Joseph Benzacar naît à Bordeaux en 1862, d'un père rentier, au sein une famille israélite française, installée à Bordeaux dès 1781, d'origine portugaise[1]. Il a un frère, Nathaniel Aaron Benzacar, né le , à Bordeaux[2].
Joseph Benzacar est bachelier à 20 ans, titulaire du baccalauréat ès sciences en 1882 et du baccalauréat ès lettres en 1883[3]. En 1886, il est licencié en droit en 1886 de la Faculté de droit de Bordeaux.
Fort de ce diplôme, il s'inscrit au barreau de Bordeaux dès 1887, barreau qu'il ne quittera qu'en 1922.
Il poursuit ses études juridiques en parallèle et, le , il obtient le grade universitaire de docteur en droit de l'université de Bordeaux. Il soutient deux thèses de doctorat : « De la bonne foi : ses effets sur les contrats du premier au sixième siècle de l'Empire en droit romain »[4] et « Les accidents du travail manuel dans le louage de services en droit français »[5].
Il poursuit son activité d'avocat et, à partir de 1895, il est chargé d'un cours d'économie politique à la Faculté de Bordeaux.
Il présente et réussit le concours de l'agrégation en 1897 et se trouve nommé professeur à Bordeaux où il commence sa carrière qui durera 37 ans. Il commence par enseigner le droit criminel, la législation coloniale et la science financière, puis se spécialise et devient l’un des premiers enseignants spécialistes en économie, à une époque où l'agrégation est encore généraliste et où chaque professeur peut encore enseigner la matière de son choix[6].
Il prend sa retraite le [7] mais son service est prolongé jusqu'au [3].
Sur un plan personnel, il se marie une première fois le [8] avec Marguerite-Clotilde Kraemer. Leur union, jusqu'en 1905, leur donnera 3 enfants dont Joseph Benzacar obtiendra la garde exclusive lors du divorce. Trois ans plus tard, il se marie une seconde fois, le , avec Juliette Esther Bernheim, morte en déportation. Ils ont un enfant, Pierre Benzacar, qui exerce comme avocat à Bordeaux.
Joseph Benzacar connaît les deux conflits mondiaux. Pendant la Première Guerre mondiale, déjà âgé de 52 ans, il est réformé mais il souhaite servir son pays, en donnant des conférences dans la région sur les emprunts de guerre et la remise d'or à la Banque de France[9]. La Seconde Guerre mondiale lui est fatale. Alors qu'il est professeur d'université et adjoint au maire de Bordeaux, du fait de sa religion juive, il est persécuté, spolié, déchu de son mandat municipal en 1940 et tué en déportation avec une partie de sa famille en 1944.
Activités et fonctions académiques
Étudiant, Joseph Benzacar est cofondateur puis premier président de l'Association générale des étudiants[9].
Dans le cadre de son activité académique, en plus de ses enseignements, il est directeur de l'Institut d'études et de documentation économiques et sociales de la Faculté de droit, et vice-président de l'Institut colonial.
Actif dans le domaine des recherches historiques en économie et dans les publications scientifiques, il est président de la Société de l'histoire de Bordeaux, membre du Comité des travaux historiques, secrétaire du Comité local de publication des documents de la Révolution et vice-président de la Société d'économie politique. Il participe par ailleurs à la création de la Revue de la Société de l'histoire de Bordeaux ainsi que de la Revue économique de Bordeaux qu'il dirige également[7].
Enseignement et recherche
Joseph Benzacar est un tenant de l'école de pensée de Charles Gide[9]. Son enseignement et ses recherches portent principalement sur l'économie financière et l'économie politique[10]. Il enseigne principalement l'économie politique, la science financière, la législation industrielle et la législation coloniale.
Économiste et historien, ses travaux de recherche concernent l'histoire économique et sociale de la ville de Bordeaux à laquelle il est très attaché[11], notamment les subsistances à Bordeaux (1905), la vente des biens nationaux en Gironde[12], l'administration de l'intendantTourny[13], la démographie bordelaise, les finances et l'activité économique de la ville[14],[15],[16], l'activité économique du port de Bordeaux, le droit des vins de Bordeaux[17], l'historiographie bordelaise, etc.[18].
