automne 1958, vient lui-même d’ouvrir, avec son épouse Michèle Bernstein et leur ami Jacques Florencie, le cabaret La Méthode situé également rue Descartes. Il participe même à l'enregistrement d'une conférence sur magnétophone destinée à une manifestation du mouvement situationniste programmée avec le Stedelijk Museum d'Amsterdam[2]. Debord le prend comme premier assistant du court métrage Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps, dont la première partie du tournage a lieu en [3]. Cependant, en août, au moment de débuter le montage, un différend éclate entre eux et Korber est écarté par Debord qui ne le fait donc pas figurer au générique[4].
Toujours en 1962, il rencontre grâce à François Truffaut le producteur Pierre Braunberger qui, de 1962 à 1964, va produire ses huit premiers courts métrages[5], primés dans de nombreux festivals.
Il refuse cependant de produire son neuvième projet : c'est Marin Karmitz qui, commençant sa carrière de producteur, le produit en empruntant l'argent à son père[réf. nécessaire]. Ce film, Un jour à Paris, avec Jean-Louis Trintignant, est vendu dans le monde entier et Marin Karmitz entame alors une carrière de producteur distributeur avec sa société, MK2. La rencontre avec Jean-Louis Trintignant, devenu vedette après Et Dieu… créa la femme (1956), permet à Serge Korber de réaliser son premier long métrage, Le Dix-septième Ciel.
Il se voit alors confier par le producteur Alain Poiré la réalisation de l'adaptation du roman de René Fallet par Michel Audiard, Un idiot à Paris. Satisfait de cette collaboration, Audiard lui propose le scénario de La Petite Vertu.
Serge Korber est notamment connu pour avoir tenté de moderniser le personnage de Louis de Funès dans deux films qui connaîtront un succès relatif au regard de la popularité de l'acteur à cette époque : L'Homme orchestre et Sur un arbre perché en 1970.
« Trop souvent privé de metteur en scène, Louis de Funès, à part Gérard Oury et Edouard Molinaro, trouve son troisième en la personne de Serge Korber. Le premier, Gérard Oury, a conçu des comédies à grand spectacle de plus en plus audacieuses et délirantes. Le deuxième, Edouard Molinaro, a mis la science de sa technique au service de la comédie Oscar et Hibernatus. Le troisième, Serge Korber, le plus expérimental a accédé au profond désir de renouvellement du maître clown, en mettant au point deux prototypes qu'on gagnera à redécouvrir L'Homme orchestre et Sur un arbre perché. »
La période « John Thomas » (1975-1977)
En 1975, Serge Korber bouscule la censure à la suite d'un pari avec François Truffaut et Claude Chabrol en réalisant une suite de films pornographiques sous le pseudonyme de John Thomas (infra).
Carrière ultérieure (1977-2014)
Serge Korber réalise ensuite quelques longs métrages puis, dans les années 1980, se tourne vers la télévision.
Serge Korber est marié, de 1962 jusqu'à sa mort, à Marie-Claire Korber[6] ; ils ont un fils, Thomas, qui est scénariste[7]. Sa femme Marie-Claire est la chef monteuse de presque tous ses films. Il vécut de nombreuses années à Brens, dans le Tarn, dans une maison dont il s'était séparé en 2019.
Mort et funérailles
Serge Korber meurt à Paris[8],[9] le , à l'âge de 85 ans[10], jour où France 3 avait programmé de longue date un de ses films les plus connus, L'Homme orchestre, comme film du dimanche après-midi.
Ses obsèques ont lieu le au crématorium du Père-Lachaise à Paris[11]. Ses cendres sont ensuite inhumées dans la 40e division du cimetière.