Activités politiques et sociales
Joseph Benzacar est engagé dans le domaine social en tant qu'administrateur du Bureau de bienfaisance de Bordeaux et membre la Commission départementale d'action économique et du coût de la vie.
Militant du Parti radical-socialiste, il prend part à la vie politique bordelaise dont il devient une figure notable. Bien qu'il se présente sans succès aux élections législatives de 1914, c'est après une première candidature aux élections municipales de 1912 qu'il est élu au conseil municipal en 1925. Il conserve son mandat sans discontinuer de 1925 à 1938. Il participe à l'action municipale en tant qu'adjoint au maire, Adrien Marquet, chargé de l'état civil et du contentieux pendant ces 13 années[7].
Persécutions antisémites pendant la Seconde Guerre Mondiale
En 1940, la déchéance de son mandat municipal est une première conséquence des persécutions des Juifs en France pendant cette période. L'occupation nazie aboutit à la réquisition de son domicile, au sein duquel seules deux pièces lui sont laissées. En 1942, son compte bancaire est bloqué et saisi.
À l'âge de 81 ans, le , Joseph Benzacar est arrêté avec son épouse Juliette Esther Benzacar, née Bernheim (63 ans), née le à Eauxvives[2], son frère Nathaniel Aaron Benzacar (74 ans) et sa belle-sœur Emma Hélena Benzacar, née Molina (62 ans), née le à Bordeaux[2]. La dernière adresse de Joseph et Juliette Benzacar est au 29 rue Emile Fourcaud à Bordeaux et celle de Nathaniel et Emma Benzacar est au 104 cours d'Alsace Lorraine à Bordeaux[2].
Ils trouvent la mort à Auschwitz où ils sont gazés dès leur arrivée le [21].
Tous les quatre sont déclarés morts en déportation en application de la loi n°85-528 du sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation. La mention est portée sur leur état-civil[22],[19].
La ville de Bordeaux donne, en 1951, à une rue de Bordeaux le nom de rue du Professeur Benzacar[23].
Un amphithéâtre de la Faculté de droit de Bordeaux reçoit le nom de Joseph Benzacar le [23].
Deux « pavés de mémoire » sont posés, le 30 mai 2024, au 27 rue Émile Fourcand, à Bordeaux, à côté du Palais Gallien, dernier lieu de vie de Joseph et Juliette Esther Benzacar[24].
Œuvres
Les accidents du travail manuel dans le louage de services, Paris, Larose et Forcel, , 247 p. (lire en ligne)
Le Créateur d'une science nouvelle au XVIIIe siècle, François Quesnay. (conférence faite en l'assemblée générale de la Société d'économie politique de Bordeaux, le 29 avril 1896 ), Bordeaux, G. Gounouilhou,
Le Pain à Bordeaux (XVIIIe siècle), Bordeaux, impr. de G. Gounouilhou, , 122 p.
« Les Jeux de hasard à Bordeaux (1701-1789) », Extrait de la Revue philosophique de Bordeaux et du Sud-Ouest, Bordeaux, G. Gounouilhou,
Enquête sur la banque royale de Law dans l'élection de Bordeaux. Extrait du Bulletin des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, Impr. nationale, , 24 p.
Éclaircissements sur les finances de Bordeaux (XVIIIe siècle. 1701-mai 1791). Première partie. Impositions locales. (Extrait de la Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, n° 1, 3, 5 et 6, 1916 ; nos 2, 4 et 6, 1917), Bordeaux, impr. de Gounouilhou, , 99 p.