Sous le nom de John Thomas : l'affaire de L'Essayeuse (1975)
En 1975, François Truffaut, Serge Korber et Claude Chabrol évoquent lors d’une réunion amicale le poids de la censure. Ils font un pari, que Serge Korber qualifie avec le recul d’un peu stupide : réaliser un film pornographique. Le nom de Serge Korber est tiré au hasard parmi les trois réalisateurs et il réalise L'Essayeuse, l’idée étant de faire reculer la censure[12]. Le film était auto-produit, et les distributeurs, UGC et SND, très demandeurs. Parce que l’État introduit en 1975 le classement X pour les films pornographiques, L'Essayeuse obtient le 21 août 1975 un visa de contrôle No 44432 par le CNC[13]. En cinq semaines de projections dans une dizaine de salles de cinéma (date de sortie en salle : le 9 septembre 1975), près de 69 000 spectateurs ont pu voir ce film.
Dans la foulée, 45 associations de vertus se liguent et portent plainte contre le film auprès de la justice afin que ce dernier soit retiré des salles de cinémas. Parmi ces associations, le Comité de liaison pour la dignité et de la personne humaine (CLDPH) affirme même : « Nous disons que ces producteurs de films devraient aller en prison et être empêchés de nuire ». Le président des AFC (Associations familiales et catholiques) affirme également à l’époque : « Nous avons cherché un film faisant l’étalage de toutes les perversions sexuelles, bâti sur un scénario lamentable, bref, un film sans aucune qualité artistique, ou alibi intellectuel. L’Essayeuse correspondait parfaitement à ce profil »[14]. Bien que le film ne soit pas plus obscène et de mauvais goût que les autres films de ce genre, les plaignants veulent ici faire un exemple. Le 8 novembre 1976, la 17e chambre correctionnelle de Paris demande la destruction du corps du délit pour incitation à la débauche et à la dépravation[15], le réalisateur, le producteur, les techniciens, les acteurs, ainsi que le scénariste sont d'abord condamnés[16] (pour atteinte à la dignité humaine)[17] à des amendes allant de 400 à 10 000 francs pour outrages aux bonnes mœurs. La condamnation est confirmée et amplifiée en appel le , les amendes allant cette fois de 3 000 à 18 000 francs, la cour d'appel ordonnant, pour la première fois en France depuis la guerre, « la saisie et la destruction du négatif et de toutes les copies du film ayant servi à commettre le délit »[18].
Le film est interdit, sa copie brûlée, et Serge Korber condamné à une lourde amende. La mort de Jean Gabin le 15 novembre 1976 advient en même temps que le jugement de la 17e chambre correctionnelle de Paris est rendu. Charlie Hebdo titre : « Cinéma français deux morts : Jean Gabin - L'Essayeuse ». La procédure pénale a duré deux ans : Serge Korber a donc pu réaliser d'autres films porno durant les années 1975-1977, sous le même pseudonyme, John Thomas, avec comme interprètes réguliers Alain Saury (son acteur dans trois films), Richard Darbois, Bob Asklöf, Gabriel Pontello, Richard Allan, Emmanuel Pluton, Emmanuelle Parèze, Sylvia Bourdon. Dans le film 3001. L'odyssée de l'extase, il a utilisé des plans de L'Essayeuse : deux scènes de viol d'Emmanuelle Parèze par le gang. Après sa condamnation définitive le 10 juin 1977, Serge Korber paye une amende de 18 000 francs et dit adieu à la pornographie. Mais, avant sa mort, il affirme : « Je ne regrette rien, c'était très amusant à faire, il n'y avait aucun vice ».
Plusieurs personnalités dont des critiques réclament en 2013 la réhabilitation de « cet excellent film" »[19], qu'ils qualifient rétrospectivement de « film martyr de censure »[14].
1959 : Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps, assistant réalisateur du deuxième film de Guy Debord, non crédité au générique
↑Selon CNC : le réalisateur du film est Justin Lenoir, 18/08/1975 N° de Visa 44434, date de sortie en salle: 08/10/1975 ; avec Yves Collignon, Ellen Earl, Pierre Danny, Richard Darbois, Laure Cottereau