Bibliographie
Marc Malherbe, « Un universitaire victime de la Shoah : Joseph BENZACAR (1862-1944) », L'Écho des carrières, no 59, , p. 5-23 (lire en ligne [PDF])
↑Jean Cavignac, « L’immigration des juifs portugais à Bordeaux au XVIIIe siècle, dans le Sud-Ouest et la péninsule ibérique », Revue de Pau et du Béarn, , p. 125-138 (ISSN0241-7413)
↑Joseph Benzacar, De la bonne foi : ses effets sur les contrats du premier au sixième siècle de l'Empire en droit romain (Thèse de droit), Bordeaux, , VIII-91 p. (SUDOC047215453, lire en ligne)
↑Joseph Benzacar, Les accidents du travail manuel dans le louage de services en droit français (Thèse de droit), Bordeaux, , XV-250 p. (SUDOC047215453, lire en ligne)
↑Après le 23 juillet 1896, l’agrégation est fractionnée en quatre options : droit public, droit privé, histoire du droit et sciences économiques. Cf. Marc Malherbe, « Un universitaire victime de la Shoah : Joseph Benzacar... », L'Écho des carrières, 2010, p. 7
↑Archives municipales de Bordeaux, 2MI D4/116 (acte du mariage en date du 2 novembre 1898)
↑ ab et cAndré Garrigou-Lagrange, « Cérémonie du souvenir. Éloge de Joseph Benzacar », Annales de la Faculté de droit de l'Université de Bordeaux, nos 1-2, , p. 9-12 (ISSN0988-2324, SUDOC013303619)
↑Joseph Benzacar, « Le créateur d'une science nouvelle au XVIIIe siècle, François Quesnay », Revue économique de Bordeaux, (ISSN2017-8425)
↑Robert Poplawski, « Cérémonie du souvenir. Discours de M. Robert Poplawski », Annales de la Faculté de droit de l'université de Bordeaux, nos 1-2, , p. 5-9 (ISSN0988-2324, SUDOC013303619)
↑Marcel Marion, Joseph Benzacar et Gustaaf Caudrillier, Documents relatifs à la vente des biens nationaux : Département de la Gironde. 1, Districts de Bordeaux et de Bourg, Bordeaux, Cadoret, , XXXVIII-710 p. (SUDOC010791655)
↑Joseph Benzacar, Règles économiques de l'administration d'Aubert de Tourny, intendant de Bordeaux, Paris, Imprimerie nationale, , 81 p. (SUDOC163645574)
↑« Éclaircissements sur les finances de Bordeaux (XVIIIe siècle - 1701 - mai 1791) », Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, nos 1, 3, 5 et 6 de 1916 ; 2, 4 et 6 de 1917, 1916-1917 (ISSN0242-6838)
↑Joseph Benzacar, « Enquête sur la Banque royale de Law dans l'élection de Bordeaux », Bulletin de la Section des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques, (ISSN1243-2601, SUDOC144803607)
↑Joseph Benzacar, « Les jeux de hasard à Bordeaux (1701-1789) », Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, no 5, (ISSN1245-6233, SUDOC16370032X)
↑Joseph Benzacar, Fondements juridiques de la délimitation du cru bordelais : l'appellation et la marque "Bordeaux", Bordeaux, Imprimerie Barthélémy, , 31 p. (SUDOC163607249)
↑Joseph Benzacar, « Dom Devienne, historiographe de Guienne (XVIIIe siècle) », Revue philomatique de Bordeaux et du Sud-Ouest, no 4, (ISSN1245-6233, SUDOC163751110)
↑ a et bMarc Malherbe, « Un universitaire victime de la Shoah : Joseph BENZACAR (1862-1944) », L'écho des carrières, no 59, , p. 5-23 (ISSN1246-2772, SUDOC204152283, lire en ligne)
↑ a et bSynagogue de Bordeaux, Plaques commémoratives des convois Bordeaux-Drancy.
↑France. Ministère de la défense, « Arrêté du 22 janvier 2009 portant apposition de la mention« Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès », Journal officiel de la République française, no 30, , p. 2073 (ISSN0373-0425, SUDOC013303414, lire en ligne)
↑ ab et cSynagogue de Bordeaux. Biographie enregistrée de Joseph Benzacar